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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. A, 13 novembre 2025, n° 25/00785

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 25/00785

13 novembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 25/00785 - N° Portalis DBVH-V-B7J-JQJJ

LR

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 15]

19 décembre 2024

RG:22/02608

SAS NEOTRAVAUX

C/

[K]

[E]

S.A.R.L. NOVAPROM FINANCES

Copie exécutoire délivrée

le

à :

Selarl Lamy Pomiès

Selarl Hanocq

Selarl PLMC

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2025

Décision déférée à la cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 15] en date du 19 Décembre 2024, N°22/02608

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre,

Madame Virginie HUET, Conseillère,

Mme Leila REMILI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 Novembre 2025.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTE :

SAS NEOTRAVAUX immatriculée au RCS d'[Localité 9] sous le n° 450 134 242 prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège social sis

[Adresse 1]

[Adresse 18]

[Localité 6]

Représentée par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Laurent MENESTRIER, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉS :

Mme [V] [L] [K] épouse [E]

née le 20 Décembre 1960 à [Localité 11]

[Adresse 13]

[Localité 2]

Représentée par Me Elisabeth HANOCQ de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS ELISABETH HANOCQ, Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

Représentée par Me François FERRARI de la SELARL ACTAH, Plaidant, avocat au barreau de BEZIERS

M. [W] [T] [E]

né le 13 Novembre 1955 à [Localité 7]

[Adresse 13]

[Localité 2]

Représenté par Me Elisabeth HANOCQ de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS ELISABETH HANOCQ, Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

Représenté par Me François FERRARI de la SELARL ACTAH, Plaidant, avocat au barreau de BEZIERS

S.A.R.L. NOVAPROM FINANCES , Société à responsabilité limitée au capital de 100 000,00 € immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le n° 480 233 246, dont le siège social est [Adresse 4] (France), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Géraldine BRUN de la SELARL PLMC AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par la SELARL PLMC AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER

Affaire fixée en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 28 Août 2025

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 13 Novembre 2025,par mise à disposition au greffe de la cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 15 juin 2010, M. [W] [E] et Mme [V] [K] épouse [E] ont fait l'acquisition, auprès de la SNC Les Terrasses de [Localité 16], d'un lot issu d'un lotissement situé sur la commune de [Localité 17] (Gard), consistant en un terrain à bâtir d'une surface de 579 m², pour un prix de 170 000 euros.

Suivant acte authentique du 2 octobre 2015, dressé en l'étude de Maître [M] [S], notaire à [Localité 10], Mme [H] [I] a acquis de M. et Mme [E] une villa à usage d'habitation pour un prix de 527 500 euros.

A la suite de son acquisition, se plaignant de l'apparition de désordres consistant dans un affaissement du plancher du rez-de-chaussée et des fissurations à l'intérieur et à l'extérieur, Mme [I] a obtenu par ordonnance de référé du 6 septembre 2017 une mesure d'expertise judiciaire.

Par ordonnance de référé du 28 mars 2018, les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables à la SNC [Adresse 12], lotisseur aménageur, à la demande des époux [E].

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la SNC Les Terrasses de [Localité 16] puis clôturée pour insuffisance d'actif le 18 novembre 2020.

L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 4 juin 2021.

Par acte du 8 mars 2022, Mme [I] a fait assigner M. et Mme [E], M. [X] (le constructeur gros 'uvre), la SA Axa France Iard, ès qualités d'assureur décennal de M. [X] et Maître [M] [S] devant le tribunal judiciaire de Nîmes afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 21 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Nîmes a notamment :

- rejeté la demande de renvoi à la mise en état des époux [E] aux fins de mise en cause du lotisseur, la SNC les terrasses de [Localité 16],

- condamné in solidum M. et Mme [E], M. [X] et Maître [S] à payer à Mme [I] la somme de 356 167,60 euros au titre de la réparation du désordre,

- dit que Maître [S] ne pourra être tenu in solidum que pour 80 % de la somme au titre de Ia perte de chance,

- dit que dans les rapports entre coobligés, le partage s'effectue de la manière suivante : 75 % pour les époux [E] et 25 % pour M. [X].

Par actes du 8 juin 2022, M. et Mme [E] ont fait assigner la SARL Novaprom finances et la SAS Neotravaux, associées de la SNC Les Terrasses de [Localité 16], devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins de :

- écarter leur responsabilité, le sinistre étant survenu par une cause extérieure liée aux carences de la SNC les terrasses de [Localité 16],

- condamner M. [X] et la compagnie Axa à les garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à leur encontre,

- condamner Maître [M] [S] à les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre,

- condamner les associées de la SNC Les Terrasses de [Localité 16], soit la société Novaprom Finances et la société Neotravaux, à les garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à leur encontre,

- rejeter les demandes de Mme [I] comme étant injustifiées dans leur principe et dans leur quantum,

- exclure l'application de l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par conclusions notifiées le 3 janvier 2023, la SAS Neotravaux a saisi le juge de la mise en état d'un incident aux fins de voir prononcer la nullité de l'assignation pour vice de forme, à défaut, voir déclarer irrecevables les demandes et voir condamner les époux [E] à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes, par ordonnance contradictoire du 19 décembre 2024, a :

- Rejeté la demande de nullité de l'assignation,

- Rejeté les fins de non-recevoir,

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS Neotravaux aux dépens de l'incident,

- Renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 6 mars 2025 à 8h30 pour conclusions au fond des défendeurs.

La SAS Neotravaux a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe en date du 10 mars 2025.

L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 25/00785.

Par ordonnance du 24 mars 2025, la clôture de la procédure a été fixée au 28 août 2025. L'affaire a été appelée à bref délai en application de l'article 906 du code de procédure civile à l'audience du 9 septembre 2025 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 13 novembre 2025.

EXPOSE DES MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 mai 2025, la SAS Neotravaux demande à la cour de :

Vu les articles 56, 73, 74, 112, 114, 115 et 789 du code de procédure civile,

Vu les articles L.221-1, L.237-2, L.622-7, L.622-17 et L.622-26 du code de commerce,

- Infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes, le 19 décembre 2024, n°22/02608, des chefs critiqués suivants :

* Rejetons la demande de nullité de l'assignation,

* Rejetons les fins de non-recevoir,

* Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

* Condamnons la SAS Neotravaux aux dépens de l'incident,

Et statuant à nouveau,

In limine litis,

- Constater que l'assignation ne contient aucun exposé des moyens en faits et en droit au soutien des demandes des époux [E],

- En conséquence, prononcer la nullité de ladite assignation pour vice de forme,

- Constater que cet incident met fin à l'instance,

- En conséquence, prononcer la radiation de l'affaire au rôle du tribunal sur le fond,

A titre principal sur le fond,

- Constater qu'aucune dette sur la tête de la SNC Les Terrasses de [Localité 16] et dont seraient créanciers M. [W], [T] [E] et Mme [V], [L] [K] épouse [E] n'existe avant la perte de la personnalité morale de la SNC,

- Constater donc que la société Neotravaux n'a (en sa qualité d'ancien associé) à répondre d'aucune dette sociale de la SNC Les Terrasses [Localité 16] à l'égard de M. [W], [T] [E] et Mme [V], [L] [K] épouse [E],

- Constater donc qu'en assignant la société Neotravaux dans le but de la faire répondre de cette prétendue dette sociale de la SNC Les Terrasses de [Localité 16], M. [W], [T] [E] et Mme [V], [L] [K] épouse [E] sont dépourvus d'intérêt à agir,

En conséquence,

- Faire droit à la fin de non-recevoir,

- Débouter M. [W], [T] [E] et Mme [V], [L] [K] épouse [E] de leurs demandes fins et conclusions,

- Constater que cet incident met fin à l'instance,

- En conséquence, prononcer la radiation de l'affaire au rôle du tribunal sur le fond,

En tout état de cause,

- Débouter M. [W], [T] [E] et Mme [V], [L] [K] épouse [E] de leurs demandes fins et conclusions,

- Condamner M. [W], [T] [E] et Mme [V], [L] [K] épouse [E] à payer à la société Neotravaux la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [W], [T] [E] et Mme [V], [L] [K] épouse [E] aux entiers dépens d'instance sur le fondement de l'article 695 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la SAS Neotravaux fait valoir en substance que :

- In limine litis : sur la nullité de l'action en justice diligentée par les époux [E] :

- en méconnaissance des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation délivrée ne comprend pas « un exposé des moyens en fait et en droit »

- en effet, si les époux [E] indiquent que les associés d'une SNC, en application de l'article L. 221-1 du code de commerce, répondent des dettes sociales, ce qui n'est pas contesté, en revanche, ils ne démontrent pas, en fait et en droit, l'existence d'une telle dette

- Sur la fin de non-recevoir de l'acte introductif d'instance pour « absence d'intérêt à agir » :

- les créanciers d'une SNC ne peuvent poursuivre le paiement des dettes contre un associé qu'après avoir vainement mis en demeure la société par acte extra-judiciaire (article L.221-1 al.2 du code de commerce) et, dans le cadre d'une procédure collective, cette mise en demeure est nécessairement remplacée par une déclaration de la créance auprès des organes de la procédure

- ainsi, la Cour de cassation indique que lorsque la SNC a été mise en redressement ou en liquidation judiciaire avant l'engagement des poursuites contre les associés en nom collectif, la déclaration de créance qui vaut mise en demeure rend inutile la délivrance d'une mise en demeure par acte extra judiciaire à cette société

- la SNC Les Terrases de Saint André a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de liquidation judiciaire du tribunal de commerce de Nîmes, le 11 mars 2020 puis d'un jugement de clôture pour insuffisance d'actif le 18 novembre 2020, étant radiée du RCS de Nîmes à cette même date

- indépendamment de son exigibilité, une créance née antérieurement doit être déclarée dans les deux mois du jugement d'ouverture.

- les associés ne peuvent répondre de prétendues dettes nées après un jugement de clôture de liquidation judiciaire, la SNC n'existant plus et étant donc dépourvue de toute personnalité morale

-à défaut de mise en demeure et/ou de déclaration de créance, ce qu'a d'ailleurs bien constaté le juge de la mise en état mais également, à défaut de jugement venant reconnaître la responsabilité de la SNC, aucune dette à mettre à la charge de la SNC envers les époux [E] n'est née avant la procédure collective, ni même pendant son déroulé.

***

En l'état de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er août 2025, contenant appel incident, la SARL Novaprom finances demande à la cour de :

Vu les articles 56, 73, 112, 114, 789 du code de procédure civile,

Vu les articles L 221-1 et suivants du code de commerce,

- Infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 19 décembre 2024, sur les chefs critiqués suivants :

Nous, juge de la mise en état, statuant publiquement, contradictoirement, par ordonnance susceptible d'appel :

* Rejetons la demande de nullité de l'assignation,

* Rejetons les fins de non-recevoir,

* Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les prétentions et moyens de fait et de droit :

- Juger la nullité de l'acte introduction d'instance,

En conséquence,

- Prononcer la radiation de l'instance,

Sur le fond,

- Juger l'absence de déclaration de créance déposée envers la SNC ne permettant pas de fonder le droit à agir des époux [P],

En conséquence,

- Débouter les époux [P] de leur action irrecevable faute de dette à poursuivre envers la SARL Novaprom finances,

En tout état de cause,

- Débouter les époux [P] de leurs demandes fins et conclusions,

- Condamner les époux [P] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

La SARL Novaprom Finances fait valoir en substance que :

- Sur la nullité de l'acte introductif d'instance :

- l'assignation à comparaître délivrée le 23 mai 2022 auprès de Novaprom Finances et Neotravaux contient un dispositif général, intéressant d'autres parties à cette procédure

- la demande de condamnation des sociétés Novaprom Finances et Neotravaux est formulée au seul visa de l'article L 221-1 code de commerce

- le fondement même de la responsabilité de la société Terrasses de Saint [Adresse 8] n'est pas explicité, ce que le jugement du 21 septembre 2022 relève

- la référence à l'article 1792 du code civil est insuffisante et le lien entre la responsabilité des associés d'une SNC et la garantie qui pèserait sur le lotisseur n'est pas justifié

- sur la fin de non-recevoir

- conformément à l'article L. 221-1 du code de commerce, les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir vainement mis en demeure la société par acte extra-judiciaire, cette condition étant un préalable nécessaire pour justifier du droit à agir

- conformément à la position de la Cour de cassation, l'existence d'une procédure collective implique la production d'une déclaration de créance au passif de la société

- le juge de la mise en état reconnaît l'existence de cette procédure mais n'en tire pas les justes conséquences en l'espèce et, au prétexte qu'une liquidation judiciaire a été prononcée en 2020, il dispense les demandeurs à l'instance de toutes démarches préalables

- or, celles-ci sont nécessaires et obligatoires

- les époux [E] ne disposent donc d'aucun droit à agir contre la société Novatrom Finances et, dans ces conditions, faute de dette opposable et faute d'intérêt à agir, ils ne peuvent la poursuivre.

***

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 août 2025, Mme [V] [K] épouse [E] et M. [W] [E] demandent à la cour de :

Vu les articles 56 et 114 du code de procédure civile,

Vu l'article L221-1 du code de commerce,

- Confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état dont appel,

Par voie de conséquence :

- Rejeter la demande de nullité de l'assignation,

- Rejeter les fins de non-recevoir soulevées par Neotravaux,

- Condamner la société Neotravaux au paiement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre tous frais et dépens de l'appel.

Les époux [E] répliquent que :

- l'assignation est conforme aux exigences de l'article 56 du code de procédure civile en ce qu'elle comporte :

- le visa de l'article de l'acte de cession du lotisseur garantissant un terrain exempt de tout vice du sol ou du sous-sol,

- le visa de l'article faisant état de l'absence de risque sismique,

- l'exposé de la mise en cause du lotisseur (avant sa liquidation) dans le cadre du référé expertise,

- le visa du rapport d'expertise mettant en évidence le fait que la zone constructible du terrain cédé par le lotisseur ne permettait pas la construction pour défaut du sol,

- le visa du texte permettant d'obtenir la condamnation des associés d'une société civile,

- la demande à être relevés et garantis de toute condamnation sollicitée par Mme [I]

- la dénonce de l'assignation de Mme [I] et des demandes qu'elle a formées

- il existe donc bien un exposé des faits et un fondement juridique

- en outre, aucun grief n'est démontré, ce qu'exige l'article 114 du code de procédure civile

- par ailleurs, la SAS Neotravaux a été mise en cause dans le référé en décembre 2017 mais a demandé la liquidation judiciaire immédiate de la SNC le 11 mars 2020 et les associés de la SNC se sont bien gardés de signaler au liquidateur l'existence de la procédure en cause, faute de quoi celui-ci les aurait invités à déclarer leur créance : les sociétés Novaprom et Néotravaux ont donc également engagé leur responsabilité à ce titre

- il était impossible de mettre en demeure ou de déclarer une créance avant de connaître les conclusions de l'expert qui sont intervenues plus de 6 mois après la clôture de la procédure de liquidation

- l'argument selon lequel à défaut de condamnation de la SNC, il est impossible de poursuivre ses associés n'est pas davantage efficace, la Cour de cassation ayant eu l'occasion de statuer sur la validité des poursuites directes des créanciers de la société liquidée contre les associés tenus au passif.

***

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la nullité de l'assignation délivrée par les époux [E]

En application de l'article 56 du code de procédure civile, « L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54:
(...)
2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;(...) »

Le premier juge a justement relevé que :

- contrairement à ce que soutiennent les sociétés Neotravaux et Novaprom, l'assignation contient un exposé des moyens en fait et en droit puisque qu'il est expliqué que l'appel en cause procède d'une instance principale dans laquelle la responsabilité des époux [E] est recherchée sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil

- les époux [E] exposent que l'assignation vise à ce que les associés du lotisseur, qu'ils estiment responsable, soient condamnés à supporter les conséquences de ses fautes

- les époux indiquent qu'ils agissent sur le fondement de l'article L. 221-1 du code de commerce selon lequel les associés d'une SNC sont solidairement responsables du passif de celle-ci

- enfin, ils exposent en page 12 de l'assignation que le lotisseur « doit la garantie du sol » aux termes de l'acte de vente ; ils lui reprochent de ne pas avoir fait compacter la partie du sol en remblais et relèvent que les défauts d'exécution de l'enrochement provoquent une fuite des terres ; enfin, ce lotisseur leur a indiqué qu'ils pouvaient construire à l'endroit à laquelle la maison a été implantée.

Le fait que, pour rejeter la demande de renvoi à la mise en état, le tribunal judiciaire de Nîmes, le 21 septembre 2022, dans l'instance principale initiée par Mme [I], relève en lecture des conclusions notifiées par les époux [E] : « s'ils mentionnent la responsabilité du lotisseur, cette affirmation n'est pas étayée », est sans emport ici, étant rappelé en outre que l'article 56 précité n'impose ni que l'assignation contienne le détail de l'argumentation du demandeur, ni la démonstration de « l'existence d'une dette ».

Il convient donc de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de nullité de l'assignation.

Sur la fin de non-recevoir pour « absence d'intérêt à agir »

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Selon l'article 31 du même code « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé. »

L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.

Enfin, selon l'article L. 221-1 du code de commerce : « Les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales.

Les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé, qu'après avoir vainement mis en demeure la société par acte extrajudiciaire. »

La mise en demeure de la SNC et le caractère vain de celle-ci constituent une condition de recevabilité des prétentions, sanctionnée en cas de manquement par une fin de non-recevoir.

En cas de procédure collective de la SNC, la déclaration de créance, qui est considérée comme équivalente à une demande en justice, vaut mise en demeure.

Il est constant, en l'espèce, que le tribunal de commerce, par jugement du 11 mars 2020, a prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la SNC Les Terrasses de [Localité 16] puis, six mois après, la clôture des opérations pour insuffisance d'actif.

La démarche prévue à l'article L 221-1 alinéa 2 précité a pour objet de protéger les associés contre des poursuites individuelles qui seraient engagées à une époque où la SNC serait toujours en mesure de faire face à ses propres dettes. En revanche, cette formalité n'a plus d'intérêt et, dès lors le créancier en est dispensé, lorsque la SNC a fait l'objet d'une liquidation déjà clôturée, a été radiée du RCS et n'a plus de personnalité morale, le créancier recouvrant alors sa liberté d'action à l'encontre de l'ex-associé qui demeure tenu des dettes non réglées par la société.

En outre, il était impossible aux époux [E], lesquels avaient bien pris soin, par assignation en référé délivrée le 29 décembre 2017, de solliciter que les opérations d'expertise en cours soient rendues communes et opposables à la SNC Les Terrasses de [Localité 16], de déclarer une quelconque créance à l'encontre de la société avant de connaître les conclusions de l'expert judiciaire, lesquelles ne sont intervenues que le 4 juin 2021.

De plus, le débat tenant à l'existence de la dette sociale ne relève pas de la fin de non-recevoir mais des conditions de fond de l'action exercée contre les associés.

Enfin, le juge de la mise en état a justement relevé que les époux [E] avaient bien un intérêt à agir en ce qu'ils étaient susceptibles de retirer un avantage de la condamnation éventuelle des associés de la SNC.

Il convient donc de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'ordonnance déférée est également confirmée en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Les dépens d'appel sont mis à la charge de la société Neotravaux et l'équité justifie de faire droit en partie à la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile à son encontre, dans la mesure énoncée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 19 décembre 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Neotravaux à payer à M. [W] [E] et Mme [V] [K] épouse [E] la somme de 1500 euros en application des dispositions de 1'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la SAS Neotravaux aux dépens de l'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

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