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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 1, 7 novembre 2025, n° 25/01654

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/01654

7 novembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2025

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/01654 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKWKU

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Octobre 2024 rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire PARIS - RG n° 22/14761

APPELANTE

S.A.S. OAAGC HOLDING immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 572 123 967, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilé en sa qualité audit siège socialvenant aux droits et obligations de la SCI OAAGC par suite d'une déclaration de dissolution sans liquidation de la SCI OAAGC en date du 24 novembre 2023, effectuée dans le cadre de la transmission universelle de son patrimoine à la Société OAAGC HOLDING, et déposée au Greffe du Tribunal de commerce de Paris le 17 février 2024

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Cyrille AUCHÉ de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de PARIS assistée de Me Claude MINCHELLA de la SEP DOLFI MISSIKA MINCHELLA SICSIC ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : W11

INTIMES

Maître [W] [T] née le 08 Août 1971 à [Localité 9], Membre de la SELAS ALLIANCE NOTAIRES - [Localité 6] [Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

S.E.L.A.S. ALLIANCE NOTAIRES - ELYSEEE [Adresse 4] immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 832 477 616, titulaire d'un office notarial, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 5]

S.A.S. ALLIANCE NOTAIRES - [Localité 7] immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 785 399 908, titulaire d'un office notarial, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Tous trois représentés et assistés de Me Thomas RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499 substitué par Me Marie-josé GONZALEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B0211

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 septembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nathalie BRET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre

Nathalie BRET, conseillère

Catherine GIRARD- ALEXANDRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 19 septembre 2003, en l'étude de Me [B] [K] notaire, la société civile immobilière (SCI) FGE, représentée par son gérant M. [J] [Y], a cédé à la société civile SCI OAAGC, représentée par un clerc de notaire agissant en vertu des pouvoirs conférés par le gérant M. [J] [Y], moyennant le prix de 276.390 € :

« Les 170 parts de 1 Franc chacune, entièrement libérées, portant les numéros 2331 à 2500 de la « Société Immobilière du [Adresse 3] à [Localité 8], société civile au capital de 4.000 Francs, dont le siège est à [Localité 8] (Hauts de Seine), [Adresse 3], propriétaire de l'immeuble sis à [Localité 8] (Hauts de Seine) à la même adresse.

Avec tous les droits de toute nature attachés à ces parts sous quelque dénomination que ce soit.

Lesdites part donnant droit à la jouissance, pendant le cours de la société, et vocation à l'attribution en pleine propriété lors de sa dissolution, ou en cas de retrait anticipé d'associés, au lot n°60 du règlement de copropriété de l'immeuble social ci-dessus mentionné.

Ledit lot désigné comme suit :

- Au troisième étage, escalier à droite, sur cour, un appartement à gauche sur le palier comprenant : hall, deux pièces sur rue, une pièce sur jardins, cuisine, office, salle de bains, water-closets, deux placards.

- Cave au sous-sol n°12,

Et les 170/4.000èmes des parties communes ».

Ces parts avaient été acquises par la SCI FGE, de M. [J] [Y], par acte sous-seing privé du 6 décembre 1991.

Or, par acte authentique du 18 septembre 1992, intitulé « Retrait partiel de la SCI du [Adresse 3] à [Localité 8] par la SCI FGE », en l'étude de Me [N] [V], notaire, la SCI FGE, représentée par son gérant M. [J] [Y], s'était retirée de la SCI du [Adresse 3] à [Localité 8], en se faisant attribuer privativement les éléments de copropriété correspondant à ses parts sociales, à charge de supporter sa part dans le passif social, l'acte précisant que les lots n°60 (appartement) et n°93 (cave n°12) étaient attribués à la SCI FGE et que, « comme conséquence du retrait du comparant de seconde part, qui précède et de l'attribution qui vient d'être effectuée, les 170 parts de la SCI FGE numérotées de 2331 à 2500 sont annulées et le capital social se trouve réduit à la somme de 2660 ».

Ce retrait a donc eu pour effet de rendre inexistantes, les parts litigieuses, objets de l'acte du 19 septembre 2003.

La SCI FGE a été dissoute à compter du 2 novembre 2022, selon un procès-verbal d'assemblée générale du 2 novembre 2022, publié dans les Affiches Parisiennes le 24 novembre 2022. Les opérations de liquidation amiable ont été clôturées avec effet à compter du 15 novembre 2022.

Par actes d'huissier des 2 et 8 décembre 2022, la SCI OAACG, reprochant à Me [J] [K], notaire rédacteur de l'acte de cession du 19 septembre 2003, de n'avoir pas tenu compte de l'acte du 18 septembre 1992 et d'avoir vendu des parts inexistantes, a fait assigner les sociétés Alliance Notaire [Localité 6] [Adresse 4], Alliance Notaires et Mme [W] [T], sur le fondement de la responsabilité civile professionnelle, aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer notamment la somme de 110.161 € représentant l'impôt sur la plus-value qu'elle a dû payer et la somme de 26.370,12 € représentant les frais d'une vente intercalaire qu'elle a dû réaliser sur un immeuble.

Par conclusions d'incident, les sociétés Alliance Notaire [Localité 6] [Adresse 4], Alliance Notaires et Mme [W] [T] ont soulevé l'irrecevabilité de l'action de la SCI OAAGC pour cause de prescription.

La société OAAGC HOLDING, venant aux droits de la SCI OAAGC, a conclu au rejet de la fin de non-recevoir.

Par ordonnance du 17 octobre 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a statué ainsi :

- déclare la société OAAGC Holding venant aux droits de la SCI OAAGC irrecevable en son action,

- la condamne à payer aux sociétés Alliance Notaires [Localité 6] [Adresse 4] et Alliance Notaires ainsi qu'à Mme [W] [T] la somme de 1.000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du cpc,

- la condamne aux dépens.

La SAS OAAGC Holding a relevé appel de cette ordonnance par déclaration remise au greffe le 10 janvier 2025.

La procédure devant la cour a été clôturée le 4 septembre 2025.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 16 juillet 2025, par lesquelles la SAS OAAGC Holding, venant aux droits de la SCI OAAGC, appelante, invite la cour à :

Vu les pièces relatives au Transfert Universel de Patrimoine de la SCI OAAGC à la Société OAAGC HOLDING,

Vu l'article 2224 du Code civil,

Vu l'article 1240 du Code civil,

Vu les articles 564 et 565 du Code de procédure civile,

Vu la Charte de la confraternité de la Compagnie interdépartementale des Notaires de [Localité 9]

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces visées,

INFIRMER l'Ordonnance du Juge de la mise en état du 17 octobre 2024 en ce que cette Ordonnance « Déclare la Société OAAGC HOLDING venant aux droits de la SCI OAAGC, irrecevable en son action, La condamne à payer aux Sociétés ALLIANCE NOTAIRES -[Localité 6]-[Adresse 4], ALLIANCE NOTAIRES ainsi qu'à Maître [W] [T] la somme de 1.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux dépens.» ;

- DÉBOUTER les Sociétés ALLIANCE NOTAIRES ' [Localité 6] [Adresse 4], ALLIANCE NOTAIRES et Me [W] [T] de leur fin de non-recevoir et PRONONCER la recevabilité de l'action de la Société OAAGC HOLDING venant aux droits de la SCI OAAGC ;

Y AJOUTANT et STATUANT A NOUVEAU,

CONDAMNER les Sociétés ALLIANCE NOTAIRES ' [Localité 6] [Adresse 4], ALLIANCE NOTAIRES et Me [W] [T] in solidum à verser la somme de 41.455,98 euros au profit de la Société OAAGC HOLDING à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié à l'absence de perception de revenus locatifs ;

- CONDAMNER les Sociétés ALLIANCE NOTAIRES ' [Localité 6] [Adresse 4], ALLIANCE NOTAIRES et Me [W] [T] in solidum à verser la somme de 17.747,03 euros au profit de la Société OAAGC HOLDING à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié aux règlements des taxes foncières et charges de copropriété au titre des années 2021 à 2023 ;

- CONDAMNER les Sociétés ALLIANCE NOTAIRES ' [Localité 6] [Adresse 4], ALLIANCE NOTAIRES et Me [W] [T] in solidum à verser la somme de 20.370,12 euros au profit de la Société OAAGC HOLDING au titre des frais qu'elle a dû engager pour faire réaliser la vente « intercalaire » et ainsi devenir titrée sur le bien immobilier ;

- CONDAMNER les Sociétés ALLIANCE NOTAIRES ' [Localité 6] [Adresse 4], ALLIANCE NOTAIRES et Me [W] [T] in solidum à verser la somme de 6.000 euros au profit de la Société OAAGC HOLDING à titre de remboursement des dépenses d'agence immobilière ;

- CONDAMNER les Sociétés ALLIANCE NOTAIRES ' [Localité 6] [Adresse 4],

ALLIANCE NOTAIRES et Me [W] [T] in solidum à verser la somme de 28.217 euros au profit de la Société OAAGC HOLDING au titre des frais et honoraires que cette dernière a dû engager par la faute du notaire rédacteur de l'acte litigieux pour régulariser sa situation ;

- CONDAMNER les Sociétés ALLIANCE NOTAIRES ' [Localité 6] [Adresse 4],

ALLIANCE NOTAIRES et Me [W] [T] in solidum à verser la somme de 10.000 euros au profit de la Société OAAGC HOLDING au titre de la résistance abusive;

- DEBOUTER les Sociétés ALLIANCE NOTAIRES ' [Localité 6] [Adresse 4], ALLIANCE NOTAIRES et Me [W] [T] de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et prétentions ;

- CONDAMNER les Sociétés ALLIANCE NOTAIRES ' [Localité 6] [Adresse 4],

ALLIANCE NOTAIRES et Me [W] [T] in solidum à payer à la Société OAAGC HOLDING la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER les Sociétés ALLIANCE NOTAIRES ' [Localité 6] [Adresse 4],

ALLIANCE NOTAIRES et Me [W] [T] in solidum aux entiers dépens de l'instance de 1ère instance et d'appel ;

Vu les conclusions communiquées par la voie électronique le 18 juillet 2025, par lesquelles Me [W] [T] notaire, la Selas Alliance Notaires-[Localité 6] [Adresse 4] et la SAS Alliance Notaires-[Localité 7], intimées, invitent la cour à :

Vu l'article 2224 du Code civil,

Vu l'acte du 10 septembre 2003 reçu par Maître [B] [K],

Vu l'acte de retrait partiel du 10 septembre 1992 au bénéfice de la SCI FGE,

CONFIRMER l'ordonnance rendue par le Juge de la mise en état près du Tribunal Judiciaire de PARIS en date du 17 octobre 2024, qui a déclaré irrecevable la société OAAGC en son action, comme prescrite.

EN CONSEQUENCE,

REJETER toutes les demandes de la société OAAGC.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

Vu l'article 1240 du Code Civil,

Vu l'article 9 du Code de Procédure Civile,

Vu l'article 564 du Code de Procédure Civile,

DECLARER irrecevables les demandes de la société OAAGC comme nouvelles, tendant à condamner les sociétés ALLIANCE NOTAIRES -[Localité 6]-[Adresse 4], ALLIANCE NOTAIRES et Madame [W] [T] in solidum à lui verser les sommes suivantes :

- 41.455,98 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié à l'absence de perception de revenus locatifs,

- 17.747,03 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié au règlement des taxes foncières et charges de copropriété au titre des années 2021 à 2023

- 6.000 € au titre de remboursement des dépenses d'agence immobilière,

EN TOUT ETAT DE CAUSE

LA DEBOUTER de toutes ses demandes,

LA CONDAMNER à payer aux défendeurs la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

LA CONDAMNER AUX ENTIERS DEPENS ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Sur les moyens des parties

La société OAAGC Holding, oppose aux intimées qui ont prétendu qu'elle n'avait pas intenté l'action dans le délai de prescription de droit commun de cinq ans alors qu'elle aurait eu connaissance des faits permettant d'exercer l'action en responsabilité dès la signature de l'acte notarié litigieux des 19 septembre et 8 octobre 2003, qu'elles ont procédé par confusion quant au point de départ du délai de prescription qu'elles ont invoqué ; le déroulement des faits combiné aux règles dégagées par la Cour de cassation en matière de responsabilité civile professionnelle établissent que la prescription n'était pas acquise en l'espèce ; la SCI OAAGC n'avait pas connaissance des faits permettant d'exercer l'action en responsabilité civile professionnelle à l'encontre des intimées antérieurement au mois de novembre 2020 ; elle reproche au juge de la mise en état d'avoir fait fi du principe du contradictoire, en prenant en considération des éléments factuels non invoqués par les intimées et justifie notamment du paiement des taxes foncières entre 2019 et 2023 ; elle s'estime fondée à reprocher à Me [K] un manquement fautif à ses obligations professionnelles, puisqu'il n'a pas effectué les diligences et vérifications nécessaires pour garantir la validité de l'acte litigieux, que l'acte de vente rédigé en 2003 est nul et que son erreur n'ayant pas pu être rectifiée, elle a dû régulariser la situation par une vente « intercalaire » ;

Les intimées estiment que l'action par laquelle l'appelante reproche à Me [B] [K], notaire rédacteur de l'acte de cession de parts en date du 10 septembre 2003, de ne pas avoir relevé un état hypothécaire, est prescrite, sur le fondement de l'article 2224 du code civil ; elles considèrent que le point de départ de la prescription quinquennale court à compter de l'acte reçu par Me [K] le 10 septembre 2003 car la société OAAGC avait connaissance des faits à cette date et n'a pas agi en conséquence, de sorte que la prescription était acquise au 17 juin 2013 ; en tout état de cause, elles soulèvent l'irrecevabilité des nouvelles demandes en appel et le mal fondé des demandes, au motif que l'appelante n'établit pas la responsabilité du notaire par la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité et que les demandes doivent être rejetées :

- Perte de revenus locatifs (41.455,98 €) : Le préjudice n'est pas certain ni actuel.

- Taxes foncières et charges (17.747,03 €) : La vente n'était pas certaine à la date revendiquée.

- Frais de vente intercalaire (20.370,12 €) : La purge du droit de préemption avait déjà été effectuée en 2003.

- Frais d'agence immobilière (6.000 €) : Les honoraires ne sont dus qu'après la signature de l'acte de vente.

- Honoraires de conseil juridique (28.217 €) : Aucune preuve du règlement de ces frais n'est fournie ;

Sur la recevabilité des demandes nouvelles en appel

Selon les termes de l'article 907 du code de procédure civile, à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905 du code de procédure civile, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent ;

En application du 6° de l'article 789, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les fins de non-recevoir ;

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance d'un fait ;

Selon l'article 914 du code de procédure civile « Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :

- prononcer la caducité de l'appel ;

- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;

- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;

- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1 ;

Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou de la caducité de celui-ci.

Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910 et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal » ;

La cour d'appel est compétente pour statuer sur des fins de non-recevoir relevant de l'appel, celles touchant à la procédure d'appel étant de la compétence du conseiller de la mise en état ; Or, l'examen des fins de non-recevoir édictées aux articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, relatives pour la première à l'interdiction de soumettre des prétentions nouvelles en appel et pour la seconde à l'obligation de présenter dès les premières conclusions l'ensemble des prétentions sur le fond relatives aux conclusions, relève de l'appel et non de la procédure d'appel ; Par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, l'article 789, 6° du code de procédure civile est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue ; Les fins de non-recevoir tirées des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile relèvent de la compétence de la cour d'appel (2ème chambre civile, 11 octobre 2022, demande d'avis n°22-70.010) ;

En l'espèce, il ressort des conclusions des intimées qu'elles soulèvent l'irrecevabilité de trois demandes nouvelles, formées par l'appelante dans le cadre de l'appel, relatives aux sommes de 41.455,98 €, 17.747,03 € et 6.000 € ;

Cette fin de non-recevoir relève de la compétence de la cour d'appel ;

La fin de non-recevoir des demandes nouvelles en appel étant dans le débat, il y a lieu d'étudier la recevabilité des trois demandes susvisées, ainsi que la recevabilité des demandes relatives aux sommes de 20.370,12 €, 28.217 € et 10.000 € ;

Alors que la présente instance vise l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état, relative à la prescription de l'action, la société OAAGC Holding forme devant la cour des demandes qui ne relèvent pas de la mise en état mais du fond de l'affaire soit les demandes de condamner in solidum les sociétés notariales et le notaire à lui payer les sommes de :

- 41.455,98 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié à l'absence de perception de revenus locatifs ;

- 17.747,03 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié aux règlements des taxes foncières et charges de copropriété au titre des années 2021 à 2023;

- 20.370,12 € au titre des frais qu'elle a dû engager pour faire réaliser la vente « intercalaire » et ainsi devenir titrée sur le bien immobilier ;

- 6.000 € à titre de remboursement des dépenses d'agence immobilière ;

- 28.217 € au titre des frais et honoraires que cette dernière a dû engager par la faute du notaire rédacteur de l'acte litigieux pour régulariser sa situation ;

- 10.000 € au titre de la résistance abusive ;

Il y a donc lieu de déclarer ces demandes irrecevables à ce stade de la procédure ;

Sur la fin de non-recevoir relative à la prescription de l'action

Le premier juge a déclaré l'action prescrite au motif que « Les parts sociales cédées par acte du 19 septembre 2003 étant inexistantes, elles ne procuraient à la demanderesse aucun revenu et aucune jouissance sur l'appartement et la cave sur lesquelles elles portaient. Par ailleurs, pour les mêmes raisons, la SCI OAAGC n'a jamais été sollicitée pour payer une quelconque charge ou taxe afférentes aux biens immobiliers précités. Ces deux éléments, qui se sont nécessairement révélés immédiatement après la cession, auraient dû attirer l'attention de la SCI OAAGC aux droits de laquelle vient la défenderesse à l'incident. Au surplus, la SCI OAAGC étant censée avoir la jouissance des biens immobiliers et désireuse de les revendre par la suite, aurait dû avoir la curiosité de visiter ses biens et de consulter le registre de la publicité foncière avant de signer l'acte de cession. Elle se serait alors rendue compte que la cession des parts ne la rendrait pas propriétaire de ces biens. Il en résulte que la SCI OAAGC aurait dû avoir connaissance, au moment de signer cet acte de la faute commise par Me [K] et, en conséquence, le point de départ du délai de prescription quinquennal prévu à l'article 2224 du code civil doit se situer le 19 septembre 2003, date de la signature de l'acte. Le délai de 30 ans dont disposait la SCI OAAGC pour agir a été ramené à 5 ans à compter du 19 juin 2008 et il a expiré le 19 juin 2019. L'action intentée par la SCI OAAGC aux droits de laquelle vient la société OAAGC Holding, l'ayant été par actes des 2 et 8 décembre 2022, soit postérieurement au 19 juin 2013, elle est prescrite et donc irrecevable » ;

Aux termes de l'article 2270-1 alinéa 1 du code civil, dans sa version en vigueur du 16 juin 1998 au 19 juin 2008, « Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation » ;

Aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa version en vigueur depuis le 19 juin 2008, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ;

Aux termes de l'article 2222 du Code civil, modifié par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, « En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » ;

Lorsque les faits se sont produits avant le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, dont est issu l'article 2224 du code civil précité, le délai de prescription de 10 ans à l'origine, est ramené à 5 ans à compter du 19 juin 2008 et expire le 19 juin 2013 ;

En l'espèce, il convient au préalable de préciser, d'une part, que les parties s'accordent sur le fait que l'action en responsabilité délictuelle engagée par la SCI OAAGC à l'encontre des sociétés notariales relève de la prescription de l'article 2224 du code civil, et d'autre part, que l'appelante, en conséquence de son moyen relatif au non-respect du contradictoire par le premier juge, ne sollicite pas la nullité de l'ordonnance, et en tout état de cause, n'allègue aucun grief, sans lequel ladite nullité ne pourrait être admise ;

Il y a lieu de déterminer le point de départ de l'action de la SCI OAAGC, soit le jour où elle a connu ou aurait dû connaître qu'elle ne pouvait pas être propriétaire des 170 parts sociales donnant droit à la jouissance ou à la pleine propriété de l'appartement et de la cave constituant les lots n°60 et 93, celles-ci n'existant pas à la date de l'acte du 19 septembre 2003 ;

Il ressort des actes produits que lors de l'acte authentique du 18 septembre 1992, en l'étude de Me [N] [V], notaire, la SCI FGE était représentée par son gérant M. [J] [Y] ;

M. [J] [Y], en qualité de gérant de la SCI FGE, avait donc connaissance à la date du 18 septembre 1992 que les 170 parts sociales litigieuses étaient annulées suite au retrait partiel ;

Il convient donc de considérer que lors de l'acte authentique du 19 septembre 2003, en l'étude de Me [B] [K] notaire, la société civile SCI OAAGC qui était représentée par un clerc de notaire « agissant en vertu des pouvoirs conférés par le gérant M. [J] [Y] » a eu connaissance dès le 19 septembre 2003 que les parts sociales litigieuses n'existaient plus ;

En effet, nonobstant l'indépendance des deux personnes morales, la connaissance personnelle qu'avait leur gérant respectif, en l'occurrence la même personne M. [J] [Y], s'évince de l'inexistence des parts sociales révélée le 19 septembre 2003 en conséquence du retrait de la SCI FGE, de l'attribution privative des éléments de copropriété correspondant à ses parts sociales et de l'annulation des 170 parts détenues par ladite SCI, de sorte que le point de départ de la prescription de l'action de la SCI OAAGC est donc le 19 septembre 2003 ; le délai de 10 ans, ramené à 5 ans à compter du 19 juin 2008, expire le 19 juin 2013 ;

Les assignations au fond des 2 et 8 décembre 2022 étant intervenues postérieurement à ce délai, l'action est prescrite ;

L'ordonnance est donc confirmée en ce qu'elle a déclaré la société OAAGC Holding venant aux droits de la SCI OAAGC irrecevable en son action ;

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer l'ordonnance sur les dépens et l'application qui y a été faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La société OAAGC Holding venant aux droits de la SCI OAAGC, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer aux intimés la somme supplémentaire unique de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par l'appelante ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Dit que relève de la compétence de la cour d'appel, la fin de non-recevoir soulevée par les intimées, aux fins de déclarer irrecevables les demandes de la société OAAGC Holding comme nouvelles en appel, tendant à les condamner in solidum à lui verser les sommes suivantes :

- 41.455,98 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié à l'absence de perception de revenus locatifs ;

- 17.747,03 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié aux règlements des taxes foncières et charges de copropriété au titre des années 2021 à 2023;

- 20.370,12 € au titre des frais qu'elle a dû engager pour faire réaliser la vente « intercalaire » et ainsi devenir titrée sur le bien immobilier ;

- 6.000 € à titre de remboursement des dépenses d'agence immobilière ;

- 28.217 € au titre des frais et honoraires que cette dernière a dû engager par la faute du notaire rédacteur de l'acte litigieux pour régulariser sa situation ;

- 10.000 € au titre de la résistance abusive ;

Déclare irrecevables au stade de la mise en état les demandes relevant du fond de l'affaire de la société OAAGC Holding tendant à condamner in solidum les intimées à lui verser les sommes suivantes :

- 41.455,98 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié à l'absence de perception de revenus locatifs ;

- 17.747,03 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier lié aux règlements des taxes foncières et charges de copropriété au titre des années 2021 à 2023;

- 20.370,12 € au titre des frais qu'elle a dû engager pour faire réaliser la vente « intercalaire » et ainsi devenir titrée sur le bien immobilier ;

- 6.000 € à titre de remboursement des dépenses d'agence immobilière ;

- 28.217 € au titre des frais et honoraires que cette dernière a dû engager par la faute du notaire rédacteur de l'acte litigieux pour régulariser sa situation ;

- 10.000 € au titre de la résistance abusive ;

Confirme l'ordonnance ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS OAAGC Holding venant aux droits de la SCI OAAGC aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Me [W] [T], membre de la Selas Alliance Notaires [Localité 6] [Adresse 4] , la Selas Alliance Notaires-[Localité 6] [Adresse 4] et la SAS Alliance Notaires-[Localité 7] la somme supplémentaire de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette la demande de l'appelante au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER,

LA PRÉSIDENTE,

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