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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-6, 13 novembre 2025, n° 25/01165

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

In System (SARL)

Défendeur :

SVD Gestion (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pages

Conseillers :

Mme Deryckere, Mme Michon

Avocats :

Me Duprey, Me Moulinet

JEX Nanterre, du 17 janv. 2025, n° 24/07…

17 janvier 2025

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant ordonnance rendue le 23 juillet 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a autorisé la société In System, qui exerce une activité d'intégrateur informatique de gestion, à faire pratiquer une saisie conservatoire de créances en garantie d'une créance évaluée à la somme de 200 000 euros qu'elle prétend détenir à l'encontre de la société SVD Gestion, qu'elle a par ailleurs assignée au fond devant le tribunal de commerce de Nanterre le 16 juin 2023, au titre de l'indemnisation d'un préjudice résultant d'agissements de concurrence déloyale.

La mesure, mise en oeuvre le 1er août 2024, a permis d'appréhender une somme de 114 135,53 euros sur le compte bancaire détenu par la société SVD Gestion à la banque CIC Est.

Par acte du 27 août 2024, la société SVD Gestion a assigné la société In System devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en contestation de cette mesure conservatoire.

Par jugement contradictoire rendu le 17 janvier 2025, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par la société In System à l'encontre de la société SVD Gestion, sur autorisation de l'ordonnance du 23 juillet 2024, rendue sur requête par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre ;

- condamné la société In System à payer à la société SVD Gestion la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la saisie ;

- condamné la société In System à payer à la société SVD Gestion la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société In System aux dépens de l'instance ;

- rappelé que sa décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

Le 13 février 2025, la société In System a relevé appel de cette décision.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 septembre 2025, avec fixation de la date des plaidoiries au 25 septembre 2025.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 30 juin 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société In System, appelante, demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel ;

- infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 17 janvier 2025 en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par la société In System à l'encontre de la société SVD Gestion, sur autorisation de l'ordonnance du 23 juillet 2024, rendue sur requête par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre ; condamné la société In System à payer à la société SVD Gestion la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la saisie ; condamné la société In System à payer à la société SVD Gestion la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société In System aux dépens de l'instance ;

En conséquence,

- confirmer la saisie conservatoire autorisée par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre par ordonnance du 23 juillet 2024 ;

En conséquence,

- l'autoriser à faire pratiquer une saisie conservatoire pour la garantie de la somme de 200 000 (deux cent mille euros) euros sur la créance qu'elle détient sur la société SVD Gestion, au capital social de 1 490 euros, inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 794 659 946 ayant son siège social sis [Adresse 2], représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ;

- débouter la société SVD Gestion de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions ;

- condamner la société SVD Gestion à payer les frais de la saisie ;

- condamner la société SVD Gestion au paiement de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 26 juin 2025 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société SVD Gestion, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en date du 17 janvier 2025, en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par la société In System à l'encontre de la société SVD Gestion, sur l'autorisation de l'ordonnance du 23 juillet 2024, rendue sur requête par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre ; condamné la société In System à payer à la société SVD Gestion la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la saisie ; condamné la société In System à payer à la société SVD Gestion la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société In System aux dépens de l'instance ;

En tout état de cause :

- condamner en cause d'appel la société In system à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 6 novembre 2025, prorogé au 13 novembre 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

A titre liminaire, il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Sur le sort de la mesure conservatoire

En application des dispositions de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur sans commandement préalable si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

La preuve que ces deux conditions cumulatives permettant de fonder une mesure conservatoire sont effectivement réunies incombe au demandeur à la mesure, y compris dans le cadre d'une demande de rétractation.

Quant à la créance fondée en son principe :

La société In System soutient qu'elle dispose à l'égard de la société SVD Gestion d'une créance qui parait fondée en son principe, résultant du préjudice subi du fait des agissements de cette dernière. Elle expose que 3 de ses salariés, M. [H], M. [D] et Mme [L], sont partis concomitamment chez sa concurrente SVD ( alors constituée de 2 sociétés distinctes, SVD Gestion et SVD Consulting), dans laquelle les deux premiers étaient également associés, avec de nombreux clients, détournés par des procédés illicites ( détournement de données confidentielles, travail pour le concurrent alors qu'ils étaient encore salariés d'In System, etc...). Elle fait valoir qu'elle a obtenu du président du tribunal de commerce d'Évry, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, l'autorisation de procéder à des mesures d'instruction en vue d'une action au fond en concurrence déloyale, puis la levée du séquestre des documents et informations saisis par l'huissier instrumentaire, et que son adversaire a été déboutée de sa demande de rétractation ; que 3 décisions de justice exécutoires ont ainsi reconnu qu'elle disposait d'éléments de preuve sur la concurrence déloyale de SVD Gestion, qui confirment la crédibilité d'une créance à l'endroit de SVD. Le principe de la créance est également fondé sur les pièces saisies chez SVD Gestion, lors des opérations pratiquées le 26 janvier 2022. Ces pièces mettent en évidence que M. [H], alors qu'il était toujours salarié d'In System, a démarché les clients de son employeur au profit de SVD Gestion, qu'un logiciel développé et créé par In System a été récupéré par M. [D] au profit de SVD Gestion, et que le gérant de la société SVD Gestion, M. [V], était impliqué dans le détournement de sa clientèle, puisque donnant des instructions à M. [H] et à M. [D] à cet effet.

Du fait du départ de ses 3 salariés chez un concurrent direct, elle a perdu un tiers de ses effectifs et plus de la moitié de ses effectifs dédiés à SAGE ; en outre, des clients d'In System ont résilié leur contrat au profit d'un engagement avec SVD, comme le prouvent les 2000 courriels et fichiers qui ont été saisis au cours de la mesure d'instruction, qui font également ressortir que les résiliations se sont accélérées à compter du mois de septembre 2020, soit pendant l'exécution des préavis des salariés démissionnaires. S'agissant du préjudice, et donc de la créance à garantir, la société In System explique l'avoir chiffré à partir des pièces issues de la comptabilité de SVD, sur la facturation, en 2020 et 2021, des clients d'In System ayant résilié leur contrat dans ce contexte de concurrence déloyale. En 2020, SVD a facturé 117 962 euros HT aux clients qu'elle avait détournés, et en 2021, 557 277,54 euros, soit 673 264,63 euros, montant auquel, en l'absence de titre exécutoire, elle a ramené sa créance indemnitaire dans le cadre de sa demande au juge de l'exécution, quand bien même son préjudice réel est plus élevé. La mesure conservatoire, même si elle n'a été autorisée qu'à hauteur de 200 000 euros, lui permet de sauvegarder ses droits à l'égard de la société SVD Gestion. Considérant que la première condition posée par l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution est remplie, la société In System conclut à l'infirmation du jugement, qui a estimé que l'affaire devait faire l'objet d'un débat au fond et que l'existence de sa créance et la détermination de son montant étaient trop aléatoires pour établir un principe de créance.

La société SVD Gestion poursuit la confirmation du jugement, soutenant que la créance alléguée suppose la démonstration préalable d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux, et que ces éléments ne sont à ce stade ni établis ni caractérisés. Elle fait valoir que l'autorisation d'une mesure in futurum ne vaut pas reconnaissance d'une créance paraissant fondée en son principe, d'une part, et que les éléments recueillis dans le cadre de la mesure d'instruction ne permettent pas à eux seuls d'établir l'apparence d'un principe de créance avec suffisamment de précision, d'autre part, et qu'un débat au fond est nécessaire, une société qui se prétend victime de concurrence déloyale devant rapporter la preuve d'agissements contraires aux usages loyaux du commerce, qui n'est pas faite en l'espèce. Mme [L], M. [D] et M. [H], explique-t-elle, ont rejoint la société In System après avoir travaillé ensemble pendant des années chez un autre employeur, ils n'étaient tenus à aucune clause de non concurrence par leur contrat de travail, et ils étaient libres de changer d'employeur sans que cela constitue une faute. La société In System, en outre, n'apporte pas la preuve d'une quelconque désorganisation résultant de leur départ, et en réalité il n'y en a eu aucune, puisqu'elle a rapidement recruté de nouveaux collaborateurs. Ensuite, aucune des pièces produites, obtenues dans le cadre de la mesure d'instruction ordonnée, ne permet de démontrer que la société SVD Gestion aurait effectivement utilisé, exploité ou même eu accès aux données confidentielles prétendument détournées, ni qu'elle aurait manoeuvré de manière déloyale pour obtenir des salariés en préavis chez In System de quelconques informations à caractère confidentiel, ni aucun pillage volontaire de données de la part des salariés en préavis, en vue d'exercer une concurrence déloyale. Le report de clientèle d'une société à une autre, quand bien même concurrente, ne caractérise pas la déloyauté, et si certains clients ayant souscrit des contrats avec In System ont fait le choix de les résilier, cela n'a pas été le cas de tous ses clients. En outre, les résiliations intervenues se sont étalées sur l'année, et ne se sont pas concentrées sur le dernier trimestre 2020. Enfin, la société In System ne peut pas confondre son préjudice avec le chiffre d'affaires réalisé par un tiers, fût-ce avec d'anciens clients, et en l'espèce, la demanderesse ne démontre ni la perte effective de ses clients, ni que cette perte serait exclusivement imputable au comportement fautif qu'elle allègue. L'invocation d'un simple transfert d'activité ne suffit pas à caractériser un préjudice indemnisable. Ainsi, les éléments de fait soumis aux débats par la société In System ne permettent pas à eux seuls d'établir l'apparence d'un principe de créance avec suffisamment de précision, en sorte que le jugement déféré doit être confirmé.

La société In System produit à l'appui de son appel :

- les décisions afférentes à la mesure d'instruction autorisée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ( une ordonnance rendue le 5 janvier 2022 par le président du tribunal de commerce d'Évry, complétée le 17 janvier 2022, une ordonnance de référé rendue le 1er juin 2022 par le président du tribunal de commerce d'Évry, rejetant la demande de rétractation de la société SVD Gestion et ordonnant la levée du séquestre et la libération entre les mains de la société In System des documents et informations saisis le 26 janvier 2022, un arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 mars 2023 confirmant l'ordonnance du 1er juin 2022),

- le procès-verbal de constat établi le 26 janvier 2022, en exécution de l'ordonnance rendue le 5 janvier 2022, qui a permis la saisie de différents courriels et fichiers,

- des tableaux récapitulatifs du chiffre d'affaire des 'clients In System', sur l'année 2020 et sur l'année 2021,

- le grand livre 'clients' de la société SVD Gestion pour l'année 2020,

- des devis et factures établis par la société SVD Gestion à destination de différents clients,

- des mails échangés notamment entre M. [H] et M. [V], aux mois de septembre et d'octobre 2020.

Les 3 décisions que l'appelante verse aux débats attestent qu'elle a pu apporter aux juges successivement intervenus des éléments qui les ont conduits à considérer qu'elle disposait, selon la formulation retenue par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 3 mars 2023, ' d'indices sérieux permettant de démontrer l'existence d'un motif légitime pour justifier la mesure d'instruction sollicitée'. Toutefois, la portée des décisions en question, rendues sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, reste limitée à la reconnaissance d'un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, et elles ne suffisent donc pas, en elles-mêmes, à 'confirmer la crédibilité d'une créance à l'endroit de SVD' comme le soutient l'appelante.

Les courriers électroniques produits par la société In System, obtenus grâce aux opérations d'instruction qui ont été menées mettent en évidence :

- l'envoi d'instructions par M. [O] [V] à MM. [R] [H] et [X] [D], alors toujours salariés de la société In System, quant à des tâches à réaliser, pour M. [H], notamment, 'déclencher si possible déjà des ventes sur SVD', 'appeler les clients suite à communication de [X] pour migrer les clients' et pour M. [H] et M. [D] 'continuer le travail de sape sur la bascule des clients HL à venir'( cf mail daté du 19 septembre 2020),

- des agissements de M. [H] au bénéfice de la société SVD, l'intéressé comptant notamment distribuer des cartes de visite de directeur commercial de la société SVD à l'occasion de ses rendez vous avec ses clients, des actions entreprises par '[X]', qui ' avance super vite sur la récup du soft d'In System', et l'implication également de Mme [L], que M. [H] projette de 'briefer' prochainement, en lui préparant 'un listing de comptes paie afin qu'elle [lui] dise lesquels elle pense récup pour déclencher des rdv' pour lui, et en lui demandant ' d'informer tous les clients qu'elle a en hotline de son départ afin que ça commence à faire bouger les choses' ( cf mail de M. [H] à M. [V], daté du 25 septembre 2020),

- des démarches effectuées par M. [H] en qualité de directeur commercial de SVD Gestion et avec une signature à en tête de cette société, alors qu'il est toujours salarié de la société In System, à l'égard d'un contact chez Sofema, pour tenter de le récupérer comme client au profit de SVD, avec la fourniture des numéros de téléphone de '[O]' et '[Y]' ( cf mails du 29 octobre 2020 de M. [H] à M. [C] et de M. [H] à MM. [O] [V] et [Y] [M]).

Les factures produites attestent, enfin, d'une activité de la société SVD Gestion à la fin de l'année 2020, et dans le courant de l'année 2021, avec l'intervention d'une '[A] Gestion', notamment les 14-16 et 18 décembre 2020, que l'appelante dit être [A] [G], qui se trouvait à cette époque en exécution de son préavis chez In System.

Selon la jurisprudence, caractérise une concurrence déloyale envers une société le fait, pour un salarié de celle-ci, de participer à la création et à l'activité d'une société concurrente avant la fin de son contrat de travail.

Il revient toutefois à la société In System d'apporter des éléments permettant de justifier que la créance de dommages et intérêts qu'elle entend faire garantir parait fondée en son principe, à hauteur du montant réclamé, en l'occurrence 200 000 euros.

Or, force est de constater que la société In System, qui se base pour établir son préjudice sur le chiffre d'affaires réalisé par la société SVD Gestion avec des clients dont elle soutient qu'ils ont été détournés à son détriment, n'apporte aucun élément objectif sur les résiliations de contrats qui seraient intervenues dans ce contexte ; si elle renvoie la cour aux ' 2000 courriels et fichiers [qui] le prouvent', elle omet en effet de les verser aux débats. Ainsi, la date des résiliations dénoncées n'est pas connue, et il n'est pas justifié, en particulier, de leur concomitance avec les préavis des salariés démissionnaires de l'appelante. Or, cette concomitance, invoquée par la société In System, est contestée par la société SVD Gestion, qui soutient que les résiliations opérées se sont étalées dans le temps et correspondent à un flux normal des clients.

Il n'est pas non plus produit d'éléments montrant que le gain de clientèle par la société SVD Gestion, sur lequel se base la société In System pour chiffrer son préjudice, serait le résultat d'une action déloyale de ses salariés démissionnaires. La cour constate, par exemple, que la société Sofema, démarchée par M. [H] du temps où il était encore salarié de la société In System, comme en témoigne le courrier électronique évoqué ci-dessus, n'apparaît pas comme étant une cliente de la société SVD Gestion en 2020 et/ou 2021. Elle ne figure pas dans les tableaux récapitulatifs de l'appelante, et il n'est retrouvé dans la pièce n°22 de la société In System, la concernant, qu'un devis établi le 20 janvier 2021, sans élément permettant de penser qu'elle l'a accepté. Ceci alors que la société SVD Gestion, de son côté, produit de nombreuses attestations de ses clients, qui expliquent qu'ils travaillent depuis des années ( 20 ans pour certains) avec MM [D] et [H] et/ou Mme [L], et que, satisfaits de cette collaboration, ils les suivent dans les différentes structures où ils exercent, chez In System d'abord, puis désormais chez SVD Gestion.

En l'absence de production des éléments utiles, et alors que la cour ne peut pas se fonder sur de simples affirmations, mais doit pouvoir exercer son office en vérifiant si la créance alléguée paraît fondée en son principe, il n'est pas justifié du préjudice invoqué par la société In System consistant en une perte de clientèle qui serait le résultat d'agissements déloyaux de la société SVD Gestion ou de ses salariés.

Faute pour la société In System d'établir qu'elle dispose de la créance fondée en son principe qu'elle entend faire garantir jusqu'à ce qu'elle puisse disposer d'un titre exécutoire, il n'y a pas lieu d'infirmer le jugement du juge de l'exécution de Nanterre qui a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire litigieuse.

Quant aux menaces sur le recouvrement de la créance

La société In System soutenait que le recouvrement de sa créance était menacé, du fait de la solvabilité douteuse de la société SVD, laquelle au contraire faisait valoir que sa situation financière ne caractérisait aucune menace sur le recouvrement d'une éventuelle condamnation, mais la première condition requise par l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution n'étant pas remplie, il n'y a pas lieu de vérifier si la seconde pourrait l'être, puisque les deux conditions sont cumulatives.

Sur la demande de dommages et intérêts

La société In System considère que la condamnation prononcée à son encontre au titre du préjudice subi par son adversaire est infondée. Outre que la mesure n'était pas abusive, la société SVD Gestion ne justifie d'aucune intention de nuire ni légèreté blâmable, qui justifierait la réparation d'un prétendu préjudice, lequel n'est au surplus pas sérieusement caractérisé. Elle conclut en conséquence à l'infirmation du jugement sur ce point.

La société SVD Gestion soutient qu'elle a été entravée dans sa gestion courante ( non paiement des salaires et des fournisseurs) du fait de la mesure conservatoire, qui a été mise en oeuvre le 1er août, en pleine période estivale, alors que son activité était particulièrement ralentie, et alors qu'étaient prévus des décaissements de 181 202,49 euros le 2 août, comme en atteste son expert comptable. Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué 2000 euros de dommages et intérêts.

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, l'article L.512-2 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que lorsque la mainlevée d'une mesure conservatoire a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire, et il n'est pas nécessaire de constater qu'une faute a été commise par le créancier poursuivant pour allouer une indemnisation au débiteur.

Le juge de l'exécution a alloué une indemnisation de 2000 euros à la société SVD Gestion, en retenant que celle-ci rapportait la preuve qu'elle avait subi le préjudice ci-dessus décrit. Il résulte en effet de l'attestation établie par M. [U], expert comptable, que les décaissements de la société SVD Gestion prévus pour le mois d'août 2024 étaient estimés à 181 202,49 euros, et comme indiqué ci-dessus, c'est une somme de 114 135,53 euros qui a été saisie sur le compte bancaire détenu par la société SVD Gestion à la banque CIC Est.

En conséquence, la mesure n'a pu effectivement qu'entraver le bon fonctionnement de la société SVD Gestion, en sorte que le jugement doit également être confirmé sur ce point, peu important que, dans le cadre de la procédure au fond, la société SVD Gestion donne une explication différente quant à l'utilisation qu'elle comptait faire de la somme saisie, cet élément devant être apprécié par la juridiction devant laquelle il est soutenu.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, la société In System doit supporter les dépens de l'appel.

Elle sera en outre condamnée à régler à son adversaire, au titre de l'appel, une somme supplémentaire de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tout en étant déboutée de sa propre demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 17 janvier 2025 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre ;

Y ajoutant,

Déboute la société In System de toutes ses demandes, y compris au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société In System aux dépens et à régler à la société SVD Gestion une somme de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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