Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 13 novembre 2025, n° 21/16026

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/16026

13 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 13 NOVEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/16026 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIMNH

[A] [D]

C/

Société GALA

Copie exécutoire délivrée

le : 13 Novembre 2025

à :

Me Joseph [Localité 6]

Me Sandra JUSTON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8] en date du 09 Novembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/00080.

APPELANTE

Madame [A] [D]

née le 28 Septembre 1975 à [Localité 7] (06), demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Renaud GIULIERI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL GALA

venant aux droits de de la SOCIETE AAB, elle même venant aux droits de Madame [W]

, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Laurent ROTGÉ de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller Rapporteur,

et Madame Gaëlle MARTIN, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Laetitia VIGNON, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2025.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Selon bail commercial en date du 1er août 2008, Mme [A] [D] a donné en location à Mme [Z] [W] un local commercial pour une durée de neuf années a compter du 1er août 2008 pour se terminer le 31 juillet 2017 moyennant le paiement d'un loyer annuel de 12.000 euros, hors charges.

Le local, situé [Adresse 1] à [Localité 5], est composé d'un magasin avec arrière-magasin, de WC en rez-de-chaussée, outre une réserve en sous-sol.

La destination contractuelle convenue est à :'usage de tous commerces, à l'exclusion des activités d'agent immobilier (transaction, gérance) et de celles éventuellement interdites par le règlement de copropriété de l'immeuble'.

Conformément à la clause du bail intitulée 'indemnité pas de porte', Mme [Z] [W] a versé à la bailleresse une indemnité de 50.000 euros ' à titre de droit d'entrée ou pas-de-porte' (outre le versement d'un dépôt de garantie de 2.000 euros).

Le bail stipule la clause contractuelle suivante relative au droit du preneur de réaliser une cession du droit au bail:'Le preneur ne pourra céder son droit au bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce et après avoir obtenu, au préalable, l'accord exprès et par écrit du bailleur. Toutefois et par exception, le preneur pourra céder ou apporter son droit au présent bail à toute société lui appartenant et ce, sans autorisation du bailleur'.

La preneuse, au cours de l'exécution du bail, exerçait une activité d'agent général d'assurances, sous l'enseigne MMA. Mme [Z] [W] a créé une société commerciale pour poursuivre son activité d'agent général d'assurances, une SARL dénommée 'assurances [G]-[W], SARL AAB, agent général MMA', laquelle est devenue la nouvelle locataire après l'apports à son profit du fonds de commerce de Mme [Z] [W]. Ultérieurement, la société locataire a changé son nom pour s'appeler la société Gala.

Par courrier daté du 16 septembre 2016, la locataire indiquait à la bailleresse : 'Comme nous vous l'avons indiqué, je vous informe officiellement que nous ne renouvellerons pas le bail qui nous lie pour l'agence (...) et qui se termine le 31 juillet 2017 sauf erreur. La bonne nouvelle c'est que nous avons un repreneur, à ce jour, qui est d'accord de prendre le local à la condition que le loyer reste en l'état (actuellement il est de 1100,87 euros) et qu'un nouveau bail soit fait, mais cela c'est tout à fait normal étant la dernière année'.

Le candidat à la reprise du bail était M.[C] [K], qui envisageait d'exploiter dans les lieux, avec son épouse, un commerce d'épicerie et vente de produits d'entretien.

Le 13 décembre 2016, la preneuse concluait avec M.[C] [K] une promesse synallagmatique de cession du droit au bail, moyennant le versement d'une somme de 55.000 euros.

La promesse était soumise à la condition suspensive du consentement exprès et écrit du bailleur.

Le 31 janvier 2017, par l'intermédiaire de son avocat, la bailleresse refusait de donner son accord à la cession isolée du droit de cession au profit de M. [C] [K], sans invoquer un quelconque motif de refus.

Finalement, les lieux litigieux étaient loués par la bailleresse à un commerce d'épicerie générale de produits russes, de traiteur et de restauration rapide.

Par acte d'huissier du 16 décembre 2019, la société Gala a fait assigner Mme [A] [D] devant le tribunal judiciaire de Nice, en invoquant la responsabilité contractuelle de cette dernière (qui aurait fautivement refusé de lui donner son accord à la cession du droit au bail) et en indemnisation à hauteur d'une somme totale de 72.254,78 euros (55.000 euros de perte du droit au bail, 6254,78 euros de loyers payés pendant des mois jusqu'à ce que l'agence réagisse ,10.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice économique et moral, 1500 euros de charges de consommation,électricité, abonnement téléphonique et informatique),

Par jugement du 9 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Nice se prononçait en ces termes:

- condamne Mme [A] [D] à payer à la SARL Gala la somme de 55 000 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 19 décembre 2019,

- rappelle que le jugement est de plein droit exécutoire nonobstant appel,

- condamné Mme [A] [D] à payer la somme de1.000 € à la SARL Gala, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Mme [A] [D] aux entiers dépens,

- dit que Me [J] [R] pourra recouvrer contre la partie condamnée aux dépens ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision,

- débouté Mme [A] [D] de toutes ses demandes.

Pour se prononcer ainsi le premier juge retenait que la bailleresse ne démontrait pas que son refus de consentir à la cession du droit au bail par la preneuse à M. [K] était légitime et qu'il s'agissait donc d'un refus fautif et abusif, ouvrant droit à des dommages-intérêts au profit de la preneuse, lesquels étaient évalués à 55 000 euros (soit le montant du pas-de-porte perdu).

Le 15 novembre 2021, Mme [A] [T] formait un appel du jugement en ces termes

:'L'objet du présent appel est de faire droit à toutes exceptions de procédure, d'annuler, sinon

d'infirmer et à tout le moins de réformer la décision déférée. Il est précisé que le présent appel est relatif aux chefs de la décision ayant notamment :

- condamné Madame [A] [D] à payer à la SARL Gala la somme de 55 000 €(cinquante cinq mille euros) avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 19 décembre 2019,

- rappelé que le jugement est de plein droit exécutoire nonobstant appel,

- condamné Mme [A] [D] à payer la somme de1.000 € (mille euros) à la SARL Gala, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [A] [D] aux entiers dépens,

- dit que Me [J] Guileri pourra recouvrer contre la partie condamnée aux dépens

ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision

- débouté Mme [A] [D] de toutes ses demandes.

L'ordonnance de clôture était prononcée le 9 septembre 2025.

CONCLUSIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er septembre 2025, Mme [A] [D] demande à la cour de :

- déclarer Mme [A] [D] recevable en son appel,

- reformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- condamné Mme [A] [D] à payer à la société Gala la somme de 55.000 euros avec intérêts au taux légal a compter de l'assignation en date du 19 décembre 2019,

- débouté la société Gala du surplus de ses prétentions,

- rappelle que le jugement est de plein droit exécutoire nonobstant appel,

- condamné Mme [A] [D] à payer à la société Gala la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [A] [D] aux entiers dépens.

statuant à nouveau de l'ensemble des chefs réformés,

- juger qu'en donnant irrévocablement congé des locaux loués par courrier R.A.R. en date du 16 septembre 2016, la société Gala a perdu toute possibilité quelconque de céder son droit an bail et de reprocher à Mme [A] [D] de ne pas avoir donné suite au projet de cession de droit au bail qui lui a été soumis,

à titre subsidiaire,

- juger que Mme [A] [D] était parfaitement libre de refuser discrétionnairement de donner son autorisation à la cession de droit an bail envisagée par la société Gala pour les causes sus énoncées,

à titre infiniment subsidiaire,

- juger que Mme [A] [D] était parfaitement libre de refuser discrétionnairement de donner

suite aux conditions posées par la société Gala a la réalisation de son projet de cession de droit au bail,

en toute hypothèse,

- débouter la société Gala de1'ensemble de ses demandes.

- condamner la société Gala au paiement à Mme [A] [D] de la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Gala au paiement des entiers dépens de première instance et d'appe1, ces derniers étant distraits au profit de Me Joseph Magnan, avocat à la cour, sous sa due affirmation de droit.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 septembre 2025, les la société Gala demande à la cour de :

vu l'article 1717 du code civil,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que Mme [A] [D] a engagé sa responsabilité en refusant la cession de droit au bail sollicitée par le locataire,

- confirmer jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [A] [D] à verser à la société Gala la somme de 55.000 euros à titre de perte du droit au bail au regard de la promesse de cession conclue entre AAB et M.[K],

- recevoir la société Gala en son appel incident au sujet des demandes de condamnation de Mme [D] pour la somme de 6254,78 euros au titre des loyers payés pendant des mois, la somme de 10.000 euros à titre dommages et intérêts pour préjudice économique et moral, la somme de 1.500 euros au titre des charges de consommation, électricité, abonnement téléphonique et informatique,

- infirmer le jugement entrepris sur ces trois chefs et,

statuant à nouveau de ces chefs,

- condamner Mme [A] [D] à payer à la SARL Gala la somme de 6.254,78 euros de dommages et intérêts au titre des loyers payés pendant des mois,

- condamner Mme [A] [D] à verser à la SARL Gala la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice économique et moral,

- condamner Mme [A] [D] à verser à la SARL. Gala la somme de 1.500 euros de dommages et intérêts au titre des charges de consommation, électricité, abonnement téléphonique et informatique,

- condamner Mme [A] [D] à verser à la SARL Gala la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et condamner Mme [A] [D] aux entiers dépens.

MOTIFS

1-sur la qualification juridique du courrier du 16 septembre 2016 adressé par la preneuse à la bailleresse

Selon l'article L145-9 du code de commerce :Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis au présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement.A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil.Le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation ne cesse, au-delà de la durée de neuf ans, que par l'effet d'une notification faite six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Cette notification doit mentionner la réalisation de l'événement prévu au contrat.S'agissant d'un bail comportant plusieurs périodes, si le bailleur dénonce le bail à la fin des neuf premières années ou à l'expiration de l'une des périodes suivantes, le congé doit être donné dans les délais prévus à l'alinéa premier ci-dessus.Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

L'article 1383 du code civil énonce :L'aveu est la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques.Il peut être judiciaire ou extrajudiciaire.

Pour s'opposer à toute indemnisation au titre d'un abus dans son refus de cession du droit au bail, la bailleresse affirme que dès le 16 septembre 2016, la locataire lui avait donné congé des locaux loués pour la date du 31 juillet 2017 et qu'en conséquence,cette dernière n'avait plus le droit de procéder à une quelconque cession de son droit au bail. Pour elle, la locataire avait mis un terme définitif et irrévocable, au bail, pour la date du 31 juillet 2017. L'appelante ajoute que l'intimée a fait deux aveux de ce que le courrier du 16 septembre 2016 était bien un congé mettant un terme définitif au bail : un aveu extra-judiciaire par courrier du 22 mars 2017 et un aveu judiciaire dans son assignation du 16 décembre 2019.

En l'espèce, le courrier litigieux, que Mme [A] [D] analyse comme constituant un congé donné par la preneuse, est ainsi rédigé : 'Comme nous vous l'avons indiqué, je vous informe officiellement que nous ne renouvellerons pas le bail qui nous lie pour l'agence (...) Et qui se termine le 31 juillet 2017 sauf erreur. La bonne nouvelle c'est que nous avons un repreneur, à ce jour, qui est d'accord de prendre le local à la condition que le loyer reste en l'état (actuellement il est de 1100,87 euros) et qu'un nouveau bail soit fait, mais cela c'est out à fait normal étant la dernière année'.

Ainsi que l'a relevé le tribunal, ce courrier n'exprime cependant pas une volonté claire et non équivoque de la preneuse de donné congé pour le terme initial du bail commercial, puisque cette dernière mentionne également sa volonté de céder son droit au bail à un repreneur.

Ensuite, concernant la question des aveux, le courrier du 22 mars 2017, dont l'auteur est la locataire, indique notamment :

- 'Nous vous avons signalé notre volonté de ne pas reconduire le bail du local vous appartenant situé au [Adresse 2],à la fin de la durée légale de celui-ci',

- 'Nous vous avons proposé deux dossiers très sérieux, triés parmi les demandes et sollicitations reçues, le premier intéressé s'est désisté du fait du traitement de son dossier, le temps de réponse a été trop long (...)Fort de cela nous avons sélectionné un nouveau candidat, en lui montrant toutes vos demandes, en respectant l'interdiction indiquée sur notre bail et en prenant la précaution de respecter le règlement de copropriété (...)'

Ce courrier, qui se réfère au précédent courrier ambigu du 16 septembre 2016,n'apporte rien de neuf. Il ne témoigne pas de la volonté de la société Gala de donner congé, mais seulement de son intention de céder le droit au bail à un repreneur. Il ne peut s'analyser en un aveu extrajudiciaire de la part de la preneuse sur le fait qu'elle aurait donné congé.

S'agissant de l'assignation introductive d'instance, délivrée par la locataire le 16 décembre 2019 à la bailleresse, elle mentionne notamment:

- ''elle y a exercé jusqu 'au 16 septembre 2016, date à laquelle une lettre recommandée de résiliation avec accusé de réception à l'agence Moliére, représentant Mme [D], avant le terme du bail,

-'Attendu qu'il est versé aux débats la promesse synallagmatique de cession de droit au bail entre la SARL AAB Assurances [G] [W], sous condition supensive, entre elle-même et M. [C] [K](...) marié à Mme [F] [U], bénéficiaires de la promesse (...)'

Tout comme pour le courrier de la preneuse du 16 septembre 2016, il ne peut se déduire de la lecture des termes de l'assignation que la preneuse souhaitait mettre purement et simplement un terme au bail à son échéance. Au contraire, cette dernière indiquait à la bailleresse qu'elle voulait céder son droit au bail à cette date.

Conformément à ce qui a été jugé en première instance, la locataire n'a pas entendu donner congé et cette dernière peut utilement tenter de démontrer que le refus de la bailleresse de lui donner son agrément pour la cession du bail était abusif et fautif.

2-sur le refus de la bailleresse de consentir à la cession du droit au bail

Selon l'article L145-16 al 1 du code de commerce, dans sa version applicable au présent litige, en vigueur du 21 septembre 2000 au 24 mars 2012 :Sont également nulles, quelle qu'en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient du présent chapitre à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise.

Le bail contient une stipulation relative à la cession du droit au bail ainsi rédigée :' Le preneur ne pourra céder son droit au bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce et après avoir obtenu au préalable, l'accord exprès et par écrit du bailleur. Toutefois par exception, le preneur pourra céder ou apporter son droit au présent bail à toute Société /ui appartenant et ce, sans autorisation du bail.»

Au soutien de sa demande indemnitaire, la société intimée soutient qu'à défaut de motif légitime, le refus du bailleur de laisser le preneur céder son droit au bail est abusif et doit entraîner l'indemnisation du préjudice causé à ce dernier, empêché à tort de céder son bail. La preneuse intimée ajoute que tel est le cas en l'espèce, la bailleresse lui ayant opposé un refus d'accord de cession de son droit au bail à M. [K], refus totalement dénué de motif légitime et injustifié.

La preneuse précise que, dans son courrier du 31 janvier 2017, la bailleresse lui a expliqué que son refus d'agréer la cession du droit au bail était lié à l'activité que l'acquéreur souhaitait exploiter dans les locaux, alors qu'une telle activité, qui consistait en l'exploitation d'une épicerie, n'avait rien de blâmable. L'intimée fait encore valoir que la bailleresse a finalement installé, dans les lieux loués, un commerce identique à celui qui était envisagé par le repreneur, soit un commerce d'épicerie. Pour la preneuse, la bailleresse a donc simplement cherché à faire échouer la cession envisagée, pour récupérer le local et empocher un nouveau pas de porte à l'entrée du locataire suivant.

En réponse à l'argumentation de la bailleresse, qui soutient que sont valides les clauses interdisant au preneur la cession du droit au bail indépendamment de la cession de son fonds de commerce, la preneuse répond qu'un tel raisonnement est inopérant en l'espèce. Pour elle, la clause liant les parties ne lui fait aucunement interdiction formelle de procéder à la cession du seul droit au bail de façon isolée, en dehors de toute cession du fonds de commerce.

En réponse à l'argumentation de la bailleresse, selon laquelle elle aurait dû procéder au renouvellement anticipé du bail étant donné que la cession serait intervenue dans les trois dernières années du bail, la preneuse prétend que ce raisonnement est inopérant. Pour elle, la condition suspensive n'exemptait aucunement Mme [A] [D] de donner un motif légitime à son refus d'agrément.

Pour dire que son refus de consentir à la cession du bail par la société Gala à un repreneur n'était pas abusif et pour s'opposer à toute indemnisation à ce titre, la bailleresse répond d'abord que la clause litigieuse, relative à la cession du droit au bail, interdisait expressément toute cession de droit au bail indépendamment du fonds de commerce. Elle ajoute qu'une telle clause est reconnue valable.

Mme [A] [D] soutient encore qu'à partir du moment où le bail interdisait expressément à la locataire de procéder à la cession de son droit au bail indépendamment de son fonds de commerce, elle était parfaitement libre, en tant que bailleresse, de refuser à cette dernière la cession du droit au bail et ce sans avoir à justifier d'un quelconque motif.

La bailleresse appelante fait encore valoir qu'au moment ou la locataire a souhaité procéder à la cession de son droit au bail, elle se situait à moins de trois ans de la date d'expiration de son bail (31/07/17). Elle ajoute que l'article L. 145-8 du code de commerce précise expressément que, pour qu'un locataire puisse bénéficier d'un droit au renouvellement de son bail, il doit avoir procédé à une exploitation effective et continue de son bail dans les trois dernières années de son bail. Elle conclut que si un locataire souhaite céder son droit au bail à un tiers dans les trois dernières années de son bail, il doit obligatoirement obtenir l'accord de son bailleur sur un renouvellement, du bail par anticipation en plus de l'autorisation de cession du droit au bail.

Il est de principe que lorsque la cession du bail est concomitante à la cession du fonds, les clauses interdisant la cession sont prohibées, alors même que, les clauses interdisant purement et simplement au locataire toute cession du seul bail sont licites.

En l'espèce, les parties s'accordent à dire que la cession envisagée par la société Gala à M. [K] était bien une cession isolée du droit au bail, indépendamment de la cession du fonds de commerce.

Or, les clauses interdisant purement et simplement au locataire toute cession du seul bail sont licites.

Le bail commercial litigieux contient les clauses contractuelles suivantes relatives à la cession du droit au bail:' Le preneur ne pourra céder son droit au bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce et après avoir obtenu au préalable, l'accord exprès et par écrit du bailleur. Toutefois at par exception, le preneur pourra céder ou apporter son droit au présent bail à toute société lui appartenant et ce, sans autorisation du bail.

La stipulation contractuelle suivante :' Le preneur ne pourra céder son droit au bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce ', signifie clairement, sans qu'aucun travail d'interprétation ne soit nécessaire, qu'il est contractuellement interdit au locataire de céder son droit au bail, à un tiers, isolément et en dehors de toute cession du fonds de commerce.

En conséquence, la bailleresse était parfaitement libre de refuser discrétionnairement sans avoir à exposer un quelconque motif de refus, de donner son autorisation à la preneuse, pour la cession de son droit au bail, isolément, en dehors de toute cession du fonds de commerce.

Mme [A] [T] n'a donc pas engagé sa responsabilité en ayant refusé de donner son agrément à la cession du droit au bail seul. Elle n'est pas tenue d'indemniser la société Gala.

Infirmant le jugement, la cour rejette toutes les demandes indemnitaires de la société Gala au titre d'un prétendu refus abusif de l'appelante de donner son autorisation pour la cession du droit au bail isolément de celle du fonds de commerce.

3-sur les frais du procès

Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement est infirmé du chef de l'article 700 et des dépens.

Statuant à nouveau et y ajoutant, la cour condamne la société Gala à payer à Mme [A] [D] une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (pour les frais exposés tant en première instance qu'à hauteur d'appel) et condamne également la société Gala aux entiers dépens de première instance et d'appel (dont ceux exposés par Mme [A] [D]).

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement :

- infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- rejette toutes les demandes de la société Gala contre Mme [A] [D],

- condamne la société Gala à payer à Mme [A] [D] une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (pour les frais exposés tant en première instance qu'à hauteur d'appel),

- condamne la société Gala aux entiers dépens de première instance et d'appel (dont ceux exposés par Mme [A] [D]).

Le Greffier, La Présidente,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site