Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 5, 13 novembre 2025, n° 25/09713

PARIS

Autre

Autre

PARTIES

Demandeur :

Lya Food (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Najem

Avocats :

Me Balhawan, Me Griffon

TJ [Localité 6], du 22 avr. 2025, n° 24/…

22 avril 2025

Copies exécutoires République française

délivrées aux parties le : Au nom du peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 5

ORDONNANCE DU 13 NOVEMBRE 2025

(n° /2025, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/09713 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLOOH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Avril 2025 - TJ d'[Localité 6] - RG n° 24/01056

Nature de la décision : Contradictoire

NOUS, Laurent NAJEM, Conseiller, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assisté de Cécilie MARTEL, Greffière.

Vu l'assignation en référé délivrée à la requête de :

DEMANDERESSE

S.A.S. LYA FOOD

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493

Assistée de Me Zayan BALHAWAN, avocat plaidant au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : 218

à

DÉFENDERESSE

S.N.C. [Localité 6] VENDOME 3

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Serge GRIFFON de la SELASU CABINET COHEN-TRUMER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0009

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l'audience publique du 07 Octobre 2025 :

Une ordonnance de référé du tribunal judiciaire d'Evry du 22 avril 2025 a :

Constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail portant sur le local commercial n°13 dépendant du centre commercial [Localité 6] 2 situé [Adresse 1] à [Localité 7] à la date du 16 août 2024 ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de suspension de l'acquisition de la clause résolutoire et en délai de paiement :

Ordonné, si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier, l'expulsion immédiate de la SAS Lya food et/ou de tous occupants de leur chef du local commercial n°13 dépendant du centre commercial [Localité 6] 2 situé [Adresse 1] à [Localité 7] ;

Rappelé que le sort des meubles et objets se trouvant dans les lieux loués sera régi par les dispositions de l'article L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamné la SAS Lya food à payer à la SNC [Localité 6] Vendôme 3 la somme provisionnelle de 102.041,53 euros au titre des loyers, charges, indemnités d'occupation et accessoires impayés arrêtés au 1er trimestre 2025 inclus ;

Fixé à titre provisionnel, l'indemnité mensuelle d'occupation due par la SAS Lya food à une somme égale au montant du loyer contractuel mensuel, outre les taxes, charges et accessoires que la SNC [Localité 6] Vendôme 3 aurait perçus si le bail ne s'était pas trouvé résilié, et ce à compter du 16 août 2024 ;

Condamné la SAS Lya food à payer à la SNC [Localité 6] Vendôme 3, à titre provisionnel, l'indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2025 et ce, jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée par la reprise des lieux ou la restitution des clefs ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre de la majoration de l'indemnité d'occupation ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de conservation du dépôt de garantie ;

Condamné la SAS Lya food aux dépens, comprenant notamment les frais de commissaire ;

Condamné la SAS Lya food à payer à la SNC [Localité 6] Vendôme 3 la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes.

Par déclaration du 9 mai 2025, la société Lya food a fait appel de cette décision.

Par acte en date du 21 juillet 2025, elle a fait assigner la SNC Evry Vendôme 3 devant le premier président de la cour d'appel de Paris, en référé, aux fins de voir :

- suspendre l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue le 22 avril 2025 ;

- ordonner à la SNC Evry Vendôme 3 de surseoir à toute mesure d'exécution forcée et notamment à toute procédure d'expulsion, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond par la cour d'appel ;

- condamner la SNC [Localité 6] Vendôme 3 aux entiers dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience du 7 octobre 2025, représentée par son conseil, elle maintient l'ensemble de ses demandes, qu'elle développe oralement.

Elle fait valoir que depuis la première décision, elle se trouve confrontée à une situation d'une gravité particulière ; qu'un risque réel et concret a été manifesté par le franchiseur quant à l'implantation de ses points de vente ; que le franchiseur a manifesté son opposition à une relocalisation hors de la zone actuelle. Elle souligne que l'instabilité empêche l'octroi de nouveaux concours financiers et que la conjoncture actuelle du marché rend très difficile à brève échéance la recherche d'un local équivalent dans la même zone.

Elle fait état du risque de licenciement des 10 salariés employés sur le site et soutient que l'ensemble de ces éléments révélés postérieurement à la première décision caractérise le risque de conséquences manifestement excessives.

S'agissant des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de l'ordonnance entreprise, elle soutient que le premier juge a commis une erreur de droit en refusant de faire application des dispositions de l'article L. 145-41 du code de commerce, telles qu'interprétées par la jurisprudence ; que sa demande de délais introduite avant que la clause résolutoire ne produise ses effets aurait dû être examinée et accueillie. Elle considère que l'ordonnance se caractérise par une insuffisance de motivation en ce que ses justificatifs notamment n'ont pas été examinés de manière approfondie.

Elle fait valoir que la sanction est disproportionnée au regard des paiements intervenus, de la proposition réaliste de rééchelonnement ; que les efforts consentis témoignent de sa bonne foi.

Elle allègue que le commandement de payer ne respecte pas les prescriptions légales, les montants étant présentés de manière globale, sans ventilation, la privant de la possibilité de contrôler la régularité et la légitimité des sommes exigées.

Par conclusions déposées à l'audience et développées oralement, la SNC [Localité 6] Vendôme 3 demande de :

- rejeter la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

- débouter la société Lya food de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Lya food à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elle soutient que le premier juge a fait une application parfaitement appropriée de l'article L.145-41 du code de commerce tant en ce qui concerne la mise en 'uvre du mécanisme de la clause résolutoire que dans le refus d'en suspendre les effets et d'accorder des délais de paiement au regard des éléments inopérants produits par le preneur, de sorte qu'aucun moyen sérieux d'annulation ou de réformation ne peut être retenu. Elle relève que l'arriéré locatif s'est encore accru depuis l'ordonnance de référé puisqu'aucun paiement n'est intervenu depuis avril 2025. Elle conteste le fait que le commandement de payer ne détaillerait pas les sommes visées.

Elle expose que l'expulsion en elle-même ne constitue pas une conséquence manifestement excessive et que l'existence d'un contrat de franchise est inopposable au bailleur et n'est pas un élément nouveau pour être connu, pas plus que le risque de disparition de l'emplacement commercial.

La société SNC [Localité 6] Vendôme 3 a été autorisée en délibéré à adresser la copie exhaustive du commandement de payer qui comporte 12 feuillets et qui n'avait pas été produit intégralement.

La société Lya food a été autorisée à adresser ses observations à la suite de cette communication.

Le commandement a été adressé en cours de délibéré, dans un courrier en date du 9 octobre 2025, la société Lya food maintient ses réserves sur la matérialité de l'acte et son contenu s'agissant des sommes qui y sont portées.

MOTIVATION

Aux termes de l'article 514-3, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile :

" En cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance ".

Aux termes de l'article 514-1 du code de procédure civile :

" Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.

Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

Par exception, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé, qu'il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l'instance, qu'il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu'il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état ".

Le juge des référés ne peut donc, en application de ce texte, écarter l'exécution provisoire de droit attachée à sa décision. En conséquence, toute observation d'une partie sur l'exécution provisoire serait vaine devant lui.

L'absence de telles observations ne saurait dès lors être sanctionnée par une fin de non-recevoir, sauf à reprocher à une partie de ne pas avoir formulé d'observations inopérantes.

Il en résulte en l'espèce que le débat sur le fait de déterminer si les conséquences manifestement excessives alléguées se sont révélées postérieurement ou non à la première décision est sans pertinence, le défendeur ne soulevant pas au demeurant de fin de non-recevoir à ce titre.

Pour rejeter la demande de délais de paiement, le premier juge a retenu que la production d'une déclaration de chiffres d'affaires sur l'année 2023 et des situations de compte était insuffisante pour démontrer sa capacité d'honorer la dette en plus du loyer courant, ce qui constitue une analyse pertinente et suffisante de la situation du débiteur.

Le premier juge n'a pas considéré que cette demande de délais n'était pas recevable, mais qu'elle n'était pas fondée.

Il sera relevé que la proposition de régler la somme de 2 512,74 euros en plus du loyer courant n'était au demeurant pas susceptible en tout état de cause d'apurer une dette de 102 041,53 euros dans le délai légal de 24 mois mais en plus de 40 mois, ce qui pouvait constituer à lui seul un motif de rejet.

Surtout, la dette a considérablement augmenté depuis la première décision puisqu'il est dû au 1er septembre 2025 une somme de 184 722,39 euros (pièce 10 de la défenderesse). La preuve que le moindre paiement serait intervenu depuis le 22 avril 2024 - pour la période postérieure à l'ordonnance entreprise - n'est pas rapportée, s'agissant pourtant de la principale obligation du locataire.

Il s'en évince que le paiement du loyer courant n'a toujours pas repris, cette évolution très défavorable dément à elle-seule la capacité de la société Lya Food d'apurer sa dette dans les délais légaux et de respecter les termes de la proposition qu'elle avait formulée devant le premier juge. Cette proposition au regard de l'augmentation de la dette, ne présente plus aucune pertinence.

Le juge des référés, à la différence du tribunal statuant au fond, ne sanctionne pas une inexécution des obligations et ne prononce pas la résiliation du contrat : il ne fait que constater l'acquisition de la clause résolutoire et dès lors il n'a pas le pouvoir d'écarter les effets de ladite clause au seul motif que la résiliation serait disproportionnée mais uniquement d'en suspendre le jeu compte tenu de délais que, le cas échéant, il octroie. Le moyen tiré de la disproportion de la " sanction " n'est donc pas pertinent.

Le locataire n'a pas produit aux présents débats la copie intégrale du commandement de payer en date du 15 juillet 2024 pour permettre une comparaison utile avec la copie de l'acte versée par le bailleur. En effet, alors que la copie du commandement ne comprend que 5 feuillets et ne comporte pas de décompte, le commissaire de justice expose dans le procès-verbal de signification que l'acte signifié comportait 12 feuillets.

Il comportait nécessairement un décompte des sommes dues, conformément à la version produite par le bailleur, qui détaille suffisamment les éléments de l'arriéré.

Il ressort en tout état de cause de l'ordonnance du 22 mars 2025 que devant le premier juge, la locataire ne prétendait d'ailleurs pas qu'aucun décompte n'était annexé à l'acte mais que le commandement n'était pas suffisamment précis et ne permettait pas de vérifier la régularité, la légitimité et la proportionnalité des sommes réclamées principalement au titre des pénalités et des intérêts de retard. Or, précisément, les pénalités et intérêts n'ont pas été retenus par le premier juge.

Le commandement de payer a été précédé d'une sommation de payer en date du 6 juin 2024 qui reprenait déjà l'ensemble de la situation de compte, avec les factures y afférentes, soit moins de 10 jours avant le commandement (acte remis à personne).

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société Lya Food ne justifie pas de moyens sérieux d'infirmation de la première décision.

Par conséquent, sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée à la première décision sera rejetée, les deux conditions de l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives.

Partie perdante, la société Lya Food sera condamnée aux dépens de la présente instance ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

Condamnons la société Lya Food à payer à la société [Localité 6] Vendôme 3 la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons la société Lya Food aux dépens de la présente instance.

ORDONNANCE rendue par M. Laurent NAJEM, Conseiller, assisté de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La Greffière, Le Conseiller

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site