Cass. 1re civ., 23 novembre 2022, n° 21-16.903
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Chauvin
Rapporteur :
Champ
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 4 février 2021), suivant offres de prêt acceptées le 20 janvier 2010, la société BNP Paribas (la banque) a consenti à M. et Mme [F] [E] (les emprunteurs) deux prêts garantis par le cautionnement de la société Crédit logement (la caution).
2. A la suite du prononcé de la déchéance du terme par la banque, la caution a payé les sommes réclamées et assigné les emprunteurs en remboursement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La caution fait grief à l'arrêt de condamner solidairement les emprunteurs à lui payer la seule somme de 4 998,39 euros avec intérêts légaux à compter du 13 janvier 2016 et de rejeter en conséquence sa demande tendant à les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 110 793,79 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2017, alors « que la caution qui a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal n'a point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; que la possibilité pour un débiteur d'invoquer l'irrégularité du prononcé de la déchéance du terme constitue un moyen affectant l'exigibilité de sa dette mais non un moyen lui permettant de la faire déclarer éteinte, de sorte que l'existence d'un tel moyen ne prive pas la caution de son recours personnel contre lui ; qu'en énonçant, pour juger que la société Crédit Logement était privée de son recours contre M. et Mme [F] en application de l'article 2308 du code civil, qu'au moment où elle avait effectué ses paiements en qualité de caution, les époux [F] auraient pu se prévaloir contre la banque BNP Paribas de l'irrégularité de la déchéance du terme et de l'absence d'exigibilité du capital restant dû, cependant que ce moyen, qui ne leur permettait pas de faire déclarer leur dette éteinte, ne pouvait priver la société Crédit Logement, caution, de son recours personnel contre eux, la cour d'appel a violé l'article 2308 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
4. Les emprunteurs contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il serait contraire à la position défendue par la caution devant la cour d'appel.
5. Cependant, ce moyen n'est pas contraire aux écritures de la caution devant la cour d'appel, dès lors que celle-ci avait soutenu que les emprunteurs ne disposaient pas de moyens de nature à faire déclarer leur dette éteinte.
6. Il est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 2308, alinéa 2, du code civil :
7. Aux termes de ce texte, lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, sauf son action en répétition contre le créancier.
8. Pour rejeter les demandes en paiement de la caution, l'arrêt retient qu'au moment où celle-ci a effectué ses paiements, sans être poursuivie et sans avoir averti préalablement les emprunteurs, ceux-ci auraient pu se prévaloir de l'irrégularité de la déchéance du terme et de l'absence d'exigibilité du capital restant dû, de sorte que la caution a commis une faute de nature à la priver de son droit à recours.
9. En statuant ainsi, alors que le débiteur ne peut pas opposer à la caution qui exerce son recours personnel l'irrégularité de la déchéance du terme de sa dette, celle-ci n'étant pas une cause d'extinction de ses obligations, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. et Mme [F] [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux, et signé par lui même et Mme Vignes, greffier de chambre présent lors du prononcé.