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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 13 novembre 2025, n° 21/16694

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/16694

13 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/16694 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIORJ

S.A.S. CARDINAL PARTICIPATIONS

C/

S.A.S. LJL

Copie exécutoire délivrée

le : 13 Novembre 2025

à :

Me Marie LESSI

Me Thibault POMARES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 9] en date du 18 Novembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 21/01457.

APPELANTE

S.A.S. CARDINAL PARTICIPATIONS

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Marie LESSI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.S. LJL

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Thibault POMARES, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller Rapporteur,

et Madame Gaëlle MARTIN, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2025.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé en date du 06 juillet 2017, la SAS Cardinal Participations a donné à bail commercial à la société LJL, représentée par M. [Y] [F], un local situé [Adresse 8] à [Localité 4], d'une superficie de 423 m2.

Le bail stipule, dans une clause intitulée 'reprise des engagements' que:

- le preneur est pris en sa qualité de président de la société LJL SAS, actuellement en cours d'immatriculation',

- les parties conviennent qu'à compter de l'immatriculation de la société au registre du commerce, et après justification de la reprise par la société des engagements, que celle-ci sera substituée automatiquement dans les droits du preneur sans qu'il soit besoin d'une quelconque formalité,

-à défaut d'immatriculation de la société, le preneur restera titulaire des droits et obligations du présent contrat.

Le 18 juin 2018, la société Cardinal Participations faisait signifier à M. [Y] [F] un commandement de payer les loyers à hauteur de 41.305,38 euros au titre de loyers et charges dus au 09 mai 2018 en visant la clause résolutoire comprise dans le bail commercial liant les parties.

M. [Y] [F] ne procédait à aucun paiement.

Une première procédure, en référé, opposait les parties.

Par acte introductif d'instance signifie le 30 juillet 2018, la société Cardinal Participations faisait assigner M. [Y] [F] en référé devant le président du tribunal de grande instance de Tarascon, afin de voir notamment constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial, de constater que le défendeur était occupant sans droit ni titre et d' ordonner l'expulsion de ce dernier.

La société bailleresse indiquait notamment, dans son assignation, que la société LJL n'avait jamais été constituée, que M. [Y] [F] ne l'avait jamais faite immatriculer, qu'elle n'avait jamais exploité le local objet du bail commercial, qu'aucun loyer n'avait été réglé et que M. [Y] [F] restait personnellement titulaire des droits et obligations du bail.

En cours de délibéré, M. [Y] [F] produisait une notre comportant, selon lui, un extrait K Bis à jour au 23 août 2018 de la société LJL démontrant que cette dernière existait et était bien immatriculée au RCS de [Localité 9].

Par ordonnance rendue le 6 septembre 2018, le juge des référés de [Localité 9] se prononçait en ces termes :

- au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront,

mais dès à présent,

- déclarons irrecevable la note en délibéré adressée le 29 août 2018 par le conseil de M. [Y] [F] et écartons des débats les dix pièces qui y sont annexées,

- rejetons la demande de délais présentée par M. [Y] [F],

- constatons l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 9 juillet 2018,

- ordonnons à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de M. [Y] [F] et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 5] a [Localité 3] avec le concours, en tant que de

besoin d'un serrurier et de la force publique, sous astreinte de 50 € par jour de retard passe ce délai,

- disons que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles R433-1 du code des procédures civiles d'exécution.

- condamnons M. [Y] [F] a payer à la société Cardinal Participations les sommes provisionnelles de :

- 30.814,86 € au titre des loyers et indemnités d'occupation dues au 23 août 2018

- 3081,48 € en application de la clause pénale.

- condamnons M. [Y] [F] à payer à la société Cardinal Participations des intérêts au taux de 1% par mois de retard sur l'ensemble des loyers contractuels dus et leurs accessoires, ainsi que sur la clause pénale, les intérêts afférents à tout mois commencé étant dus dans leur intégralité,

- condamnons M. [Y] [F] à payer à la SAS Cardinal Participations une indemnité provisionnelle mensuelle d'occupation à compter du 1er septembre 2018 jusqu'à la libération effective des lieux égale au montant du dernier loyer TTC augmente des charges.

- disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamnons M. [Y] [F] aux dépens de l'instance qui comprendront le coût du commandement de payer du 08 juin 2018.

- rappelons que la présente ordonnance est de droit exécutoire par provision.

Cette ordonnance était signifiée le 18 septembre 2018 à M. [Y] [F], qui en relevait appel par déclaration du 26 septembre 2018.

Par arrêt rendu le 17 octobre 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence se prononçait en ces termes :

- déclare recevable l'intervention volontaire de la SAS LJL ;

- déclare recevable l'appel formé par M. [Y] [F];

- rejette l'exception de nullité de l'ordonnance différée ;

y ajoutant,

- condamne M. [Y] [F] à payer à la SAS Cardinal Participations la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejette les demandes de M. [Y] [F] et de la SAS LJL, sur ce même fondement,'

Une deuxième procédure, devant le juge de l'exécution, opposait encore les parties.

Par acte d'huissier du 9 juillet 2020, la SAS Cardinal Participations faisait signifier à M. [Y] [F] un commandement de quitter les lieux.

Par acte d'huissier du 19 août 2020, M. [Y] [F] saisissait le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Tarascon, contre la bailleresse, en annulation du commandement de quitter les lieux.

Par jugement du 26 mars 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Tarascon déboutait M. [Y] [F] de sa demande de nullité du commandement de quitter les lieux.

Le 15 octobre 2021, M. [Y] [F] était finalement expulsé du local commercial.

M. [Y] [F] a interjeté appel contre ce jugement.

Une procédure collective concernait la société LJL.

Par courrier du 15 octobre 2018, Maître [B] [U] (SELARLEtude [Z]), mandataire judiciaire désigné par le jugement d'ouverture de redressement judiciaire du 28 septembre 2018, écrivait à la SAS Cardinal Participations pour l'inviter à déclarer sa créance de loyers dans le cadre de la procédure collective de la SAS LJL.

La SAS Cardinal Participations procédait à une déclaration de créance au titre du privilège du bailleur, pour un montant de 30.690,77 euros, en date du 24 novembre 2018.

La présente procédure opposait les parties.

Le 20 octobre 2021, la société LJL assignait à jour fixe la société Cardinal Participations notamment pour demander de dire qu'elle bénéficiait de la propriété commerciale et d'un bail commercial sur les locaux litigieux et également pour voir ordonner à la bailleresse de de lui restituer les clés desdits locaux.

Par jugement en date du 18 novembre 2021, le tribunal de commerce de Tarascon s'est prononcé en ces termes :

- déclare la société Cardinal Participations irrecevable en sa demande aux fins que soient constatées la résiliation du bail commercial portant sur les locaux dans lesquels la société LJL exploite son fonds de commerce et l'occupation par cette dernière desdits locaux sans droit ni titre,

- constate que la société Cardinal Participations ne justifie pas de l'état de cessation des paiements de la société LJL,

- déboute la société Cardinal Participations de sa demande aux fins de résolution du plan et d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société LJL,

- condamne la société Cardinal Participations à payer à la société LJL la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour dire que la société LJL est locataire du local commercial appartenant à la société Cardinal Participations, le tribunal judiciaire retenait que la société Cardinal Participations, bailleresse, avait reconnu implicitement la qualité de locataire de la société LJL, en ayant, en particulier, déclaré à l'encontre de cette dernière sa créance locative qu'elle détenait à l'encontre de M. [Y] [F]. Toujours sur la reconnaissance implicite par la bailleresse de la qualité de locataire de la société Cardinal Participations, le tribunal ajoutait que cette dernière était d'ailleurs amenée à percevoir une somme correspondant au loyer demandé à M. [Y] [F].

La société Cardinal Participations a formé un appel le 29 novembre 2021 en intimant la société LJL.

La déclaration d'appel est ainsi rédigée :Le jugement du 18 novembre 2021 du tribunal judiciaire de Tarascon est critiqué :

' en ce qu'il a jugé qu'à ce jour la société LJL est locataire du local commercial appartenant à la société Cardinal Participations,

' en ce qu'il a ordonné la restitution des clés du local situé [Adresse 8] à [Localité 3] entre les mains de la société LJL par le bailleur, et ce sous astreinte de 3.000 € par jour de retard à compter de la présente décision,

' en ce qu'il a débouté la SAS Cardinal Participations de l'ensemble de ses demandes,

' en ce qu'il a condamné la SAS Cardinal Participations au paiement des entiers dépens de l'instance,

' en ce qu'il n'a pas débouté la SAS LJL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' en ce qu'il n'a pas condamné la SAS LJL à payer à la SAS Cardinal Participations une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ni aux entiers frais et dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture de l'instruction était prononcée le 9 septembre 2025.

CONCLUSIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2022, la société Cardinal Participations demande à la cour de :

vu les articles 500 et 905 et suivants du code de procédure civile,

- dire la SAS Cardinal Participations recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu le 18 novembre 2021par le tribunal judiciaire de Tarascon,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

ce faisant :

- dire que la SAS LJL n'est pas locataire du local commercial appartenant à la SAS Cardinal Participations et situé [Adresse 6].

- annuler la restitution des clés du local situé [Adresse 5] a [Localité 4] entre les mains de la société LJL par le bailleur,

- condamner la SAS LJL au paiement à la SAS Cardinal Participations de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700du code de procédure civile,

- condamner la SAS LJL au paiement à la SAS Cardinal Participations de la somme de 3.000 euros au titre des entiers frais et dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 mars 2022, la société LJL demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

y venir,

- débouter la société Cardinal Participations de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Cardinal Participations au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel.

MOTIFS

1-sur la demande de la bailleresse appelante de dire que la société intimée n'est pas locataire du local commercial litigieux et en annulation de la restitution des clés

1-1 sur la portée de l'arrêt d'appel du 17 octobre 2019 confirmant l'ordonnance de référé du 6 septembre 2018

Selon l'article 1355 du code civil :L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

L''article 488 du code de procédure civile ajoute :l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée.

La société bailleresse appelante demande à la cour d'infirmer le jugement et de dire que la SAS LJL n'est pas locataire du local commercial lui appartenant, faisant valoir :

- la société LJL a saisi le tribunal dans le seul but de faire échec à l'exécution forcée de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 17 octobre 2019, confirmant 1'expu1sion de M. [Y] [F] et de tout occupant de son chef-au cas particulier la SAS LJL -des locaux dont elle est propriétaire,

- le tribunal est revenu sur les trois décisions de justice précédemment rendues dans cette affaire,

- dès lors que M. [Y] [F], appelant, et la société LJL,intervenante volontaire la procédure considéraient comme mal fonde l'arrêt rendu le 17 octobre 2019, il leur appartenait, conjointement ou individuellement, de se pourvoir en Cassation,

- en l'absence de pourvoi, l'arrêt rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence est passé en force de chose jugée,

- le tribunal judiciaire de Tarascon n'avait pas le pouvoir de remettre en cause 1'arrêt de la Cour de céans du 17 octobre 2019 en ce qu'il a notamment constaté la résiliation du bail portant sur les locaux litigieux,

En l'espèce, une ordonnance de référé était rendue le 6 septembre 2018, par le juge des référés de [Localité 9], laquelle constatait l'acquisition au 9 juillet 2018, de la clause résolutoire insérée au bail et ordonnait l'expulsion de M. [Y] [F] et de tout occupant de son chef (ce qui a permettait donc l'expulsion de la société LJL).

En outre, M. [Y] [F] formait un fait appel contre cette ordonnance et par arrêt rendu le 17 octobre 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence rendait un arrêt de confirmation.

Cependant, ni l'ordonnance de référé du 6 septembre 2018, ni l'arrêt de la cour d'appel du 17 octobre 2019 n'ont autorité de la chose jugée. Ils n'ont au contraire qu'un caractère provisoire. L'absence d'autorité de la chose jugée au principal de l'ordonnance de référé et de l'arrêt du 17 octobre 2019 a pour conséquence que les mesures prescrites par ces décisions ne s'imposent pas à la juridiction qui est saisie du principal.

La société LJL pouvait donc tout à fait saisir le juge du fond, comme elle l'a fait, ce d'autant qu'en tout état de cause elle n'est qu'un tiers par rapport aux décisions qui ont été rendues dans le cadre de la procédure de référé, n'ayant pas été appelée en la cause.

Les juges de première instance ont donc pu, à bon droit, librement examiner le litige qui leur était soumis.

S'agissant de la portée du jugement en date du 15 octobre 2021, prononcé par le tribunal de commerce de Tarascon, s'il s'agit bien, cette fois-ci d'un jugement revêtu de l'autorité de la chose jugée, il n'en demeure pas moins qu'une telle autorité n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.

Or, ce jugement n'a pas tranché, dans son dispositif, ni la question relative à l'identité du locataire, ni celle relative à la propriété commerciale, ni les questions soumises à la cour, étant précisé que les motifs de cette décision n'ont pas autorité de la chose jugée,

Le moyen soulevé par la société Cardinal Participations, pour s'opposer aux prétentions de la société LJL, est donc inefficace.

2-sur la qualité de preneuse de la société LJL

Vu l'article 1103 du code civil,

Pour s'opposer à ce que la cour reconnaisse une quelconque qualité de titulaire du bail à la société LJL, la société bailleresse appelante soutient :

- si le principe de l'Estoppel peut être constitutif d'une fin de non-recevoir, le juge détient toujours le pouvoir d'en contrôler la mise en oeuvre,

- au cas particulier, le tribunal judiciaire de Tarascon a cru pouvoir déduire du fait que la SAS Cardinal Participations avait déclaré à l'encontre de la SAS LJL la créance locative qu'elle détenait à l'encontre de M.[Y] [F] , que cela suffisait à considérer qu'elle reconnaissait implicitement sa qualité de bailleur à la SAS LJL,

- aucun élément de procédure, ne permet d'envisager que la SAS Cardinal Participations ait pu considérer à un moment quelconque avant 1e jugement du 18 novembre 2021 que la SAS LJL puisse être sa locataire,

- la théorie de l'Estoppel ne peut en aucun cas être appliquée dans le cadre de cette procédure et du jugement.

Pour solliciter la confirmation du jugement critiqué et pour dire qu'elle est bien titulaire d'un bail commercial conclu avec la bailleresse, la société LJL énonce :

- la société Cardinal Participations a eu un comportement qui révèle sa reconnaissance implicite de la qualité de preneuse de la société LJL antérieurement et postérieurement à l'arrêt de la cour d'appel rendu le 17 octobre 2019,

- la société bailleresse appelante continue d'agir comme le bailleur de la société LJL tout en indiquant que cette dernière est occupante sans droit ni titre.

- une fois l'expulsion prononcée contre M. [Y] [F], personne physique, la société Cardinal Participations a fait exécuter cette mesure et, tout à la fois, a adressé divers courriers à la société LJL dans lesquels elle indique renoncer au recouvrement des sommes dues au titre de loyers impayés, notamment pendant la première période de confinement et a saisi le juge-commissaire afin d'obtenir la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la société LJL pour non-paiement de loyers postérieurs à l'ouverture du redressement judiciaire.

- la société Cardinal Participations a dernièrement transmis à la société LJL deux avoirs relatifs à la taxe foncière pour l'année 2021 et le mois en cours de l'année 2022. Il est clairement indiqué sur ces deux documents : « locataire : LJL ».

- la société Cardinal Participations a également communiqué à la société LJL son relevé individuel de charges et sollicite le paiement de la somme de 5.576 euros au titre des impôts fonciers et taxe d'ordures ménagères,

- le tribunal judiciaire de Tarascon a très justement estimé que de par ses agissements réitérés

et en application des principes de la théorie de l'Estoppel, il convient de considérer qu'à ce jour c'est bien la société LJL qui est locataire du local. ,

- la société LJL était ainsi parfaitement fondée à saisir le tribunal judiciaire afin que cette situation soit officiellement reconnue.

En l'espèce, le bail commercial litigieux mentionne qu'il est conclu avec M. [Y] [F] et que 'le preneur est pris en sa qualité de président de la société dénommée LJL SAS, actuellement en cours d'immatriculation'.

Toujours concernant l'identité du preneur et les conditions posées par le bail commercial pour que la société LJL se substitue automatiquement dans les droits du preneur, le bail ajoute encore que:

- les parties conviennent qu'à compter de l'immatriculation de la société au registre du commerce et après justification de la reprise par la société de ses engagements, celle -ci sera substituée automatiquement dans les droits du preneur, sans qu'il soit besoin d'une quelconque formalité,

-à défaut d'immatriculation de la société, le preneur restera titulaire des droits et obligations du présent contrat.

Ainsi, il résulte clairement du bail commercial, liant les parties, que pour que la société LJL puisse être considérée comme la titulaire du bail commercial en qualité de preneuse, deux conditions contractuelles doivent être remplies :

- elle doit être immatriculée au registre du commerce,

- elle doit justifier qu'elle a repris les engagements.

Il appartient dés lors à la société LJL, laquelle prétend être la locataire des lieux litigieux, de démontrer la réunion des deux conditions, en ce sens, posées par le bail commercial.En particulier, il revient à la société LJL d'établir une reprise des engagements.

Or, s'agissant de la reprise du bail commercial, initialement conclu le 6 juillet 2017, par M. [Y] [F] , la société LJL n'établit pas l'existence de l'une des trois formalités permises par le code de commerce pour la reprise des actes accomplis au nom et pour le compte de la société en formation. En effet, l'intimée ne soutient pas que le bail commercial (et ses obligations) aurait été repris soit par le biais des statuts, soit par le biais d'un mandat, ou après, l'immatriculation de la société, par un vote en assemblée générale, selon les règles prévues par les statuts.

Enfin, la société LJL ne saurait se prévaloir d'une supposée volonté implicite de sa part de reprise du bail litigieux, les textes ne prévoyant pas de mécanisme de reprise implicite des actes passés au nom de la société en formation.

Ainsi, l'une des deux conditions contractuelles posées par le bail commercial, pour que la société LJL se substitue dans les droits de M. [Y] [F] en qualité de preneuse, n'est pas en l'espèce remplie.

S'agissant par ailleurs de la preuve d'un bail commercial, qui aurait pu être conclu directement entre la bailleresse et la société LJL, postérieurement au bail initial du 6 juillet 2017, celle-ci n'est pas rapportée, les actes mis en avant par l'intimée témoignant seulement de la volonté de la bailleresse de pouvoir percevoir des fonds équivalents aux loyers, qui ne lui ont pas été réglés par M. [Y] [F]. Rien ne démontre une volonté non équivoque de la part de la société Cardinal Participation de conclure un bail commercial avec la société LJL elle-même, postérieurement au seul bail produit aux débats.

Pour ce qui est de l'argumentation de la société intimée, relativement à une supposée violation du principe de l'estoppel par la bailleresse appelante, celle-ci n'est cependant pas de nature à permettre la reconnaissance à la société LJL de sa qualité de locataire des lieux litigieux. En effet, la violation du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui constitue seulement une fin de non-recevoir. Or, en l'espèce, la société LJL ne tire pas les conséquences procédurales adaptées de la supposée violation du principe de l'estoppel.

En tout état de cause, il n'existe aucune violation du principe de l'estoppel par la bailleresse appelante, celle-ci ne s'étant pas contredite au détriment de l'intimée au cours de la présente instance. Il convient de rappeler que la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions

En conséquence, la société LJL, contrairement à qu'elle soutient à tort, ne démontre aucunement sa qualité de preneuse dans le cadre du bail commercial conclu le 6 juillet 2017.

La cour infirme le jugement en ce qu'il :

- juge qu'à ce jour la société LJL est locataire du local commercial appartenant à la société Cardinal Participations,

- ordonne la restitution des clefs du local situé [Adresse 7] à [Localité 3] entre les mains de la société LJL par le bailleur et ce sous astreinte de 3000 euros par jour de retard a compter de la présente décision.

Statuant à nouveau, la cour fait droit aux demandes de l'appelante et :

- dit que la SAS LJL n'est pas locataire du local commercial appartenant à la SAS Cardinal Participations et situé [Adresse 6],

- annule la restitution des clés du local situé [Adresse 5] à [Localité 4] entre les mains de la société LJL par le bailleur,

2-Sur les frais du procès

Au regard de la solution apportée au litige, le jugement est infirmé du chef de l'article 700 et des dépens.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société LJL est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel (dont ceux exposés par la société Cardinal Participations) et à payer une somme de 3000 euros à l'appelante, au titre des frais exposés par cette dernière tant en première instance qu'à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire,

- infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- dit que la SAS LJL n'est pas locataire du local commercial appartenant à la SAS Cardinal Participations situé [Adresse 6],

- annule la restitution des clés du local situé [Adresse 5] à [Localité 4] entre les mains de la société LJL par la société Cardinal Participations,

- condamne la société LJL à payer à la société Cardinal Participations une somme de 3000 euros au titre des frais exposés par cette dernière tant en première instance qu'à hauteur d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société LJL aux entiers dépens de première instance et d'appel (dont ceux exposés par la société Cardinal Participations).

Le Greffier, La Présidente,

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