CA Caen, 2e ch. soc., 13 novembre 2025, n° 24/01135
CAEN
Arrêt
Autre
AFFAIRE : N° RG 24/01135
N° Portalis DBVC-V-B7I-HNH4
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire d'ALENCON en date du 29 Mars 2024 - RG n° 23/00310
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2025
APPELANTE :
[11]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Coralie LOYGUE, avocat au barreau de CAEN
INTIME :
Monsieur [T] [V]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Benoît DORIN, avocat au barreau de GRASSE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
Mme DELAUBIER, Conseillère,
DEBATS : A l'audience publique du 18 septembre 2025
GREFFIER : Mme GOULARD
ARRÊT prononcé publiquement le 13 novembre 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'Urssaf [9] d'un jugement rendu le 29 mars 2024 par le tribunal judiciaire d'Alençon dans un litige l'opposant à M. [T] [V].
FAITS ET PROCEDURE
M.[T] [V] a été affilié au régime des travailleurs indépendants jusqu'au 30 juillet 2018.
Le 24 août 2023, l'Urssaf [9] (l'Urssaf) a émis à son encontre une mise en demeure de payer la somme de 8158,56 euros (663 euros de cotisations + 11 933 euros au titre de la régularisation AN-1/AN- 2 + 650 euros de majorations pénalités - 5087,44 euros) au titre de la régularisation 2018.
Par courrier du 5 septembre 2023, il a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable, laquelle par décision du 6 octobre 2023 a rejeté sa requête.
Le 4 décembre 2023, M. [V] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d'Alençon aux fins de contester cette décision.
Par jugement du 29 mars 2024, ce tribunal a :
- constaté la prescription de la mise en demeure du 24 août 2023 émise par l'Urssaf à l'encontre de M. [V] et portant sur une régularisation de l'année 2018,
- annulé la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable du 6 octobre 2023 notifiée par courrier en date du 23 octobre 2023,
- condamné l'Urssaf à verser à M. [V] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté l'Urssaf de toutes ses demandes,
- condamné l'Urssaf aux dépens.
Par déclaration du 3 mai 2024, l'Urssaf a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 18 septembre 2025 et soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a constaté la prescription de la mise en demeure du 24 août 2023 portant sur la régularisation de l'année 2018, annulé la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable du 6 octobre 2023, condamné l'Urssaf à verser à M. [V] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- déclarer la mise en demeure du 24 août 2023 régulière,
- condamner reconventionnellement M. [T] [V] au paiement de la somme de 7508,56 euros au titre des cotisations et 650 euros au titre des majorations de retard, à l'Urssaf,
- confirmer la décision de rejet explicite de la commission de recours amiable du 6 octobre 2023
- condamner M. [T] [V] à verser à l'Urssarf la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter toutes les demandes de M. [V].
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 18 septembre 2025 et soutenues oralement à l'audience, M. [V] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement déféré,
- annuler la mise en demeure du 24 août 2023 et la régularisation à laquelle elle se rapporte au motif :
* de la prescription des cotisations et contributions sociales qui en sont l'objet,
* à titre infiniment subsidiaire, de l'irrégularité de la mise en demeure,
- débouter l'Urssaf de toutes ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner l'Urssaf à verser à M. [V] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures de chacune des parties pour l'exposé détaillé des moyens qu'elles ont exposés à l'appui de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR
- Sur la prescription de l'action en recouvrement de l'Urssaf
L'article L 244-3 alinéa 1er du code de la sécurité sociale dispose que : ' Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle ellles sont dues'.
L'article 4 de l'ordonnance n° 2020- 312 du 25 mars 2020 prévoit que : 'Les délais régissant le recouvrement des cotisations et contributions sociales, non versées à leur date d'échéance, par les organismes de recouvrement des régimes obligatoires de sécurité sociale ainsi que par [10], de contrôle et du contentieux subséquent sont suspendus entre le 12 mars 2020 et le 30 juin 2020 inclus, soit une suspension des délais pendant 111 jours '.
Cette ordonnance a pour effet de suspendre l'ensemble des délais de prescription des créances de l'Urssaf pour une durée de 111 jours, pour tous types de créances nées avant le 12 mars 2020.
En application de ces dispositions, les premiers juges ont retenu que le délai de prescription des cotisations dues pour la période de régularisation 2018 courait à compter du 30 juin 2019, que la prescription était acquise au 30 juin 2022, mais qu'au regard des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020, le délai de prescription était prolongé de 111 jours, de sorte que la prescription n'était acquise que le 19 octobre 2022. Ils en ont déduit que l'action en recouvrement de l'Urssaf était prescrite pour ne pas avoir été exercée avant le 19 octobre 2022 et que la mise en demeure du 24 août 2023 portait sur des sommes prescrites.
C'est cependant à juste titre que l'Urssaf fait valoir que le tribunal n'a tenu compte ni des versements imputés sur la période de régularisation 2018 ni des diverses demandes de délais de paiement.
En effet, l'article 2231 du code civil dispose que ' l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.'
L'article 2240 du code civil dispose que 'la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, interrompt le délai de prescription.'
Il est constant qu'une lettre par laquelle le débiteur sollicite la remise de sa dette ou un échelonnement des paiements interrompt la prescription. De même, chaque paiement intervenu en exécution d'une autorisation de prélèvement mensuel est interruptif de la prescription de la créance.
En l'espèce, il ressort des pièces produites que par courriers des 29 octobre 2020 et 5 juillet 2021, M. [V] a sollicité de l'Urssaf la mise en place d'un échéancier et proposé de régler des échéances mensuelles de 150 euros.
Ainsi, le délai de prescription a été interrompu à compter du 5 juillet 2021, de sorte qu'il expirait le 5 juillet 2024.
Dès lors, l'action en recouvrement de l'Urssaf n'était pas prescrite lorsque cet organisme a émis la mise en demeure le 24 août 2023.
Le jugement déféré qui a constaté la prescription de la mise en demeure du 24 août 2023 émise par l'Urssaf à l'encontre de M. [V] portant sur une régularisation de l'année 2018 sera donc infirmé et statuant à nouveau, il convient de rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en recouvrement de l'Urssaf.
- Sur la régularité de la mise en demeure
En premier lieu, M. [V] fait valoir que la mise en demeure est irrégulière en ce qu'elle ne lui permet pas de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, au regard de l'imprécision du motif de la mise en recouvrement : ' absence ou insuffisance de versement de sommes dues concernant votre ou vos activité (s) professionnelle (s).'
En application des articles L 244 - 2 et R 244-1 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure, constitutive d'une invitation impérative adressée au débiteur à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé de connaître la nature, la cause et l'étendue de ses obligations.
A cette fin , il est obligatoire qu'elle comporte, à peine de nullité et sans que soit exigée la preuve d'un préjudice, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent.
En l'espèce, la mise en demeure mentionne :
- la date : 24 août 2023,
- la nature des sommes dues: cotisations et contributions sociales personnelles obligatoires, majorations et pénalités
- les périodes de référence : Régul 2018
- les montants tant en cotisations qu'en majorations de retard.
Ainsi, elle comporte les mentions requises.
M. [V] ne peut valablement invoquer l'imprécision du motif de mise en recouvrement, s'agissant d'une mise en demeure émise en l'absence de paiement des cotisations et contributions qui ont été appelées.
Le moyen tenant à l'imprécision du motif de mise en recouvrement doit donc être rejeté.
En second lieu, M. [V] soutient que la mise en demeure ne précise pas l'identité du signataire, qu'elle se contente d'indiquer 'le directeur (ou son délégataire)' suivi d'une signature impossible à identifier comme étant celle du directeur ou d'une personne bénéficiant d'une délégation valable alors que l'article L 212-1 du code des relations entre le public et l'administration énonce que toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui - ci et que la Cour de cassation, par un arrêt de l'Assemblée Plénière du 8 mars 2024, a retenu que la mention, en caractères lisibles des nom, prénom et qualité de l'auteur d'un acte administratif a été envisagée comme une formalité substantielle dont l'absence peut entraîner l'annulation de la décision pour vice de forme.
Il en conclut que la mise en demeure émise par l'Urssaf, en raison de son caractère impératif, doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur ayant émis le titre, sous peine d'irrecevabilité, à moins qu'il ne soit établi que ces informations ont été portées à la connaissance du débiteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que dès lors la nullité est encourue.
L'Urssaf rétorque que l'absence de toute mention sur l'identité et la qualité du signataire n'est pas de nature à entraîner la nullité de la mise en demeure, dès lors qu'elle précise la dénomination de l'organisme qui l'a émise, aucun texte n'exigeant qu'elle soit signée par le directeur de cet organisme.
L'article L 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que 'toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.'
Ce texte est applicable aux personnes de droit privé chargées d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale, en vertu des dispositions de l'article L 100-3 du même code.
Toutefois, selon une jurisprudence constante, l'omission des mentions prescrites par l'article 4 alinéa 2 de la loi du 12 avril 2000 (désormais l'article L 212 -1 du code des relations entre le public et l'administration) n'affecte pas la validité de la mise en demeure prévue à l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale, dés lors qu'elle mentionne la dénomination de l'organisme qui l'a émise.
Tel est le cas en l'espèce de la mise en demeure litigieuse , laquelle mentionne qu'elle a été émise par ' l'Urssaf [6]', avec indication de l'adresse de cette union de recouvrement et de l'adresse de 'correspondance/paiement'.
Contrairement à l'argumentaire de M. [V], l'arrêt rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 8 mars 2024 qui est afférent à un titre de recettes visé à l'article L 1617-5 du code général des collectivités territoriales et son ampliation, n'apparaît pas remettre en cause cette jurisprudence.
En effet, les mentions prévues par l'article 4 sont, dans les mises en demeure, des règles de forme dénuées de sanction textuelle et dépourvues de caractère substantiel d'ordre public, l'identification de la personne physique représentant la personne morale étant indifférente à la fonction de la mise en demeure.
Dès lors, la circonstance qu'elle ne mentionne pas les nom et prénom de son signataire mais seulement ' le directeur ( ou son délégataire)' n'est pas un motif de nullité de la mise en demeure.
Ce second moyen doit être rejeté.
En conséquence, il convient de déclarer régulière la mise en demeure..
Le montant des sommes réclamées n'étant pas contesté, il convient de condamner M. [V] à payer à l'Urssaf la somme de 7508,56 euros au titre des cotisations et contributions afférentes à la régularisation 2018 outre 650 euros au titre des majorations de retard.
- Sur les autres demandes
M. [V] qui succombe supportera les dépens d'appel et, par voie d'infirmation, les dépens de première instance, et sera débouté de ses demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.
L'équité commande d'allouer à l'Urssaf la somme 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de l'Urssaf [9] en recouvrement des cotisations et contributions dues par M. [V] portant sur la régularisation de l'année 2018,
Déclare régulière la mise en demeure émise le 24 août 2023 par l'Urssaf [7] à l'encontre de M. [T] [V] au titre des cotisations, contributions et majorations de retard afférentes à la régularisation 2018,
Condamne M. [V] à verser à l'Urssaf [8] la somme de la somme de 7508,56 euros au titre des cotisations et contributions sociales et 650 euros au titre des majorations de retard, au titre de la régularisation 2018, soit la somme totale de 8158,56 euros,
Condamne M. [V] aux dépens d'appel et de première instance,
Déboute M. [V] de ses demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et en première instance,
Condamne M. [V] à verser la somme de 1 000 euros à l'Urssaf [5] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX
N° Portalis DBVC-V-B7I-HNH4
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire d'ALENCON en date du 29 Mars 2024 - RG n° 23/00310
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2025
APPELANTE :
[11]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Coralie LOYGUE, avocat au barreau de CAEN
INTIME :
Monsieur [T] [V]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Benoît DORIN, avocat au barreau de GRASSE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme CHAUX, Présidente de chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
Mme DELAUBIER, Conseillère,
DEBATS : A l'audience publique du 18 septembre 2025
GREFFIER : Mme GOULARD
ARRÊT prononcé publiquement le 13 novembre 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'Urssaf [9] d'un jugement rendu le 29 mars 2024 par le tribunal judiciaire d'Alençon dans un litige l'opposant à M. [T] [V].
FAITS ET PROCEDURE
M.[T] [V] a été affilié au régime des travailleurs indépendants jusqu'au 30 juillet 2018.
Le 24 août 2023, l'Urssaf [9] (l'Urssaf) a émis à son encontre une mise en demeure de payer la somme de 8158,56 euros (663 euros de cotisations + 11 933 euros au titre de la régularisation AN-1/AN- 2 + 650 euros de majorations pénalités - 5087,44 euros) au titre de la régularisation 2018.
Par courrier du 5 septembre 2023, il a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable, laquelle par décision du 6 octobre 2023 a rejeté sa requête.
Le 4 décembre 2023, M. [V] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d'Alençon aux fins de contester cette décision.
Par jugement du 29 mars 2024, ce tribunal a :
- constaté la prescription de la mise en demeure du 24 août 2023 émise par l'Urssaf à l'encontre de M. [V] et portant sur une régularisation de l'année 2018,
- annulé la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable du 6 octobre 2023 notifiée par courrier en date du 23 octobre 2023,
- condamné l'Urssaf à verser à M. [V] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté l'Urssaf de toutes ses demandes,
- condamné l'Urssaf aux dépens.
Par déclaration du 3 mai 2024, l'Urssaf a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 18 septembre 2025 et soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a constaté la prescription de la mise en demeure du 24 août 2023 portant sur la régularisation de l'année 2018, annulé la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable du 6 octobre 2023, condamné l'Urssaf à verser à M. [V] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- déclarer la mise en demeure du 24 août 2023 régulière,
- condamner reconventionnellement M. [T] [V] au paiement de la somme de 7508,56 euros au titre des cotisations et 650 euros au titre des majorations de retard, à l'Urssaf,
- confirmer la décision de rejet explicite de la commission de recours amiable du 6 octobre 2023
- condamner M. [T] [V] à verser à l'Urssarf la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeter toutes les demandes de M. [V].
Aux termes de ses conclusions reçues au greffe le 18 septembre 2025 et soutenues oralement à l'audience, M. [V] demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement déféré,
- annuler la mise en demeure du 24 août 2023 et la régularisation à laquelle elle se rapporte au motif :
* de la prescription des cotisations et contributions sociales qui en sont l'objet,
* à titre infiniment subsidiaire, de l'irrégularité de la mise en demeure,
- débouter l'Urssaf de toutes ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner l'Urssaf à verser à M. [V] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures de chacune des parties pour l'exposé détaillé des moyens qu'elles ont exposés à l'appui de leurs prétentions.
SUR CE, LA COUR
- Sur la prescription de l'action en recouvrement de l'Urssaf
L'article L 244-3 alinéa 1er du code de la sécurité sociale dispose que : ' Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s'apprécie à compter du 30 juin de l'année qui suit l'année au titre de laquelle ellles sont dues'.
L'article 4 de l'ordonnance n° 2020- 312 du 25 mars 2020 prévoit que : 'Les délais régissant le recouvrement des cotisations et contributions sociales, non versées à leur date d'échéance, par les organismes de recouvrement des régimes obligatoires de sécurité sociale ainsi que par [10], de contrôle et du contentieux subséquent sont suspendus entre le 12 mars 2020 et le 30 juin 2020 inclus, soit une suspension des délais pendant 111 jours '.
Cette ordonnance a pour effet de suspendre l'ensemble des délais de prescription des créances de l'Urssaf pour une durée de 111 jours, pour tous types de créances nées avant le 12 mars 2020.
En application de ces dispositions, les premiers juges ont retenu que le délai de prescription des cotisations dues pour la période de régularisation 2018 courait à compter du 30 juin 2019, que la prescription était acquise au 30 juin 2022, mais qu'au regard des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020, le délai de prescription était prolongé de 111 jours, de sorte que la prescription n'était acquise que le 19 octobre 2022. Ils en ont déduit que l'action en recouvrement de l'Urssaf était prescrite pour ne pas avoir été exercée avant le 19 octobre 2022 et que la mise en demeure du 24 août 2023 portait sur des sommes prescrites.
C'est cependant à juste titre que l'Urssaf fait valoir que le tribunal n'a tenu compte ni des versements imputés sur la période de régularisation 2018 ni des diverses demandes de délais de paiement.
En effet, l'article 2231 du code civil dispose que ' l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.'
L'article 2240 du code civil dispose que 'la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, interrompt le délai de prescription.'
Il est constant qu'une lettre par laquelle le débiteur sollicite la remise de sa dette ou un échelonnement des paiements interrompt la prescription. De même, chaque paiement intervenu en exécution d'une autorisation de prélèvement mensuel est interruptif de la prescription de la créance.
En l'espèce, il ressort des pièces produites que par courriers des 29 octobre 2020 et 5 juillet 2021, M. [V] a sollicité de l'Urssaf la mise en place d'un échéancier et proposé de régler des échéances mensuelles de 150 euros.
Ainsi, le délai de prescription a été interrompu à compter du 5 juillet 2021, de sorte qu'il expirait le 5 juillet 2024.
Dès lors, l'action en recouvrement de l'Urssaf n'était pas prescrite lorsque cet organisme a émis la mise en demeure le 24 août 2023.
Le jugement déféré qui a constaté la prescription de la mise en demeure du 24 août 2023 émise par l'Urssaf à l'encontre de M. [V] portant sur une régularisation de l'année 2018 sera donc infirmé et statuant à nouveau, il convient de rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en recouvrement de l'Urssaf.
- Sur la régularité de la mise en demeure
En premier lieu, M. [V] fait valoir que la mise en demeure est irrégulière en ce qu'elle ne lui permet pas de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation, au regard de l'imprécision du motif de la mise en recouvrement : ' absence ou insuffisance de versement de sommes dues concernant votre ou vos activité (s) professionnelle (s).'
En application des articles L 244 - 2 et R 244-1 du code de la sécurité sociale, la mise en demeure, constitutive d'une invitation impérative adressée au débiteur à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé de connaître la nature, la cause et l'étendue de ses obligations.
A cette fin , il est obligatoire qu'elle comporte, à peine de nullité et sans que soit exigée la preuve d'un préjudice, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent.
En l'espèce, la mise en demeure mentionne :
- la date : 24 août 2023,
- la nature des sommes dues: cotisations et contributions sociales personnelles obligatoires, majorations et pénalités
- les périodes de référence : Régul 2018
- les montants tant en cotisations qu'en majorations de retard.
Ainsi, elle comporte les mentions requises.
M. [V] ne peut valablement invoquer l'imprécision du motif de mise en recouvrement, s'agissant d'une mise en demeure émise en l'absence de paiement des cotisations et contributions qui ont été appelées.
Le moyen tenant à l'imprécision du motif de mise en recouvrement doit donc être rejeté.
En second lieu, M. [V] soutient que la mise en demeure ne précise pas l'identité du signataire, qu'elle se contente d'indiquer 'le directeur (ou son délégataire)' suivi d'une signature impossible à identifier comme étant celle du directeur ou d'une personne bénéficiant d'une délégation valable alors que l'article L 212-1 du code des relations entre le public et l'administration énonce que toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui - ci et que la Cour de cassation, par un arrêt de l'Assemblée Plénière du 8 mars 2024, a retenu que la mention, en caractères lisibles des nom, prénom et qualité de l'auteur d'un acte administratif a été envisagée comme une formalité substantielle dont l'absence peut entraîner l'annulation de la décision pour vice de forme.
Il en conclut que la mise en demeure émise par l'Urssaf, en raison de son caractère impératif, doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur ayant émis le titre, sous peine d'irrecevabilité, à moins qu'il ne soit établi que ces informations ont été portées à la connaissance du débiteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que dès lors la nullité est encourue.
L'Urssaf rétorque que l'absence de toute mention sur l'identité et la qualité du signataire n'est pas de nature à entraîner la nullité de la mise en demeure, dès lors qu'elle précise la dénomination de l'organisme qui l'a émise, aucun texte n'exigeant qu'elle soit signée par le directeur de cet organisme.
L'article L 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que 'toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.'
Ce texte est applicable aux personnes de droit privé chargées d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale, en vertu des dispositions de l'article L 100-3 du même code.
Toutefois, selon une jurisprudence constante, l'omission des mentions prescrites par l'article 4 alinéa 2 de la loi du 12 avril 2000 (désormais l'article L 212 -1 du code des relations entre le public et l'administration) n'affecte pas la validité de la mise en demeure prévue à l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale, dés lors qu'elle mentionne la dénomination de l'organisme qui l'a émise.
Tel est le cas en l'espèce de la mise en demeure litigieuse , laquelle mentionne qu'elle a été émise par ' l'Urssaf [6]', avec indication de l'adresse de cette union de recouvrement et de l'adresse de 'correspondance/paiement'.
Contrairement à l'argumentaire de M. [V], l'arrêt rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 8 mars 2024 qui est afférent à un titre de recettes visé à l'article L 1617-5 du code général des collectivités territoriales et son ampliation, n'apparaît pas remettre en cause cette jurisprudence.
En effet, les mentions prévues par l'article 4 sont, dans les mises en demeure, des règles de forme dénuées de sanction textuelle et dépourvues de caractère substantiel d'ordre public, l'identification de la personne physique représentant la personne morale étant indifférente à la fonction de la mise en demeure.
Dès lors, la circonstance qu'elle ne mentionne pas les nom et prénom de son signataire mais seulement ' le directeur ( ou son délégataire)' n'est pas un motif de nullité de la mise en demeure.
Ce second moyen doit être rejeté.
En conséquence, il convient de déclarer régulière la mise en demeure..
Le montant des sommes réclamées n'étant pas contesté, il convient de condamner M. [V] à payer à l'Urssaf la somme de 7508,56 euros au titre des cotisations et contributions afférentes à la régularisation 2018 outre 650 euros au titre des majorations de retard.
- Sur les autres demandes
M. [V] qui succombe supportera les dépens d'appel et, par voie d'infirmation, les dépens de première instance, et sera débouté de ses demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.
L'équité commande d'allouer à l'Urssaf la somme 1 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de l'Urssaf [9] en recouvrement des cotisations et contributions dues par M. [V] portant sur la régularisation de l'année 2018,
Déclare régulière la mise en demeure émise le 24 août 2023 par l'Urssaf [7] à l'encontre de M. [T] [V] au titre des cotisations, contributions et majorations de retard afférentes à la régularisation 2018,
Condamne M. [V] à verser à l'Urssaf [8] la somme de la somme de 7508,56 euros au titre des cotisations et contributions sociales et 650 euros au titre des majorations de retard, au titre de la régularisation 2018, soit la somme totale de 8158,56 euros,
Condamne M. [V] aux dépens d'appel et de première instance,
Déboute M. [V] de ses demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et en première instance,
Condamne M. [V] à verser la somme de 1 000 euros à l'Urssaf [5] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX