CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 13 novembre 2025, n° 21/10374
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 13 NOVEMBRE 2025
N°2025 / 243
Rôle N° RG 21/10374
N° Portalis DBVB-V-B7F-BHY4E
[J] [O]
C/
[M], [P], [C] [G]
S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
Copie exécutoire délivrée le :
à :
- Me Serge DREVET
- Me Emmanuelle
REIN
- Me Jean-jacques
DEGRYSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 18 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/03481.
APPELANT
Monsieur [J] [O]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Serge DREVET de la SELAS CABINET DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Monsieur [M], [P], [C] [G]
demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Emmanuelle REIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jean-jacques DEGRYSE, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Inès BONAFOS, Présidente, et Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025, prorogé au 13 novembre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES':
'
Selon factures en date des 24 janvier et 12 février 2002, [J] [O] et son épouse [F] [V] ont confié à [M] [G], artisan maçon assuré au titre de la garantie décennale par la compagnie SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS, la construction d'une maison d'habitation sise [Adresse 1] à [Localité 5], et plus précisément les lots gros 'uvre, charpente et couverture.
'
Les travaux ont été achevés le 1er juillet 2002 après règlement de la totalité du chantier, et une prise de possession des lieux est intervenue le 22 décembre 2002 sans aucune réception des travaux.
'
Des factures ont ainsi été émises par la société [G], et payées, à hauteur de 27.960,96€.
'
Les époux [O] déplorant l'apparition de fissures évolutives en façades, dont l'une traversante au niveau du mur du salon, ils ont sollicité en référé la désignation d'un expert judiciaire. Cette désignation est intervenue par ordonnance du 12 mai 2010 au contradictoire d'[M] [G] et de la compagnie SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS.
'
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 30 avril 2015.
'
Par actes d'huissier en date des 18 avril et 9 mai 2018, [J] [O] a fait assigner [M] [G] et la SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS devant le tribunal de grande instance de Draguignan afin de solliciter la réparation des désordres constatés dans le rapport d'expertise judiciaire.
'
Par conclusions d'intervention volontaire signifiées le 8 juin 2018, [F] [V] divorcée de [J] [O] est intervenue à la présente instance pour demander également réparation de ses préjudices.
'
L'ordonnance de clôture de la procédure, rendue le 8 juin 2018, a été révoquée le 11 juillet 2018 par le juge de la mise en état avec renvoi de l'affaire à la mise en état afin que la défenderesse puisse conclure.
'
Par ordonnance en date du 8 novembre 2019, le juge de la mise en état a constaté le désistement d'instance et d'action de [F] [V] divorcée de [J] [O], intervenante volontaire, en laissant les frais et dépens à sa charge, et ce à la suite de ses dernières conclusions aux fins de désistement notifiées par voie électronique le 7 octobre 2019.
'
Par jugement en date du 18 mai 2021, le Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN':
- FIXE au 22 décembre 2002 la date de réception tacite des travaux de construction confiés à [M] [G].
- DECLARE [M] [G] responsable des désordres résultant des fissurations de la villa appartenant à [J] [O].
- DIT que la SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas tenue à garantie en l'absence de caractère décennal des désordres.
- CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] les sommes de :
* 71 453,76 euros TTC (SOIXANTE ET ONZE MILLE QUATRE CENT CINQUANTETROIS EUROS ET SOIXANTE-SEIZE CENTS) au titre des travaux de reprise, cette somme étant actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 30 avril 2015 jusqu'à la date du présent jugement puis assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement * 5000 euros (CINQ MILLE EUROS) au titre du préjudice moral, cette somme étant assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement.
- DEBOUTE [J] [O] du surplus de ses demandes de réparation et de sa demande de condamnation in solidum à l'égard de la SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS.
- CONDAMNE [M] [G] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
- DIT que les dépens seront distraits au profit de la SELAS CABINET DREVET et de Maître Jean-Philippe FOURMEAUX représentant la SELARL CABINET FOURMEAUX ET ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] la somme de 4000 euros (QUATRE MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.
- REJETTE le surplus des demandes.
'
Par déclaration en date du 9 juillet 2021'; [J] [O] a formé appel de cette décision à l'encontre de la Cie d'assurance SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS et de Monsieur [M] [G] en ce qu'il a':
- DIT que la SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas tenue à garantie en l'absence de caractère décennal des désordres.
- DEBOUTE [J] [O] du surplus de ses demandes de réparation et de sa demande de condamnation in solidum à l'égard de la SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS.
- REJETTE le surplus des demandes
'
***
'
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens':
'
Par ses dernières conclusions notifiées le 14 février 2022, [J] [S] demande à la Cour de':
Vu les dispositions des articles 4,5, 6,7, 9,12, 696 et 700 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 815-2 alinéa 1 du Code Civil,
Vu les dispositions de l'article 1792 et suivants du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 1792-1, 1792-4-3 et 1792-6 du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 1134 et 1147 anciens du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 1102 et suivants du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 1231 et suivants du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 2231 et 2239 du code Civil,
Vu le rapport d'expertise de M. [B] du 30.04.2015
Vu les pièces versées au débat,
Monsieur [J] [O] DEMANDE à la Cour de :
' DEBOUTER M. [M] [G] et la SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS de l'intégralité de leurs demandes, fins, moyens et conclusions.
' ACCUEILLIR comme recevable l'appel interjeté par Monsieur [J] [O] à l'encontre du jugement rendu le 18 mai 2021 par le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN.
' CONFIRMER le jugement rendu le 18 Mai 2021 par le Tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a statué comme suit :
'
- FIXE au 22 décembre 2002 la date de réception tacite des travaux de construction confiés à [M] [G].
- DECLARE [M] [G] responsable des désordres résultant des fissurations de la villa appartenant à [J] [O].
- CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] les sommes de :
* 71 453,76 euros TTC (SOIXANTE ET ONZE MILLE QUATRE CENT CINQUANTETROIS EUROS ET SOIXANTE-SEIZE CENTS) au titre des travaux de reprise, cette somme étant actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 30 avril 2015 jusqu'à la date du présent jugement puis assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement
* 5000 euros (CINQ MILLE EUROS) au titre du préjudice moral, cette somme étant assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement.
- CONDAMNE [M] [G] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
- DIT que les dépens seront distraits au profit de la SELAS CABINET DREVET et de Maître Jean-Philippe FOURMEAUX représentant la SELARL CABINET FOURMEAUX ET ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] la somme de 4000 euros (QUATRE MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.
'
'
' REFORMER le jugement rendu le 18 Mai 2021 par le Tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a statué comme suit :
'
DIT que la SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas tenue à garantie en l'absence de caractère décennal des désordres.
DEBOUTE [J] [O] du surplus de ses demandes de réparation et de sa demande de condamnation in solidum à l'égard de la SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS.
REJETTE le surplus des demandes.
'
STATUANT A NOUVEAU,
' DIRE que la compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS doit sa garantie décennale en application du contrat la liant à Monsieur [M] [G].
' CONDAMNER in solidum la compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS assureur décennale de Monsieur [M] [G] et ce dernier à payer à Monsieur [J] [O] la somme de 59 052, 69 € HT en réparation de son préjudice matériel.
' ORDONNER l'indexation de cette somme de 59 052, 69 € HT sur l'indice BT01 du coût de la construction en vigueur au jour de la décision à intervenir.
' CONDAMNER in solidum la compagnie SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS, assureur décennal de Monsieur [M] [G] et ce dernier à payer à Monsieur [J] [O], 10 % de la somme HT à laquelle ils seront condamnés in solidum en réparation du préjudice matériel subi par M. [O], ces 10 % correspondant au coût de la maîtrise d''uvre chiffrée par l'expert judiciaire, M. [B] au terme de son rapport du 30.04.2015.
' CONDAMNER in solidum la compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS, assureur décennal de Monsieur [M] [G] et ce dernier à payer à Monsieur [J] [O], la TVA de 10 % applicable au montant des travaux de reprise qui sera réactualisée selon l'indice du BT01 en vigueur au jour de la décision à intervenir, et qui comprendra le coût de la maîtrise d''uvre
' CONDAMNER in solidm la compagnie SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS et M. [M] [G] à payer à M. [J] [O] la somme de 6 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.
' CONDAMNER in solidum la compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS et M. [M] [G] aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire tels qu'ils ont été taxés le 25.06.2015 pour la somme de 8 966.28 €, qui seront distraits au profit de la SELAS CABINET DREVET, société d'Avocats, sur ses offres et affirmations de droit, en application des dispositions des articles 696 et 699 du Code de Procédure civile.
'
Il soutient en substance que la garantie décennale de l'assureur est due, notamment compte tenu du fait que la solidité de l'immeuble est en l'espèce atteinte. Qu'il a bien été victime du préjudice matériel dont il demande l'indemnisation.
'
La société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIEN, par conclusions notifiées le 6 mai 2022 demande à la Cour'de :
Vu les articles 1792 et suivants du Code Civil,
Vu l'article L 241-1 du Code des Assurances,
Vu l'article 2240 du Code Civil,
Vu l'article 564 du CPC In limine litis
- JUGER la demande « CONDAMNER la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS à relever et garantir Monsieur [G] des condamnations prononcées à son encontre le 18 mai 2021 » formée par Monsieur [O] nouvelle en cause d'appel
'
En conséquence,
- DECLARER Monsieur [O] irrecevable en sa demande,
'
A TITRE PRINCIPAL
- CONFIRMER le jugement en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
- JUGER que la garantie de la Société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas mobilisable au titre de ces prétentions et demandes,
- JUGER que Monsieur [G] n'est intervenu que pour une prestation de main d''uvre dans le cadre de la construction de la villa de Monsieur [O] pour les lots de gros-'uvre, couverture et pose de menuiseries extérieures et intérieures.
- JUGER que Monsieur [G] n'avait à sa charge ni la fourniture des matériaux, ni la conception, ni les travaux de terrassement, ni les études béton
- JUGER qu'il appartenait à Monsieur [O] de réaliser ou faire réaliser l'ensemble des ouvrages d'aménagement extérieur nécessaires à la gestion des eaux de ruissèlement et d'écoulement dont les travaux n'étaient absolument pas inclus dans le marché confié à Monsieur [G],
- JUGER qu'aux termes de l'exploit introductif d'instance délivré le 15 avril 2010, les seuls griefs invoqués par Madame et Monsieur [O] portaient sur « des fissures sur les façades Est et Sud de leur maison d'habitation »,
- JUGER que l'Expert Judiciaire avait pour mission notamment de « vérifier la réalité des désordres invoqués par la partie demanderesse dans son acte introductif d'instance », conformément à l'ordonnance de référé du 12 mai 2010,
- JUGER que la fissure affectant le vide sanitaire du garage a été constatée lors de l'accédit organisé le 19 juillet 2013, soit postérieurement à l'expiration du délai d'épreuve qui a expiré le 22 décembre 2012,
- JUGER que les désordres de fissurations affectant la villa de Monsieur [O] ne présentent pas les critères de gravité posés à l'article 1792 du Code Civil,
- JUGER Monsieur [O] défaillant dans l'administration de la preuve de désordres de la nature de ceux relevant des dispositions de l'article 1792 du Code Civil, survenus dans le délai d'épreuve décennal à compter de la réception de l'ouvrage, lequel a expiré le 22 décembre 2012, retenant comme date de réception tacite de l'ouvrage le 22 décembre 2002,
'
Surabondamment :
- JUGER que les conditions d'admissibilité de la notion de désordres évolutifs ne sont pas réunies en l'espèce,
- JUGER en tout état de cause que le vide sanitaire ne constitue pas une partie habitable de la maison
- JUGER que la lettre du 19 février 2008 adressée par ACS ' ASSURANCES CONSTRUCTION SERVICE à la MAIF n'est pas constitutive d'une reconnaissance de responsabilité décennale de Monsieur [G] ni du caractère acquis et mobilisable de la garantie de la Compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS,
'
En conséquence,
- JUGER que les garanties souscrites par Monsieur [G] auprès de la Société SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS n'ont pas vocation à être mobilisées,
- REJETER l'ensemble des demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS comme mal fondées,
'
A titre subsidiaire en cas de réformation du jugement querellé,
Si par extraordinaire la Cour entendait devoir retenir l'existence d'un désordre de nature décennale et considérer comme due la garantie de la Compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a retenu la somme de 71 453.76 € TTC au titre des travaux de reprise,
'
Sur ce,
STATUANT DE NOUVEAU,
- JUGER que les désordres ayant pour origine ou en lien causal avec les travaux de drainage réalisés ne sont pas imputables à Monsieur [G],
- JUGER que la garantie décennale de la Compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas mobilisable au titre de la reprise s'agissant des travaux de drainage, évalués à la somme de 24.311,50 € HT suivant devis de l'entreprise SYNERGIE, montant à actualiser sur l'indice BT01 de la construction en vigueur au jour du Jugement à intervenir, outre frais de maîtrise d''uvre à hauteur de 10% du montant HT précité, et TVA au taux réduit en vigueur au jour du Jugement à intervenir,
- REJETER toute demande réparatoire sur ces postes,
- DEBOUTER Monsieur [O] de sa demande réparatoire à hauteur de 10% du montant des travaux de reprise correspondant au coût de maîtrise d''uvre, comme mal fondée,
'
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
- CONDAMNER Monsieur [O] et le cas échéant tout succombant à verser à la Société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- CONDAMNER Monsieur [S] et le cas échéant tout succombant aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL CABINET DEGRYSE, Avocat sur sa due affirmation.
'
La société SWISSLIFE soutient qu'elle n'a qu'une qualité d'assureur au titre de la garantie décennale qui n'est pas applicable à l'espèce au vu des conclusions de l'expert'; qu'il n'y a pas lieu de considérer qu'elle ait reconnu le droit à garantie de Monsieur [O]. Elle soutient subsidiairement que les désordres survenus ne peuvent être que partiellement imputables à Monsieur [G].
'
Par conclusions notifiées le 11 juillet 2022, Monsieur [M] [G] demande à la Cour de':
Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil,
Il est demandé à la Cour de :
- INFIRMER le jugement querellé ;
A TITRE PRINCIPAL :
-'JUGER que la responsabilité des désordres n'est pas imputable à Monsieur [M] [G]
- JUGER que les frais de procédure et les dépens de première instance seront mis à la charge de l'appelant ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- JUGER que la responsabilité de Monsieur [M] [G] au titre de son devoir de conseil ne doit être retenue que partiellement en raison de l'existence de causes étrangères;
'CONDAMNER la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS à garantir Monsieur [M] [G] de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son encontre ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
'DEBOUTER Monsieur [O] et la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS de toutes demandes plus amples ou contraires,
- CONDAMNER Monsieur [O] et la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS à verser à Monsieur [M] [G] la somme de 2400 euros TTC au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
'CONDAMNER Monsieur [O] et la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS aux entiers dépens.
'
Il considère qu'il n'a pas à être retenu responsable des malfaçons dès lors que la difficulté provient d'un mauvais positionnement des drains alors qu'il n'a pas fourni cette prestation et que l'entreprise qui y a procédé n'est pas connue. De même, il fait valoir que l'erreur de conception qui tient à l'absence d'étude de sol et l'absence d'étude béton ne lui est pas imputable et qu'aucun manquement à son devoir de conseil ne peut être caractérisé à ce titre. Subsidiairement, si un manquement lui était reproché, il considère qu'il doit être garanti par la société SWISSLIFE.
'
L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 19 mai 2025 et appelée en dernier lieu à l'audience du 17 juin 2025.
'
MOTIFS DE LA DECISION':
'
Sur la responsabilité de Monsieur [G]':
'
Aux termes de l'article 1792 du Code civil, «'tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère'».
'
La garantie décennale a vocation à s'appliquer notamment lorsqu'un désordre apparu dans le délai d'épreuve de dix ans à compter de la réception de l'ouvrage'et qui n'était pas apparent et qui revêt une certaine gravité en ce qu'il porte atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rend impropre à sa destination.
'
En revanche, des désordres non apparents à la réception, qui ne concernent pas des éléments d'équipement soumis à la garantie de bon fonctionnement et ne portent atteinte ni à la solidité, ni à la destination de l'ouvrage, relèvent de la responsabilité de droit commun pour faute prouvée du constructeur.
'
Monsieur [O] soutient que la responsabilité de Monsieur [G] doit être engagée sur le fondement de l'article 1792 du Code civil'; ce fondement a été écarté par le premier juge qui a retenu une responsabilité contractuelle de droit commun de Monsieur [G] compte tenu du fait que les critères de la responsabilité décennale n'étaient pas réunis.
'
Monsieur [O] soutient que les fissures qui affectent sont bien sont la conséquence d'une inadaptation des fondations aux caractéristiques des sols imputable à Monsieur [G] et que la nécessité de procéder à une reprise en sous-'uvre ainsi que les termes du rapport d'expertise établissent la réalité d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage et d'une impropriété de celui-ci à sa destination.
Monsieur [G] oppose qu'il est intervenu sur le chantier pour une prestation de gros 'uvre hors pose des drains, terrassement et second 'uvre'; qu'aucune erreur d'exécution ne peut lui être reprochée'; que la responsabilité de l'entreprise qui a posé les drains doit être recherchée et que l'absence d'étude de sol préalable aux travaux est imputable à Monsieur [O] qui se serait comporté comme le maître d''uvre de ce chantier.
'
La société d'assurance SWISSLIFE fait valoir que le rapport d'expertise fait clairement apparaître que les conditions de mise en 'uvre de la garantie décennale ne sont pas réunies (absence d'atteinte à la solidité de l'ouvrage ou d'impropriété à sa destination).
'
Il n'est pas justifié du cadre contractuel dans lequel les parties sont intervenues'; ce cadre ne peut se déduire que des factures versées aux débats par l'appelant. Monsieur [G] indique avoir perdu ces documents contractuels suite à des inondations et Monsieur [O] ne les a pas produits. L'intervention sur le chantier de Monsieur [G] n'est toutefois pas contestée et justifiée par les différentes factures versées et relatives à des prestations de «'construction d'une habitation sans fourniture de matériaux'».
'
S'agissant de la réception de l'ouvrage, en l'absence de contestation sur ce point, il convient de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a retenu une date de réception tacite au 22 décembre 2002, cette date correspondant à l'entrée dans les lieux des époux [O] et donc à une prise de possession de l'ouvrage.
'
Dans le cadre de son rapport, l'expert relève qu'il n'a été procédé à aucune étude de sol avant la construction'; il indique que le sol, de nature argileuse, subit des variations lithologiques et d'une venue d'eau naturelle. Cela provoque «'des tassements différentiels (= non uniformes) sous les fondations, entrainant ipso facto la dislocation des maçonneries immédiatement placées au-dessus (murs de façades) se manifestant par des lézardes et fissures comme constatées'». Ce phénomène de tassement est par ailleurs accentué par l'écoulement non canalisé des eaux de toiture en pieds de façades, lesquelles «'apportent une quantité d'eau non négligeable dans le vide sanitaire (traces visibles) et le sol, au pourtour des fondations'».
'
Il est toutefois précisé que «'si on considère la force portante du sol seule (= capacité à supporter des charges sans déformation significative), elle suffit à supporter les charges induites par l'ouvrage construit (villa)'».
'
Il est également indiqué que le drain périphérique se situe à une profondeur de 30 à 45cm par rapport au terrain naturel alors qu'il devrait être situé plus profondément, de sorte que «'son efficacité ne peut alors qu'être très partielle voire inexistante pour drainer et canaliser les eaux souterraines'». Il ressort cependant des termes du rapport qu'aucune information n'a pu être obtenue dans le cadre de cette expertise quant au donneur d'ordre et à l'exécution de ce drain.
'
Concernant la nature de ces désordres, l'expert exclut de façon explicite une qualification décennale en indiquant': «'ces désordres ne compromettent pas la solidité générale de l'ouvrage, il n'y a pas de risque d'écroulement ou de ruine. Pour autant, l'ouvrage se trouve affecté dans plusieurs de ses éléments constitutifs (murs de façades, fondations) sans toutefois le rendre impropre à destination (habitation)'». Cette appréciation a été confirmée dans le cadre des réponses aux dires.
'
Si l'expert retient qu'en l'absence de justificatifs, les engagements contractuels sont difficiles à identifier, les manquements relatifs à l'absence d'étude de sol et d'étude béton conduisent à caractériser un manquement de Monsieur [M] [G] dans le cadre de son devoir de conseil. En effet, l'expert rappelle que Monsieur [G] a réalisé':
- Les fondations (hors terrassement),
- le vide sanitaire,
- Le gros 'uvre (plancher sur vide sanitaire, élévations, chainages, linteaux),
- Charpente,
- Couverture comprenant points singuliers (souche de cheminée, génoises).
'
'Ainsi, aux termes de son rapport, l'expert retient trois éléments à l'origine des désordres':
- Une erreur de conception qui réside dans le fait de ne pas avoir réalisé d'étude de sol avant la construction (absence d'adaptation des fondations de l'ouvrage à bâtir aux caractéristiques du sol),
- Un vice du sol qui donne lieu à des tassements différentiels,
- Une erreur d'exécution tenant à la réalisation des drains qui auraient dû être posés plus profondément pour être efficaces.
'
Or, il s'infère des éléments évoqués ci-dessus que Monsieur [G] est intervenu pour la réalisation de ces travaux dans le cadre d'un chantier pour lequel aucune maîtrise d''uvre n'était désignée. Il a en effet procédé à ces travaux de fondation et de gros 'uvre sans qu'aucune étude de sol ni étude béton n'ait été réalisée alors que, selon l'expert (p.14), de telles études relèvent du processus classique en vue de la construction d'une villa. Ainsi est-il conclu': «'en tant que professionnel et homme de l'art, Monsieur [M] [G] dans le cadre de son devoir de conseil, aurait dû au moins attirer l'attention des Epoux [O] sur le processus des études décrit ci-dessus'».
'
L'absence de tout document contractuel permettant de définir la portée des engagements respectivement pris par les parties ne permet pas de considérer que Monsieur [G] ait été investi d'une mission de conception de l'ouvrage. Il n'est pas davantage démontré que la mauvaise réalisation des drains lui soit imputable. En outre, l'expert précise que les fondations sont, quant à elles, correctement encastrées dans le sol.
'
Cependant, au vu des éléments précités, et du fait de l'obligation générale d'information et de conseil dont l'entrepreneur est redevable à l'égard du maître d'ouvrage, il convient de considérer qu'un manquement à été commis par Monsieur [G] à ce titre. En effet, intervenant en tant que professionnel sur un chantier pour lequel, de surcroît, aucune maîtrise d''uvre n'avait été désignée, il lui appartenait d'attirer l'attention de Monsieur [O] sur la nécessité de recourir, préalablement à la réalisation des fondations et du gros 'uvre, aux études sol et béton nécessaires pour s'assurer que les travaux demandés étaient adaptés à la nature du sol. L'entrepreneur étant tenu, avant de réaliser des travaux, de renseigner un maître d'ouvrage sur leur faisabilité, il appartenait en l'espèce à Monsieur [G] d'attirer l'attention de son cocontractant sur la nécessité de s'assurer que ces travaux étaient adaptés à la nature du sol.
'
Enfin, la Cour relève qu'aucun élément ne permet de considérer que le comportement du maître d'ouvrage ait été de nature à dispenser Monsieur [G] de l'exécution de son obligation de conseil. Ce moyen n'est donc pas de nature à faire obstacle à l'engagement de sa responsabilité.
'
Il convient en conséquence de retenir la responsabilité contractuelle de Monsieur [G] pour manquement à son obligation d'information et de conseil. Compte tenu de la nature et de la portée de ce manquement, il convient de considérer que celui-ci a contribué à hauteur de 50% au préjudice subi par Monsieur [O]. En effet, les autres causes qui déterminent les désordres ne sont pas imputables à l'entrepreneur, notamment s'agissant de l'insuffisance des drains et de l'existence d'une erreur de conception.
'
Sur le préjudice':
'
Le coût des travaux de reprise est évalué par l'expert à 71.453,76€ justifiés par':
-'La reprise en sous 'uvre des parties affectées,
- La réalisation d'un barrage drainant, collecte et canalisation des eaux de toiture,
- La mission associée de maîtrise d''uvre.
'
Aucun élément ne permet de remettre en cause cette évaluation du préjudice de Monsieur [O]. Ce montant sera en conséquence retenu et Monsieur [G] sera condamné à payer à Monsieur [O] une somme de 35.726,88€ (soit 50% de ce montant total) en réparation de son préjudice.
'
Sur le préjudice moral':
'
Le premier juge a alloué à Monsieur [O] une somme de 5.000€ en réparation de son préjudice moral. Monsieur [O] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
'
Monsieur [G] ne formule aucune observation sur l'évaluation de ce poste de préjudice'; il conclut en effet à titre principal à une infirmation du jugement et qu'il soit retenu qu'il n'est pas responsable des désordres. Dans ses prétentions subsidiaires visant à ne voir reconnaître qu'une responsabilité partielle, il se limite à soutenir que dans un tel contexte, le maître d'ouvrage ne pouvait pas prétendre à l'indemnisation de son préjudice moral.
'
En l'absence de contestation sur l'évaluation faite par le premier juge de ce poste de préjudice et en l'état de la responsabilité retenue de Monsieur [G], la décision sera confirmée sur ce point.
'
Sur la garantie due par la société SWISSLIFE':
'
Il a été retenu ci-avant que les désordres subis par Monsieur [O] ne présentent pas le caractère de désordres décennaux. Or, le contrat souscrit par Monsieur [G] auprès de la société SWISSLIFE consiste en une assurance responsabilité décennale qui ne s'applique pas à une situation de responsabilité de droit commun.
'
Monsieur [O] soutient que la SA SWISSLIFE a reconnu devoir sa garantie au titre de ce sinistre dès lors qu'elle a proposé une solution «'technico/financière'» qui n'a toutefois pas été acceptée.
'
Il est constant que la reconnaissance de l'application de la garantie peut se déduire du comportement de l'assureur, notamment sous la forme d'un aveu de ses obligations par celui-ci. Ainsi, une offre d'indemnisation présentant un certain montant et comportant un projet de quittance de sinistre peut valoir reconnaissance du droit à indemnisation de la victime d'un dommage causé par l'assuré.
'
Cependant, compte tenu de ce que l'assurance souscrite auprès de la SA SWISSLIFE garantissait les dommages de nature décennale et que les désordres constatés ne relèvent pas de ce régime juridique, le risque qui s'est réalisé n'était pas garanti par le contrat de sorte que la société SWISSLIFE, recherchée en qualité d'assureur de responsabilité décennale doit être mise hors de cause.
'
Dès lors, il y a lieu de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a dit que la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas tenue à garantie en l'absence de caractère décennal des désordres.
'
Sur la demande de garantie de Monsieur [G]':
'
Il s'évince de la solution retenue ci-dessus qu'aucune garantie ne peut être recherchée auprès de la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS qui n'intervenait qu'en qualité d'assureur décennal.
'
Cette demande est donc sans objet, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité au visa de l'article 564 du Code de procédure civile.
'
Sur les demandes annexes':
'
Au vu du caractère limité de la responsabilité de Monsieur [G] dans la réalisation des dommages, il convient d'infirmer la décision contestée en ce qu'elle a condamné ce dernier aux entiers dépens de l'instance. Statuant à nouveau, il y a lieu de dire qu'il sera fait masse des dépens, lesquels seront partagés par moitié entre Monsieur [O] d'une part et Monsieur [G] d'autre part.
'
Les dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile adoptée par le premier juge seront confirmées.
'
Compte tenu de la solution du litige en cause d'appel, il convient de condamner Monsieur [G] à payer à Monsieur [O] une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
'
PAR CES MOTIFS':
'
La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2025,
'
Infirme le jugement du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 18 mai 2021 en ce qu'il':
- DECLARE [M] [G] responsable des désordres résultant des fissurations de la villa appartenant à [J] [O].
- CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] les sommes de 71 453,76 euros TTC (SOIXANTE ET ONZE MILLE QUATRE CENT CINQUANTETROIS EUROS ET SOIXANTE-SEIZE CENTS) au titre des travaux de reprise, cette somme étant actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 30 avril 2015 jusqu'à la date du présent jugement puis assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement.
- CONDAMNE [M] [G] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
'
Statuant à nouveau':
- DECLARE [M] [G] responsable à hauteur de 50% des désordres résultant des fissurations de la villa appartenant à [J] [O].
- CONDAMNE [M] [G] à payer à Monsieur [O] la somme de 35.726,88€ au titre des travaux de reprise, cette somme étant actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 30 avril 2015 jusqu'à la date du présent jugement puis assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement';
'
Y ajoutant,
'
CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile';
'
DIT qu'il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel, lesquels seront partagés par moitié entre [J] [O] d'une part et [M] [G] d'autre part';
'
ALLOUE aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de la distraction des dépens.
'
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 13 NOVEMBRE 2025
N°2025 / 243
Rôle N° RG 21/10374
N° Portalis DBVB-V-B7F-BHY4E
[J] [O]
C/
[M], [P], [C] [G]
S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
Copie exécutoire délivrée le :
à :
- Me Serge DREVET
- Me Emmanuelle
REIN
- Me Jean-jacques
DEGRYSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 18 Mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 18/03481.
APPELANT
Monsieur [J] [O]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Serge DREVET de la SELAS CABINET DREVET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Monsieur [M], [P], [C] [G]
demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Emmanuelle REIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
S.A. SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jean-jacques DEGRYSE, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Juin 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Inès BONAFOS, Présidente, et Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2025, prorogé au 13 novembre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES':
'
Selon factures en date des 24 janvier et 12 février 2002, [J] [O] et son épouse [F] [V] ont confié à [M] [G], artisan maçon assuré au titre de la garantie décennale par la compagnie SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS, la construction d'une maison d'habitation sise [Adresse 1] à [Localité 5], et plus précisément les lots gros 'uvre, charpente et couverture.
'
Les travaux ont été achevés le 1er juillet 2002 après règlement de la totalité du chantier, et une prise de possession des lieux est intervenue le 22 décembre 2002 sans aucune réception des travaux.
'
Des factures ont ainsi été émises par la société [G], et payées, à hauteur de 27.960,96€.
'
Les époux [O] déplorant l'apparition de fissures évolutives en façades, dont l'une traversante au niveau du mur du salon, ils ont sollicité en référé la désignation d'un expert judiciaire. Cette désignation est intervenue par ordonnance du 12 mai 2010 au contradictoire d'[M] [G] et de la compagnie SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS.
'
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 30 avril 2015.
'
Par actes d'huissier en date des 18 avril et 9 mai 2018, [J] [O] a fait assigner [M] [G] et la SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS devant le tribunal de grande instance de Draguignan afin de solliciter la réparation des désordres constatés dans le rapport d'expertise judiciaire.
'
Par conclusions d'intervention volontaire signifiées le 8 juin 2018, [F] [V] divorcée de [J] [O] est intervenue à la présente instance pour demander également réparation de ses préjudices.
'
L'ordonnance de clôture de la procédure, rendue le 8 juin 2018, a été révoquée le 11 juillet 2018 par le juge de la mise en état avec renvoi de l'affaire à la mise en état afin que la défenderesse puisse conclure.
'
Par ordonnance en date du 8 novembre 2019, le juge de la mise en état a constaté le désistement d'instance et d'action de [F] [V] divorcée de [J] [O], intervenante volontaire, en laissant les frais et dépens à sa charge, et ce à la suite de ses dernières conclusions aux fins de désistement notifiées par voie électronique le 7 octobre 2019.
'
Par jugement en date du 18 mai 2021, le Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN':
- FIXE au 22 décembre 2002 la date de réception tacite des travaux de construction confiés à [M] [G].
- DECLARE [M] [G] responsable des désordres résultant des fissurations de la villa appartenant à [J] [O].
- DIT que la SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas tenue à garantie en l'absence de caractère décennal des désordres.
- CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] les sommes de :
* 71 453,76 euros TTC (SOIXANTE ET ONZE MILLE QUATRE CENT CINQUANTETROIS EUROS ET SOIXANTE-SEIZE CENTS) au titre des travaux de reprise, cette somme étant actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 30 avril 2015 jusqu'à la date du présent jugement puis assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement * 5000 euros (CINQ MILLE EUROS) au titre du préjudice moral, cette somme étant assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement.
- DEBOUTE [J] [O] du surplus de ses demandes de réparation et de sa demande de condamnation in solidum à l'égard de la SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS.
- CONDAMNE [M] [G] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
- DIT que les dépens seront distraits au profit de la SELAS CABINET DREVET et de Maître Jean-Philippe FOURMEAUX représentant la SELARL CABINET FOURMEAUX ET ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] la somme de 4000 euros (QUATRE MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.
- REJETTE le surplus des demandes.
'
Par déclaration en date du 9 juillet 2021'; [J] [O] a formé appel de cette décision à l'encontre de la Cie d'assurance SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS et de Monsieur [M] [G] en ce qu'il a':
- DIT que la SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas tenue à garantie en l'absence de caractère décennal des désordres.
- DEBOUTE [J] [O] du surplus de ses demandes de réparation et de sa demande de condamnation in solidum à l'égard de la SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS.
- REJETTE le surplus des demandes
'
***
'
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens':
'
Par ses dernières conclusions notifiées le 14 février 2022, [J] [S] demande à la Cour de':
Vu les dispositions des articles 4,5, 6,7, 9,12, 696 et 700 du code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 815-2 alinéa 1 du Code Civil,
Vu les dispositions de l'article 1792 et suivants du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 1792-1, 1792-4-3 et 1792-6 du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 1134 et 1147 anciens du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 1102 et suivants du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 1231 et suivants du Code Civil,
Vu les dispositions des articles 2231 et 2239 du code Civil,
Vu le rapport d'expertise de M. [B] du 30.04.2015
Vu les pièces versées au débat,
Monsieur [J] [O] DEMANDE à la Cour de :
' DEBOUTER M. [M] [G] et la SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS de l'intégralité de leurs demandes, fins, moyens et conclusions.
' ACCUEILLIR comme recevable l'appel interjeté par Monsieur [J] [O] à l'encontre du jugement rendu le 18 mai 2021 par le tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN.
' CONFIRMER le jugement rendu le 18 Mai 2021 par le Tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a statué comme suit :
'
- FIXE au 22 décembre 2002 la date de réception tacite des travaux de construction confiés à [M] [G].
- DECLARE [M] [G] responsable des désordres résultant des fissurations de la villa appartenant à [J] [O].
- CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] les sommes de :
* 71 453,76 euros TTC (SOIXANTE ET ONZE MILLE QUATRE CENT CINQUANTETROIS EUROS ET SOIXANTE-SEIZE CENTS) au titre des travaux de reprise, cette somme étant actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 30 avril 2015 jusqu'à la date du présent jugement puis assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement
* 5000 euros (CINQ MILLE EUROS) au titre du préjudice moral, cette somme étant assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement.
- CONDAMNE [M] [G] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
- DIT que les dépens seront distraits au profit de la SELAS CABINET DREVET et de Maître Jean-Philippe FOURMEAUX représentant la SELARL CABINET FOURMEAUX ET ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] la somme de 4000 euros (QUATRE MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.
'
'
' REFORMER le jugement rendu le 18 Mai 2021 par le Tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a statué comme suit :
'
DIT que la SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas tenue à garantie en l'absence de caractère décennal des désordres.
DEBOUTE [J] [O] du surplus de ses demandes de réparation et de sa demande de condamnation in solidum à l'égard de la SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS.
REJETTE le surplus des demandes.
'
STATUANT A NOUVEAU,
' DIRE que la compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS doit sa garantie décennale en application du contrat la liant à Monsieur [M] [G].
' CONDAMNER in solidum la compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS assureur décennale de Monsieur [M] [G] et ce dernier à payer à Monsieur [J] [O] la somme de 59 052, 69 € HT en réparation de son préjudice matériel.
' ORDONNER l'indexation de cette somme de 59 052, 69 € HT sur l'indice BT01 du coût de la construction en vigueur au jour de la décision à intervenir.
' CONDAMNER in solidum la compagnie SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS, assureur décennal de Monsieur [M] [G] et ce dernier à payer à Monsieur [J] [O], 10 % de la somme HT à laquelle ils seront condamnés in solidum en réparation du préjudice matériel subi par M. [O], ces 10 % correspondant au coût de la maîtrise d''uvre chiffrée par l'expert judiciaire, M. [B] au terme de son rapport du 30.04.2015.
' CONDAMNER in solidum la compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS, assureur décennal de Monsieur [M] [G] et ce dernier à payer à Monsieur [J] [O], la TVA de 10 % applicable au montant des travaux de reprise qui sera réactualisée selon l'indice du BT01 en vigueur au jour de la décision à intervenir, et qui comprendra le coût de la maîtrise d''uvre
' CONDAMNER in solidm la compagnie SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS et M. [M] [G] à payer à M. [J] [O] la somme de 6 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.
' CONDAMNER in solidum la compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS et M. [M] [G] aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire tels qu'ils ont été taxés le 25.06.2015 pour la somme de 8 966.28 €, qui seront distraits au profit de la SELAS CABINET DREVET, société d'Avocats, sur ses offres et affirmations de droit, en application des dispositions des articles 696 et 699 du Code de Procédure civile.
'
Il soutient en substance que la garantie décennale de l'assureur est due, notamment compte tenu du fait que la solidité de l'immeuble est en l'espèce atteinte. Qu'il a bien été victime du préjudice matériel dont il demande l'indemnisation.
'
La société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIEN, par conclusions notifiées le 6 mai 2022 demande à la Cour'de :
Vu les articles 1792 et suivants du Code Civil,
Vu l'article L 241-1 du Code des Assurances,
Vu l'article 2240 du Code Civil,
Vu l'article 564 du CPC In limine litis
- JUGER la demande « CONDAMNER la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS à relever et garantir Monsieur [G] des condamnations prononcées à son encontre le 18 mai 2021 » formée par Monsieur [O] nouvelle en cause d'appel
'
En conséquence,
- DECLARER Monsieur [O] irrecevable en sa demande,
'
A TITRE PRINCIPAL
- CONFIRMER le jugement en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation à l'encontre de la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
- JUGER que la garantie de la Société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas mobilisable au titre de ces prétentions et demandes,
- JUGER que Monsieur [G] n'est intervenu que pour une prestation de main d''uvre dans le cadre de la construction de la villa de Monsieur [O] pour les lots de gros-'uvre, couverture et pose de menuiseries extérieures et intérieures.
- JUGER que Monsieur [G] n'avait à sa charge ni la fourniture des matériaux, ni la conception, ni les travaux de terrassement, ni les études béton
- JUGER qu'il appartenait à Monsieur [O] de réaliser ou faire réaliser l'ensemble des ouvrages d'aménagement extérieur nécessaires à la gestion des eaux de ruissèlement et d'écoulement dont les travaux n'étaient absolument pas inclus dans le marché confié à Monsieur [G],
- JUGER qu'aux termes de l'exploit introductif d'instance délivré le 15 avril 2010, les seuls griefs invoqués par Madame et Monsieur [O] portaient sur « des fissures sur les façades Est et Sud de leur maison d'habitation »,
- JUGER que l'Expert Judiciaire avait pour mission notamment de « vérifier la réalité des désordres invoqués par la partie demanderesse dans son acte introductif d'instance », conformément à l'ordonnance de référé du 12 mai 2010,
- JUGER que la fissure affectant le vide sanitaire du garage a été constatée lors de l'accédit organisé le 19 juillet 2013, soit postérieurement à l'expiration du délai d'épreuve qui a expiré le 22 décembre 2012,
- JUGER que les désordres de fissurations affectant la villa de Monsieur [O] ne présentent pas les critères de gravité posés à l'article 1792 du Code Civil,
- JUGER Monsieur [O] défaillant dans l'administration de la preuve de désordres de la nature de ceux relevant des dispositions de l'article 1792 du Code Civil, survenus dans le délai d'épreuve décennal à compter de la réception de l'ouvrage, lequel a expiré le 22 décembre 2012, retenant comme date de réception tacite de l'ouvrage le 22 décembre 2002,
'
Surabondamment :
- JUGER que les conditions d'admissibilité de la notion de désordres évolutifs ne sont pas réunies en l'espèce,
- JUGER en tout état de cause que le vide sanitaire ne constitue pas une partie habitable de la maison
- JUGER que la lettre du 19 février 2008 adressée par ACS ' ASSURANCES CONSTRUCTION SERVICE à la MAIF n'est pas constitutive d'une reconnaissance de responsabilité décennale de Monsieur [G] ni du caractère acquis et mobilisable de la garantie de la Compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS,
'
En conséquence,
- JUGER que les garanties souscrites par Monsieur [G] auprès de la Société SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS n'ont pas vocation à être mobilisées,
- REJETER l'ensemble des demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS comme mal fondées,
'
A titre subsidiaire en cas de réformation du jugement querellé,
Si par extraordinaire la Cour entendait devoir retenir l'existence d'un désordre de nature décennale et considérer comme due la garantie de la Compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a retenu la somme de 71 453.76 € TTC au titre des travaux de reprise,
'
Sur ce,
STATUANT DE NOUVEAU,
- JUGER que les désordres ayant pour origine ou en lien causal avec les travaux de drainage réalisés ne sont pas imputables à Monsieur [G],
- JUGER que la garantie décennale de la Compagnie SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas mobilisable au titre de la reprise s'agissant des travaux de drainage, évalués à la somme de 24.311,50 € HT suivant devis de l'entreprise SYNERGIE, montant à actualiser sur l'indice BT01 de la construction en vigueur au jour du Jugement à intervenir, outre frais de maîtrise d''uvre à hauteur de 10% du montant HT précité, et TVA au taux réduit en vigueur au jour du Jugement à intervenir,
- REJETER toute demande réparatoire sur ces postes,
- DEBOUTER Monsieur [O] de sa demande réparatoire à hauteur de 10% du montant des travaux de reprise correspondant au coût de maîtrise d''uvre, comme mal fondée,
'
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
- CONDAMNER Monsieur [O] et le cas échéant tout succombant à verser à la Société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- CONDAMNER Monsieur [S] et le cas échéant tout succombant aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL CABINET DEGRYSE, Avocat sur sa due affirmation.
'
La société SWISSLIFE soutient qu'elle n'a qu'une qualité d'assureur au titre de la garantie décennale qui n'est pas applicable à l'espèce au vu des conclusions de l'expert'; qu'il n'y a pas lieu de considérer qu'elle ait reconnu le droit à garantie de Monsieur [O]. Elle soutient subsidiairement que les désordres survenus ne peuvent être que partiellement imputables à Monsieur [G].
'
Par conclusions notifiées le 11 juillet 2022, Monsieur [M] [G] demande à la Cour de':
Vu les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil,
Il est demandé à la Cour de :
- INFIRMER le jugement querellé ;
A TITRE PRINCIPAL :
-'JUGER que la responsabilité des désordres n'est pas imputable à Monsieur [M] [G]
- JUGER que les frais de procédure et les dépens de première instance seront mis à la charge de l'appelant ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- JUGER que la responsabilité de Monsieur [M] [G] au titre de son devoir de conseil ne doit être retenue que partiellement en raison de l'existence de causes étrangères;
'CONDAMNER la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS à garantir Monsieur [M] [G] de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son encontre ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
'DEBOUTER Monsieur [O] et la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS de toutes demandes plus amples ou contraires,
- CONDAMNER Monsieur [O] et la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS à verser à Monsieur [M] [G] la somme de 2400 euros TTC au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
'CONDAMNER Monsieur [O] et la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS aux entiers dépens.
'
Il considère qu'il n'a pas à être retenu responsable des malfaçons dès lors que la difficulté provient d'un mauvais positionnement des drains alors qu'il n'a pas fourni cette prestation et que l'entreprise qui y a procédé n'est pas connue. De même, il fait valoir que l'erreur de conception qui tient à l'absence d'étude de sol et l'absence d'étude béton ne lui est pas imputable et qu'aucun manquement à son devoir de conseil ne peut être caractérisé à ce titre. Subsidiairement, si un manquement lui était reproché, il considère qu'il doit être garanti par la société SWISSLIFE.
'
L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 19 mai 2025 et appelée en dernier lieu à l'audience du 17 juin 2025.
'
MOTIFS DE LA DECISION':
'
Sur la responsabilité de Monsieur [G]':
'
Aux termes de l'article 1792 du Code civil, «'tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère'».
'
La garantie décennale a vocation à s'appliquer notamment lorsqu'un désordre apparu dans le délai d'épreuve de dix ans à compter de la réception de l'ouvrage'et qui n'était pas apparent et qui revêt une certaine gravité en ce qu'il porte atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rend impropre à sa destination.
'
En revanche, des désordres non apparents à la réception, qui ne concernent pas des éléments d'équipement soumis à la garantie de bon fonctionnement et ne portent atteinte ni à la solidité, ni à la destination de l'ouvrage, relèvent de la responsabilité de droit commun pour faute prouvée du constructeur.
'
Monsieur [O] soutient que la responsabilité de Monsieur [G] doit être engagée sur le fondement de l'article 1792 du Code civil'; ce fondement a été écarté par le premier juge qui a retenu une responsabilité contractuelle de droit commun de Monsieur [G] compte tenu du fait que les critères de la responsabilité décennale n'étaient pas réunis.
'
Monsieur [O] soutient que les fissures qui affectent sont bien sont la conséquence d'une inadaptation des fondations aux caractéristiques des sols imputable à Monsieur [G] et que la nécessité de procéder à une reprise en sous-'uvre ainsi que les termes du rapport d'expertise établissent la réalité d'une atteinte à la solidité de l'ouvrage et d'une impropriété de celui-ci à sa destination.
Monsieur [G] oppose qu'il est intervenu sur le chantier pour une prestation de gros 'uvre hors pose des drains, terrassement et second 'uvre'; qu'aucune erreur d'exécution ne peut lui être reprochée'; que la responsabilité de l'entreprise qui a posé les drains doit être recherchée et que l'absence d'étude de sol préalable aux travaux est imputable à Monsieur [O] qui se serait comporté comme le maître d''uvre de ce chantier.
'
La société d'assurance SWISSLIFE fait valoir que le rapport d'expertise fait clairement apparaître que les conditions de mise en 'uvre de la garantie décennale ne sont pas réunies (absence d'atteinte à la solidité de l'ouvrage ou d'impropriété à sa destination).
'
Il n'est pas justifié du cadre contractuel dans lequel les parties sont intervenues'; ce cadre ne peut se déduire que des factures versées aux débats par l'appelant. Monsieur [G] indique avoir perdu ces documents contractuels suite à des inondations et Monsieur [O] ne les a pas produits. L'intervention sur le chantier de Monsieur [G] n'est toutefois pas contestée et justifiée par les différentes factures versées et relatives à des prestations de «'construction d'une habitation sans fourniture de matériaux'».
'
S'agissant de la réception de l'ouvrage, en l'absence de contestation sur ce point, il convient de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a retenu une date de réception tacite au 22 décembre 2002, cette date correspondant à l'entrée dans les lieux des époux [O] et donc à une prise de possession de l'ouvrage.
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Dans le cadre de son rapport, l'expert relève qu'il n'a été procédé à aucune étude de sol avant la construction'; il indique que le sol, de nature argileuse, subit des variations lithologiques et d'une venue d'eau naturelle. Cela provoque «'des tassements différentiels (= non uniformes) sous les fondations, entrainant ipso facto la dislocation des maçonneries immédiatement placées au-dessus (murs de façades) se manifestant par des lézardes et fissures comme constatées'». Ce phénomène de tassement est par ailleurs accentué par l'écoulement non canalisé des eaux de toiture en pieds de façades, lesquelles «'apportent une quantité d'eau non négligeable dans le vide sanitaire (traces visibles) et le sol, au pourtour des fondations'».
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Il est toutefois précisé que «'si on considère la force portante du sol seule (= capacité à supporter des charges sans déformation significative), elle suffit à supporter les charges induites par l'ouvrage construit (villa)'».
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Il est également indiqué que le drain périphérique se situe à une profondeur de 30 à 45cm par rapport au terrain naturel alors qu'il devrait être situé plus profondément, de sorte que «'son efficacité ne peut alors qu'être très partielle voire inexistante pour drainer et canaliser les eaux souterraines'». Il ressort cependant des termes du rapport qu'aucune information n'a pu être obtenue dans le cadre de cette expertise quant au donneur d'ordre et à l'exécution de ce drain.
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Concernant la nature de ces désordres, l'expert exclut de façon explicite une qualification décennale en indiquant': «'ces désordres ne compromettent pas la solidité générale de l'ouvrage, il n'y a pas de risque d'écroulement ou de ruine. Pour autant, l'ouvrage se trouve affecté dans plusieurs de ses éléments constitutifs (murs de façades, fondations) sans toutefois le rendre impropre à destination (habitation)'». Cette appréciation a été confirmée dans le cadre des réponses aux dires.
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Si l'expert retient qu'en l'absence de justificatifs, les engagements contractuels sont difficiles à identifier, les manquements relatifs à l'absence d'étude de sol et d'étude béton conduisent à caractériser un manquement de Monsieur [M] [G] dans le cadre de son devoir de conseil. En effet, l'expert rappelle que Monsieur [G] a réalisé':
- Les fondations (hors terrassement),
- le vide sanitaire,
- Le gros 'uvre (plancher sur vide sanitaire, élévations, chainages, linteaux),
- Charpente,
- Couverture comprenant points singuliers (souche de cheminée, génoises).
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'Ainsi, aux termes de son rapport, l'expert retient trois éléments à l'origine des désordres':
- Une erreur de conception qui réside dans le fait de ne pas avoir réalisé d'étude de sol avant la construction (absence d'adaptation des fondations de l'ouvrage à bâtir aux caractéristiques du sol),
- Un vice du sol qui donne lieu à des tassements différentiels,
- Une erreur d'exécution tenant à la réalisation des drains qui auraient dû être posés plus profondément pour être efficaces.
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Or, il s'infère des éléments évoqués ci-dessus que Monsieur [G] est intervenu pour la réalisation de ces travaux dans le cadre d'un chantier pour lequel aucune maîtrise d''uvre n'était désignée. Il a en effet procédé à ces travaux de fondation et de gros 'uvre sans qu'aucune étude de sol ni étude béton n'ait été réalisée alors que, selon l'expert (p.14), de telles études relèvent du processus classique en vue de la construction d'une villa. Ainsi est-il conclu': «'en tant que professionnel et homme de l'art, Monsieur [M] [G] dans le cadre de son devoir de conseil, aurait dû au moins attirer l'attention des Epoux [O] sur le processus des études décrit ci-dessus'».
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L'absence de tout document contractuel permettant de définir la portée des engagements respectivement pris par les parties ne permet pas de considérer que Monsieur [G] ait été investi d'une mission de conception de l'ouvrage. Il n'est pas davantage démontré que la mauvaise réalisation des drains lui soit imputable. En outre, l'expert précise que les fondations sont, quant à elles, correctement encastrées dans le sol.
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Cependant, au vu des éléments précités, et du fait de l'obligation générale d'information et de conseil dont l'entrepreneur est redevable à l'égard du maître d'ouvrage, il convient de considérer qu'un manquement à été commis par Monsieur [G] à ce titre. En effet, intervenant en tant que professionnel sur un chantier pour lequel, de surcroît, aucune maîtrise d''uvre n'avait été désignée, il lui appartenait d'attirer l'attention de Monsieur [O] sur la nécessité de recourir, préalablement à la réalisation des fondations et du gros 'uvre, aux études sol et béton nécessaires pour s'assurer que les travaux demandés étaient adaptés à la nature du sol. L'entrepreneur étant tenu, avant de réaliser des travaux, de renseigner un maître d'ouvrage sur leur faisabilité, il appartenait en l'espèce à Monsieur [G] d'attirer l'attention de son cocontractant sur la nécessité de s'assurer que ces travaux étaient adaptés à la nature du sol.
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Enfin, la Cour relève qu'aucun élément ne permet de considérer que le comportement du maître d'ouvrage ait été de nature à dispenser Monsieur [G] de l'exécution de son obligation de conseil. Ce moyen n'est donc pas de nature à faire obstacle à l'engagement de sa responsabilité.
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Il convient en conséquence de retenir la responsabilité contractuelle de Monsieur [G] pour manquement à son obligation d'information et de conseil. Compte tenu de la nature et de la portée de ce manquement, il convient de considérer que celui-ci a contribué à hauteur de 50% au préjudice subi par Monsieur [O]. En effet, les autres causes qui déterminent les désordres ne sont pas imputables à l'entrepreneur, notamment s'agissant de l'insuffisance des drains et de l'existence d'une erreur de conception.
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Sur le préjudice':
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Le coût des travaux de reprise est évalué par l'expert à 71.453,76€ justifiés par':
-'La reprise en sous 'uvre des parties affectées,
- La réalisation d'un barrage drainant, collecte et canalisation des eaux de toiture,
- La mission associée de maîtrise d''uvre.
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Aucun élément ne permet de remettre en cause cette évaluation du préjudice de Monsieur [O]. Ce montant sera en conséquence retenu et Monsieur [G] sera condamné à payer à Monsieur [O] une somme de 35.726,88€ (soit 50% de ce montant total) en réparation de son préjudice.
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Sur le préjudice moral':
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Le premier juge a alloué à Monsieur [O] une somme de 5.000€ en réparation de son préjudice moral. Monsieur [O] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
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Monsieur [G] ne formule aucune observation sur l'évaluation de ce poste de préjudice'; il conclut en effet à titre principal à une infirmation du jugement et qu'il soit retenu qu'il n'est pas responsable des désordres. Dans ses prétentions subsidiaires visant à ne voir reconnaître qu'une responsabilité partielle, il se limite à soutenir que dans un tel contexte, le maître d'ouvrage ne pouvait pas prétendre à l'indemnisation de son préjudice moral.
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En l'absence de contestation sur l'évaluation faite par le premier juge de ce poste de préjudice et en l'état de la responsabilité retenue de Monsieur [G], la décision sera confirmée sur ce point.
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Sur la garantie due par la société SWISSLIFE':
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Il a été retenu ci-avant que les désordres subis par Monsieur [O] ne présentent pas le caractère de désordres décennaux. Or, le contrat souscrit par Monsieur [G] auprès de la société SWISSLIFE consiste en une assurance responsabilité décennale qui ne s'applique pas à une situation de responsabilité de droit commun.
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Monsieur [O] soutient que la SA SWISSLIFE a reconnu devoir sa garantie au titre de ce sinistre dès lors qu'elle a proposé une solution «'technico/financière'» qui n'a toutefois pas été acceptée.
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Il est constant que la reconnaissance de l'application de la garantie peut se déduire du comportement de l'assureur, notamment sous la forme d'un aveu de ses obligations par celui-ci. Ainsi, une offre d'indemnisation présentant un certain montant et comportant un projet de quittance de sinistre peut valoir reconnaissance du droit à indemnisation de la victime d'un dommage causé par l'assuré.
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Cependant, compte tenu de ce que l'assurance souscrite auprès de la SA SWISSLIFE garantissait les dommages de nature décennale et que les désordres constatés ne relèvent pas de ce régime juridique, le risque qui s'est réalisé n'était pas garanti par le contrat de sorte que la société SWISSLIFE, recherchée en qualité d'assureur de responsabilité décennale doit être mise hors de cause.
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Dès lors, il y a lieu de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a dit que la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS n'est pas tenue à garantie en l'absence de caractère décennal des désordres.
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Sur la demande de garantie de Monsieur [G]':
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Il s'évince de la solution retenue ci-dessus qu'aucune garantie ne peut être recherchée auprès de la société SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS qui n'intervenait qu'en qualité d'assureur décennal.
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Cette demande est donc sans objet, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité au visa de l'article 564 du Code de procédure civile.
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Sur les demandes annexes':
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Au vu du caractère limité de la responsabilité de Monsieur [G] dans la réalisation des dommages, il convient d'infirmer la décision contestée en ce qu'elle a condamné ce dernier aux entiers dépens de l'instance. Statuant à nouveau, il y a lieu de dire qu'il sera fait masse des dépens, lesquels seront partagés par moitié entre Monsieur [O] d'une part et Monsieur [G] d'autre part.
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Les dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile adoptée par le premier juge seront confirmées.
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Compte tenu de la solution du litige en cause d'appel, il convient de condamner Monsieur [G] à payer à Monsieur [O] une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS':
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La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2025,
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Infirme le jugement du Tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 18 mai 2021 en ce qu'il':
- DECLARE [M] [G] responsable des désordres résultant des fissurations de la villa appartenant à [J] [O].
- CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] les sommes de 71 453,76 euros TTC (SOIXANTE ET ONZE MILLE QUATRE CENT CINQUANTETROIS EUROS ET SOIXANTE-SEIZE CENTS) au titre des travaux de reprise, cette somme étant actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 30 avril 2015 jusqu'à la date du présent jugement puis assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement.
- CONDAMNE [M] [G] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
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Statuant à nouveau':
- DECLARE [M] [G] responsable à hauteur de 50% des désordres résultant des fissurations de la villa appartenant à [J] [O].
- CONDAMNE [M] [G] à payer à Monsieur [O] la somme de 35.726,88€ au titre des travaux de reprise, cette somme étant actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 depuis le 30 avril 2015 jusqu'à la date du présent jugement puis assortie d'intérêts au taux légal à compter du jugement';
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Y ajoutant,
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CONDAMNE [M] [G] à payer à [J] [O] une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile';
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DIT qu'il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel, lesquels seront partagés par moitié entre [J] [O] d'une part et [M] [G] d'autre part';
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ALLOUE aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de la distraction des dépens.
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Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Christiane GAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente