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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 13 novembre 2025, n° 25/04728

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 25/04728

13 novembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 NOVEMBRE 2025

N° RG 25/04728 - N° Portalis DBV3-V-B7J-XLLQ

AFFAIRE :

S.A.S. SP 3

C/

S.A.S. VARIATIS

S.E.L.A.R.L. BCM

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 22 Octobre 2024 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 24/00840

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 13.11.2025

à :

Me Cindy FOUTEL, avocat au barreau de VERSAILLES (754) x2

Me Pierre-antoine CALS, avocat au barreau de VERSAILLES (719)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. SP 3

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentant : Me Cindy FOUTEL, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 754

Plaidant : Me Bernard BENAIEM du barreau de Paris

APPELANTE

****************

S.A.S. VARIATIS

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentant : Me Pierre-antoine CALS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 719

Plaidant : Me Mélanie TOLLARD-MOURNEIZON du barreau de Paris

INTIMEE

****************

S.E.L.A.R.L. DETROIT

Anciennement BCM, ès qualité d'administrateur de la société SP3

[Adresse 4]

[Localité 10]

S.E.L.A.R.L. FHB

prise en la personne de Me [X] [O] ès qualité d'administrateur de la société SP3

[Adresse 2]

[Localité 10]

S.E.L.A.R.L. [Y]

prise en la personne de Maître [J] [L] [Y], ès qualité de mandataire judiciaire de la société SP3

[Adresse 3]

[Localité 9]

S.A.R.L. [H] [S]

ès qualité de mandataire judiciaire de la société SP3

N° SIRET : [Numéro identifiant 7]

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentant : Me Cindy FOUTEL, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 754

Plaidant : Me Bernard BENAIEM du barreau de Paris

PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Octobre 2025, Monsieur Ulysse PARODI, vice président placé ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente,

M. Bertrand MAUMONT, Conseiller,

Monsieur Ulysse PARODI, Vice président placé,

qui en ont délibéré,

Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 22 avril 2022, la SAS Variatis a consenti à la SAS SP3 un bail dérogatoire portant sur des locaux situés au sous-sol, rez-de-chaussée et premier étage d'un immeuble sis [Adresse 5], pour une durée de trois ans à compter de la date de signature du bail, moyennant un loyer de 600 000 euros hors taxe et hors charges.

Des loyers et charges sont demeurés impayés.

Par acte du 31 octobre 2023, la société Variatis a fait délivrer au preneur un commandement, visant la clause de résiliation de plein droit insérée au contrat de bail, portant sur le paiement de la somme de 1 597 696,23 euros au titre de l'arriéré locatif. Celui-ci est demeuré infructueux.

Par acte de commissaire de justice délivré le 28 décembre 2023, la société Variatis a fait assigner la société SP3 devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en matière de référé, aux fins d'obtenir principalement le constat de l'acquisition au profit de la bailleresse de la clause résolutoire et le paiement de la somme provisionnelle de 1 882 876,70 euros correspondant aux loyers et charges dus au 1er décembre 2023.

Par ordonnance rendue le 21 février 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris s'est déclaré incompétent au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre.

Par ordonnance contradictoire rendue le 22 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, et dès à présent, vu l'urgence :

- rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société SP3 ;

- constaté l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit visée dans le bail dérogatoire du 22 avril 2022, au bénéfice de la société Variatis à la date du 1er décembre 2023 ;

- rejeté la demande de délais formée par la société SP3 ;

- condamné la société SP3 à quitter les lieux loués situés [Adresse 5] ;

- autorisé, à défaut pour la société SP3 d'avoir volontairement libéré les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique ;

- dit qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- fixé une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, révisable selon les dispositions contractuelles, et de la provision sur charges (56.186,43 euros par mois HT et HC à la date de l'audience), augmentée des charges dues ;

- condamné la société SP3 à payer à la société Variatis la somme de 2 626 603,63 euros à titre d'indemnité provisionnelle pour l'arriéré de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation à la date du 6 septembre 2024 (échéance du mois de septembre 2024 incluse), avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2023, à hauteur de la somme de 1 559 074,42 euros, et à compter de la présente décision pour le surplus ;

- condamné la société SP3 à payer à la société Variatis, à compter du 1er octobre 2024 l'indemnité d'occupation mensuelle ci-dessus fixée, jusqu'à libération effective des lieux ;

- rejeté le surplus des demandes de la société Variatis ;

- condamné la société SP3 aux dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, des saisies conservatoires et celui de l'assignation ;

- condamné la société SP3 à payer à la société Variatis une indemnité de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société SP3 de sa demande en paiement émise de ce chef ;

- rappelé que l'ordonnance est exécutoire de plein droit par provision.

Par déclaration reçue au greffe le 29 octobre 2024, la société SP3 a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a rejeté le surplus des demandes de la société Variatis.

Par jugement rendu le 15 juillet 2025, le tribunal des activités économiques de Nanterre a placé la société SP3 en redressement judiciaire.

Par conclusions du 28 août 2025, les sociétés Detroit et FHB, ès qualités d'administrateurs de la société SP3, ainsi que les sociétés [Y] et [H] [S], ès qualités de mandataires judiciaires de la société SP3 sont intervenues à la procédure.

Dans ses dernières conclusions déposées le 30 septembre 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société SP3, les sociétés Detroit et FHB, ès qualités d'administrateurs de la société SP3, ainsi que les sociétés [Y] et [H] [S], ès qualités de mandataires judiciaires de la société SP3, demandent à la cour, au visa de l'article 325 du code de procédure civile, de :

demande à la cour, au visa des articles 834 du code de procédure civile et L. 622-21 du code de commerce, de :

'- infirmer l'ordonnance de référé en date du 22 octobre 2024,

statuant à nouveau,

- à titre principal, juger n'y avoir lieu à référé,

à titre subsidiaire,

- dire que le juge des référés est incompétent compte tenu de la contestation sérieuse existante,

- débouter la société Variatis de son appel incident,

à titre infiniment subsidiaire,

- accorder à la société SP3 des délais de paiement de 24 mois pour régler les effets du commandement de payer,

- débouter la société Variatis de ses demandes,

- condamner la société Variatis à verser à la société SP3 la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 26 septembre 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Variatis demande à la cour, au visa des articles 1103, 1217 et suivants du code civil, 699, 700, 834 et 835 du code de procédure civile, de :

'- débouter la société SP3 de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société SP3 ;

- confirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause de résiliation de plein droit visée dans le bail dérogatoire du 22 avril 2022, au bénéfice de la société Variatis, à la date du 1er décembre 2023 ;

- confirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a rejeté la demande de délais formée par la société SP3 ;

- confirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a autorisé, à défaut pour la société SP3 d'avoir volontairement libéré les lieux, qu'il soit procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique ;

- confirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a dit qu'en ce qui concerne le sort des meubles, il sera procédé selon les dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- confirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a fixé une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, révisable selon les dispositions contractuelles, et de la provision sur charges (56 186,43 euros par mois HT et HC à la date de l'audience, augmentée des charges dues ;

- confirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a condamné la société SP3 à payer à la société Variatis, à compter du 1er octobre 2024 l'indemnité d'occupation mensuelle ci-dessus fixée, jusqu'à libération effective des lieux ;

- confirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a condamné la société SP3 aux dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, des saisies conservatoires et celui de l'assignation ;

- confirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a condamné la société SP3 à payer à la société Variatis une indemnité de 3 000,00 en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a débouté la société SP3 de sa demande de paiement émise de ce chef ;

- infirmer l'ordonnance du 22 octobre 2024 en ce qu'elle a condamné la société SP3 à payer à la société SAS VARIATIS la somme de 2 626 603,63 euros à titre d'indemnité provisionnelle pour l'arriéré de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation à la date du 06 septembre 2024 (échéance du mois de septembre 2024 incluse), avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2023, à hauteur de la somme de 1 559 074,42 euros, et à compter de la présente décision pour le surplus ;

et statuant de nouveau :

- condamner la société SP3 à payer à la société Variatis la somme de de 4 016 781,16 euros à titre d'indemnité provisionnelle pour l'arriéré de loyers, charges locatives et indemnités d'occupation à la date du 26 septembre 2025 (échéance du mois de septembre 2025 incluse), avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2023, à hauteur de la somme de 1 559 074,42 euros, et à compter du 22 octobre 2024 pour le surplus ;

en tout état de cause :

- condamner la société SP3 à verser à la société Variatis la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes de résiliation du bail et de paiement des loyers par provision

Sur ces demandes, la société SP3 fait valoir que l'ordonnance n'était pas passée en force de chose jugée à la date d'ouverture du jugement en redressement judiciaire de sorte que l'arrêt des poursuites individuelles et de l'interdiction de paiement des créances antérieures au jugement d'ouverture imposent son infirmation.

La société SP3 fait valoir par ailleurs que tant la nature du contrat liant les parties, que le principe et le montant du loyer font l'objet de contestations sérieuses ; que l'engagement souscrit s'inscrivait dans une opération immobilière d'ampleur impliquant plusieurs sociétés ; que dans ce cadre, il était convenu qu'elle réalise des travaux d'un montant de 4 millions d'euros dans les locaux avant qu'ils ne lui soient loués moyennant un loyer modéré de l'ordre de 450 000 euros annuel, hors charges, compte tenu des travaux accomplis et de la durée limitée du bail ; mais qu'il lui a été imposé la signature, obtenue par fraude, d'un bail dérogatoire pour un loyer de 600 000 euros annuel, sans franchise de nature à compenser l'investissement réalisé.

Elle ajoute que le bailleur a refusé de tenir compte de la baisse significative des charges et des taxes de bureaux inhérentes aux transformations de la destination de l'immeuble et de les répercuter au preneur.

Pour sa part, la société Variatis fait valoir que lorsque la clause résolutoire de plein droit prévue dans un contrat de location est acquise avant l'ouverture de la procédure, le principe de l'arrêt des poursuites individuelles ne fait pas obstacle à l'action aux fins de résolution de ce contrat ; et qu'en l'espèce, la clause résolutoire est acquise depuis le 1er décembre 2023.

Sur les contestations de la société SP3, la société Variatis fait valoir que les discussions précontractuelles sur le montant du loyer dont se prévaut la société SP3 datent de décembre 2021 et qu'elles ne concernent pas la société SP3, mais la société NSD qui n'est pas preneuse à bail.

Elle ajoute que la société SP3 ne justifie pas du prétendu accord global qui serait intervenu et ne produit aucune pièce à cet effet, les échanges communiqués démontrant tout au plus que des réunions ont eu lieu mais confirmant qu'aucun accord n'a été trouvé ; qu'en revanche, la société SP3 a signé le bail dérogatoire du 22 avril 2022 fixant le loyer annuel à la somme de 600 000 euros, hors charge et hors taxe, et la provision sur charges à la somme de 200 000,04 euros hors taxe ; qu'il n'est rapporté la preuve d'aucune fraude ; et que les prétendus travaux engagés pour près de 4 millions destinés à rendre les lieux exploitables ne sont pas démontrés et ne sauraient en tout état de cause justifier le non-paiement du loyer.

Elle souligne que l'action au fond engagée par la société SP3, par exploit en date 9 février 2024, est purement opportuniste et destinée à constituer un prétexte pour donner l'apparence d'une contestation sérieuse ; et que la demande de requalification du bail dérogatoire en bail commercial n'est pas de nature à exonérer le preneur du paiement des loyers et des charges.

S'agissant de la taxe sur les bureaux, elle indique qu'elle a mandaté un géomètre qui n'a pas été en mesure de réaliser sa mission, la société SP3 ayant empêché l'accès à ses locaux.

Sur ce

Aux termes de l'article 872 du code de commerce, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En application de cet article, il est constant que la juridiction des référés, sans nécessité de caractériser l'urgence, peut constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail, en l'absence de contestation sérieuse.

Sur le moyen tiré de l'interdiction des poursuites consécutive à l'ouverture d'une procédure collective

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L'article L. 622-21 I du code de commerce, applicable en redressement judiciaire par renvoi de l'article L. 631-14, dispose que le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

En application de cet article, il est constant que le créancier perd son droit de poursuite à l'ouverture de la procédure collective de son débiteur. Hors bail commercial, l'arrêt des poursuites n'a toutefois pas pour effet de remettre en cause les actions résolutoires ayant joué avant le jugement d'ouverture, notamment sur le fondement d'une clause résolutoire de plein droit. L'acquisition du jeu de la clause résolutoire antérieurement au jugement d'ouverture n'est pas remise en cause par le dit jugement. Est dès lors recevable une action tendant à la constatation de l'acquisition d'une clause résolutoire ayant joué avant le jugement d'ouverture même si sa mise en 'uvre est fondée sur le défaut de paiement d'une créance de somme d'argent antérieure au dit jugement.

En l'espèce, il résulte de l'analyse de la convention litigieuse que les parties ont conclu un bail dérogatoire qui, en vertu de l'article L. 145-5 du code de commerce, écarte l'application des dispositions relatives au bail commercial.

Il s'ensuit que l'ouverture d'une procédure collective le 15 juillet 2025 n'a aucune incidence sur la non acquisition de la clause résolutoire compte tenu du fait que le commandement du 31 octobre 2023 a produit ses effets le 1er décembre 2023 et qu'il ne peut dès lors plus être remis en cause, sous réserve de la caractérisation d'une contestation sérieuse.

Par conséquent, ce moyen n'est pas opérant.

En revanche, il est constant que seules les condamnations prononcées par le juge du fond peuvent faire l'objet d'une fixation au passif d'une société en redressement judiciaire et qu'une provision susceptible d'être accordée par le juge des référés, n'étant par nature qu'une créance provisoire, ne peut faire l'objet d'une telle fixation, la demande concernant cette créance devant être soumise au juge-commissaire dans le cadre de la procédure de vérification des créances.

Par conséquent, la demande de condamnation provisionnelle de la société Variatis sera déclarée irrecevable.

Sur le moyen tiré de la contestation du contrat et de la créance

En l'espèce, le bail litigieux comporte une clause résolutoire selon laquelle, en cas de défaut notamment de paiement d'un seul terme de loyer, ou des charges, ou de toutes sommes qui en constituent l'accessoire, et un mois après un simple commandement resté en tout ou partie sans effet pendant ce délai, le bail sera résilié de plein droit.

Il est constant que la société Variatis a fait signifier à la société SP3 un commandement d'avoir à payer la somme de 1 597 696,23 euros dans le délai d'un mois, suivant exploit du 31 octobre 2023 et que ce commandement rappelle les termes de la clause de résiliation de plein droit insérée dans le contrat de bail.

Suivant le décompte y figurant, la bailleresse précisait que le preneur était redevable des sommes suivantes :

- 935.361,03 euros au titre des loyers dus HT et HC,

- 305.000,06 euros au titre des provisions sur charges,

- 38.612,81 euros au titre des taxes de bureau,

- 62.927,63 euros au titre du dépôt de garantie,

- 255.794,70 euros au titre de la TVA.

Il n'est pas contesté que la société SP3 n'a pas, dans le délai d'un mois à compter de la délivrance de ce commandement, réglé les causes de celui-ci, même de manière partielle.

Il s'en évince que ce défaut de paiement est de nature à entraîner la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire stipulée au contrat.

Sur la contestation du contrat et de sa qualification, la société SP3 ne fait état d'aucun moyen précis, sauf à se prévaloir d'une assignation au fond devant le tribunal judiciaire de Nanterre en requalification du bail qu'elle laisse le soin à la cour d'analyser afin d'y trouver d'éventuels éléments pertinents.

Elle n'établit pas davantage que le contrat de bail litigieux aurait été obtenu par fraude en ce qu'elle ne précise aucunement son allégation et qu'elle se limite à produire une plainte pénale qui ne constitue, par essence, qu'une dénonciation de faits par son auteur et ne saurait, en elle-même, établir la réalité des manquements allégués.

Rien ne permet donc d'établir que les stipulations du bail litigieux n'auraient pas été librement consenties par les parties et que leur application se heurterait à une contestation sérieuse.

S'agissant de la contestation du montant de sa dette, la société SP3 ne rapporte pas la preuve des travaux d'aménagement des locaux à hauteur de 4 millions d'euros dont elle se prévaut.

En effet, elle se contente de produire un courriel du 11 février 2022 adressé à la société Variatis dans lequel elle indique que « Les locaux vont devoir faire l'objet de travaux très conséquents pour y accueillir nos activités, notamment dans la partie Sous-Sol qui abritait précédemment un DATA CENTER. Ces travaux s'effectueront avec une mobilisation de moyens importants, sur une période très courte (entre fin Février et fin Août 2022 ; pour un emménagement en 09/2022). Nous souhaitons que le bail dérogatoire prévoie qu'une partie de ces travaux preneur fasse l'objet d'une franchise de loyers, dont la durée est à convenir » ainsi qu'un devis de travaux daté du 9 mars 2022 pour un montant de 4 349 521,40 euros ce qui est très insuffisant à rapporter la preuve de l'accomplissement effectif de travaux d'une telle ampleur.

Par ailleurs, même à supposer que ces travaux auraient été réalisés, il résulte du contrat de bail que les parties ont convenu de ne prévoir aucune franchise consécutivement à ceux-ci de sorte que la société SP3 n'est pas fondée à se prévaloir d'une quelconque compensation.

Au demeurant, cela résulte précisément des courriers de la société SP3 qu'elle produit elle-même au débat (pièce 16) dont il s'évince qu'elle ne conteste pas sa dette et qu'il a été convenu de son échelonnement.

Dans un courrier du 20 mars 2023, elle écrit « Comme évoqué dans notre précédent courrier, l'arriéré de paiement est de l.054Keuros TTC à fin 03/2023 et se décompose en :

- 150 Keuros de Retenue de Garantie

- 678 Keuros TTC de loyers hors charges

- 226 Keuros de Charges »

puis « Le solde interviendra conformément au calendrier dont nous avons convenu :

- Versement du solde des loyers en 4 mensualités égales, soit 169,5 Keuros TTC, aux échéances suivantes : 05/04, 05/05, 05/06 et 05/07 respectivement, dès réception du montant corrigé des charges locatives

- Reprise des paiements courants en avril (terme à échoir de 04/2023) ».

Dans un courrier du 25 juillet 2023, répondant à un courrier de la société Variatis qui constate qu'aucun versement n'a été effectué malgré l'échéancier, elle répond « Échéancier d'apurement (hors charges) : suite à vos récents échanges avec notre Président Mr [F] [Z], nous souhaiterions avancer sur les modalités pratiques visant à réduire le montant des arriérés de loyers. Les montants mensuels à verser pour le solde s'en trouveraient ainsi significativement diminuées et la reprise du paiement courant des loyers facilitée. »

Enfin, il résulte du décompte produit au débat arrêté au 1er septembre 2024 que même à retenir une contestation sérieuse relative l'imputation de la taxe sur les bureaux compte tenu de la non-conformité de l'assiette de calcul ainsi que des provisions sur charges à défaut de régularisation, il n'en demeure pas moins que, le commandement de payer est fondé en majeure partie sur le paiement de loyers dus pour lesquels il n'a été procédé à aucun versement depuis la date de prise d'effet du contrat.

Il s'ensuit que la société SP3 ne rapporte la preuve d'aucune contestation sérieuse relative à l'acquisition de la clause résolutoire.

Par conséquent, l'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

II. Sur la suspension de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement

Du fait de l'irrecevabilité prononcée de la demande provisionnelle en paiement de la société Variatis, la demande de délais de paiement et, subséquemment, de suspension de la clause résolutoire, est devenue sans objet.

Par conséquent, il sera dit n'y avoir lieu à référé de ce chef.

III. Sur les demandes accessoires

Au regard de la nature de la présente décision, l'infirmation relevant pour l'essentiel de l'ouverture d'une procédure collective au profit de la société SP3, les dépens et les frais irrépétibles de première instance seront maintenus à sa charge.

Partie perdante, la société SP3 ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Variatis la charge des frais irrépétibles exposés qui seront retenus à hauteur de 4 000 euros au titre de la première instance et de l'appel.

En l'absence de caractérisation des conditions requises par l'article L. 622-17 du code du commerce, la créance de dépens et de frais irrépétibles ne peut faire l'objet que d'une fixation.

Aussi, les dépens et les frais irrépétibles de première instance et d'appel seront mis au passif de la procédure collective de la société SP3.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Constate l'intervention volontaire de la SELARL BCM et la SELARL FHB, ès qualités d'administrateur de la société SP3, ainsi que de la SELARL [Y] et la SELARL [H] [S], ès qualités de mandataires judiciaires ;

Vu le jugement d'ouverture de la procédure collective rendu le 22 octobre 2024 par le tribunal des affaires économiques de Nanterre intéressant la société SP3,

Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a :

- condamné la société SP3 à payer une provision à la société Variatis au titre de l'arriéré de loyers, les charges locatives et les indemnités d'occupation ;

- condamné la société SP3 aux dépens ;

- condamné la société SP3 à payer à la société Variatis une indemnité au titre des frais de procédure ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société Variatis irrecevable en sa demande en paiement formée à l'encontre de la société SP3 ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de délais de paiement de la société Variatis ;

Fixe au passif de la procédure collective de la société SP3 les dépens de première instance et d'appel ;

Fixe au passif de la procédure collective de la société SP3, à la somme de 4 000 euros la créance de la société Variatis au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère faisant fonction de présidente, et par Madame Marion Seus CARADEC, Adjointe faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

L'Adjointe faisant fonction La Présidente

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