CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 13 novembre 2025, n° 24/00492
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2025
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00492 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIWL7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2023 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2022F01525
APPELANT
M. [R] [S] [V]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représenté par Me Arezki BAKI de la SELEURL ARTHEMIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0110
INTIMÉS
M. [F] [V]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Arnaud MONIN de la SELAS MONIN - VALLET - VO DINH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173
S.A.R.L. CRISERBOIS représentée par Me [E] [M] ès qualités de liquidateur amiable
[Adresse 2]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le n° 582 059 325
Assignation à domicile conformément aux dispositions de l'article 655 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 14 mars 2024)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Octobre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Raoul CARBONARO, Président de chambre
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La SARL Criserbois, RCS numéro 582 059 325, et domiciliée [Adresse 3], a été créée en 1992 par deux frères, M. [F] [D] [P] et M. [R] [D] [P] avec une activité de menuiserie et tout autre corps de métier du bâtiment. La société a cessé ses activités le 31 décembre 2018. Les deux frères détenaient chacun 50 % du capital de la société. M. [R] [D] [P] a été nommé gérant de 1992 jusqu'au 1er avril 2014, date de son départ à la retraite. M. [F] [D] [P] a alors été nommé gérant jusqu'au 21 décembre 2016, date de son propre départ à la retraite. A cette date, M. [R] [D] [P] a repris les fonctions de gérant.
Les gérants successifs ont acquitté des factures de prestations de service émises par les deux associés, sans approbation par l'assemblée au titre des conventions réglementées, ce que conteste l'un des associés.
M. [F] [D] [P] a alors assigné le 3 juin 2022 son frère, M. [R] [D] [P] en demandant le remboursement des prestations ainsi acquittées, le prononcé de la liquidation de la société et la nomination d'un liquidateur amiable.
Par jugement du 14 novembre 2023, le tribunal de commerce de Bobigny :
- Prononce la dissolution anticipée pour justes motifs de la SARL Criserbois en application de l'article 1844-7, 50 du code civil ;
- Nomme M. [E] [M] en qualité de liquidateur, avec pour mission de :
o Administrer la SARL Criserbois avec les pouvoirs du gérant,
o Réaliser les actifs et apurer les passifs,
o Mettre en 'uvre toutes les formalités nécessaires à la liquidation de la société,
o Convoquer l'assemblée de liquidation et dissolution de la société et répartir le solde de la liquidation entre les associés.
- Fixe la rémunération du liquidateur à la somme de 2 000 euros TTC, à charge pour lui de solliciter des compléments, en cas de besoin, par la SARL Criserbois ;
- Déclare M. [F] [D] [P] recevable en son action contre M. [R] [D] [P] ;
- Condamne M. [R] [D] [P] à rembourser la somme de 80 079 euros à la SARL Criserbois ;
- Déboute M. [F] [D] [P] de sa demande d'indemnisation de 80 000 euros en faveur de la SARL Criserbois ;
- Déboute M. [F] [D] [P] de ses plus amples demandes ;
- Dit que chaque partie supportera les frais irrépétibles qu'elle a encourus à l'occasion du présent litige ;
- Condamne M. [R] [D] [P] aux entiers dépens.
M. [R] [D] [P] a interjeté appel d'une partie du dispositif du jugement par déclaration formée par voie électronique le 15 décembre 2023, en ce qu'il :
- Déclare M. [F] [D] [P] recevable en son action contre M. [R] [D] [P] ;
- Condamne M. [R] [D] [P] à rembourser la somme de 80 079 euros à la SARL Criserbois ;
- Condamne M. [R] [D] [P] aux entiers dépens.
Par premières conclusions notifiée par RPVA le 14 mars 2023 et signifiées au siège social par acte extra-judiciaire du 24 mars 2024 à M. [E] [M] en qualité de liquidateur amiable de la SARL Criserbois, M. [R] [D] [P] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [F] [D] [P] recevable en son action contre M. [R] [D] [P] et condamner ce dernier à rembourser la somme de 80 079 euros à la SARL Criserbois ;
- Débouter M. [F] [D] [P] de ses demandes de condamnation à l'encontre M. [R] [D] [P] comme irrecevables et mal fondées ;
Subsidiairement :
- Condamner M. [F] [D] [P] à payer la somme de 23 872 euros à la SARL Criserbois ;
- Condamner M. [F] [D] [P] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner solidairement (sic) M. [F] [D] [P] aux dépens.
Par conclusions notifiées par RPVA le 21 mai 2025, M. [R] [D] [P] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [F] [D] [P] recevable en son action contre M. [R] [D] [P] et condamner ce dernier à rembourser la somme de 80 079 euros à la SARL Criserbois ;
- Débouter M. [F] [D] [P] de ses demandes de condamnation à l'encontre M. [R] [D] [P] comme irrecevables et mal fondées ;
Subsidiairement :
- Condamner M. [F] [D] [P] à payer la somme de 27 968 euros à la SARL Criserbois ;
- Condamner M. [F] [D] [P] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner solidairement (sic) M. [F] [D] [P] aux dépens.
La preuve de la signification des conclusions à M. [E] [M], es qualités n'est pas rapportée.
Par conclusions notifiées par RPVA le 12 juin 2024 et signifiées au siège social, par acte extra-judiciaire du 13 juin 2024 à M. [E] [M], en sa qualité de liquidateur de la SARL Criserbois M. [F] [D] [P] demande à la cour de :
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté M. [F] [D] [P] de sa demande d'indemnisation de la SARL Criserbois à hauteur de 80 000 euros au titre de la perte de son fonds de commerce ;
Statuant à nouveau sur ce point ;
- Infirmer partiellement la décision entreprise et
- Condamner M. [R] [D] [P] à payer à la SARL Criserbois la somme de 80 000 euros ;
En tout état de cause,
- Débouter M. [R] [D] [P] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner M. [R] [D] [P] au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Par conclusions notifiées par RPVA le 9 juillet 2025, M. [F] [D] [P] demande à la Cour de :
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté M. [F] [D] [P] de sa demande d'indemnisation de la SARL Criserbois à hauteur de 80 000 euros au titre de la perte de son fonds de commerce ;
Statuant à nouveau sur ce point ;
- Infirmer partiellement la décision entreprise et
- Condamner M. [R] [D] [P] à payer à la SARL Criserbois la somme de 80 000 euros ;
En tout état de cause,
- Débouter M. [R] [D] [P] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner M. [R] [D] [P] au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
La preuve de la signification des conclusions à M. [E] [M], es qualités n'est pas rapportée.
M. [E] [M], en sa qualité de liquidateur amiable de la SARL Criserbois, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 septembre 2025.
A l'audience, la cour a soulevé d'office le caractère irrecevable de la demande formée par M. [R] [D] [P] de condamnation de M. [F] [D] [P] à payer la somme de 27 968 euros à la SARL Criserbois. Les parties n'ont pas souhaité conclure, s'agissant d'une omission de reprise dans le dispositif d'un moyen soulevé dans les motifs des conclusions de M. [F] [D] [P].
SUR CE
- Sur la recevabilité de la demande de M. [F] [D] [P] :
Moyens des parties :
M. [R] [D] [P] expose que le Tribunal l'a condamné à rembourser des sommes qui ont été facturées et encaissées par la SAS [V] Conseil qui n'a pas été mise en cause dans l'instance engagée par M. [F] [D] [P] ; il n'a jamais été contesté qu'il n'avait jamais ni « facturé » ni « encaissé » ces sommes à titre personnel ; non seulement il n'a pas encaissé ces sommes, mais qu'il n'était qu'associé à hauteur de 50% des parts de la SAS [V] Conseil ; considérer comme l'a fait le Tribunal de commerce, que ces conventions passées entre la SARL Criserbois et la société [V] Conseil encourent l' » annulation » ne saurait, juridiquement, entraîner la condamnation de l'un de ses associés, à rembourser les sommes payées à titre personnel.
M. [F] [D] [P] réplique que s'il avait approuvé les prestations de la société [D] [P] Conseil jusqu'à fin 2016, alors qu'il était dirigeant de la SARL Criserbois, il n'avait pas donné son accord ultérieurement alors qu'elles se sont reproduites sous la nouvelle gérance de M. [R] [D] [P], et alors qu'il n'y avait eu aucun contrôle quant aux montants ; cette pratique a été opérée dans le cadre des départs à la retraite des associés ; il a également effectué des prestations sous ce même cadre, mais pour un montant sans commune mesure pour être limité à la somme de 27 968 euros HT au règlement de laquelle M. [R] [D] [P] s'est d'ailleurs opposé, dans un premier temps ; la problématique tient au fait que son frère a poursuivi cette pratique sans plus s'inquiéter de l'accord de son associé, alors qu'avant cela, un contrôle mutuel était exercé ; il a interdit l'accès aux locaux de la société au concluant, alors que lesdits locaux constituaient le également le siège social de la SCI Brasseur Floquet dont il est le gérant ; ce désaccord est la source principale du conflit entre associés ; cette situation a donc créé un déséquilibre majeur entre les associés égalitaires, au profit de M. [R] [D] [P], son gérant, qui usant de son pouvoir de gestion a vidé les actifs de la société à son seul profit, sans aucun contrôle de son associé, à son préjudice, et à celui de la société ; c'est ainsi qu'en 2017, dans le cadre de l'arrêt de son activité, il a entrepris d'élaborer un projet de sortie de la SARL Criserbois, dont il a informé son frère ; il était prêt à céder ses titres ; c'est dans ces conditions que les parties, ensemble, se sont rapprochées de la Chambre des Métiers et de l'Artisanat, pour lui demander un avis sur la valeur du fonds de commerce lequel a été estimé entre 80 000 euros et 90 000 euros ; il a alors proposé un rachat de ses titres pour 25 000 euros selon courrier du 19 avril 2018, suite à une proposition qui lui avait été faite à hauteur de 12 000 euros ; ces discussions n'ont connu aucune suite et les relations se sont encore envenimées entre les parties face à l'impossibilité de trouver une solution propre à rétablir l'équilibre entre les associés.
Il ajoute que son action est fondée par les dispositions de l'article L. 223-22 du Code de commerce ; un associé est tout à fait habilité et recevable à solliciter l'allocation de dommages et intérêts au profit de la société qui a subi un préjudice du fait des agissements du gérant ; son action est recevable, la société cocontractante n'ayant pas à être attraite dans la cause dans le cadre de cette action spécifique.
Réponse de la Cour :
L'article L. 223-22 du Code de commerce dispose que :
« Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Si plusieurs gérants ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.
Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués.
Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée, ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action.
Aucune décision de l'assemblée ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour faute commise dans l'accomplissement de leur mandat. »
Dans le cadre de l'action ut singuli, et en vertu de l'article 31 du code de procédure civile, les associés disposent d'un droit propre à agir au nom de la société.
Dès lors que M. [F] [D] [P] allègue de la violation des dispositions relatives aux conventions réglementées par le gérant de la SARL Criserbois et de l'appauvrissement corrélatif de cette société, il exerce légalement l'action sociale en responsabilité des gérants pour le compte de la société qui se verra allouer, le cas échéant, des dommages et intérêts.
Son action est donc recevable et il n'était donc pas nécessaire d'attraire la société cocontractante dans le litige.
- Sur la demande en paiement de la somme de 80 079 euros :
Moyens des parties :
M. [R] [D] [P] expose qu'il n'a nullement été démontré qu'il avait appauvri la SARL Criserbois ; sa prise de fonction a permis de redresser l'entreprise et augmenter le chiffre d'affaires dès l'année suivante, en 2015, de +45% ; à partir de sa mise à la retraite en 2016, le chiffre d'affaires a progressivement baissé compte tenu évidemment du départ à la retraite des deux associés, mais également d'une clientèle vieillissante qui ne s'est pas renouvelée ; lorsque M. [F] [D] [P] était le gérant de la SARL Criserbois, il a accepté de rémunérer la société de conseil dont son frère était associé, la SAS [V] Conseil ; le fait d'avoir payé ces factures est une reconnaissance que celles-ci étaient fondées sur une prestation réelle et profitable à la SARL Criserbois ; M. [F] [D] [P] oublie d'indiquer que lui-même a, via une société de conseil, facturé près de 28 000 euros que la société lui a dûment payé de janvier à juillet 2017 ;
Il ajoute que les premiers juges n'avaient nullement la possibilité d'annuler une convention entre la SARL Criserbois et la société [V] Conseil sans que l'une des parties à la convention soit appelée à la cause ou que cette demande soit formée devant le Tribunal ; il lui est interdit, en vertu des articles 4 et 5 du Code de procédure civile, de modifier l'objet du litige tel qu'il a été défini par les parties ; M. [F] [D] [P] n'était nullement, dans cette instance, le représentant légal de la SARL Criserbois et a donc formé, sans mandat, une telle demande de condamnation ; que selon le principe que « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », M. [F] [D] [P] est irrecevable et mal fondé à faire le reproche à M. [R] [D] [P] d'avoir poursuivi les interventions et les paiements qu'il avait accepté de régler alors qu'il était gérant.
M. [F] [D] [P] réplique qu'en application de l'article L. 223-19 alinéa 3 du code de commerce que les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société ; M. [R] [D] [P] a repris la gérance de la SARL Criserbois à compter de l'exercice 2017 ; qu'il s'est facturé, pour l'exercice 2017, une somme de 44 001 euros HT non soumise à l'approbation de l'assemblée générale dans les conditions de l'article L. 223-19 des dispositions précitées ; il s'est facturé, pour l'exercice 2018, une somme de 36 048 euros HT non soumise à l'approbation de l'assemblée générale dans les conditions de l'article L. 223-19 du Code de commerce, soit une somme totale de 80 049 euros HT ; la société Conseil [D] [P], devenue SAS Atelier [P], a été constituée par M. [R] [D] [P] avec son fils ; son frère en détient 50 % des parts et en a été le président du 10 juin 2015 au 15 mai 2018 ; l'objet des conventions correspond aux fonctions normales de gérant ; ces conventions ont conduit à un appauvrissement de la société à concurrence dudit montant, et lui ont donc été préjudiciables dans les mêmes proportions ; le fait que le gérant ai généré du chiffre d'affaires ne peut suffire à justifier cette facturation par une société tierce.
Il ajoute que le fait qu'un associé développe le chiffre d'affaires ou la rentabilité d'une société ne le dispense pas de respecter les droits de ses associés à une répartition des bénéfices au prorata de leur participation dans la société ; l'illégalité du comportement de M. [R] [D] [P] ne tient pas au procédé même de la facturation de prestations à une société, mais à l'absence d'approbation de cette facturation par les associés ; il est évident que les versements effectués alors que M. [F] [D] [P] était gérant ne posent aucune difficulté ; en y procédant, il les a approuvé ; que le remboursement de ces autres prestations n'a jamais été demandé ; il en était de même pour les facturations faites au profit de sa propre société, Mutliservice [V], avant le changement de gérance ; l'appelant était gérant ; en procédant au règlement, il l'a accepté ; la problématique tient uniquement et exclusivement aux règlements effectués postérieurement au changement de gérance, par M. [R] [D] [P], pour son propre compte, sans qu'il n'en ait informé son associé, et donc sans que celui-ci n'ait pu procéder à aucun contrôle.
Réponse de la Cour :
L'article L. 223-19 du Code de commerce dispose que :
« Le gérant ou, s'il en existe un, le commissaire aux comptes, présente à l'assemblée ou joint aux documents communiqués aux associés en cas de consultation écrite, un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l'un de ses gérants ou associés. L'assemblée statue sur ce rapport. Le gérant ou l'associé intéressé ne peut prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Toutefois, s'il n'existe pas de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associé sont soumises à l'approbation préalable de l'assemblée.
Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, lorsque la société ne comprend qu'un seul associé et que la convention est conclue avec celui-ci, il en est seulement fait mention au registre des décisions.
Les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société.
Les dispositions du présent article s'étendent aux conventions passées avec une société dont un associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, directeur général, membre du directoire ou membre du conseil de surveillance, est simultanément gérant ou associé de la société à responsabilité limitée. »
La saisine du tribunal portait bien sur une demande de dommages-intérêts du fait de l'atteinte à l'intérêt social lié à l'absence d'approbation de ces conventions qui n'avaient pas de contrepartie réelle.
Le jugement dont appel précise dans ses motifs que l'action repose sur le fondement de l'article précité. Il est ainsi dit que :
« Attendu qu'il ressort de la jurisprudence, que les prestations facturées par une société tierce à la société, dès lors que ces prestations sont réalisées par le dirigeant mandataire de cette même société, se trouve dépourvue de contrepartie réelle, et dès lors les conventions dépourvues de cause devaient annulées ;
Attendu que l'absence de formalisme lié au défaut d'approbation par l'assemblée est sans incidence sur la validité de ces conventions ».
Il conclut dans son dispositif par la condamnation suivante :
« Condamne M. [R] [D] [P] à rembourser à la société la somme de 80 079 euros ».
S'il procède par une apparente contradiction de motifs en affirmant d'une part qu'une convention dépourvue de contrepartie réelle doit être annulée et d'autre part que l'absence de formalisme lié au défaut d'approbation par l'assemblée est sans incidence sur la validité de ces conventions, il retient l'absence de contre partie comme la lésion de l'intérêt social visée par le texte dont il fait application.
Dès lors, la mention d'une condamnation à rembourser à la société la somme de 80 079 euros doit s'interpréter comme l'octroi de dommages et intérêts conformément à la demande.
S'agissant de l'action ut singuli, M. [F] [D] [P] doit démontrer, au-delà du simple non-respect des dispositions relatives aux convention non approuvées, l'existence d'un préjudice.
M. [R] [D] [P] a été gérant de la société jusqu'au 1er avril 2014, date à laquelle M. [F] [D] [P] lui a succédé avant qu'il ne cède la gérance à son frère à compter du 1er janvier 2017, selon les extraits de procès-verbaux d'assemblées générales versés aux débats.
L'objet de Criserbois est l'achat, la vente en gros, demi gros et au détail, le sciage brut ou manufacturé, d'articles nécessaires à l'installation ou à la fabrication d'aménagement par les particuliers et artisans, la fabrication, la vente, l'installation d'agencements, articles de décoration pour la maison, la menuiserie, la serrurerie, la quincaillerie et la vitrerie outre le dépannage.
L'objet de la SAS Conseil [D] [P] créée le 13 juin 2015 entre M. [R] [D] [P] et M. [X] [D] [P] est « la réalisation de toutes prestations de service, étude, conseil, ingénierie, commercialisation, d'exploitation quelle que soit leur nature, dans les domaines industriels ou artisanaux du secteur du bâtiment ou autre, la perception des droit de toute nature afférents à la propriété des prestations et études réalisées, la présentation des 'uvres acquises ou réalisées par la société auprès des organismes publics ou privés, la prise de brevet, sponsoring et toutes activités annexes se rattachant à l'activité énoncée ci-dessus et plus généralement, toutes opérations industrielles, commerciales, financières ». Son premier président est M. [R] [D] [P]. Le 15 mai 2018, son objet est modifié en : « fabrication d'autres meubles et industries connexes à l'exclusion de la fabrication de meubles métalliques ou principalement en métal ». Elle prend la dénomination « SAS Atelier [P] ».
Les objets des deux sociétés ne sont pas strictement identiques, même s'ils sont proches.
Il est constant que M. [R] [D] [P], en sa qualité de gérant de la SARL Criserbois a contracté avec la société Conseil [D] [P], dont il était le dirigeant-social, pour des prestations de missions commerciales d'apporteur d'affaires et de leur suivi, de gestion des ouvrages et de gestion de l'atelier et de la pose. Il a établi à ce titre diverses factures en 2017 et 2018 pour un montant global de 80 052 euros. Aucune délibération de l'assemblée générale n'a approuvé la conclusion de ces contrats.
Pour autant, aucun contrat n'est fourni ne permettant pas à la Cour de vérifier la distinction des prestations effectuées par la société de conseil des tâches relevant de la gestion courante du dirigeant social de la SARL Criserbois et corrélativement l'absence de double emploi avec lesdites fonctions sociales. Dès lors, les prestations mises à la charge de la société Criserbois étaient dépourvues de toute contrepartie réelle. (Com., 23 octobre 2012, pourvoi n° 11-23.376, Bull. 2012, IV, n° 190)
Dès lors, c'est vainement que M. [R] [D] [P] plaide que les contrats ont été conclus dans l'intérêt social de la société et l'absence de préjudice du fait de la hausse de son chiffre d'affaires résultant de l'apport d'affaires, dès lors que cette augmentation ne peut qu'être la résultante de son activité de gérant.
En conséquence, la preuve est rapportée des conséquences préjudiciables et M. [R] [D] [P] doit être condamné au paiement de la somme de 80 079 euros se rapportant aux factures injustifiées pourtant payées par la société alors qu'il était gérant et dont il ne discute pas le montant.
- Sur la demande reconventionnelle :
Moyens des parties :
M. [R] [D] [P] expose que si la Cour venait à considérer par extraordinaire qu'il doit rembourser à la SARL Criserbois les sommes encaissées par la société Viera [P] Conseil, il est demandé à la Cour, réciproquement, de condamner M. [F] [D] [P] à rembourser à la société la somme de 23 872 euros.
M. [F] [D] [P] réplique que cette demande nouvelle formée devant la cour est irrecevable, par application de l'article 564 du Code de procédure civile ;'au surplus, à cette date, M. [R] [D] [P] était gérant de la SARL Criserbois et a donc validé ses paiements ; il ne peut donc invoquer sa propre faute de gestion pour remettre en cause des règlements qu'il a accepté d'effectuer à cette date.
Réponse de la Cour :
L'article 564 du code de procédure civile énonce que :
« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
En la présente espèce, la demande reconventionnelle en paiement dirigée contre M. [F] [D] [P] n'a pas été formulée devant le Tribunal de commerce de Bobigny et ne tend pas en cause d'appel à opposer une compensation ou simplement à faire rejeter une prétention adverse. Il n'existe aucun fait nouveau qui en justifie.
Toutefois, dans son dispositif, M. [F] [D] [P] ne soulève pas le caractère irrecevable de la demande. La cour l'a soulevé d'office.
Dès lors, la demande présentée doit être déclarée irrecevable.
- Sur la confirmation du rejet de la demande de condamnation de 80 000 euros au titre d'une perte de chance d'avoir vendu l'entreprise :
Moyens des parties :
M. [R] [D] [P] expose que le jugement rendu le 14 novembre 2023 a justement rejeté cette prétention en rappelant que le fonds de commerce avait été perdu en raison de l'action en acquisition de clause résolutoire engagée par M. [F] [D] [P] lui-même, dans le cadre de ses fonctions de gérant de la SCI Brasseur Floquet, contre la SARL Criserbois ; il n'a nullement été démontré que son inaction aurait fait perdre le fonds de commerce, alors que les pièces versées au débat ont démontré au le contraire.
M. [F] [D] [P] réplique qu'alors que M. [R] [D] [P] a pris ses fonctions de gérant, le fonds de commerce de la SARL Criserbois était évalué entre 80 000 euros et 90 000 euros ; cette évaluation a été réalisée à la demande du concluant, en prévision du départ en retraite commun des associés ; la SARL Criserbois était alors en activité, disposait d'un portefeuille de clients, de commandes en cours, d'un stock, d'immobilisations, d'un droit au bail ; après cela, M. [R] [D] [P] a cessé toute activité, et arrêté de payer les loyers ; les machines et stocks de bois ont disparu de l'établissement du [Adresse 1] ; s'il est noté au dernier bilan que des immobilisations ont été cédées, aucune information n'a été transmise à l'intimé quant au prix de cession, et à l'identité du bénéficiaire ; le droit au bail a été perdu suite à la résiliation de ce dernier ; par son inaction fautive, M. [R] [D] [P] a donc conduit à faire perdre son fonds de commerce à la SARL Criserbois ; M. [R] [D] [P] a depuis la cessation d'activité créé une entreprise à l'objet social similaire ; il n'a jamais justifié de la moindre démarche pour vendre le fonds de commerce de la SARL Criserbois, préférant lui laisser perdre son droit au bail et ses autres actifs ; ainsi, alors qu'il était en total contrôle de cette société dont il assurait la gérance et dont il ne convoquait pas d'assemblées générales, il a laissé péricliter sa production au point que cette société ait cessé toute activité.
Il ajoute que le tribunal a considéré que la valeur du fonds de commerce retenue par la Chambre de Commerce tenait principalement à la valeur du droit au bail, dont il lui a imputé la résiliation, en sa qualité de gérant de la SCI ; outre le fait que la mise en 'uvre de la clause résolutoire, pour un gérant de SCI, ressort de la gestion normale de cette société face à un locataire ne payant pas ses loyers, ce qui était le cas en l'espèce, la responsabilité première de cette acquisition de clause résolutoire tient exclusivement en l'arrêt de paiement des loyers, exclusivement imputable à une décision de l'appelant ; au surplus, au regard de la nature de l'activité exercée par la SARL Criserbois, le droit au bail ne peut en être analysé comme la composante essentielle du fonds de commerce : peu-importe l'endroit où est situé l'atelier d'un menuisier, son activité tient à ses machines, ses stocks, son portefeuille de clients, à sa réputation et à son savoir-faire ; ce sont justement ces éléments d'actifs que M. [R] [D] [P] s'est abstenu de chercher à transmettre par voie de cession, au préjudice de la SARL Criserbois ; il ne justifie d'aucune démarche pour avoir tenté de vendre un fonds de commerce qui avait une valeur ; cette activité a été reprise, sans frais, et toujours au préjudice de la SARL Criserbois, par la Société Atelier [P].
Réponse de la cour :
Il résulte de l'ordonnance de référé du 15 janvier 2020 rendue par le président du tribunal judiciaire de Bobigny que si la clause résolutoire a été invoquée par la société propriétaire des locaux pris en location par la SARL Criserbois, le juge a constaté une difficulté sérieuse sur les factures de loyers impayés allégués par la SCI Brasseur Floquet qui étaient susceptibles d'être compensés par des travaux réalisés pour son compte par la locataire, un litige existant entre les deux sociétés.
Les parties ont convenu à l'audience de mettre fin au bail au 31 janvier 2020, la demande de paiement provisionnel des loyers étant rejetée.
Dès lors, contrairement aux allégations de M. [F] [D] [P], l'initiative de la rupture ne vient pas de l'attitude fautive du gérant. La lecture des assemblées générales et de l'ordonnance de référés révèle en outre l'absence de toute activité de la SARL depuis le 31 décembre 2018.
Dès lors, aucune faute ne saurait être imputée à M. [R] [D] [P] pour la perte de valeur du fonds de commerce du fait de la rupture du bail.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
M. [R] [D] [P], qui succombe, sera condamné aux dépens.
Les demandes formées au titre des frais irrépétible seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE irrecevable la demande formée par M. [R] [D] [P] de condamnation de M. [F] [D] [P] à rembourser à la SARL Criserbois la somme de 27 968 euros.
CONFIRME le jugement du 14 novembre 2023 du Tribunal de commerce de Bobigny en ses dispositions soumises à la Cour ;
Y AJOUTANT :
DÉBOUTE M. [R] [D] [P] et M. [F] [D] [P] de leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [R] [D] [P] aux dépens.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2025
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00492 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIWL7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2023 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2022F01525
APPELANT
M. [R] [S] [V]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représenté par Me Arezki BAKI de la SELEURL ARTHEMIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0110
INTIMÉS
M. [F] [V]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Arnaud MONIN de la SELAS MONIN - VALLET - VO DINH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 173
S.A.R.L. CRISERBOIS représentée par Me [E] [M] ès qualités de liquidateur amiable
[Adresse 2]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le n° 582 059 325
Assignation à domicile conformément aux dispositions de l'article 655 du code de procédure civile. Non constituée (signification de la déclaration d'appel en date du 14 mars 2024)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Octobre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Raoul CARBONARO, Président de chambre
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La SARL Criserbois, RCS numéro 582 059 325, et domiciliée [Adresse 3], a été créée en 1992 par deux frères, M. [F] [D] [P] et M. [R] [D] [P] avec une activité de menuiserie et tout autre corps de métier du bâtiment. La société a cessé ses activités le 31 décembre 2018. Les deux frères détenaient chacun 50 % du capital de la société. M. [R] [D] [P] a été nommé gérant de 1992 jusqu'au 1er avril 2014, date de son départ à la retraite. M. [F] [D] [P] a alors été nommé gérant jusqu'au 21 décembre 2016, date de son propre départ à la retraite. A cette date, M. [R] [D] [P] a repris les fonctions de gérant.
Les gérants successifs ont acquitté des factures de prestations de service émises par les deux associés, sans approbation par l'assemblée au titre des conventions réglementées, ce que conteste l'un des associés.
M. [F] [D] [P] a alors assigné le 3 juin 2022 son frère, M. [R] [D] [P] en demandant le remboursement des prestations ainsi acquittées, le prononcé de la liquidation de la société et la nomination d'un liquidateur amiable.
Par jugement du 14 novembre 2023, le tribunal de commerce de Bobigny :
- Prononce la dissolution anticipée pour justes motifs de la SARL Criserbois en application de l'article 1844-7, 50 du code civil ;
- Nomme M. [E] [M] en qualité de liquidateur, avec pour mission de :
o Administrer la SARL Criserbois avec les pouvoirs du gérant,
o Réaliser les actifs et apurer les passifs,
o Mettre en 'uvre toutes les formalités nécessaires à la liquidation de la société,
o Convoquer l'assemblée de liquidation et dissolution de la société et répartir le solde de la liquidation entre les associés.
- Fixe la rémunération du liquidateur à la somme de 2 000 euros TTC, à charge pour lui de solliciter des compléments, en cas de besoin, par la SARL Criserbois ;
- Déclare M. [F] [D] [P] recevable en son action contre M. [R] [D] [P] ;
- Condamne M. [R] [D] [P] à rembourser la somme de 80 079 euros à la SARL Criserbois ;
- Déboute M. [F] [D] [P] de sa demande d'indemnisation de 80 000 euros en faveur de la SARL Criserbois ;
- Déboute M. [F] [D] [P] de ses plus amples demandes ;
- Dit que chaque partie supportera les frais irrépétibles qu'elle a encourus à l'occasion du présent litige ;
- Condamne M. [R] [D] [P] aux entiers dépens.
M. [R] [D] [P] a interjeté appel d'une partie du dispositif du jugement par déclaration formée par voie électronique le 15 décembre 2023, en ce qu'il :
- Déclare M. [F] [D] [P] recevable en son action contre M. [R] [D] [P] ;
- Condamne M. [R] [D] [P] à rembourser la somme de 80 079 euros à la SARL Criserbois ;
- Condamne M. [R] [D] [P] aux entiers dépens.
Par premières conclusions notifiée par RPVA le 14 mars 2023 et signifiées au siège social par acte extra-judiciaire du 24 mars 2024 à M. [E] [M] en qualité de liquidateur amiable de la SARL Criserbois, M. [R] [D] [P] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [F] [D] [P] recevable en son action contre M. [R] [D] [P] et condamner ce dernier à rembourser la somme de 80 079 euros à la SARL Criserbois ;
- Débouter M. [F] [D] [P] de ses demandes de condamnation à l'encontre M. [R] [D] [P] comme irrecevables et mal fondées ;
Subsidiairement :
- Condamner M. [F] [D] [P] à payer la somme de 23 872 euros à la SARL Criserbois ;
- Condamner M. [F] [D] [P] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner solidairement (sic) M. [F] [D] [P] aux dépens.
Par conclusions notifiées par RPVA le 21 mai 2025, M. [R] [D] [P] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré M. [F] [D] [P] recevable en son action contre M. [R] [D] [P] et condamner ce dernier à rembourser la somme de 80 079 euros à la SARL Criserbois ;
- Débouter M. [F] [D] [P] de ses demandes de condamnation à l'encontre M. [R] [D] [P] comme irrecevables et mal fondées ;
Subsidiairement :
- Condamner M. [F] [D] [P] à payer la somme de 27 968 euros à la SARL Criserbois ;
- Condamner M. [F] [D] [P] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner solidairement (sic) M. [F] [D] [P] aux dépens.
La preuve de la signification des conclusions à M. [E] [M], es qualités n'est pas rapportée.
Par conclusions notifiées par RPVA le 12 juin 2024 et signifiées au siège social, par acte extra-judiciaire du 13 juin 2024 à M. [E] [M], en sa qualité de liquidateur de la SARL Criserbois M. [F] [D] [P] demande à la cour de :
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté M. [F] [D] [P] de sa demande d'indemnisation de la SARL Criserbois à hauteur de 80 000 euros au titre de la perte de son fonds de commerce ;
Statuant à nouveau sur ce point ;
- Infirmer partiellement la décision entreprise et
- Condamner M. [R] [D] [P] à payer à la SARL Criserbois la somme de 80 000 euros ;
En tout état de cause,
- Débouter M. [R] [D] [P] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner M. [R] [D] [P] au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Par conclusions notifiées par RPVA le 9 juillet 2025, M. [F] [D] [P] demande à la Cour de :
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté M. [F] [D] [P] de sa demande d'indemnisation de la SARL Criserbois à hauteur de 80 000 euros au titre de la perte de son fonds de commerce ;
Statuant à nouveau sur ce point ;
- Infirmer partiellement la décision entreprise et
- Condamner M. [R] [D] [P] à payer à la SARL Criserbois la somme de 80 000 euros ;
En tout état de cause,
- Débouter M. [R] [D] [P] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamner M. [R] [D] [P] au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
La preuve de la signification des conclusions à M. [E] [M], es qualités n'est pas rapportée.
M. [E] [M], en sa qualité de liquidateur amiable de la SARL Criserbois, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 septembre 2025.
A l'audience, la cour a soulevé d'office le caractère irrecevable de la demande formée par M. [R] [D] [P] de condamnation de M. [F] [D] [P] à payer la somme de 27 968 euros à la SARL Criserbois. Les parties n'ont pas souhaité conclure, s'agissant d'une omission de reprise dans le dispositif d'un moyen soulevé dans les motifs des conclusions de M. [F] [D] [P].
SUR CE
- Sur la recevabilité de la demande de M. [F] [D] [P] :
Moyens des parties :
M. [R] [D] [P] expose que le Tribunal l'a condamné à rembourser des sommes qui ont été facturées et encaissées par la SAS [V] Conseil qui n'a pas été mise en cause dans l'instance engagée par M. [F] [D] [P] ; il n'a jamais été contesté qu'il n'avait jamais ni « facturé » ni « encaissé » ces sommes à titre personnel ; non seulement il n'a pas encaissé ces sommes, mais qu'il n'était qu'associé à hauteur de 50% des parts de la SAS [V] Conseil ; considérer comme l'a fait le Tribunal de commerce, que ces conventions passées entre la SARL Criserbois et la société [V] Conseil encourent l' » annulation » ne saurait, juridiquement, entraîner la condamnation de l'un de ses associés, à rembourser les sommes payées à titre personnel.
M. [F] [D] [P] réplique que s'il avait approuvé les prestations de la société [D] [P] Conseil jusqu'à fin 2016, alors qu'il était dirigeant de la SARL Criserbois, il n'avait pas donné son accord ultérieurement alors qu'elles se sont reproduites sous la nouvelle gérance de M. [R] [D] [P], et alors qu'il n'y avait eu aucun contrôle quant aux montants ; cette pratique a été opérée dans le cadre des départs à la retraite des associés ; il a également effectué des prestations sous ce même cadre, mais pour un montant sans commune mesure pour être limité à la somme de 27 968 euros HT au règlement de laquelle M. [R] [D] [P] s'est d'ailleurs opposé, dans un premier temps ; la problématique tient au fait que son frère a poursuivi cette pratique sans plus s'inquiéter de l'accord de son associé, alors qu'avant cela, un contrôle mutuel était exercé ; il a interdit l'accès aux locaux de la société au concluant, alors que lesdits locaux constituaient le également le siège social de la SCI Brasseur Floquet dont il est le gérant ; ce désaccord est la source principale du conflit entre associés ; cette situation a donc créé un déséquilibre majeur entre les associés égalitaires, au profit de M. [R] [D] [P], son gérant, qui usant de son pouvoir de gestion a vidé les actifs de la société à son seul profit, sans aucun contrôle de son associé, à son préjudice, et à celui de la société ; c'est ainsi qu'en 2017, dans le cadre de l'arrêt de son activité, il a entrepris d'élaborer un projet de sortie de la SARL Criserbois, dont il a informé son frère ; il était prêt à céder ses titres ; c'est dans ces conditions que les parties, ensemble, se sont rapprochées de la Chambre des Métiers et de l'Artisanat, pour lui demander un avis sur la valeur du fonds de commerce lequel a été estimé entre 80 000 euros et 90 000 euros ; il a alors proposé un rachat de ses titres pour 25 000 euros selon courrier du 19 avril 2018, suite à une proposition qui lui avait été faite à hauteur de 12 000 euros ; ces discussions n'ont connu aucune suite et les relations se sont encore envenimées entre les parties face à l'impossibilité de trouver une solution propre à rétablir l'équilibre entre les associés.
Il ajoute que son action est fondée par les dispositions de l'article L. 223-22 du Code de commerce ; un associé est tout à fait habilité et recevable à solliciter l'allocation de dommages et intérêts au profit de la société qui a subi un préjudice du fait des agissements du gérant ; son action est recevable, la société cocontractante n'ayant pas à être attraite dans la cause dans le cadre de cette action spécifique.
Réponse de la Cour :
L'article L. 223-22 du Code de commerce dispose que :
« Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Si plusieurs gérants ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.
Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les associés peuvent, soit individuellement, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués.
Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée, ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action.
Aucune décision de l'assemblée ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour faute commise dans l'accomplissement de leur mandat. »
Dans le cadre de l'action ut singuli, et en vertu de l'article 31 du code de procédure civile, les associés disposent d'un droit propre à agir au nom de la société.
Dès lors que M. [F] [D] [P] allègue de la violation des dispositions relatives aux conventions réglementées par le gérant de la SARL Criserbois et de l'appauvrissement corrélatif de cette société, il exerce légalement l'action sociale en responsabilité des gérants pour le compte de la société qui se verra allouer, le cas échéant, des dommages et intérêts.
Son action est donc recevable et il n'était donc pas nécessaire d'attraire la société cocontractante dans le litige.
- Sur la demande en paiement de la somme de 80 079 euros :
Moyens des parties :
M. [R] [D] [P] expose qu'il n'a nullement été démontré qu'il avait appauvri la SARL Criserbois ; sa prise de fonction a permis de redresser l'entreprise et augmenter le chiffre d'affaires dès l'année suivante, en 2015, de +45% ; à partir de sa mise à la retraite en 2016, le chiffre d'affaires a progressivement baissé compte tenu évidemment du départ à la retraite des deux associés, mais également d'une clientèle vieillissante qui ne s'est pas renouvelée ; lorsque M. [F] [D] [P] était le gérant de la SARL Criserbois, il a accepté de rémunérer la société de conseil dont son frère était associé, la SAS [V] Conseil ; le fait d'avoir payé ces factures est une reconnaissance que celles-ci étaient fondées sur une prestation réelle et profitable à la SARL Criserbois ; M. [F] [D] [P] oublie d'indiquer que lui-même a, via une société de conseil, facturé près de 28 000 euros que la société lui a dûment payé de janvier à juillet 2017 ;
Il ajoute que les premiers juges n'avaient nullement la possibilité d'annuler une convention entre la SARL Criserbois et la société [V] Conseil sans que l'une des parties à la convention soit appelée à la cause ou que cette demande soit formée devant le Tribunal ; il lui est interdit, en vertu des articles 4 et 5 du Code de procédure civile, de modifier l'objet du litige tel qu'il a été défini par les parties ; M. [F] [D] [P] n'était nullement, dans cette instance, le représentant légal de la SARL Criserbois et a donc formé, sans mandat, une telle demande de condamnation ; que selon le principe que « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », M. [F] [D] [P] est irrecevable et mal fondé à faire le reproche à M. [R] [D] [P] d'avoir poursuivi les interventions et les paiements qu'il avait accepté de régler alors qu'il était gérant.
M. [F] [D] [P] réplique qu'en application de l'article L. 223-19 alinéa 3 du code de commerce que les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société ; M. [R] [D] [P] a repris la gérance de la SARL Criserbois à compter de l'exercice 2017 ; qu'il s'est facturé, pour l'exercice 2017, une somme de 44 001 euros HT non soumise à l'approbation de l'assemblée générale dans les conditions de l'article L. 223-19 des dispositions précitées ; il s'est facturé, pour l'exercice 2018, une somme de 36 048 euros HT non soumise à l'approbation de l'assemblée générale dans les conditions de l'article L. 223-19 du Code de commerce, soit une somme totale de 80 049 euros HT ; la société Conseil [D] [P], devenue SAS Atelier [P], a été constituée par M. [R] [D] [P] avec son fils ; son frère en détient 50 % des parts et en a été le président du 10 juin 2015 au 15 mai 2018 ; l'objet des conventions correspond aux fonctions normales de gérant ; ces conventions ont conduit à un appauvrissement de la société à concurrence dudit montant, et lui ont donc été préjudiciables dans les mêmes proportions ; le fait que le gérant ai généré du chiffre d'affaires ne peut suffire à justifier cette facturation par une société tierce.
Il ajoute que le fait qu'un associé développe le chiffre d'affaires ou la rentabilité d'une société ne le dispense pas de respecter les droits de ses associés à une répartition des bénéfices au prorata de leur participation dans la société ; l'illégalité du comportement de M. [R] [D] [P] ne tient pas au procédé même de la facturation de prestations à une société, mais à l'absence d'approbation de cette facturation par les associés ; il est évident que les versements effectués alors que M. [F] [D] [P] était gérant ne posent aucune difficulté ; en y procédant, il les a approuvé ; que le remboursement de ces autres prestations n'a jamais été demandé ; il en était de même pour les facturations faites au profit de sa propre société, Mutliservice [V], avant le changement de gérance ; l'appelant était gérant ; en procédant au règlement, il l'a accepté ; la problématique tient uniquement et exclusivement aux règlements effectués postérieurement au changement de gérance, par M. [R] [D] [P], pour son propre compte, sans qu'il n'en ait informé son associé, et donc sans que celui-ci n'ait pu procéder à aucun contrôle.
Réponse de la Cour :
L'article L. 223-19 du Code de commerce dispose que :
« Le gérant ou, s'il en existe un, le commissaire aux comptes, présente à l'assemblée ou joint aux documents communiqués aux associés en cas de consultation écrite, un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l'un de ses gérants ou associés. L'assemblée statue sur ce rapport. Le gérant ou l'associé intéressé ne peut prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.
Toutefois, s'il n'existe pas de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associé sont soumises à l'approbation préalable de l'assemblée.
Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, lorsque la société ne comprend qu'un seul associé et que la convention est conclue avec celui-ci, il en est seulement fait mention au registre des décisions.
Les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant, et, s'il y a lieu, pour l'associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société.
Les dispositions du présent article s'étendent aux conventions passées avec une société dont un associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, directeur général, membre du directoire ou membre du conseil de surveillance, est simultanément gérant ou associé de la société à responsabilité limitée. »
La saisine du tribunal portait bien sur une demande de dommages-intérêts du fait de l'atteinte à l'intérêt social lié à l'absence d'approbation de ces conventions qui n'avaient pas de contrepartie réelle.
Le jugement dont appel précise dans ses motifs que l'action repose sur le fondement de l'article précité. Il est ainsi dit que :
« Attendu qu'il ressort de la jurisprudence, que les prestations facturées par une société tierce à la société, dès lors que ces prestations sont réalisées par le dirigeant mandataire de cette même société, se trouve dépourvue de contrepartie réelle, et dès lors les conventions dépourvues de cause devaient annulées ;
Attendu que l'absence de formalisme lié au défaut d'approbation par l'assemblée est sans incidence sur la validité de ces conventions ».
Il conclut dans son dispositif par la condamnation suivante :
« Condamne M. [R] [D] [P] à rembourser à la société la somme de 80 079 euros ».
S'il procède par une apparente contradiction de motifs en affirmant d'une part qu'une convention dépourvue de contrepartie réelle doit être annulée et d'autre part que l'absence de formalisme lié au défaut d'approbation par l'assemblée est sans incidence sur la validité de ces conventions, il retient l'absence de contre partie comme la lésion de l'intérêt social visée par le texte dont il fait application.
Dès lors, la mention d'une condamnation à rembourser à la société la somme de 80 079 euros doit s'interpréter comme l'octroi de dommages et intérêts conformément à la demande.
S'agissant de l'action ut singuli, M. [F] [D] [P] doit démontrer, au-delà du simple non-respect des dispositions relatives aux convention non approuvées, l'existence d'un préjudice.
M. [R] [D] [P] a été gérant de la société jusqu'au 1er avril 2014, date à laquelle M. [F] [D] [P] lui a succédé avant qu'il ne cède la gérance à son frère à compter du 1er janvier 2017, selon les extraits de procès-verbaux d'assemblées générales versés aux débats.
L'objet de Criserbois est l'achat, la vente en gros, demi gros et au détail, le sciage brut ou manufacturé, d'articles nécessaires à l'installation ou à la fabrication d'aménagement par les particuliers et artisans, la fabrication, la vente, l'installation d'agencements, articles de décoration pour la maison, la menuiserie, la serrurerie, la quincaillerie et la vitrerie outre le dépannage.
L'objet de la SAS Conseil [D] [P] créée le 13 juin 2015 entre M. [R] [D] [P] et M. [X] [D] [P] est « la réalisation de toutes prestations de service, étude, conseil, ingénierie, commercialisation, d'exploitation quelle que soit leur nature, dans les domaines industriels ou artisanaux du secteur du bâtiment ou autre, la perception des droit de toute nature afférents à la propriété des prestations et études réalisées, la présentation des 'uvres acquises ou réalisées par la société auprès des organismes publics ou privés, la prise de brevet, sponsoring et toutes activités annexes se rattachant à l'activité énoncée ci-dessus et plus généralement, toutes opérations industrielles, commerciales, financières ». Son premier président est M. [R] [D] [P]. Le 15 mai 2018, son objet est modifié en : « fabrication d'autres meubles et industries connexes à l'exclusion de la fabrication de meubles métalliques ou principalement en métal ». Elle prend la dénomination « SAS Atelier [P] ».
Les objets des deux sociétés ne sont pas strictement identiques, même s'ils sont proches.
Il est constant que M. [R] [D] [P], en sa qualité de gérant de la SARL Criserbois a contracté avec la société Conseil [D] [P], dont il était le dirigeant-social, pour des prestations de missions commerciales d'apporteur d'affaires et de leur suivi, de gestion des ouvrages et de gestion de l'atelier et de la pose. Il a établi à ce titre diverses factures en 2017 et 2018 pour un montant global de 80 052 euros. Aucune délibération de l'assemblée générale n'a approuvé la conclusion de ces contrats.
Pour autant, aucun contrat n'est fourni ne permettant pas à la Cour de vérifier la distinction des prestations effectuées par la société de conseil des tâches relevant de la gestion courante du dirigeant social de la SARL Criserbois et corrélativement l'absence de double emploi avec lesdites fonctions sociales. Dès lors, les prestations mises à la charge de la société Criserbois étaient dépourvues de toute contrepartie réelle. (Com., 23 octobre 2012, pourvoi n° 11-23.376, Bull. 2012, IV, n° 190)
Dès lors, c'est vainement que M. [R] [D] [P] plaide que les contrats ont été conclus dans l'intérêt social de la société et l'absence de préjudice du fait de la hausse de son chiffre d'affaires résultant de l'apport d'affaires, dès lors que cette augmentation ne peut qu'être la résultante de son activité de gérant.
En conséquence, la preuve est rapportée des conséquences préjudiciables et M. [R] [D] [P] doit être condamné au paiement de la somme de 80 079 euros se rapportant aux factures injustifiées pourtant payées par la société alors qu'il était gérant et dont il ne discute pas le montant.
- Sur la demande reconventionnelle :
Moyens des parties :
M. [R] [D] [P] expose que si la Cour venait à considérer par extraordinaire qu'il doit rembourser à la SARL Criserbois les sommes encaissées par la société Viera [P] Conseil, il est demandé à la Cour, réciproquement, de condamner M. [F] [D] [P] à rembourser à la société la somme de 23 872 euros.
M. [F] [D] [P] réplique que cette demande nouvelle formée devant la cour est irrecevable, par application de l'article 564 du Code de procédure civile ;'au surplus, à cette date, M. [R] [D] [P] était gérant de la SARL Criserbois et a donc validé ses paiements ; il ne peut donc invoquer sa propre faute de gestion pour remettre en cause des règlements qu'il a accepté d'effectuer à cette date.
Réponse de la Cour :
L'article 564 du code de procédure civile énonce que :
« A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
En la présente espèce, la demande reconventionnelle en paiement dirigée contre M. [F] [D] [P] n'a pas été formulée devant le Tribunal de commerce de Bobigny et ne tend pas en cause d'appel à opposer une compensation ou simplement à faire rejeter une prétention adverse. Il n'existe aucun fait nouveau qui en justifie.
Toutefois, dans son dispositif, M. [F] [D] [P] ne soulève pas le caractère irrecevable de la demande. La cour l'a soulevé d'office.
Dès lors, la demande présentée doit être déclarée irrecevable.
- Sur la confirmation du rejet de la demande de condamnation de 80 000 euros au titre d'une perte de chance d'avoir vendu l'entreprise :
Moyens des parties :
M. [R] [D] [P] expose que le jugement rendu le 14 novembre 2023 a justement rejeté cette prétention en rappelant que le fonds de commerce avait été perdu en raison de l'action en acquisition de clause résolutoire engagée par M. [F] [D] [P] lui-même, dans le cadre de ses fonctions de gérant de la SCI Brasseur Floquet, contre la SARL Criserbois ; il n'a nullement été démontré que son inaction aurait fait perdre le fonds de commerce, alors que les pièces versées au débat ont démontré au le contraire.
M. [F] [D] [P] réplique qu'alors que M. [R] [D] [P] a pris ses fonctions de gérant, le fonds de commerce de la SARL Criserbois était évalué entre 80 000 euros et 90 000 euros ; cette évaluation a été réalisée à la demande du concluant, en prévision du départ en retraite commun des associés ; la SARL Criserbois était alors en activité, disposait d'un portefeuille de clients, de commandes en cours, d'un stock, d'immobilisations, d'un droit au bail ; après cela, M. [R] [D] [P] a cessé toute activité, et arrêté de payer les loyers ; les machines et stocks de bois ont disparu de l'établissement du [Adresse 1] ; s'il est noté au dernier bilan que des immobilisations ont été cédées, aucune information n'a été transmise à l'intimé quant au prix de cession, et à l'identité du bénéficiaire ; le droit au bail a été perdu suite à la résiliation de ce dernier ; par son inaction fautive, M. [R] [D] [P] a donc conduit à faire perdre son fonds de commerce à la SARL Criserbois ; M. [R] [D] [P] a depuis la cessation d'activité créé une entreprise à l'objet social similaire ; il n'a jamais justifié de la moindre démarche pour vendre le fonds de commerce de la SARL Criserbois, préférant lui laisser perdre son droit au bail et ses autres actifs ; ainsi, alors qu'il était en total contrôle de cette société dont il assurait la gérance et dont il ne convoquait pas d'assemblées générales, il a laissé péricliter sa production au point que cette société ait cessé toute activité.
Il ajoute que le tribunal a considéré que la valeur du fonds de commerce retenue par la Chambre de Commerce tenait principalement à la valeur du droit au bail, dont il lui a imputé la résiliation, en sa qualité de gérant de la SCI ; outre le fait que la mise en 'uvre de la clause résolutoire, pour un gérant de SCI, ressort de la gestion normale de cette société face à un locataire ne payant pas ses loyers, ce qui était le cas en l'espèce, la responsabilité première de cette acquisition de clause résolutoire tient exclusivement en l'arrêt de paiement des loyers, exclusivement imputable à une décision de l'appelant ; au surplus, au regard de la nature de l'activité exercée par la SARL Criserbois, le droit au bail ne peut en être analysé comme la composante essentielle du fonds de commerce : peu-importe l'endroit où est situé l'atelier d'un menuisier, son activité tient à ses machines, ses stocks, son portefeuille de clients, à sa réputation et à son savoir-faire ; ce sont justement ces éléments d'actifs que M. [R] [D] [P] s'est abstenu de chercher à transmettre par voie de cession, au préjudice de la SARL Criserbois ; il ne justifie d'aucune démarche pour avoir tenté de vendre un fonds de commerce qui avait une valeur ; cette activité a été reprise, sans frais, et toujours au préjudice de la SARL Criserbois, par la Société Atelier [P].
Réponse de la cour :
Il résulte de l'ordonnance de référé du 15 janvier 2020 rendue par le président du tribunal judiciaire de Bobigny que si la clause résolutoire a été invoquée par la société propriétaire des locaux pris en location par la SARL Criserbois, le juge a constaté une difficulté sérieuse sur les factures de loyers impayés allégués par la SCI Brasseur Floquet qui étaient susceptibles d'être compensés par des travaux réalisés pour son compte par la locataire, un litige existant entre les deux sociétés.
Les parties ont convenu à l'audience de mettre fin au bail au 31 janvier 2020, la demande de paiement provisionnel des loyers étant rejetée.
Dès lors, contrairement aux allégations de M. [F] [D] [P], l'initiative de la rupture ne vient pas de l'attitude fautive du gérant. La lecture des assemblées générales et de l'ordonnance de référés révèle en outre l'absence de toute activité de la SARL depuis le 31 décembre 2018.
Dès lors, aucune faute ne saurait être imputée à M. [R] [D] [P] pour la perte de valeur du fonds de commerce du fait de la rupture du bail.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
M. [R] [D] [P], qui succombe, sera condamné aux dépens.
Les demandes formées au titre des frais irrépétible seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE irrecevable la demande formée par M. [R] [D] [P] de condamnation de M. [F] [D] [P] à rembourser à la SARL Criserbois la somme de 27 968 euros.
CONFIRME le jugement du 14 novembre 2023 du Tribunal de commerce de Bobigny en ses dispositions soumises à la Cour ;
Y AJOUTANT :
DÉBOUTE M. [R] [D] [P] et M. [F] [D] [P] de leurs demandes respectives formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [R] [D] [P] aux dépens.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT