CA Bordeaux, 2e ch. civ., 13 novembre 2025, n° 22/02907
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 13 NOVEMBRE 2025
N° RG 22/02907 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MYCV
S.A.S.U. SEVERINI PIERRES ET LOISIRS
c/
S.A.S. SBE SOCIETE BATIMENT ELECTRICITE
S.A.S. ALTAREA PROMOTION MANAGEMENT
[D] [F]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 mai 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 21/04130) suivant déclaration d'appel du 15 juin 2022
APPELANTE :
S.A.S.U. SEVERINI PIERRES ET LOISIRS
Société par actions simplifiée à associé unique immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 329 667 182 dont le siège social est sis [Adresse 6], prise en son Etablissement secondaire à [Localité 10], [Adresse 5], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, venant aux droits de la SCCV BEGLES WALLON par transmission universelle de Patrimoine
Représentée par Me Thomas RIVIERE de l'AARPI RIVIERE - DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.S. SBE SOCIETE BATIMENT ELECTRICITE
S.A.S, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 405 331 166, dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 12] prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTS :
S.A.S. ALTAREA PROMOTION MANAGEMENT
venant aux droits de la Société SASLI W-PI PROMOTION venant aux droits de la Société SEVERINI PIERRES ET LOISIRS venant aux droits de la SCCV BEGLES WALLON
Société par actions simplifiée à associé unique immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n°450 042 338, dont le siege social est sis [Adresse 6] a [Localité 11], prise en son Etablissement secondaire de [Localité 9] sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siege ;
Représentée par Me Thomas RIVIERE de l'AARPI RIVIERE - DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX
Me [D] [F]
Profession : Mandataire judiciaire,
demeurant [Adresse 2]
ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SBE SOCIETE
BATIMENT ELECTRICITE désignée par jugement en liquidation judiciaire en date du 11 juillet 2023 et par ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de commerce de BORDEAUX en date du 13 décembre 2025
Représenté par Me Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 30 septembre 2025 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Madame Christine DEFOY, Conseillère
Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'audience s'est tenue en présence de Madame [W] [V], attachée de justice
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
1- Par acte d'engagement du 25 septembre 2017, la sccv Bègles Wallon, représentée par sa gérante la société Severini Pierres et Loisirs, a conclu avec la société CA3B un marché de travaux privés, portant sur le lot n°2 gros oeuvre du programme immobilier « Résidence l'[7] ».
Ce programme consistait en la réalisation de 31 logements collectifs sur un terrain situé [Adresse 3] à [Localité 8], pour un montant initial de 854 000 euros TTC, révisé par la suite.
Le marché de travaux et le cahier des clauses administratives particulières de celui-ci prévoyaient une retenue de garantie égale à 5' du montant hors taxes du marché.
Par acte du 9 janvier 2019, la société CA3B a cédé son marché à la société SBE.
La réception des travaux est intervenue le 22 mars 2019 avec réserves, levées le 6 mai 2019.
Le 15 novembre 2019, la société SBE a établi sa situation de travaux qui fait état d'un montant révisé du marché de 708 655,88 euros HT, soit 850 387,06 euros TTC.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 1er juin 2020 adressé à la Sccv Bègles Wallon, la société SBE a sollicité le remboursement de la retenue de garantie d'un montant de 42 519,35 euros TTC.
2- Par acte du 25 mai 2021, en l'absence de paiement du solde du marché, la société SBE a assigné la sccv devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, pour obtenir notamment sa condamnation à lui payer la somme de 42 519, 35 euros Ttc au titre de la retenue de garantie, outre la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par jugement du 04 mai 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- condamné la sccv Bègles Wallon à verser à la sas SBE la somme de 42 519,35 euros TTC au titre de la retenue de garantie, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2020, avec capitalisation des intérêts dus par année entière ;
- débouté la sas SBE de sa demande indemnitaire pour résistance abusive ;
- débouté la sccv Bègles Wallon de ses demandes reconventionnelles ;
- dit n'y avoir lieu à compensation ;
- condamné la sccv Bègles Wallon à verser à la Sas SBE la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens et rejeté plus amples demandes à ce titre ;
- rappelé la caractère exécutoire de droit du jugement.
Par déclaration du 15 juin 2022, la société Severini Pierres et loisirs a interjeté appel de cette décision.
La société SBE a été placée en liquidation judiciaire le 11 juillet 2023 et Maître [F] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Par deux fusions successives, la société Severini a été absorbée par la société Pitch Promotion, puis par la société W-Pi Promotion, et à la suite d'une nouvelle fusion, par la société Altarea Promotion.
3- Dans ses dernières conclusions, la société Altarea Promotion Management, venant aux droits de la société W-Pi promotion, venant aux droits de la société Severini Pierre et Loisirs, venant aux droits de la sccv Bègles Wallon, demande à la cour d'appel de :
- recevoir son intervention volontaire ;
- débouter la société SBE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société SBE à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 1792-6 du code civil, la somme de 14 204,04 euros au titre des travaux de reprise des désordres de parfait achèvement et leur compensation opérée avec la retenue de garantie ;
- condamner la société SBE au paiement d'une somme de 38 000 euros au titre des pénalités de retard en application des articles 45 et 27-01 du contrat pour défaut d'intervention en réparation de ses ouvrages dans le parfait achèvement ;
- ordonner compensation avec le solde de la retenue de garantie qui s'élevait à 28 018,97 euros TTC ;
- fixer en conséquence au passif de la société SBE sa créance à la somme de 9 980,03 euros avec intérêt à compter des conclusions ;
- condamner la société SBE au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
- débouter la société SBE de sa demande de dommages et intérêts .
4-Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 septembre 2025, Maître [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SBE, demande à la cour d'appel de :
- le déclarer, en qualité de liquidateur de la société SBE, recevable dans son intervention volontaire ;
- le déclarer recevable et bien fondée en son appel incident ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société SBE de sa demande aux fins de condamnation de la Sccv Bègles Wallon à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour opposition abusive à la libération de la retenue de garantie.
Statuant à nouveau,
- condamner la société W-Pi promotion à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour opposition abusive à la libération de la retenue de garantie ;
- confirmer le jugement déféré pour le surplus.
Y ajoutant,
- condamner la société W-Pi promotion à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 septembre 2025.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture.
5- Eu égard aux interventions volontaires de la société Altarea et de Maître [F], ès qualités, il convient de prononcer la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 16 septembre 2025, par application des dispositions de l'article 784 du code de procédure civile, et d'ordonner la clôture de l'instruction au jour de l'audience de plaidoiries.
Sur les interventions volontaires.
6- L'intervention volontaire de la société Altarea Promotion Management, venant aux droits de la société W-Pi promotion, venant aux droits de la société Severini Pierre et Loisirs venant aux droits de la sccv Bègles Wallon, sera déclarée recevable.
7- L'intervention volontaire de Maître [F], ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société SBE, sera également déclarée recevable.
Sur la demande en paiement de la retenue de garantie.
8- Dans le cadre de son appel, la société Altarea expose que postérieurement à la réception, des désordres relatifs à des remontées d'eau sont apparus dans certains appartements, et qu'il a été découvert l'obstruction d'une canalisation par du béton, qu'elle a alors mis en demeure, vainement, la société SBE d'intervenir, et a dû faire réaliser les travaux réparatoires par d'autres entreprises pour un montant total de 14 204, 88 euros, somme qui doit donc être compensée avec le montant de la retenue de garantie.
Elle reproche au tribunal d'avoir écarté sa demande présentée dans le cadre du parfait achèvement, en considérant que ce désordre n'avait pas été réservé à la réception, et soutient que la retenue de garantie peut être utilisée pour garantir la réparation des désordres découverts dans le cadre de la garantie de parfait achèvement et non visés en réserve, dès lors que découverts postérieurement à la réception, ils ont été notifiés à l'entrepreneur.
9- Maître [F], ès qualités, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la sccv à payer à la société SBE la somme de 42 519, 35 euros TTC, correspondant à la somme totale de la retenue de garantie opérée par la sccv.
Il fait valoir que l'objet exclusif de la retenue de garantie est de couvrir le montant des réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage, et précise que la retenue peut être prolongée par le maître de l'ouvrage mais à la condition que cette prolongation fasse l'objet d'une notification par lettre recommandée avec accusé de réception, et qu'elle soit motivée par l'inexécution des obligations de l'entreprise.
Or, il rappelle que les travaux ont été réceptionnés le 22 mars 2019, les réserves levées le 6 mai 2019, que la retenue de garantie aurait donc dû être levée le 22 mars 2020, et que le courrier adressé le 4 novembre 2019 par la sccv n'a jamais eu pour objet de lui notifier son opposition à libérer la retenue de garantie.
Sur ce,
10- Selon les dispositions de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1971 n°71-584, 'le paiement des acomptes sur la valeur définitive des marchés de travaux privés ...peut être amputé d'une retenue égale au plus à 5% de leur montant et garantissant contractuellement l'exécution des travaux pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage'.
L'article 2 de la loi précitée précise qu' ' à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception, faite avec ou sans réserves, des travaux visés à l'article précédent, la caution est libérée ou les sommes consignées sont versées à l'entrepreneur, même en l'absence de mainlevée, si le maître de l'ouvrage n'a pas notifié à la caution ou au cosignataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur'.
11- Il est admis que la retenue de garantie et la caution solidaire ont pour objet de protéger le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution de la construction prévue au contrat ayant donné lieu à des réserves à la réception, à l'exclusion des frais annexes, et que la retenue légale vise à garantir l'exécution des travaux de levée des réserves à la réception et non la bonne fin du chantier (Civ.3ème, 22 septembre 2004, Civ.3ème, 7 décembre 2005, Civ.3ème, 4 février 2016, n°14-29836).
12- En l'espèce, l'article 20 du cahier des clauses administratives particulières applicable aux marchés de travaux privés signé des parties, prévoit en son paragraphe intitulé 'retenue de garantie', 'qu'une retenue de 5% sur le montant hors taxes sera appliquée sur les situations de travaux...à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de la réception, la caution est libérée ou les sommes consignées sont versées à l'entreprise, si le maître de l'ouvrage n'a pas notifié à la caution ou au signataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entreprise ' (pièce 13 maître [F]).
13- Il n'est pas discuté que le marché de travaux privé conclu par la société SBE avec la sccv portant sur le lot n°2 GROS-OEUVRE était d'un montant initial de 854 400 euros TTC, puis a été révisé à la somme de 850 387, 06 euros TTC, et que le montant de la retenue de garantie est donc de 42 519, 35 euros Ttc (pièce 8 [F]), ni que le montant de celle-ci n'a toujours pas été libéré au profit de l'entreprise SBE.
14- Pour s'opposer au paiement de la retenue de garantie, la société Altarea se prévaut d'un désordre affectant une colonne d'eau obstruée par du béton, qui serait imputable à la société SBE, et qui a été révélé par une inspection des canalisations réalisée par la société Techmo Hygiène le 9 octobre 2019, à savoir après la livraison de l'immeuble et la réception intervenue le 22 mars 2019.
15- Or, il ressort de la lecture du procès-verbal de réception des travaux du 22 mars 2019, et il n'est au demeurant pas contesté par la société Altarea, que ce désordre, apparu postérieurement, n'avait bien sûr pas fait l'objet de réserves à la réception ( pièce 5 [F]).
16- L'intimé produit également le document intitulé 'quitus de levée des réserves ' en date du 6 mai 2019, justifiant de la levée de l'intégralité des réserves par la société SBE (pièce 6 [F]).
17- Il en ressort que la retenue de garantie n'étant pas applicable aux dommages survenant après la réception, même dans l'année de la garantie de parfait achèvement, contrairement à ce que soutient à tort l'appelante, elle aurait dû être libérée par la sccv dans un délai d'un an à compter de la date de la réception des travaux, à savoir à compter du 22 mars 2020, ce qui n'a pas été le cas.
18- A titre surabondant, la cour d'appel observe que le maître de l'ouvrage ne justifie pas de la notification à l'entrepreneur, par courrier recommandé avec accusé de réception, de son opposition motivée à la levée de la retenue de garantie, comme il y était obligé suivant les dispositions de la loi du 16 juillet 1971 rappelées supra, et par les stipulations contractuelles, le courrier du 4 novembre 2019 adressé par la sccv à la société Sbe ayant uniquement pour objet le désordre affectant la colonne d'eau apparu après réception, et ne faisant aucunement référence à la retenue de garantie.
19- Il en résulte que faute de notification de l'opposition par la sccv à la mainlevée de la retenue de garantie, cette somme doit en tout état de cause être restituée à la société SBE.
20- A titre encore plus surabondant, et comme le souligne à juste titre l'intimé, la cour d'appel relève que de surcroît, le maître de l'ouvrage ne justifie pas de la consignation du montant de la retenue de garantie entre les mains d'un tiers accepté par les deux parties ou désigné par le président du tribunal de commerce, de sorte qu'en son absence, l'entrepreneur peut obtenir le paiement des sommes retenues, même en l'absence de levée des réserves (Civ.3ème, 18 décembre 2013, N°2-29472).
21- En considération de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal a condamné la société SCCV à verser à la société SBE la somme de 42 519, 35 euros TTC au titre de la retenue de garantie, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 juillet 2020, et a ordonné la capitalisation des intérêts dus sur une année entière, par application des dispositions de l'article 1342-2 du code civil.
22- Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
Sur la demande de dommages et intérêts pour opposition abusive à libérer la retenue de garantie.
23- Dans le cadre de son appel incident, Maître [F] sollicite la réformation du jugement qui a débouté la société SBE de sa demande tendant à la condamnation de la sccv au paiement de dommages et intérêts pour opposition abusive à libérer la retenue de garantie.
Il fait valoir que cette opposition injustifiée a engendré une désorganisation de la comptabilité de l'entreprise.
24- La société Altarea sollicite quant à elle la confirmation du jugement de ce chef.
Sur ce,
25- L'article 2 de la loi du 16 juillet 1971 dispose in fine que 'l'opposition abusive entraîne la condamnation de l'opposant à des dommages-intérêts'.
26- Il résulte de ce qui précède que les travaux ont fait l'objet d'une réception le 22 mars 2019, les réserves levées le 6 mai 2019, et que dès lors, en l'absence de notification de l'opposition motivée à la libération de la retenue de garantie, la sccv aurait dû en restituer le montant à la société SBE le 22 mars 2020, ce qu'elle n'a pas fait en dépit des trois courriers de mise en demeure qui lui ont été adressés par la société SBE les 1er juin 2020, 7 juillet 2020 et 29 juillet 2020 (pièces 9, 11 et 12 [F]).
27- Il est observé que le maître de l'ouvrage estimait ne plus être redevable que de la somme de 28 018, 97 euros Ttc au titre de la retenue de garantie, déduction faite de la somme de 14 204, 04 euros qu'il estimait pouvoir retenir, mais qu'il n'a pourtant pas restitué ce montant à l'entreprise.
28- Il en résulte que la sccv a abusivement retenu le montant de la retenue de garantie, ce qui a causé un préjudice direct à la société SBE, laquelle n'a pu recouvrer cette somme, pourtant essentielle dans une entreprise pour la bonne tenue de sa trésorerie.
29- Le jugement qui a débouté la société SBE de sa demande de dommages et intérêts à ce titre sera par conséquent infirmé, et la société Altarea sera condamnée à verser à Maître [F] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice lié à l'opposition abusive à la libération de la retenue de garantie.
Sur la demande reconventionnelle tendant au paiement de pénalités de retard.
30- La société Altarea sollicite également le paiement de pénalités de retard d'un montant de 38 000 euros, prévues dans le marché signé des parties, pour défaut d'intervention en réparation de ses ouvrages dans le cadre de la garantie de parfait achèvement.
31- Maître [F], ès qualités, réplique qu'aucune pénalité de retard ne peut être imputée dès lors que les désordres allégués ne relèvent absolument pas de l'intervention de la société SBE.
Il ajoute que le rapport de la société Techmo Hygiène sur lequel se fonde la sccv n'a pas été établi contradictoirement, et est insuffisant pour établir sa responsabilité.
Sur ce,
32- L'article 45 du CCAP du marché signé des parties prévoit que 'l'entreprise est tenue à la garantie de parfait achèvement par application de l'article 1792-6 du code civil et dans les conditions prévues à ce texte. Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation ou autres, destinés à satisfaire aux réserves et aux réclamations qui auraient été formulées dans les conditions prévues audit article 1792-6 sont fixés, d'ores et déjà, d'un commun accord à un mois.
En cas d'inexécution dans ledit délai d'un mois... le maître de l'ouvrage pourra...faire exécuter les travaux aux frais et aux risques et pour le compte de l'entreprise défaillante...
En outre l'entreprise devra une pénalité de retard qui sera calculée et perçue comme indiqué à l'article 27-01 ci-dessus'.
33- En l'espèce, à l'appui de ses prétentions, l'appelante verse aux débats:
- un courrier adressé à la société SBE le 4 novembre 2019, l'informant de 'désordres persistants de remontées d'eau dans les douches des appartements A 105, 106 et A2015 depuis plusieurs semaines, une inspection télévisée a été opérée dans la colonne concernée avec mise en évidence de béton dans la colonne d'eau, au niveau de son passage sous la salle commune du bâtiment A. Nous vous joignons le rapport de la société Techmo Hygiène intervenue le 10 octobre dernier révèlant la présence d'un bloc béton obstruant 95 % de la canalisation' (pièce 2 Altarea)
- un document intitulé 'inspection télévisée des réseaux d'assainissement' réalisé par la société Techmo Hygiène le 9 octobre 2020 aux termes desquels il est indiqué 'l'inspection vidéo du réseau despuis colonne de la salle commune vers aval révèle une coulée de béton au niveau du pied de chute vers aval' (pièce 9 Altarea).
- une attestation rédigée par Mme [R], architecte, qui écrit que 'l'entreprise SBE n' a pas répondu et n'est pas intervenue suite à nos diverses sollicitations et celles du maître d'oeuvre pour lever la réserve de parfait achèvement concernant le désordre de colonne d'eau osbtruée de béton comme confirmé par le passage caméra de la société Techmo Hygiène en date du 9 octobre 2019" (pièce 12 Altarea).
34- De son côté, la société SBE, qui conteste tout lien d'imputabilité entre ce désordre et son intervention verse aux débats, le cahier des clauses techniques particulières du marché, qui circonscrit en son article 03.3.1 intitulé 'réseau d'assainissement eaux usées' les prestations gros-oeuvre à l'ensemble des 'canalisations sous dalles RDC' (pièce 14 Maître [F]), et un courriel rédigé par son conducteur de travaux le 28 août 2019 qui écrit 'nous vous confirmons que l'appartement A06 n'a aucun problème d'évacuation. Nous n'avons pas pu accèder dans l'appartement A 205 et A105. Cependant ces deux appartements de l'étage sont raccordés sur le même réseau sous dallage que l'appartement A06, qui lui, n'est pas bouché. Nous ne sommes pas concernés' ( pièce 15 [F]).
35- Il en résulte que si la sccv a bien adressé dans le délai de la garantie de parfait achèvement une réclamation à la société SBE concernant un dommage lié à l'obstruction d'une canalisation, et s'il n'est pas discuté que les travaux réparatoires de ce désordre n'ont pas été réalisés par cette dernière, il incombe cependant à l'appelante, qui prétend à l'allocation de pénalités de retard pour non-exécution des travaux de réparation, d'établir le lien de causalité entre son préjudice et l'intervention de la société SBE.
36- Or, la cour d'appel observe que l'appelante, aux termes de ses conclusions, se borne à affirmer que la société SBE, chargée du lot gros-oeuvre, serait 'la seule à avoir utilisé du béton'(page 7 des conclusions de l'appelante), le seul document établi par la société Techmo Hygiène, en l'absence d'autre élément probant ou d'une expertise réalisée contradictoirement, s'il établit certes la présence de béton osbtruant une canalisation, ne permet pas de dire que la société SBE serait l'auteur de cette obstruction, alors même que les pièces produites par celle-ci démontrent que son intervention était limitée au réseau sous-dallage des appartements.
37- En conséquence, faute de démontrer le lien de causalité entre son préjudice et l'intervention de la société SBE, aucune pénalité de retard pour non-exécution des travaux réparatoires ne peut être mise à la charge de la société SBE, et le jugement qui a débouté la sccv de sa demande à ce titre sera confirmé.
Sur les mesures accessoires.
38- Le jugement est confirmé sur les dépens et l'indemnité due par application de l'article 700 du code de procédure civile.
39- La société Altarea, partie perdante, supportera les dépens de la procédure d'appel, et sera condamnée à verser à Maître [F], ès qualités, la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 16 septembre 2025,
Prononce la clôture de l'instruction à la date de l'audience de plaidoiries,
Déclare recevable l'intervention volontaire de la société Altarea Promotion Management, venant aux droits de la société W-Pi promotion, venant aux droits de la société Severini Pierre et Loisirs venant aux droits de la sccv Bègles Wallon.
Déclare recevable l'intervention volontaire de Maître [F], ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société SBE,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société SBE tendant à la condamnation de la sccv Bègles Wallon au paiement de dommages et intérêts pour opposition abusive à la libération de la retenue de garantie;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Altarea à verser à Maître [F] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice lié à l'opposition abusive à la libération de la retenue de garantie,
Y ajoutant,
Condamne la société Altarea aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne la société Altarea à verser à Maître [F], ès qualités de mandataire liquidateur de la société SBE la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
2ème CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 13 NOVEMBRE 2025
N° RG 22/02907 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MYCV
S.A.S.U. SEVERINI PIERRES ET LOISIRS
c/
S.A.S. SBE SOCIETE BATIMENT ELECTRICITE
S.A.S. ALTAREA PROMOTION MANAGEMENT
[D] [F]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 mai 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 21/04130) suivant déclaration d'appel du 15 juin 2022
APPELANTE :
S.A.S.U. SEVERINI PIERRES ET LOISIRS
Société par actions simplifiée à associé unique immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 329 667 182 dont le siège social est sis [Adresse 6], prise en son Etablissement secondaire à [Localité 10], [Adresse 5], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, venant aux droits de la SCCV BEGLES WALLON par transmission universelle de Patrimoine
Représentée par Me Thomas RIVIERE de l'AARPI RIVIERE - DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
S.A.S. SBE SOCIETE BATIMENT ELECTRICITE
S.A.S, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n° 405 331 166, dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 12] prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTERVENANTS :
S.A.S. ALTAREA PROMOTION MANAGEMENT
venant aux droits de la Société SASLI W-PI PROMOTION venant aux droits de la Société SEVERINI PIERRES ET LOISIRS venant aux droits de la SCCV BEGLES WALLON
Société par actions simplifiée à associé unique immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le n°450 042 338, dont le siege social est sis [Adresse 6] a [Localité 11], prise en son Etablissement secondaire de [Localité 9] sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siege ;
Représentée par Me Thomas RIVIERE de l'AARPI RIVIERE - DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX
Me [D] [F]
Profession : Mandataire judiciaire,
demeurant [Adresse 2]
ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SBE SOCIETE
BATIMENT ELECTRICITE désignée par jugement en liquidation judiciaire en date du 11 juillet 2023 et par ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de commerce de BORDEAUX en date du 13 décembre 2025
Représenté par Me Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 30 septembre 2025 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Madame Christine DEFOY, Conseillère
Madame Bénédicte DE VIVIE, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Audrey COLLIN
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
L'audience s'est tenue en présence de Madame [W] [V], attachée de justice
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSE DU LITIGE
1- Par acte d'engagement du 25 septembre 2017, la sccv Bègles Wallon, représentée par sa gérante la société Severini Pierres et Loisirs, a conclu avec la société CA3B un marché de travaux privés, portant sur le lot n°2 gros oeuvre du programme immobilier « Résidence l'[7] ».
Ce programme consistait en la réalisation de 31 logements collectifs sur un terrain situé [Adresse 3] à [Localité 8], pour un montant initial de 854 000 euros TTC, révisé par la suite.
Le marché de travaux et le cahier des clauses administratives particulières de celui-ci prévoyaient une retenue de garantie égale à 5' du montant hors taxes du marché.
Par acte du 9 janvier 2019, la société CA3B a cédé son marché à la société SBE.
La réception des travaux est intervenue le 22 mars 2019 avec réserves, levées le 6 mai 2019.
Le 15 novembre 2019, la société SBE a établi sa situation de travaux qui fait état d'un montant révisé du marché de 708 655,88 euros HT, soit 850 387,06 euros TTC.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 1er juin 2020 adressé à la Sccv Bègles Wallon, la société SBE a sollicité le remboursement de la retenue de garantie d'un montant de 42 519,35 euros TTC.
2- Par acte du 25 mai 2021, en l'absence de paiement du solde du marché, la société SBE a assigné la sccv devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, pour obtenir notamment sa condamnation à lui payer la somme de 42 519, 35 euros Ttc au titre de la retenue de garantie, outre la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par jugement du 04 mai 2022, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- condamné la sccv Bègles Wallon à verser à la sas SBE la somme de 42 519,35 euros TTC au titre de la retenue de garantie, outre les intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2020, avec capitalisation des intérêts dus par année entière ;
- débouté la sas SBE de sa demande indemnitaire pour résistance abusive ;
- débouté la sccv Bègles Wallon de ses demandes reconventionnelles ;
- dit n'y avoir lieu à compensation ;
- condamné la sccv Bègles Wallon à verser à la Sas SBE la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens et rejeté plus amples demandes à ce titre ;
- rappelé la caractère exécutoire de droit du jugement.
Par déclaration du 15 juin 2022, la société Severini Pierres et loisirs a interjeté appel de cette décision.
La société SBE a été placée en liquidation judiciaire le 11 juillet 2023 et Maître [F] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Par deux fusions successives, la société Severini a été absorbée par la société Pitch Promotion, puis par la société W-Pi Promotion, et à la suite d'une nouvelle fusion, par la société Altarea Promotion.
3- Dans ses dernières conclusions, la société Altarea Promotion Management, venant aux droits de la société W-Pi promotion, venant aux droits de la société Severini Pierre et Loisirs, venant aux droits de la sccv Bègles Wallon, demande à la cour d'appel de :
- recevoir son intervention volontaire ;
- débouter la société SBE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société SBE à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 1792-6 du code civil, la somme de 14 204,04 euros au titre des travaux de reprise des désordres de parfait achèvement et leur compensation opérée avec la retenue de garantie ;
- condamner la société SBE au paiement d'une somme de 38 000 euros au titre des pénalités de retard en application des articles 45 et 27-01 du contrat pour défaut d'intervention en réparation de ses ouvrages dans le parfait achèvement ;
- ordonner compensation avec le solde de la retenue de garantie qui s'élevait à 28 018,97 euros TTC ;
- fixer en conséquence au passif de la société SBE sa créance à la somme de 9 980,03 euros avec intérêt à compter des conclusions ;
- condamner la société SBE au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
- débouter la société SBE de sa demande de dommages et intérêts .
4-Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 septembre 2025, Maître [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SBE, demande à la cour d'appel de :
- le déclarer, en qualité de liquidateur de la société SBE, recevable dans son intervention volontaire ;
- le déclarer recevable et bien fondée en son appel incident ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société SBE de sa demande aux fins de condamnation de la Sccv Bègles Wallon à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour opposition abusive à la libération de la retenue de garantie.
Statuant à nouveau,
- condamner la société W-Pi promotion à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour opposition abusive à la libération de la retenue de garantie ;
- confirmer le jugement déféré pour le surplus.
Y ajoutant,
- condamner la société W-Pi promotion à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 septembre 2025.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture.
5- Eu égard aux interventions volontaires de la société Altarea et de Maître [F], ès qualités, il convient de prononcer la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 16 septembre 2025, par application des dispositions de l'article 784 du code de procédure civile, et d'ordonner la clôture de l'instruction au jour de l'audience de plaidoiries.
Sur les interventions volontaires.
6- L'intervention volontaire de la société Altarea Promotion Management, venant aux droits de la société W-Pi promotion, venant aux droits de la société Severini Pierre et Loisirs venant aux droits de la sccv Bègles Wallon, sera déclarée recevable.
7- L'intervention volontaire de Maître [F], ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société SBE, sera également déclarée recevable.
Sur la demande en paiement de la retenue de garantie.
8- Dans le cadre de son appel, la société Altarea expose que postérieurement à la réception, des désordres relatifs à des remontées d'eau sont apparus dans certains appartements, et qu'il a été découvert l'obstruction d'une canalisation par du béton, qu'elle a alors mis en demeure, vainement, la société SBE d'intervenir, et a dû faire réaliser les travaux réparatoires par d'autres entreprises pour un montant total de 14 204, 88 euros, somme qui doit donc être compensée avec le montant de la retenue de garantie.
Elle reproche au tribunal d'avoir écarté sa demande présentée dans le cadre du parfait achèvement, en considérant que ce désordre n'avait pas été réservé à la réception, et soutient que la retenue de garantie peut être utilisée pour garantir la réparation des désordres découverts dans le cadre de la garantie de parfait achèvement et non visés en réserve, dès lors que découverts postérieurement à la réception, ils ont été notifiés à l'entrepreneur.
9- Maître [F], ès qualités, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la sccv à payer à la société SBE la somme de 42 519, 35 euros TTC, correspondant à la somme totale de la retenue de garantie opérée par la sccv.
Il fait valoir que l'objet exclusif de la retenue de garantie est de couvrir le montant des réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage, et précise que la retenue peut être prolongée par le maître de l'ouvrage mais à la condition que cette prolongation fasse l'objet d'une notification par lettre recommandée avec accusé de réception, et qu'elle soit motivée par l'inexécution des obligations de l'entreprise.
Or, il rappelle que les travaux ont été réceptionnés le 22 mars 2019, les réserves levées le 6 mai 2019, que la retenue de garantie aurait donc dû être levée le 22 mars 2020, et que le courrier adressé le 4 novembre 2019 par la sccv n'a jamais eu pour objet de lui notifier son opposition à libérer la retenue de garantie.
Sur ce,
10- Selon les dispositions de l'article 1er de la loi du 16 juillet 1971 n°71-584, 'le paiement des acomptes sur la valeur définitive des marchés de travaux privés ...peut être amputé d'une retenue égale au plus à 5% de leur montant et garantissant contractuellement l'exécution des travaux pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage'.
L'article 2 de la loi précitée précise qu' ' à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception, faite avec ou sans réserves, des travaux visés à l'article précédent, la caution est libérée ou les sommes consignées sont versées à l'entrepreneur, même en l'absence de mainlevée, si le maître de l'ouvrage n'a pas notifié à la caution ou au cosignataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur'.
11- Il est admis que la retenue de garantie et la caution solidaire ont pour objet de protéger le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution de la construction prévue au contrat ayant donné lieu à des réserves à la réception, à l'exclusion des frais annexes, et que la retenue légale vise à garantir l'exécution des travaux de levée des réserves à la réception et non la bonne fin du chantier (Civ.3ème, 22 septembre 2004, Civ.3ème, 7 décembre 2005, Civ.3ème, 4 février 2016, n°14-29836).
12- En l'espèce, l'article 20 du cahier des clauses administratives particulières applicable aux marchés de travaux privés signé des parties, prévoit en son paragraphe intitulé 'retenue de garantie', 'qu'une retenue de 5% sur le montant hors taxes sera appliquée sur les situations de travaux...à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de la réception, la caution est libérée ou les sommes consignées sont versées à l'entreprise, si le maître de l'ouvrage n'a pas notifié à la caution ou au signataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entreprise ' (pièce 13 maître [F]).
13- Il n'est pas discuté que le marché de travaux privé conclu par la société SBE avec la sccv portant sur le lot n°2 GROS-OEUVRE était d'un montant initial de 854 400 euros TTC, puis a été révisé à la somme de 850 387, 06 euros TTC, et que le montant de la retenue de garantie est donc de 42 519, 35 euros Ttc (pièce 8 [F]), ni que le montant de celle-ci n'a toujours pas été libéré au profit de l'entreprise SBE.
14- Pour s'opposer au paiement de la retenue de garantie, la société Altarea se prévaut d'un désordre affectant une colonne d'eau obstruée par du béton, qui serait imputable à la société SBE, et qui a été révélé par une inspection des canalisations réalisée par la société Techmo Hygiène le 9 octobre 2019, à savoir après la livraison de l'immeuble et la réception intervenue le 22 mars 2019.
15- Or, il ressort de la lecture du procès-verbal de réception des travaux du 22 mars 2019, et il n'est au demeurant pas contesté par la société Altarea, que ce désordre, apparu postérieurement, n'avait bien sûr pas fait l'objet de réserves à la réception ( pièce 5 [F]).
16- L'intimé produit également le document intitulé 'quitus de levée des réserves ' en date du 6 mai 2019, justifiant de la levée de l'intégralité des réserves par la société SBE (pièce 6 [F]).
17- Il en ressort que la retenue de garantie n'étant pas applicable aux dommages survenant après la réception, même dans l'année de la garantie de parfait achèvement, contrairement à ce que soutient à tort l'appelante, elle aurait dû être libérée par la sccv dans un délai d'un an à compter de la date de la réception des travaux, à savoir à compter du 22 mars 2020, ce qui n'a pas été le cas.
18- A titre surabondant, la cour d'appel observe que le maître de l'ouvrage ne justifie pas de la notification à l'entrepreneur, par courrier recommandé avec accusé de réception, de son opposition motivée à la levée de la retenue de garantie, comme il y était obligé suivant les dispositions de la loi du 16 juillet 1971 rappelées supra, et par les stipulations contractuelles, le courrier du 4 novembre 2019 adressé par la sccv à la société Sbe ayant uniquement pour objet le désordre affectant la colonne d'eau apparu après réception, et ne faisant aucunement référence à la retenue de garantie.
19- Il en résulte que faute de notification de l'opposition par la sccv à la mainlevée de la retenue de garantie, cette somme doit en tout état de cause être restituée à la société SBE.
20- A titre encore plus surabondant, et comme le souligne à juste titre l'intimé, la cour d'appel relève que de surcroît, le maître de l'ouvrage ne justifie pas de la consignation du montant de la retenue de garantie entre les mains d'un tiers accepté par les deux parties ou désigné par le président du tribunal de commerce, de sorte qu'en son absence, l'entrepreneur peut obtenir le paiement des sommes retenues, même en l'absence de levée des réserves (Civ.3ème, 18 décembre 2013, N°2-29472).
21- En considération de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal a condamné la société SCCV à verser à la société SBE la somme de 42 519, 35 euros TTC au titre de la retenue de garantie, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 juillet 2020, et a ordonné la capitalisation des intérêts dus sur une année entière, par application des dispositions de l'article 1342-2 du code civil.
22- Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
Sur la demande de dommages et intérêts pour opposition abusive à libérer la retenue de garantie.
23- Dans le cadre de son appel incident, Maître [F] sollicite la réformation du jugement qui a débouté la société SBE de sa demande tendant à la condamnation de la sccv au paiement de dommages et intérêts pour opposition abusive à libérer la retenue de garantie.
Il fait valoir que cette opposition injustifiée a engendré une désorganisation de la comptabilité de l'entreprise.
24- La société Altarea sollicite quant à elle la confirmation du jugement de ce chef.
Sur ce,
25- L'article 2 de la loi du 16 juillet 1971 dispose in fine que 'l'opposition abusive entraîne la condamnation de l'opposant à des dommages-intérêts'.
26- Il résulte de ce qui précède que les travaux ont fait l'objet d'une réception le 22 mars 2019, les réserves levées le 6 mai 2019, et que dès lors, en l'absence de notification de l'opposition motivée à la libération de la retenue de garantie, la sccv aurait dû en restituer le montant à la société SBE le 22 mars 2020, ce qu'elle n'a pas fait en dépit des trois courriers de mise en demeure qui lui ont été adressés par la société SBE les 1er juin 2020, 7 juillet 2020 et 29 juillet 2020 (pièces 9, 11 et 12 [F]).
27- Il est observé que le maître de l'ouvrage estimait ne plus être redevable que de la somme de 28 018, 97 euros Ttc au titre de la retenue de garantie, déduction faite de la somme de 14 204, 04 euros qu'il estimait pouvoir retenir, mais qu'il n'a pourtant pas restitué ce montant à l'entreprise.
28- Il en résulte que la sccv a abusivement retenu le montant de la retenue de garantie, ce qui a causé un préjudice direct à la société SBE, laquelle n'a pu recouvrer cette somme, pourtant essentielle dans une entreprise pour la bonne tenue de sa trésorerie.
29- Le jugement qui a débouté la société SBE de sa demande de dommages et intérêts à ce titre sera par conséquent infirmé, et la société Altarea sera condamnée à verser à Maître [F] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice lié à l'opposition abusive à la libération de la retenue de garantie.
Sur la demande reconventionnelle tendant au paiement de pénalités de retard.
30- La société Altarea sollicite également le paiement de pénalités de retard d'un montant de 38 000 euros, prévues dans le marché signé des parties, pour défaut d'intervention en réparation de ses ouvrages dans le cadre de la garantie de parfait achèvement.
31- Maître [F], ès qualités, réplique qu'aucune pénalité de retard ne peut être imputée dès lors que les désordres allégués ne relèvent absolument pas de l'intervention de la société SBE.
Il ajoute que le rapport de la société Techmo Hygiène sur lequel se fonde la sccv n'a pas été établi contradictoirement, et est insuffisant pour établir sa responsabilité.
Sur ce,
32- L'article 45 du CCAP du marché signé des parties prévoit que 'l'entreprise est tenue à la garantie de parfait achèvement par application de l'article 1792-6 du code civil et dans les conditions prévues à ce texte. Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation ou autres, destinés à satisfaire aux réserves et aux réclamations qui auraient été formulées dans les conditions prévues audit article 1792-6 sont fixés, d'ores et déjà, d'un commun accord à un mois.
En cas d'inexécution dans ledit délai d'un mois... le maître de l'ouvrage pourra...faire exécuter les travaux aux frais et aux risques et pour le compte de l'entreprise défaillante...
En outre l'entreprise devra une pénalité de retard qui sera calculée et perçue comme indiqué à l'article 27-01 ci-dessus'.
33- En l'espèce, à l'appui de ses prétentions, l'appelante verse aux débats:
- un courrier adressé à la société SBE le 4 novembre 2019, l'informant de 'désordres persistants de remontées d'eau dans les douches des appartements A 105, 106 et A2015 depuis plusieurs semaines, une inspection télévisée a été opérée dans la colonne concernée avec mise en évidence de béton dans la colonne d'eau, au niveau de son passage sous la salle commune du bâtiment A. Nous vous joignons le rapport de la société Techmo Hygiène intervenue le 10 octobre dernier révèlant la présence d'un bloc béton obstruant 95 % de la canalisation' (pièce 2 Altarea)
- un document intitulé 'inspection télévisée des réseaux d'assainissement' réalisé par la société Techmo Hygiène le 9 octobre 2020 aux termes desquels il est indiqué 'l'inspection vidéo du réseau despuis colonne de la salle commune vers aval révèle une coulée de béton au niveau du pied de chute vers aval' (pièce 9 Altarea).
- une attestation rédigée par Mme [R], architecte, qui écrit que 'l'entreprise SBE n' a pas répondu et n'est pas intervenue suite à nos diverses sollicitations et celles du maître d'oeuvre pour lever la réserve de parfait achèvement concernant le désordre de colonne d'eau osbtruée de béton comme confirmé par le passage caméra de la société Techmo Hygiène en date du 9 octobre 2019" (pièce 12 Altarea).
34- De son côté, la société SBE, qui conteste tout lien d'imputabilité entre ce désordre et son intervention verse aux débats, le cahier des clauses techniques particulières du marché, qui circonscrit en son article 03.3.1 intitulé 'réseau d'assainissement eaux usées' les prestations gros-oeuvre à l'ensemble des 'canalisations sous dalles RDC' (pièce 14 Maître [F]), et un courriel rédigé par son conducteur de travaux le 28 août 2019 qui écrit 'nous vous confirmons que l'appartement A06 n'a aucun problème d'évacuation. Nous n'avons pas pu accèder dans l'appartement A 205 et A105. Cependant ces deux appartements de l'étage sont raccordés sur le même réseau sous dallage que l'appartement A06, qui lui, n'est pas bouché. Nous ne sommes pas concernés' ( pièce 15 [F]).
35- Il en résulte que si la sccv a bien adressé dans le délai de la garantie de parfait achèvement une réclamation à la société SBE concernant un dommage lié à l'obstruction d'une canalisation, et s'il n'est pas discuté que les travaux réparatoires de ce désordre n'ont pas été réalisés par cette dernière, il incombe cependant à l'appelante, qui prétend à l'allocation de pénalités de retard pour non-exécution des travaux de réparation, d'établir le lien de causalité entre son préjudice et l'intervention de la société SBE.
36- Or, la cour d'appel observe que l'appelante, aux termes de ses conclusions, se borne à affirmer que la société SBE, chargée du lot gros-oeuvre, serait 'la seule à avoir utilisé du béton'(page 7 des conclusions de l'appelante), le seul document établi par la société Techmo Hygiène, en l'absence d'autre élément probant ou d'une expertise réalisée contradictoirement, s'il établit certes la présence de béton osbtruant une canalisation, ne permet pas de dire que la société SBE serait l'auteur de cette obstruction, alors même que les pièces produites par celle-ci démontrent que son intervention était limitée au réseau sous-dallage des appartements.
37- En conséquence, faute de démontrer le lien de causalité entre son préjudice et l'intervention de la société SBE, aucune pénalité de retard pour non-exécution des travaux réparatoires ne peut être mise à la charge de la société SBE, et le jugement qui a débouté la sccv de sa demande à ce titre sera confirmé.
Sur les mesures accessoires.
38- Le jugement est confirmé sur les dépens et l'indemnité due par application de l'article 700 du code de procédure civile.
39- La société Altarea, partie perdante, supportera les dépens de la procédure d'appel, et sera condamnée à verser à Maître [F], ès qualités, la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 16 septembre 2025,
Prononce la clôture de l'instruction à la date de l'audience de plaidoiries,
Déclare recevable l'intervention volontaire de la société Altarea Promotion Management, venant aux droits de la société W-Pi promotion, venant aux droits de la société Severini Pierre et Loisirs venant aux droits de la sccv Bègles Wallon.
Déclare recevable l'intervention volontaire de Maître [F], ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la société SBE,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la société SBE tendant à la condamnation de la sccv Bègles Wallon au paiement de dommages et intérêts pour opposition abusive à la libération de la retenue de garantie;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Altarea à verser à Maître [F] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice lié à l'opposition abusive à la libération de la retenue de garantie,
Y ajoutant,
Condamne la société Altarea aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne la société Altarea à verser à Maître [F], ès qualités de mandataire liquidateur de la société SBE la somme de 2500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,