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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-3, 13 novembre 2025, n° 22/05238

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mercedes-Benz Financial Services France (SA)

Défendeur :

Mercedes-Benz Financial Services France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perret

Conseillers :

Mme Dumas, Mme Girault

Avocats :

Me Monin, Me Arena

TJ Versailles, du 12 juill. 2022, n° 21/…

12 juillet 2022

FAITS ET PROCEDURE

Le 18 février 2019, Mme [C] [L] a acheté un véhicule d'occasion Mercedes B 180 CDI immatriculé [Immatriculation 7] auprès du garage Autohaus Tabor, situé en Allemagne, pour un prix de 18 400 euros.

Au moment de la vente, le vendeur lui a remis les documents nécessaires à l'immatriculation du véhicule à l'exception d'un certificat de non-gage. Mme [L] n'a donc pas pu faire immatriculer son véhicule immédiatement, et, après des relances auprès du garage, le gage a finalement été retiré le 30 septembre 2019.

Le 9 décembre 2019, Mme [L] a obtenu le certificat d'immatriculation de son véhicule, sur lequel elle apparaît comme propriétaire.

Le 9 juillet 2020, le juge de l'exécution du tribunal de proximité de Schiltigheim a ordonné la saisie du véhicule au profit de la société Mercedes Benz Financial (ci-après, « la société Mercedes »). Cette ordonnance a été rendue à l'encontre de l'ancien propriétaire du véhicule, M. [K], qui avait conclu un contrat de leasing avec la société Mercedes.

Le 30 septembre 2020, Mme [L] a constaté que son véhicule était en train d'être saisi par un dépanneur en présence d'un huissier de justice et transporté au garage Mercedes situé à [Localité 6] (67).

A la suite de la saisie, Mme [L] a tenté de récupérer son véhicule, mais la société Mercedes s'y est formellement opposée.

Mme [L] a fait appel à son conseil qui a, dans un premier temps, tenté une démarche auprès de la société Exact, responsable de cette saisie.

Le 27 octobre 2020, une mise en demeure a été adressée aux sociétés Exact et Mercedes par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le 30 novembre 2020, la société Mercedes a envoyé un courrier au conseil de Mme [L], s'interrogeant sur le bien-fondé de la cession du véhicule à Mme [L] et demandant des documents justificatifs.

Le 9 décembre 2020, le garage Tabor a adressé à Mme [L] les documents justifiant de la vente et de sa qualité de propriétaire. Il a également joint un justificatif de la préfecture allemande qui s'était chargée d'immatriculer le véhicule en Allemagne après la cession du véhicule réalisée avec M. [K].

Le 21 décembre 2020, les documents ont été envoyés à la société Mercedes par mail.

Par acte du 27 mai 2021, Mme [L] a fait assigner la société Mercedes devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins de la voir condamner(ée') à lui restituer le véhicule sous astreinte et l'indemniser de ses préjudices.

Par jugement du 12 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- débouté Mme [L] de toutes ses demandes,

- condamné Mme [L] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Stéphanie Arena, avocat aux offres de droit,

- condamné Mme [L] à payer à la société Mercedes la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 5 août 2022, Mme [L] a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 25 octobre 2022, de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :

* l'a déboutée de toutes ses demandes,

* l'a condamnée aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Stéphanie Arena, avocat aux offres de droit,

* l'a condamnée à payer à la société Mercedes la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* a rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires,

En conséquence, statuer à nouveau pour,

- dire et juger qu'elle est la propriétaire légitime du véhicule Mercedes-Benz Classe B, immatriculé [Immatriculation 7],

En conséquence,

- dire et juger illégale la détention du véhicule par la société Mercedes,

- condamner la société Mercedes à lui restituer immédiatement son véhicule, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Mercedes à lui payer une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour sa résistance abusive,

- condamner la société Mercedes à l'indemniser de ses préjudices en lui remboursant d'ores et déjà les sommes suivantes, pour les dépenses exposées d'octobre 2020 à mai 2021 :

* au titre de l'assurance voiture.....................................................................522,48 euros,

* au titre des échéances du prêt voiture......................................................2 430,24 euros,

* au titre de l'abonnement pour les transports en commun...........................155,40 euros,

* pour l'achat d'un véhicule de remplacement................................................5 000 euros,

Soit une somme totale de 8 108,12 euros,

- condamner en outre la société Mercedes à lui payer une somme de 369,09 euros par mois à compter du mois de juin 2021 jusqu'à la restitution effective du véhicule, aux fins de lui rembourser l'assurance voiture ainsi que les échéances du prêt bancaire,

- condamner la société Mercedes à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Mercedes de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Mercedes aux entiers dépens sont distraction au profit de Maître Benoît Monin, avocat postulant.

Par dernières conclusions du 20 décembre 2022, la société Mercedes prie la cour de :

- déclarer Mme [L] mal fondée en son appel,

- en conséquence, débouter Mme [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [L] de toutes ses demandes et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Stéphanie Arena, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 juin 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de restitution de véhicule

Pour débouter Mme [L] de sa demande de restitution du véhicule Mercedes B 180Cdi, le tribunal a relevé que tant l'insuffisance des documents remis à Mme [L] lors de la vente, en particulier l'absence de communication immédiate du certificat d'immatriculation, que sa connaissance d'un gage publié sur le véhicule, étaient de nature à faire naître un doute dans son esprit au sujet de la véritable propriété du véhicule et sont exclusives de sa bonne foi.

Considérant être propriétaire du véhicule saisi, Mme [L] sollicite l'infirmation du jugement déféré en rappelant que le titre exécutoire ayant permis la saisie n'était pas émis contre elle mais contre M. [K] , le vendeur originel. Elle sollicite donc sur le fondement des articles 544 et 2276 du code civil la restitution du véhicule.

La société Mercedes-Benz Financial rappelle que le véhicule faisait l'objet d'une inscription de saisie auprès du tribunal dès le 16 janvier 2019. Elle affirme que la levée de la saisie du 30 septembre 2019 était frauduleuse et a permis à Mme [L] d'immatriculer le véhicule. Elle ajoute que l'ordonnance autorisant la saisie permettait d'appréhender le véhicule « en tout lieu et en quelque main qu'il se trouve ».

Sur ce,

L'article 1599 du code civil dispose que la vente de la chose d'autrui est nulle, et qu'elle peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fut à autrui.

L'article 2276 du code civil dispose quant à lui qu'en fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient.

La cour relève tout d'abord que Mme [L] ne cite que le premier alinéa de l'article 2276 du code civil « En fait de meubles, la possession vaut titre », en omettant le second alinéa selon lequel « Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient ».

En l'espèce, M. [K] alors locataire du véhicule l'a vendu au garage AutoHaus Tabor en violation du droit de propriété de la société Mercedes-Benz, comme en atteste le contrat de location avec option d'achat du 7 septembre 2018 produit à la cause. M. [K] ne pouvait à ce titre en disposer librement car il ne lui appartenait pas.

La société Mercedes-Benz Financial a, en raison d'impayés locatifs, mis en demeure M. [K] de s'acquitter de ses obligations par courrier du 28 février 2020. Elle a ensuite présenté une requête en injonction de payer devant le tribunal de proximité de Schiltigheim puis saisi le juge de l'exécution d'une requête en appréhension du véhicule à laquelle ce dernier a fait droit par ordonnance du 9 juillet 2020.

Mme [L], en sa qualité de sous acquéreur, affirme qu'elle ne pouvait, le 18 février 2019, alors que le garage Auto Haus Tabor proposait le bien en vente, douter de manière évidente du droit de propriété de son cocontractant. Néanmoins, il convient de relever, comme l'a également fait le tribunal que, lors de la vente, seuls la facture du garage et le certificat de cession du véhicule lui ont été remis, la carte grise ne lui ayant été transmise que le 9 décembre 2020. Or, la carte grise d'un véhicule constitue un accessoire indispensable à l'immatriculation obligatire de tout véhicule automobile au nom de son propriétaire.

La Cour de cassation a pu ainsi juger que présente un caractère équivoque la possession d'un véhicule acquis sans se faire remettre la carte grise ni vérifier que le vendeur détient ce document. (Civ.1e, 30 octobre 2008, n° 07-19.633). Et c'est bien au moment de l'entrée en possession que doivent s'apprécier les conditions de cette possession. (Civ.1e, 27 novembre 2001, n° 99-18.335)

En outre, Mme [L] ne pouvait ignorer l'existence d'un gage régulièrement publié sur le véhicule, cette inscription étant de nature à informer tout acquéreur diligent de la charge grevant le bien. En procédant à l'achat du véhicule malgré cette publicité et en acceptant de ne pas recevoir les documents originaux, Mme [L] a agi en connaissance du risque auquel elle s'exposait.

Enfin, les deux ventes très rapprochées, la première par M. [K], la seconde par le garage auraient pu susciter des interrogations de sa part dans ce contexte.

Il s'ensuit que Mme [L] ne saurait, comme le tribunal l'a justement jugé, se prévaloir de la qualité de tiers de bonne foi à l'égard de la société Mercedes-Benz pour solliciter la restitution du véhicule et a fortiori mettre en échec la procédure initiée par la société Mercedes-Benz Financial, propriétaire du bien.

Mme [L] fait en outre valoir que le bien a été saisi illégalement entre ses mains alors qu'elle n'était pas concernée par l'ordonnance du juge de l'exécution.

Toutefois, l'ordonnance du 9 juillet 2020 qui autorise à procéder à la saisie du véhicule, objet du litige, prévoit expressément que la mesure peut s'opérer « en quelque main que ce soit et donc, éventuellement entre celles d'un tiers à la procédure ayant conduit à l'ordonnance.

Mme [L] n'a pas contesté la saisie du véhicule devant le juge de l'exécution, seul compétent pour en connaître.

Enfin, en vertu des dispositions légales précitées, Mme [L] dispose d'un recours contre le garage Autohaus Tabor.

La cour, pour ces raisons ajoutées à celles des premiers juges, confirme le jugement déféré et eu égard au sens de la présente décision, le rejet des demandes de restitution et de condamnation à des dommages et intérêts formées par Mme [L].

Sur les autres demandes

La cour confirme le jugement en ce qu'il a condamné Mme [L] à payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter la totalité des dépens.

La cour fait droit à la demande de la Mercedes-Benz Financial au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamne Mme [L] à payer à ce titre la somme de 1000 euros au titre de la procédure d'appel.

La cour condamne également Mme [L] aux entiers dépens d'appel avec recouvrement direct en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Rejette l'ensemble des demandes de Mme [C] [L],

Condamne Mme [C] [L] aux entiers dépens d'appel avec recouvrement direct en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Condamne Mme [C] [L] à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société Mercedez-Benz Financial.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Florence PERRET, Présidente et par Madame FOULON, Greffière , auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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