CA Paris, Pôle 4 - ch. 1, 7 novembre 2025, n° 24/15082
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2025
(n° , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/15082 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ6SD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Avril 2023 - Tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 20/07773
APPELANTE
S.A.S. SOFERIM immatriculée au RCS de Paris sous le n° 351 555 834, représentée par sa présidente la société PERSEA, immatriculée au du RCS de Paris sous le numéro 440 774 909, elle-même représentée par son président domicilié en cette qualité audit siège ; agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046 substituée par Me Jean-Olivier BLUET, Avocat au barreau de PARIS, MEMBRE DE L'ASSOCIATION D'AVOCATS «BLUET ' FLAGEUL», toque : E 1312,
INTIMES
Maître [R] [L] en sa qualité de tiers dépositaire en vertu de l'acte notarié de
promesse de vente du 3 mars 2020, notaire au sein de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée dénommée GRAF NOTAIRES PARIS,, domiciliée en sa qualité de tiers dépositaire audit siège de l'office notarial
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Me Thomas RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499
SOCIETE DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE TRAPIL, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 572 086 213, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148 assistée de Me Emmanuelle MORVAN du CABINET FRECHE & ASSOCIES A.A.R.P.I avocat au barreau de PARIS,
toque : R.211
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre,chargée du rapport et Madame Nathalie BRET, conseillère
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Nathalie BRET, conseillère
Claude CRETON, président de chambre, magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Mme Dorothée RABITA.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre et par Madame Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Le 3 mars 2020, la société des Transports Pétroliers Par Pipeline ( TRAPIL) a consenti à la Société SAS Soférim une promesse unilatérale de vente portant sur un immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] moyennant le prix de 33.615.000 euros ainsi désigné:
Un bâtiment principal en façade sur la rue, élevé sur caves, d'un rez de chaussée et de neuf étage
Il est desservi par un escalier intérieur, un escalier extérieur et deux ascenseurs. Il intègre également un monte-charge inutilisable en l'état.
Ce bâtiment comprend :
- au sous-sol : des locaux techniques et des locaux d'archives
au rez de chaussée : des bureaux, un accueil, un vestiaire, sanitaires
- et du 1er au 9ème étage : des surfaces de bureaux avec le cas échéant des salles de réunion, des locaux ( informatiques et photocopies) et des sanitaires
- à l'arrière de ce bâtiment principal séparé par la cour à usage de parking, un bâtiment secondaire, élevé sur terre-plein d'un simple rez de chaussée intialement formé de quatre garages transformés depuis en salle de réunion, locaux d'archives et ateliers.
Ilest ici précisé que lesdits garages ont été transformés en locaux d'archives, salle de réunion et atelier par le promettant, et qu'il a été édifié en suite des garages existant des locaux d'archives, local informatique, local d'entretien et salle de réunion.
Le promettant déclare qu'il n'est pas en mesure d'indiquer au bénéficiaire les dates précises de transformation de ces locaux ( peut-être au cours des années 70) ni de lui assurer qu'il ait été obtenu au préalable une autorisation administrative.
La promesse a été consentie pour une durée expirant le 27 juillet 2020.
L'indemnité d'immobilisation a été fixée à 3.361.500 euros et celle-ci a été versée par la société Soferim sous le séquestre de Maitre [R] [L], notaire.
La société Soferim, par courrier du 13 juillet 2020, a notifié à la société Trapil l'absence de levée de l'option au motif du manquement de la promettante à son obligation légale d'information pour n'avoir pas porté à la connaissance de la bénficiaire la société Soferim, l'information concernant la structure de l'immeuble dont l'importance est déterminante comme portant sur une caractéristique essentielle du bien, l'affectant dans une de ses composantes fondamentales soutenant avoir reçu postérieurement à la signature de la promesse de vente les plans de structure de l'immeuble, les avoir remis pour analyse à un bureau d'études technique et avoir appris de celui-ci l'existence d'insuffisances structurelles généralisées au niveau du sous dimensionnement des porteurs verticaux, des fondations et des planchers, ne permettant pas l'usage de l'immeuble en bureaux. Invoquant la non ralisation de la vente par le fait du promettant elle sollicitait en application de l'article 11-5 de la promesse, la restitution de l'indemnité d'immobilisation.
La société Trapil, par courrier du 10 juillet 2020 contestait la demande et notifiait au notaire son opposition à la restitution de l'indemnité d'immobilisation, observant le défaut de communication de la note du bureau d'études et ses annexes, contextualisant la demande de la société Soferim au regard de sa vaine tentative d'imposer à la promettante une réduction importante du prix et rappelant la contradiction du grief formulé avc la durée d'épreuve de l'immeuble occupé depuis plus de soixante ans à usage de bureaux.
La société Soferim a fait délivrer assignation à la société TRAPIL et à Maître [R] [L], en sa qualité de notaire membre exerçant au sein de la Selarl Graf Notaires, par exploit délivré le 3 août 2020, la restitution à son profit de l'indemnité d'immobilisation.
Le tribunal Judiciaire de Paris a ainsi statué par jugement rendu le 19 avril 2023 :
Déboute la société Soferim de ses demandes tendant à :
' Ordonner la restitution à son bénéfice des fonds séquestrés par elle,
' Condamner la société Des Transports Pétroliers Par Pipeline à lui verser les intérêts légaux sur cette somme à compter du 13 juillet 2020 avec capitalisation,
' La condamner à lui verser une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne à Maître [R] [L] de libérer les fonds séquestrés détenus par elle, soit la somme de 3.361.500 euros, entre les mains de la société Des Transports Pétroliers Par Pipeline à titre de paiement par la société Soferim de l'indemnité d'immobilisation due par elle ;
Condamne la société Soferim à verser à la société des Transports Pétroliers Par Pipeline les intérêts produits par le capital de 3.361.500 euros au taux légal à compter du 29 juillet 2020 ;
Déboute la société Des Transports Pétroliers Par Pipeline de sa demande tendant à :
' La condamner à lui verser une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Soferim à verser à [R] [L] une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Soferim aux dépens et accorde à Maîtres [I] [F] et [Y] [N] le bénéficie de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour se déterminer ainsi le jugement retient que :
- l'article 11.5b de la promesse stipule que les fonds séquestrés seront restitués au bénéficiaire en cas de non réalisation de la vente par un fait imputable au promettant
- la société Trapil n'est pas une professionnelle du bâtiment et ne peut être présumée avoir eu connaissance de l'insuffisance de la structure du bâtiment au regard des normes de résistance des immeubles à usage de bureau en vigueur au jour de la vente, la seule lecture des plans ne permettant pas à un profane de détecter que le bâtiment n'est pas en état de supporter une charge de 250 kg/m2
- par suite la non levée de l'option ne peut être imputée à un fait du promettant et la société Soférim ne peut obtenir restitution des fonds séquestrés
- à supposer que la société Tra Pil ait su le défaut du bâtiment et n'en ait pas informé Soférim cette dernière ne pourrait obtenir restitution des fonds dès lors qu'elle ne remet pas en cause son consentement et se place dans la perspective où la promesse a été conclue alors que la clause 11.5b dont elle se prévaut suppose que le défaut de levée de l'option a pour cause un fait imputable au promettant.
Une action a été engagée par la société TRAPIL devant le juge de l'exécution visant à assortir d'une astreinte l'exécution de la décision rendue le 19 avril 2023.
La SAS Soferim a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 21 avril 2023.
Par ordonnance du 8 février 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire jusqu'à justification de la libération de l'indemnité séquestrée.
Le 26 février 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a assorti d'une astreinte de 1.000 euros par jour l'obligation de libérer les fonds.
Le 21 mars 2024, Me [L] a procédé à la libération effective des 3.361.500 euros au profit de la société Trapil.
Après la libération intervenue, la société Soferim a sollicité et obtenu la réinscription de l'affaire au rôle.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions d'appelant notifiées par voie électronique le 31 juillet 2025, la société SOFERIM demande à la cour :
« Vu les articles 1103, 1104, 1112-1, 1124, 1132, 1170, 1196 alinéa 3, 1178, 1231-1, 1602 et suivants du code civil ;
Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats ;
- Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris rendu le 19 avril 2023, en ce qu'il a débouté la société SOFERIM de ses demandes tendant à :
'ordonner la restitution à son bénéfice des fonds séquestrés par elle ;
'condamner la société TRAPIL à lui verser les intérêts légaux sur cette somme, à compter du 13 juillet 2020 avec capitalisation ;
'la condamner à lui verser une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Réformer ledit jugement, en ce qu'il a :
'ordonné à maître [R] [L] de libérer les fonds séquestrés détenus par elle, soit la somme de 3.361.500 euros, entre les mains de la société TRAPIL, à titre de paiement par la société SOFERIM de l'indemnité d'immobilisation due par elle ;
'condamné la société SOFERIM à verser à la société TRAPIL les intérêts produits par le capital de 3.361.500 euros au taux légal à compter du 29 juillet 2020 ;
'condamné la société SOFERIM à verser à [R] [L] une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
Et, statuant à nouveau en fait et en droit, sur ces chefs,
- Juger que l'indemnité d'immobilisation d'un montant de 3.361.500 euros versée lors de la conclusion de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020, portant sur l'immeuble situé à [Adresse 3], doit être restituée à la société SOFERIM ;
- Ordonner la restitution à la société SOFERIM de la somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents euros) que maître [R] [L], notaire, en sa qualité de tiers dépositaire, a versée à la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) au titre de l'exécution provisoire ;
- Condamner, en conséquence, la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) à payer à la société SOFERIM la somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents euros) en restitution de l'indemnité d'immobilisation versée lors de la conclusion de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020 ;
Subsidiairement,
- Prononcer la nullité de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020 pour vice de consentement, en raison de l'erreur affectant le consentement de la société SOFERIM sur la qualité essentielle de l'immeuble faisant l'objet de ladite promesse à être un immeuble à usage de bureaux, en l'état de l'existant dans lequel il était vendu ;
- Ordonner, par l'effet de la nullité anéantissant l'acte censé n'avoir jamais existé, la restitution à la société SOFERIM de la somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents euros) ;
- Condamner, en conséquence, la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) à payer à la société SOFERIM la somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents euros) en restitution de l'indemnité d'immobilisation versée lors de la conclusion de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020 ;
Très subsidiairement,
- Juger que la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) a commis une faute, engageant sa responsabilité envers la société SOFERIM en présentant à la vente un immeuble de bureaux, sans s'assurer préalablement de l'aptitude de cet immeuble pour cet usage, en l'état de l'existant dans lequel il était vendu ;
- Condamner, en conséquence, la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) à payer à la société SOFERIM la somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la société SOFERIM constitué par la perte de la somme de même montant versée à titre d'indemnité d'immobilisation ;
En tout état de cause,
- Condamner la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) au paiement des dommages et intérêts moratoires, ayant couru sur ladite somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents), depuis le 13 juillet 2020, correspondant à la mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception à cette société et ce, avec capitalisation dans les conditions de droit de l'article 1343-2 du code civil;
- Condamner la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) à rembourser à la société SOFERIM la somme de 99.594,67 euros, laquelle a été payée à la société TRAPIL en règlement de la condamnation aux intérêts prononcée par ledit jugement, la réformation de la décision de première instance emportant droit à restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire
- Condamner la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) à payer à la société SOFERIM la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) aux dépens de première instance et d'appel »
Dans ses dernières conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 26 août 2025, la société Trapil demande à la cour :
« Vu les articles 561 et 564 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1103, 1104, 1112-1, 1131 à 1135, 1178, 1231-1 du Code civil
Vu la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020,
Sur la demande principale de la société SOFERIM
' DÉBOUTER la société SOFERIM de sa demande tendant à voir ordonner la restitution à son profit de la somme de 3.361.500 euros et, par suite, ordonner à Maître [R] [L], notaire, en sa qualité de tiers dépositaire, de libérer ladite somme entre les mains de la société SOFERIM ;
Sur la demande subsidiaire de la société SOFERIM
' À titre principal, DÉCLARER irrecevable la demande nouvelle de la société SOFERIM tendant à voir prononcer la nullité de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020 sur le fondement de l'erreur et à voir ordonner la restitution de la somme de 3.361.500 euros à la société SOFERIM ;
' À titre subsidiaire, DÉBOUTER comme mal fondée la demande de la société SOFERIM tendant à voir prononcer la nullité de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020 sur le fondement de l'erreur et à voir ordonner la restitution de la somme de 3.361.500 euros à la société SOFERIM ;
Sur la demande très subsidiaire de la société SOFERIM
' À titre principal, DÉCLARER irrecevable la demande nouvelle de la société SOFERIM tendant à voir engager la responsabilité contractuelle de la société TRAPIL et obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 3.361.500 euros à titre de dommages-intérêts ;
' À titre subsidiaire, DÉBOUTER comme mal fondée la demande de la société SOFERIM tendant à voir engager la responsabilité contractuelle de la société TRAPIL et obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 3.361.500 euros à titre de dommages-intérêts ;
EN CONSÉQUENCE,
' CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 19 avril 2023, et notamment en ce qu'il a :
Débouté la société SOFERIM de ses demandes tendant à :
' ordonner la restitution à son bénéfice des fonds séquestrés par elle ;
' condamner la société TRAPIL à lui verser des intérêts légaux sur cette somme à compter du 13 juillet 2020 avec capitalisation ;
' la condamner à lui verser une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonné à [R] [L] de libérer les fonds séquestrés, détenus par elle, soit la somme de 3.361.500 euros, entre les mains de la société TRAPIL, à titre de paiement par la société SOFERIM de l'indemnité d'immobilisation due par elle ;
Condamné la société SOFERIM à verser à la société TRAPIL les intérêts produits par le capital de 3.361.500 euros au taux légal à compter du 29 juillet 2020 ;
Condamné la société SOFERIM aux dépens au profit de la société TRAPIL et de [R] [L]
' ORDONNER que les intérêts produits par la consignation de l'indemnité d'immobilisation à la Caisse des Dépôts et Consignations soient versés à la société TRAPIL en application de l'article 11 in fine de la promesse de vente du 3 mars 2020 ;
' DÉBOUTER la société SOFERIM de sa demande de condamnation de la société TRAPIL au paiement des dommages et intérêts moratoires, ayant couru sur ladite somme de 3.361.500 euros depuis le 13 juillet 2020 et au remboursement à la société SOFERIM de la somme de 99.594,67 euros payée à la société TRAPIL en règlement de la condamnation aux intérêts prononcée par le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 19 avril 2023 ;
' DÉBOUTER la société SOFERIM de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;
' DÉCLARER l'arrêt à intervenir commun et opposable à Maître [R] [L], notaire, en sa qualité de tiers dépositaire de l'indemnité d'immobilisation de 3.361.500 euros ;
' CONDAMNER la société SOFERIM à payer à la société TRAPIL la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' CONDAMNER la société SOFERIM aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de Maître Véronique de la TAILLE. »
Dans ses uniques conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 20 octobre 2023, Maître [R] [L] demande à la cour :
« Vu l'article 1960 du Code civil,
Vu la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020,
DONNER ACTE à Maître [R] [L], notaire, qu'aucune demande de condamnation n'est formulée à son encontre et qu'elle n'est assignée qu'en sa qualité de séquestre,
DONNER ACTE à Maître [R] [L], notaire, qu'elle s'en rapporte à la décision de la Cour sur la demande de la société SOFERIM tendant à voir libérer l'indemnité séquestrée à son profit, et sous réserve de l'issue de l'instance pendante devant le Juge de l'exécution près le Tribunal judiciaire de PARIS, saisi à la requête de la société TRAPIL.
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société SOFERIM au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC,
CONDAMNER tout succombant à payer à Maître [R] [L] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maitre Thomas RONZEAU qui pourra les recouvrer directement en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »
La clôture de la mise en état et l'audience ont été fixées au 4 septembre 2025.
SUR QUOI,
LA COUR
1- L'indemnité d'immobilisation de 3 361 500 euros et les intérêts légaux
La société Soférim soutient que son refus d'acquérir est légitime en raison du vice affectant l'immeuble vendu à usage de bureaux découvert postérieurement à la signature de la promesse à l'occasion de la communication le 11 mars 2020, par la société Trapil, des plans de structure non versés au dossier d'information qu'elle a communiqués à un bureau d'études techniques spécialisé, Cap Structure, lequel a mis à jour une impropriété de l'immeuble à son usage compte tenu des insuffisances structurelles généralisées du fait du sous dimensionnement des porteurs verticaux, des fondations et des planchers de l'existant. C'est au vu cette analyse qu'elle indique avoir adressé à la société Trapil le 9 juillet 2020 une lettre recommandée avec accusé de réception lui notifiant son absence de levée de l'option. Elle fait grief au jugement d'avoir commis une erreur de droit en ne suivant pas la jurisprudence qui vise à examiner l'imputabilité de la non levée de l'option à l'aune du bénéficiaire mais en l'examinant à l'aune du promettant. Elle oppose à la société Trapil que le seul élément à prendre en compte est la révélation du défaut, postérieurement à la signature de la promesse, peu important qu'il soit ou non remédiable, cependant que la nécessité de réaliser des travaux de gros oeuvre en modifiant les conditions de la promesse, exposerait le bénéficiaire à des risques qu'il n'est pas tenu d'assumer outre que la valeur de l'immeuble s'en trouverait nécessairement affectée. Elle ajoute que le fait causal à l'origine duquel se trouve la non-réalisation de la vente réside dans l'absence de vérification par le promettant de la véracité technique de l'usage de bureaux et de l'omission de communiquer avant la signature de la promesse de vente les plans de structure de l'immeuble cependant qu'en sa qualité de propriétaire, le vendeur doit assumer les risques de la chose vendue par l'effet de l'article 1196 du Code civil, obligation que le jugement a dénaturé en exigeant la preuve d'un manquement du promettant à l'aune de la faute. Elle ajoute que la seule constatation chronologique de la transmission des plans des structures postérieurement à la signature de la promesse de vente suffit à caractériser la communication tardive.
La société Trapil, au soutien de la confirmation du jugement, oppose l'absence de motif légitime de renonciation à la vente soulignant que contrairement à ce que prétend l'appelante il est impossible d'inférer de la jurisprudence un principe général selon lequel tout défaut apparaissant avant la levée de l'option permettrait au bénéficiaire de renoncer à la vente sans perdre l'indemnité d'immobilisation étant observé que la société Soferim, qui aurait pu ériger l'usage du bien en tant que condition suspensive, ne l'a pas fait et n'a pas non plus précisé la nature du projet qu'elle entendait réaliser. Elle fait valoir en outre que les documents produits ne permettent pas de conclure à l'impossibilité technique de rénover l'immeuble pour un usage de bureaux, le bureau d'études Cap Structure s'étant contenté de ' quatre vieux plans sans cartouche' pour conclure à l'existence d'une insuffisance structurelle généralisée alors que l'expert honoraire Monsieur [W], consulté par la promettante, a sollicité un laboratoire spécialisé qui a démontré qu'il n'existe aucune insuffisance des porteurs verticaux et des fondations cependant que l'expert rappelle que l'immeuble a largement dépassé son délai d'épreuve puisqu'il a été occupé à usage de bureaux depuis les années 60 sans présenter d'anomalie structurelle. Elle en infère que la non réalisation de la vente ne lui est pas imputable et que la société Soferim se méprend à propos de la charge des risques de la chose vendue, qui s'entendent de la perte ou de la détérioration de la chose par suite d'un cas fortuit ou de force majeure. Elle affirme que la société Soférim a pu visiter le bien avant la signature de la promesse à de très nombreuses reprises et que la promettante n'avait pas d'obligation de lui communiquer les plans, les documents litigieux étant inconnus de la société Trapil jusqu'au mois de mars 2020, époque du déménagement programmé à laquelle ont été découverts les plans litigieux dans les cartons remisés à la cave, plans qui au demeurant n'étaient révélateurs d'aucun désordre, et n'étaient donc pas déterminants du consentement de la société Soferim ainsi qu'en a attesté l'expert Monsieur [W]. Elle souligne que la société Soferim, professionnelle de l'immobilier, ce que n'est pas Trapil, exploitante de pipelines, avait tous les moyens d'accéder à l'information dont elle estime avoir été privée ainsi qu'en témoigne les visites accompagnées des prestataires techniques qu'elle a engagés, que la promettante n'avait aucune obligation de procéder à des investigations non nécessaires au vu de l'usage effectif fait de l'immeuble et qu'en réalité il est patent que Soferim qui n'avait pas érigé en condition suspensive l'obtention d'un prêt, n'ayant pas réussi à obtenir la réduction de prix supplémentaire de 20 % qu'elle avait cherché à obtenir, a tenté ainsi de revenir sur son engagement.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon les dispositions de l'article L 1112-1 du Code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Il s'infère de ces dispositions une obligation de loyauté, de bonne foi et de sincérité à la charge du promettant dont le consentement à la vente est donné dès la promesse unilatérale de vente laquelle constitue un avant-contrat contenant les éléments essentiels du contrat définitif servant à l'exercice de la faculté d'option du bénéficiaire et à la date duquel s'apprécient les conditions de validité de la vente (3ème Civ. 23 juin 2021, n° 20-17.554).
Il en résulte à la charge du promettant l'obligation de communiquer à l'acheteur bénéficiaire de l'option, dès avant la signature de l'avant contrat, toutes les informations dont il dispose sur la nature, la consistance et la destination du bien vendu.
En l'espèce la société Trapil s'est engagée, aux termes de la promesse unilatérale de vente signée le 3 mars 2020, à vendre à la société Soférim des locaux d'une superficie de 8 000 m2 à usage de locaux techniques et d'archives au sous-sol, de bureaux et salles de réunion au 1er étage, de parking au rez de chaussée et quatre garages à l'arrière du bâtiment, transformés en salles de réunions, locaux techniques et archives.
Pour imputer à la venderesse la non réalisation de la vente, la société Soférim invoque la découverte d'un défaut affectant la structure de l'immeuble et compromettant son usage de bureaux justifiant, selon l'appelante, la non levée de l'option lui bénéficiant et la restitution de l'indemnité d'immobilisation du fait de la non réalisation de la vente pour un fait imputable au promettant, par application des dispositions de la clause 11-5 de la promesse de vente.
Pour étayer le défaut structurel de l'immeuble, la société Soférim se prévaut d'une analyse technique établie par la SAS Cap Structures le 6 juillet 2020 indiquant :
' La structure de l'immeuble ne permet pas un usage de bureaux.
A l'exception d'un usage en logement ou hébergement individuel ( nécessitant une surcharge d'exploitation de 150 kg/m2 il n'y a aucune affectation possible compte tenu de la nature du plancher de l'existant.
En conséquence la rénovation de l'immeuble de bureaux n'est pas techniquement réalisable en l'état de la structure.
En effet, les plans de structure donnent les principales informations suivantes
- Nature des planchers existants : d'après les planchers hauts du 1er étage, ( plan ss 02-23) et du sous-sol ( plan ss 02-18), la nature des planchers existants est constituée de poutrelles et hourdis permettant d'accepter une surcharge libre de 175 kg/m2 ( valeur mentionnée sur plans)
- Nature des fondations existantes : d'après le plan d'implantation des puits de fondations (plans ss 02-17 et ss 02-16) et la contrainte de sol prise à 9 bars, nous retrouvons l'adéquation entre les surcharges libres évoquées précédemment et la nature et le dimensionnement des fondations réalisées
- Stabilité au feu des structures : celle-ci n'est pas précisée sur les plans mais ces planchers à corps creux ne peuvent pas être stables au feu sans protection rapportée ( laquelle n'est pas mentionnée sur les plans et n'a pas été intégrée à l'existant).
Les valeurs de surcharge mentionnées ci-avant renseignent sur les affectations possibles d'exploitation d'un immeuble, dans la mesure où des valeurs minimales sont à obtenir pour permettre l'utilisation des surfaces en fonction des usages.
Comme précédemment indiqué, il y a au cas présent, à l'exception d'un usage en logement ou hébergement individuel ( nécessitant une surcharge d'exploitation de 150 kg/m2) aucune autre affectation possible compte tenu de la nature actuelle des planchers de l'existant.
La nature des planchers ainsi que des surcharges qui en découlent correspondent à un immeuble de logements et non à un immeuble de bureaux.
En conclusion, l'analyse des plans de structure de l'immeuble établit qu'il existe une impropriété structurelle de l'immeuble pour un usage de bureaux dans la mesure où l'immeuble présente des insuffisances structurelles généralisées au niveau du sous-dimensionnement des porteurs verticaux, des fondations et des planchersde l'existant.'
Pour parvenir à ces conclusions, le bureau d'études Cap Structures a analysé les plans établis par un dénommé [D] [P] les 1er, 2, 6 et 8 décembre 1966, concernant les planchers hauts du sous-sol et du 1er étage, les poteaux et murs en sous-sol, semelles sur puits et longrines de fondations, SS 02-23, 02-18, 02-16 et 02-17.
Pour répondre à l'avis technique de la société CAP Structures, et lui apporter une contradiction utile, la société Trapil a fait appel à un expert honoraire, ingénieur diplômé de l'école Centrale Paris, inscrit sur la liste nationale des experts judiciaires.
Celui-ci a rédigé une note technique le 2 mars 2021 sur la stabilité générale de l'immeuble et celle de ses différents composants et sollicité à l'appui de son analyse, une identification par le laboratoire Lerm, des armatures inférieures incorporées dans les poutrelles courantes de la travée sur rue, et dans celles de la travée sur cour, puis dans un second temps, a fait évaluer par ce même laboratoire la résistance à la traction des armatures déjà identifiées. Les deux rapports successifs du laboratoire Lerm sont annexés à la note technique.
L'expert souligne préalablement, s'agissant des planchers hauts, que sans disposer d'informations relatives à la nature des poutrelles au-delà de leur préfabrication en atelier, et sans connaître la section des armatures, il n'était pas possible d'apprécier la capacité portante admissible quand même la mention 175 kg par mètre carré figure sur le plan 02-23 .
L'expert indique qu'en dépit du fait que l'immeuble a été occupé et exploité à usage de bureaux sans désordres bien au-delà de son délai d'épreuve, les planchers ne sont pas aptes à supporter la surcharge réglementaire applicable aux immeubles à usage de bureaux, qui est de 250 kg par mètre carré. Il précise qu'il n'y a toutefois nulle contradiction entre ces résultats et la stabilité incontestablement apparente, voire l'absence de désordre apparent des planchers pendant leur exploitation cela tenant au fait que les surcharges réglementaires ne sont jamais appliquées pendant la durée d'utilisation des ouvrages sur l'intégralité des planchers concernés, ce qui leur offre une marge de sécurité qui ne peut toutefois pas être prise en compte d'un point de vue réglementaire. Il poursuit en indiquant qu'il a été évalué par le laboratoire Lerm que les poutrelles sont constituées d'un béton de bonne qualité coulé en atelier et non sur site car il a pu être classé, C 25/30 ce qui rend possible soit une solution de renforcement par application collée en sous-face de chaque poutrelle de tissus de fibre de verre, dit T. F. C, soit une solution de renforcement sur appui central, par scellements de joncs carbone, permettant dans les deux cas d'atteindre, si nécessaire, la capacité de surcharge de 250 kg par mètre carré.
Selon l'expert, hormis quelques travaux préparatoires, ces méthodes ne nécessitent aucune démolition complémentaire, la consultation d'entreprises spécialisées effectuée sur ces bases lui permettant d'évaluer le montant de ces travaux à 520 000 € hors-taxes environ.
La structure verticale du refend central a été évaluée par l'expert dans le cas d'une surcharge de bureaux à 250 kg par mètre carré en appliquant la dégressivité réglementaire des surcharges, compte tenu d'une contrainte de compression des deux poteaux centraux de 49 bars pour 170 tonnes reçues conduisant l'expert à conclure que sans devoir être renforcée de quelque manière que ce soit, la structure verticale du refend central et apte à recevoir la charge de tous les planchers de l'immeuble, incluant une surcharge de 250 kg par mètre carré.
La structure des façades sur rue et sur cour, décrite sur le plan de coffrage portant le numéro SS 02. 23 a été analysée par l'expert qui retient son aptitude à recevoir la charge de tous les planchers de l'immeuble, incluant une surcharge de 250 kg par mètre carré.
Les fondations ont également été examinées à l'aune des informations données par le plan SS 02-16 étant constituées de puits fondés sur un sol dont la contrainte admissible a été limitée à 9 bars, valeur que l'expert estime cohérente avec celle validée dans des terrains voisins selon les cartes spécialisés disponibles. Compte tenu de la charge apportée par les poteaux du sous-sol, les plus sollicités, de 170 tonnes rapportée au diamètre des puits, 160 cm, soit une surface de 2 m² occasionnant au sol, une contrainte de 8,5 bars, inférieure à 9, l'expert considère que les fondations sont aptes à recevoir les charges apportées par les murs, périphériques, les poteaux du refends et les plancher surchargés à 250 kg par mètre carré.
L'expert conclut : s'agissant des planchers de l'immeuble à usage de bureau jusqu'à ce jour, et en dépit de leur comportement satisfaisant et de l'absence de tous désordres les affectant, il apparaît, en tenant compte de leur constitution mise en évidence par le laboratoire Lerm qu'ils sont en mesure de supporter réglementairement la surcharge mentionnée sur les plans de 175 kg par mètre carré.
Il ajoute que la constitution en poutrelles de ces planchers permet d'envisager une solution de renforcement de nature à les rendre aptes à supporter une surcharge de 250 kg par mètre carré, soit par l'application collée en surface de la partie centrale de chacune des poutrelles, d'une feuille de tissu, de fibre de carbone, dit TFC, soit par le scellement de joncs carbone sur appui central, sans travaux de démolition notable dans les deux cas, le chiffrage de ces solutions ayant fait l'objet d'une consultation d'entreprises spécialisées se situant dans une enveloppe mieux disante de 520 000 € hors-taxes.
Il s'infère de ces éléments que les deux avis techniques s'accordent sur l'insuffisance structurelle des planchers de l'immeuble et leur inaptitude pour supporter la surcharge réglementaire applicable aux immeubles à usage de bureaux qui est de 250 kg/m2.
Or, le dossier de présentation établi par la société Trapil fait référence à des locaux à destination de bureaux et, pour le sous-sol, d'archives et de parkings, sur la base duquel la société Soferim a établi son offre d'achat le 18 décembre 2019 en intégrant les éléments du dossier de présentation fournis par le vendeur relatif à un immeuble à usage de bureaux, libre de toute occupation et à l'affectation de bureaux commerciaux pour la globalité de l'immeuble.
Il apparaît donc que la société Trapil a mis en vente des locaux à usage de bureaux non conformes à la présentation qui en a été faite puisque cet usage dont la société Soferim, ainsi qu'en atteste son offre d'achat, a fait une condition essentielle de la vente, ne pourra être satisfait qu'autant que des travaux de renforcement des planchers permettant d'atteindre la capacité de surcharge de 250 kg/m2 seront réalisés représentant un coût supplémentaire hors taxe pour les devis les moins élevés de 520 000 euros.
Contrairement à ce que soutient l'intimée, il importe peu que l'expert honoraire souligne l'absence de désordre affectant au jour de son analyse les planchers existants dès lors qu'il est avéré par les deux avis techniques et le diagnostic de durabilité des structures établi le 6 novembre 2020 à la demande de l'expert, que les planchers ne sont pas aptes à supporter la surcharge règlementaire applicable aux immeubles à usage de bureaux ( 250 kg/m2 au lieu de 175 kg /m2 indiquée sur les plans) et que la société Soférim n'a pas été informée, préalablement à la signature de l'avant-contrat, de l'obligation de réaliser des travaux de renforcement pour satisfaire à l'usage de bureaux, induisant un coût à sa charge de 520 000 euros hors taxe.
En sa qualité de venderesse, la société Trapil n'a donc pas satisfait à son obligation d'information relative à l'affectation et la destination des locaux qu'elle a présentés et mis en vente en les désignant comme des locaux à usage de bureaux, alors que les éléments qu'elle avait en sa possession, dont les plans décrivant la structure et la portance des planchers, indiquent des valeurs contraires à cet usage, information qui n'a été portée à la connaissance du bénéficiaire de l'option que postérieurement à la signature de la promesse de vente, dans le délai d'exercice de son option.
La société Société Soférim est donc fondée à exciper du fait fautif imputable à la promettante qui a manqué à son obligation d'information relativement à la désignation du bien vendu pour solliciter la condamnation de la société Trapil à lui restituer la somme de 3 361 500 euros correspondant à l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse unilatérale de vente par application de la clause article 11.5 b, (i) page 14 de la promesse unilatérale de vente.
La somme consignée étant productive d'intérêts reversés à la Caisse des Dépôts et Consignations à terme échu, en application du dernier alinéa de l'article 11-5, la société Soférim est également fondée en sa demande de condamantion de la société Trapil à lui restituer les intérêts légaux dus sur le montant de la somme consignée de 3 361 500 euros à compter non pas du 29 juillet 2020 mais du 13 juillet 2020, date de la mise en demeure auxquels elle a été condamnée par le jugement,outre la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière, dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil.
De ces chefs le jugement sera donc infirmé.
2- Les frais irrépétibles et les dépens.
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement de ces chefs.
Statuant à nouveau, la société Trapil sera condamnée aux dépens exposés en première instance et en appel ainsi qu'à régler à la société Soférim la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La COUR
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
CONDAMNE la société des Transports Pétroliers Par Pipeline, diteTrapil, à restituer à la société Soférim la somme de 3 361 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2020 ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière, dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil ;
CONDAMNE la société Trapil aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à régler à la société Soférim une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2025
(n° , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/15082 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ6SD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Avril 2023 - Tribunal judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 20/07773
APPELANTE
S.A.S. SOFERIM immatriculée au RCS de Paris sous le n° 351 555 834, représentée par sa présidente la société PERSEA, immatriculée au du RCS de Paris sous le numéro 440 774 909, elle-même représentée par son président domicilié en cette qualité audit siège ; agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Me Caroline HATET-SAUVAL de la SELARL CAROLINE HATET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046 substituée par Me Jean-Olivier BLUET, Avocat au barreau de PARIS, MEMBRE DE L'ASSOCIATION D'AVOCATS «BLUET ' FLAGEUL», toque : E 1312,
INTIMES
Maître [R] [L] en sa qualité de tiers dépositaire en vertu de l'acte notarié de
promesse de vente du 3 mars 2020, notaire au sein de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée dénommée GRAF NOTAIRES PARIS,, domiciliée en sa qualité de tiers dépositaire audit siège de l'office notarial
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Me Thomas RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0499
SOCIETE DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE TRAPIL, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 572 086 213, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148 assistée de Me Emmanuelle MORVAN du CABINET FRECHE & ASSOCIES A.A.R.P.I avocat au barreau de PARIS,
toque : R.211
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre,chargée du rapport et Madame Nathalie BRET, conseillère
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Nathalie BRET, conseillère
Claude CRETON, président de chambre, magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Mme Dorothée RABITA.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre et par Madame Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Le 3 mars 2020, la société des Transports Pétroliers Par Pipeline ( TRAPIL) a consenti à la Société SAS Soférim une promesse unilatérale de vente portant sur un immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] moyennant le prix de 33.615.000 euros ainsi désigné:
Un bâtiment principal en façade sur la rue, élevé sur caves, d'un rez de chaussée et de neuf étage
Il est desservi par un escalier intérieur, un escalier extérieur et deux ascenseurs. Il intègre également un monte-charge inutilisable en l'état.
Ce bâtiment comprend :
- au sous-sol : des locaux techniques et des locaux d'archives
au rez de chaussée : des bureaux, un accueil, un vestiaire, sanitaires
- et du 1er au 9ème étage : des surfaces de bureaux avec le cas échéant des salles de réunion, des locaux ( informatiques et photocopies) et des sanitaires
- à l'arrière de ce bâtiment principal séparé par la cour à usage de parking, un bâtiment secondaire, élevé sur terre-plein d'un simple rez de chaussée intialement formé de quatre garages transformés depuis en salle de réunion, locaux d'archives et ateliers.
Ilest ici précisé que lesdits garages ont été transformés en locaux d'archives, salle de réunion et atelier par le promettant, et qu'il a été édifié en suite des garages existant des locaux d'archives, local informatique, local d'entretien et salle de réunion.
Le promettant déclare qu'il n'est pas en mesure d'indiquer au bénéficiaire les dates précises de transformation de ces locaux ( peut-être au cours des années 70) ni de lui assurer qu'il ait été obtenu au préalable une autorisation administrative.
La promesse a été consentie pour une durée expirant le 27 juillet 2020.
L'indemnité d'immobilisation a été fixée à 3.361.500 euros et celle-ci a été versée par la société Soferim sous le séquestre de Maitre [R] [L], notaire.
La société Soferim, par courrier du 13 juillet 2020, a notifié à la société Trapil l'absence de levée de l'option au motif du manquement de la promettante à son obligation légale d'information pour n'avoir pas porté à la connaissance de la bénficiaire la société Soferim, l'information concernant la structure de l'immeuble dont l'importance est déterminante comme portant sur une caractéristique essentielle du bien, l'affectant dans une de ses composantes fondamentales soutenant avoir reçu postérieurement à la signature de la promesse de vente les plans de structure de l'immeuble, les avoir remis pour analyse à un bureau d'études technique et avoir appris de celui-ci l'existence d'insuffisances structurelles généralisées au niveau du sous dimensionnement des porteurs verticaux, des fondations et des planchers, ne permettant pas l'usage de l'immeuble en bureaux. Invoquant la non ralisation de la vente par le fait du promettant elle sollicitait en application de l'article 11-5 de la promesse, la restitution de l'indemnité d'immobilisation.
La société Trapil, par courrier du 10 juillet 2020 contestait la demande et notifiait au notaire son opposition à la restitution de l'indemnité d'immobilisation, observant le défaut de communication de la note du bureau d'études et ses annexes, contextualisant la demande de la société Soferim au regard de sa vaine tentative d'imposer à la promettante une réduction importante du prix et rappelant la contradiction du grief formulé avc la durée d'épreuve de l'immeuble occupé depuis plus de soixante ans à usage de bureaux.
La société Soferim a fait délivrer assignation à la société TRAPIL et à Maître [R] [L], en sa qualité de notaire membre exerçant au sein de la Selarl Graf Notaires, par exploit délivré le 3 août 2020, la restitution à son profit de l'indemnité d'immobilisation.
Le tribunal Judiciaire de Paris a ainsi statué par jugement rendu le 19 avril 2023 :
Déboute la société Soferim de ses demandes tendant à :
' Ordonner la restitution à son bénéfice des fonds séquestrés par elle,
' Condamner la société Des Transports Pétroliers Par Pipeline à lui verser les intérêts légaux sur cette somme à compter du 13 juillet 2020 avec capitalisation,
' La condamner à lui verser une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne à Maître [R] [L] de libérer les fonds séquestrés détenus par elle, soit la somme de 3.361.500 euros, entre les mains de la société Des Transports Pétroliers Par Pipeline à titre de paiement par la société Soferim de l'indemnité d'immobilisation due par elle ;
Condamne la société Soferim à verser à la société des Transports Pétroliers Par Pipeline les intérêts produits par le capital de 3.361.500 euros au taux légal à compter du 29 juillet 2020 ;
Déboute la société Des Transports Pétroliers Par Pipeline de sa demande tendant à :
' La condamner à lui verser une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Soferim à verser à [R] [L] une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Soferim aux dépens et accorde à Maîtres [I] [F] et [Y] [N] le bénéficie de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour se déterminer ainsi le jugement retient que :
- l'article 11.5b de la promesse stipule que les fonds séquestrés seront restitués au bénéficiaire en cas de non réalisation de la vente par un fait imputable au promettant
- la société Trapil n'est pas une professionnelle du bâtiment et ne peut être présumée avoir eu connaissance de l'insuffisance de la structure du bâtiment au regard des normes de résistance des immeubles à usage de bureau en vigueur au jour de la vente, la seule lecture des plans ne permettant pas à un profane de détecter que le bâtiment n'est pas en état de supporter une charge de 250 kg/m2
- par suite la non levée de l'option ne peut être imputée à un fait du promettant et la société Soférim ne peut obtenir restitution des fonds séquestrés
- à supposer que la société Tra Pil ait su le défaut du bâtiment et n'en ait pas informé Soférim cette dernière ne pourrait obtenir restitution des fonds dès lors qu'elle ne remet pas en cause son consentement et se place dans la perspective où la promesse a été conclue alors que la clause 11.5b dont elle se prévaut suppose que le défaut de levée de l'option a pour cause un fait imputable au promettant.
Une action a été engagée par la société TRAPIL devant le juge de l'exécution visant à assortir d'une astreinte l'exécution de la décision rendue le 19 avril 2023.
La SAS Soferim a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 21 avril 2023.
Par ordonnance du 8 février 2024, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire jusqu'à justification de la libération de l'indemnité séquestrée.
Le 26 février 2024, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a assorti d'une astreinte de 1.000 euros par jour l'obligation de libérer les fonds.
Le 21 mars 2024, Me [L] a procédé à la libération effective des 3.361.500 euros au profit de la société Trapil.
Après la libération intervenue, la société Soferim a sollicité et obtenu la réinscription de l'affaire au rôle.
EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions d'appelant notifiées par voie électronique le 31 juillet 2025, la société SOFERIM demande à la cour :
« Vu les articles 1103, 1104, 1112-1, 1124, 1132, 1170, 1196 alinéa 3, 1178, 1231-1, 1602 et suivants du code civil ;
Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats ;
- Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris rendu le 19 avril 2023, en ce qu'il a débouté la société SOFERIM de ses demandes tendant à :
'ordonner la restitution à son bénéfice des fonds séquestrés par elle ;
'condamner la société TRAPIL à lui verser les intérêts légaux sur cette somme, à compter du 13 juillet 2020 avec capitalisation ;
'la condamner à lui verser une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Réformer ledit jugement, en ce qu'il a :
'ordonné à maître [R] [L] de libérer les fonds séquestrés détenus par elle, soit la somme de 3.361.500 euros, entre les mains de la société TRAPIL, à titre de paiement par la société SOFERIM de l'indemnité d'immobilisation due par elle ;
'condamné la société SOFERIM à verser à la société TRAPIL les intérêts produits par le capital de 3.361.500 euros au taux légal à compter du 29 juillet 2020 ;
'condamné la société SOFERIM à verser à [R] [L] une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
Et, statuant à nouveau en fait et en droit, sur ces chefs,
- Juger que l'indemnité d'immobilisation d'un montant de 3.361.500 euros versée lors de la conclusion de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020, portant sur l'immeuble situé à [Adresse 3], doit être restituée à la société SOFERIM ;
- Ordonner la restitution à la société SOFERIM de la somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents euros) que maître [R] [L], notaire, en sa qualité de tiers dépositaire, a versée à la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) au titre de l'exécution provisoire ;
- Condamner, en conséquence, la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) à payer à la société SOFERIM la somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents euros) en restitution de l'indemnité d'immobilisation versée lors de la conclusion de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020 ;
Subsidiairement,
- Prononcer la nullité de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020 pour vice de consentement, en raison de l'erreur affectant le consentement de la société SOFERIM sur la qualité essentielle de l'immeuble faisant l'objet de ladite promesse à être un immeuble à usage de bureaux, en l'état de l'existant dans lequel il était vendu ;
- Ordonner, par l'effet de la nullité anéantissant l'acte censé n'avoir jamais existé, la restitution à la société SOFERIM de la somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents euros) ;
- Condamner, en conséquence, la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) à payer à la société SOFERIM la somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents euros) en restitution de l'indemnité d'immobilisation versée lors de la conclusion de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020 ;
Très subsidiairement,
- Juger que la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) a commis une faute, engageant sa responsabilité envers la société SOFERIM en présentant à la vente un immeuble de bureaux, sans s'assurer préalablement de l'aptitude de cet immeuble pour cet usage, en l'état de l'existant dans lequel il était vendu ;
- Condamner, en conséquence, la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) à payer à la société SOFERIM la somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents euros) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la société SOFERIM constitué par la perte de la somme de même montant versée à titre d'indemnité d'immobilisation ;
En tout état de cause,
- Condamner la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) au paiement des dommages et intérêts moratoires, ayant couru sur ladite somme de 3.361.500 euros (trois millions trois cent soixante et un mille cinq cents), depuis le 13 juillet 2020, correspondant à la mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception à cette société et ce, avec capitalisation dans les conditions de droit de l'article 1343-2 du code civil;
- Condamner la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) à rembourser à la société SOFERIM la somme de 99.594,67 euros, laquelle a été payée à la société TRAPIL en règlement de la condamnation aux intérêts prononcée par ledit jugement, la réformation de la décision de première instance emportant droit à restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire
- Condamner la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) à payer à la société SOFERIM la somme de 25.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société DES TRANSPORTS PETROLIERS PAR PIPELINE (TRAPIL) aux dépens de première instance et d'appel »
Dans ses dernières conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 26 août 2025, la société Trapil demande à la cour :
« Vu les articles 561 et 564 du Code de procédure civile,
Vu les articles 1103, 1104, 1112-1, 1131 à 1135, 1178, 1231-1 du Code civil
Vu la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020,
Sur la demande principale de la société SOFERIM
' DÉBOUTER la société SOFERIM de sa demande tendant à voir ordonner la restitution à son profit de la somme de 3.361.500 euros et, par suite, ordonner à Maître [R] [L], notaire, en sa qualité de tiers dépositaire, de libérer ladite somme entre les mains de la société SOFERIM ;
Sur la demande subsidiaire de la société SOFERIM
' À titre principal, DÉCLARER irrecevable la demande nouvelle de la société SOFERIM tendant à voir prononcer la nullité de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020 sur le fondement de l'erreur et à voir ordonner la restitution de la somme de 3.361.500 euros à la société SOFERIM ;
' À titre subsidiaire, DÉBOUTER comme mal fondée la demande de la société SOFERIM tendant à voir prononcer la nullité de la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020 sur le fondement de l'erreur et à voir ordonner la restitution de la somme de 3.361.500 euros à la société SOFERIM ;
Sur la demande très subsidiaire de la société SOFERIM
' À titre principal, DÉCLARER irrecevable la demande nouvelle de la société SOFERIM tendant à voir engager la responsabilité contractuelle de la société TRAPIL et obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 3.361.500 euros à titre de dommages-intérêts ;
' À titre subsidiaire, DÉBOUTER comme mal fondée la demande de la société SOFERIM tendant à voir engager la responsabilité contractuelle de la société TRAPIL et obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 3.361.500 euros à titre de dommages-intérêts ;
EN CONSÉQUENCE,
' CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 19 avril 2023, et notamment en ce qu'il a :
Débouté la société SOFERIM de ses demandes tendant à :
' ordonner la restitution à son bénéfice des fonds séquestrés par elle ;
' condamner la société TRAPIL à lui verser des intérêts légaux sur cette somme à compter du 13 juillet 2020 avec capitalisation ;
' la condamner à lui verser une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonné à [R] [L] de libérer les fonds séquestrés, détenus par elle, soit la somme de 3.361.500 euros, entre les mains de la société TRAPIL, à titre de paiement par la société SOFERIM de l'indemnité d'immobilisation due par elle ;
Condamné la société SOFERIM à verser à la société TRAPIL les intérêts produits par le capital de 3.361.500 euros au taux légal à compter du 29 juillet 2020 ;
Condamné la société SOFERIM aux dépens au profit de la société TRAPIL et de [R] [L]
' ORDONNER que les intérêts produits par la consignation de l'indemnité d'immobilisation à la Caisse des Dépôts et Consignations soient versés à la société TRAPIL en application de l'article 11 in fine de la promesse de vente du 3 mars 2020 ;
' DÉBOUTER la société SOFERIM de sa demande de condamnation de la société TRAPIL au paiement des dommages et intérêts moratoires, ayant couru sur ladite somme de 3.361.500 euros depuis le 13 juillet 2020 et au remboursement à la société SOFERIM de la somme de 99.594,67 euros payée à la société TRAPIL en règlement de la condamnation aux intérêts prononcée par le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 19 avril 2023 ;
' DÉBOUTER la société SOFERIM de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;
' DÉCLARER l'arrêt à intervenir commun et opposable à Maître [R] [L], notaire, en sa qualité de tiers dépositaire de l'indemnité d'immobilisation de 3.361.500 euros ;
' CONDAMNER la société SOFERIM à payer à la société TRAPIL la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
' CONDAMNER la société SOFERIM aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de Maître Véronique de la TAILLE. »
Dans ses uniques conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 20 octobre 2023, Maître [R] [L] demande à la cour :
« Vu l'article 1960 du Code civil,
Vu la promesse unilatérale de vente du 3 mars 2020,
DONNER ACTE à Maître [R] [L], notaire, qu'aucune demande de condamnation n'est formulée à son encontre et qu'elle n'est assignée qu'en sa qualité de séquestre,
DONNER ACTE à Maître [R] [L], notaire, qu'elle s'en rapporte à la décision de la Cour sur la demande de la société SOFERIM tendant à voir libérer l'indemnité séquestrée à son profit, et sous réserve de l'issue de l'instance pendante devant le Juge de l'exécution près le Tribunal judiciaire de PARIS, saisi à la requête de la société TRAPIL.
CONFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société SOFERIM au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du CPC,
CONDAMNER tout succombant à payer à Maître [R] [L] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maitre Thomas RONZEAU qui pourra les recouvrer directement en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »
La clôture de la mise en état et l'audience ont été fixées au 4 septembre 2025.
SUR QUOI,
LA COUR
1- L'indemnité d'immobilisation de 3 361 500 euros et les intérêts légaux
La société Soférim soutient que son refus d'acquérir est légitime en raison du vice affectant l'immeuble vendu à usage de bureaux découvert postérieurement à la signature de la promesse à l'occasion de la communication le 11 mars 2020, par la société Trapil, des plans de structure non versés au dossier d'information qu'elle a communiqués à un bureau d'études techniques spécialisé, Cap Structure, lequel a mis à jour une impropriété de l'immeuble à son usage compte tenu des insuffisances structurelles généralisées du fait du sous dimensionnement des porteurs verticaux, des fondations et des planchers de l'existant. C'est au vu cette analyse qu'elle indique avoir adressé à la société Trapil le 9 juillet 2020 une lettre recommandée avec accusé de réception lui notifiant son absence de levée de l'option. Elle fait grief au jugement d'avoir commis une erreur de droit en ne suivant pas la jurisprudence qui vise à examiner l'imputabilité de la non levée de l'option à l'aune du bénéficiaire mais en l'examinant à l'aune du promettant. Elle oppose à la société Trapil que le seul élément à prendre en compte est la révélation du défaut, postérieurement à la signature de la promesse, peu important qu'il soit ou non remédiable, cependant que la nécessité de réaliser des travaux de gros oeuvre en modifiant les conditions de la promesse, exposerait le bénéficiaire à des risques qu'il n'est pas tenu d'assumer outre que la valeur de l'immeuble s'en trouverait nécessairement affectée. Elle ajoute que le fait causal à l'origine duquel se trouve la non-réalisation de la vente réside dans l'absence de vérification par le promettant de la véracité technique de l'usage de bureaux et de l'omission de communiquer avant la signature de la promesse de vente les plans de structure de l'immeuble cependant qu'en sa qualité de propriétaire, le vendeur doit assumer les risques de la chose vendue par l'effet de l'article 1196 du Code civil, obligation que le jugement a dénaturé en exigeant la preuve d'un manquement du promettant à l'aune de la faute. Elle ajoute que la seule constatation chronologique de la transmission des plans des structures postérieurement à la signature de la promesse de vente suffit à caractériser la communication tardive.
La société Trapil, au soutien de la confirmation du jugement, oppose l'absence de motif légitime de renonciation à la vente soulignant que contrairement à ce que prétend l'appelante il est impossible d'inférer de la jurisprudence un principe général selon lequel tout défaut apparaissant avant la levée de l'option permettrait au bénéficiaire de renoncer à la vente sans perdre l'indemnité d'immobilisation étant observé que la société Soferim, qui aurait pu ériger l'usage du bien en tant que condition suspensive, ne l'a pas fait et n'a pas non plus précisé la nature du projet qu'elle entendait réaliser. Elle fait valoir en outre que les documents produits ne permettent pas de conclure à l'impossibilité technique de rénover l'immeuble pour un usage de bureaux, le bureau d'études Cap Structure s'étant contenté de ' quatre vieux plans sans cartouche' pour conclure à l'existence d'une insuffisance structurelle généralisée alors que l'expert honoraire Monsieur [W], consulté par la promettante, a sollicité un laboratoire spécialisé qui a démontré qu'il n'existe aucune insuffisance des porteurs verticaux et des fondations cependant que l'expert rappelle que l'immeuble a largement dépassé son délai d'épreuve puisqu'il a été occupé à usage de bureaux depuis les années 60 sans présenter d'anomalie structurelle. Elle en infère que la non réalisation de la vente ne lui est pas imputable et que la société Soferim se méprend à propos de la charge des risques de la chose vendue, qui s'entendent de la perte ou de la détérioration de la chose par suite d'un cas fortuit ou de force majeure. Elle affirme que la société Soférim a pu visiter le bien avant la signature de la promesse à de très nombreuses reprises et que la promettante n'avait pas d'obligation de lui communiquer les plans, les documents litigieux étant inconnus de la société Trapil jusqu'au mois de mars 2020, époque du déménagement programmé à laquelle ont été découverts les plans litigieux dans les cartons remisés à la cave, plans qui au demeurant n'étaient révélateurs d'aucun désordre, et n'étaient donc pas déterminants du consentement de la société Soferim ainsi qu'en a attesté l'expert Monsieur [W]. Elle souligne que la société Soferim, professionnelle de l'immobilier, ce que n'est pas Trapil, exploitante de pipelines, avait tous les moyens d'accéder à l'information dont elle estime avoir été privée ainsi qu'en témoigne les visites accompagnées des prestataires techniques qu'elle a engagés, que la promettante n'avait aucune obligation de procéder à des investigations non nécessaires au vu de l'usage effectif fait de l'immeuble et qu'en réalité il est patent que Soferim qui n'avait pas érigé en condition suspensive l'obtention d'un prêt, n'ayant pas réussi à obtenir la réduction de prix supplémentaire de 20 % qu'elle avait cherché à obtenir, a tenté ainsi de revenir sur son engagement.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions de l'article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon les dispositions de l'article L 1112-1 du Code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Il s'infère de ces dispositions une obligation de loyauté, de bonne foi et de sincérité à la charge du promettant dont le consentement à la vente est donné dès la promesse unilatérale de vente laquelle constitue un avant-contrat contenant les éléments essentiels du contrat définitif servant à l'exercice de la faculté d'option du bénéficiaire et à la date duquel s'apprécient les conditions de validité de la vente (3ème Civ. 23 juin 2021, n° 20-17.554).
Il en résulte à la charge du promettant l'obligation de communiquer à l'acheteur bénéficiaire de l'option, dès avant la signature de l'avant contrat, toutes les informations dont il dispose sur la nature, la consistance et la destination du bien vendu.
En l'espèce la société Trapil s'est engagée, aux termes de la promesse unilatérale de vente signée le 3 mars 2020, à vendre à la société Soférim des locaux d'une superficie de 8 000 m2 à usage de locaux techniques et d'archives au sous-sol, de bureaux et salles de réunion au 1er étage, de parking au rez de chaussée et quatre garages à l'arrière du bâtiment, transformés en salles de réunions, locaux techniques et archives.
Pour imputer à la venderesse la non réalisation de la vente, la société Soférim invoque la découverte d'un défaut affectant la structure de l'immeuble et compromettant son usage de bureaux justifiant, selon l'appelante, la non levée de l'option lui bénéficiant et la restitution de l'indemnité d'immobilisation du fait de la non réalisation de la vente pour un fait imputable au promettant, par application des dispositions de la clause 11-5 de la promesse de vente.
Pour étayer le défaut structurel de l'immeuble, la société Soférim se prévaut d'une analyse technique établie par la SAS Cap Structures le 6 juillet 2020 indiquant :
' La structure de l'immeuble ne permet pas un usage de bureaux.
A l'exception d'un usage en logement ou hébergement individuel ( nécessitant une surcharge d'exploitation de 150 kg/m2 il n'y a aucune affectation possible compte tenu de la nature du plancher de l'existant.
En conséquence la rénovation de l'immeuble de bureaux n'est pas techniquement réalisable en l'état de la structure.
En effet, les plans de structure donnent les principales informations suivantes
- Nature des planchers existants : d'après les planchers hauts du 1er étage, ( plan ss 02-23) et du sous-sol ( plan ss 02-18), la nature des planchers existants est constituée de poutrelles et hourdis permettant d'accepter une surcharge libre de 175 kg/m2 ( valeur mentionnée sur plans)
- Nature des fondations existantes : d'après le plan d'implantation des puits de fondations (plans ss 02-17 et ss 02-16) et la contrainte de sol prise à 9 bars, nous retrouvons l'adéquation entre les surcharges libres évoquées précédemment et la nature et le dimensionnement des fondations réalisées
- Stabilité au feu des structures : celle-ci n'est pas précisée sur les plans mais ces planchers à corps creux ne peuvent pas être stables au feu sans protection rapportée ( laquelle n'est pas mentionnée sur les plans et n'a pas été intégrée à l'existant).
Les valeurs de surcharge mentionnées ci-avant renseignent sur les affectations possibles d'exploitation d'un immeuble, dans la mesure où des valeurs minimales sont à obtenir pour permettre l'utilisation des surfaces en fonction des usages.
Comme précédemment indiqué, il y a au cas présent, à l'exception d'un usage en logement ou hébergement individuel ( nécessitant une surcharge d'exploitation de 150 kg/m2) aucune autre affectation possible compte tenu de la nature actuelle des planchers de l'existant.
La nature des planchers ainsi que des surcharges qui en découlent correspondent à un immeuble de logements et non à un immeuble de bureaux.
En conclusion, l'analyse des plans de structure de l'immeuble établit qu'il existe une impropriété structurelle de l'immeuble pour un usage de bureaux dans la mesure où l'immeuble présente des insuffisances structurelles généralisées au niveau du sous-dimensionnement des porteurs verticaux, des fondations et des planchersde l'existant.'
Pour parvenir à ces conclusions, le bureau d'études Cap Structures a analysé les plans établis par un dénommé [D] [P] les 1er, 2, 6 et 8 décembre 1966, concernant les planchers hauts du sous-sol et du 1er étage, les poteaux et murs en sous-sol, semelles sur puits et longrines de fondations, SS 02-23, 02-18, 02-16 et 02-17.
Pour répondre à l'avis technique de la société CAP Structures, et lui apporter une contradiction utile, la société Trapil a fait appel à un expert honoraire, ingénieur diplômé de l'école Centrale Paris, inscrit sur la liste nationale des experts judiciaires.
Celui-ci a rédigé une note technique le 2 mars 2021 sur la stabilité générale de l'immeuble et celle de ses différents composants et sollicité à l'appui de son analyse, une identification par le laboratoire Lerm, des armatures inférieures incorporées dans les poutrelles courantes de la travée sur rue, et dans celles de la travée sur cour, puis dans un second temps, a fait évaluer par ce même laboratoire la résistance à la traction des armatures déjà identifiées. Les deux rapports successifs du laboratoire Lerm sont annexés à la note technique.
L'expert souligne préalablement, s'agissant des planchers hauts, que sans disposer d'informations relatives à la nature des poutrelles au-delà de leur préfabrication en atelier, et sans connaître la section des armatures, il n'était pas possible d'apprécier la capacité portante admissible quand même la mention 175 kg par mètre carré figure sur le plan 02-23 .
L'expert indique qu'en dépit du fait que l'immeuble a été occupé et exploité à usage de bureaux sans désordres bien au-delà de son délai d'épreuve, les planchers ne sont pas aptes à supporter la surcharge réglementaire applicable aux immeubles à usage de bureaux, qui est de 250 kg par mètre carré. Il précise qu'il n'y a toutefois nulle contradiction entre ces résultats et la stabilité incontestablement apparente, voire l'absence de désordre apparent des planchers pendant leur exploitation cela tenant au fait que les surcharges réglementaires ne sont jamais appliquées pendant la durée d'utilisation des ouvrages sur l'intégralité des planchers concernés, ce qui leur offre une marge de sécurité qui ne peut toutefois pas être prise en compte d'un point de vue réglementaire. Il poursuit en indiquant qu'il a été évalué par le laboratoire Lerm que les poutrelles sont constituées d'un béton de bonne qualité coulé en atelier et non sur site car il a pu être classé, C 25/30 ce qui rend possible soit une solution de renforcement par application collée en sous-face de chaque poutrelle de tissus de fibre de verre, dit T. F. C, soit une solution de renforcement sur appui central, par scellements de joncs carbone, permettant dans les deux cas d'atteindre, si nécessaire, la capacité de surcharge de 250 kg par mètre carré.
Selon l'expert, hormis quelques travaux préparatoires, ces méthodes ne nécessitent aucune démolition complémentaire, la consultation d'entreprises spécialisées effectuée sur ces bases lui permettant d'évaluer le montant de ces travaux à 520 000 € hors-taxes environ.
La structure verticale du refend central a été évaluée par l'expert dans le cas d'une surcharge de bureaux à 250 kg par mètre carré en appliquant la dégressivité réglementaire des surcharges, compte tenu d'une contrainte de compression des deux poteaux centraux de 49 bars pour 170 tonnes reçues conduisant l'expert à conclure que sans devoir être renforcée de quelque manière que ce soit, la structure verticale du refend central et apte à recevoir la charge de tous les planchers de l'immeuble, incluant une surcharge de 250 kg par mètre carré.
La structure des façades sur rue et sur cour, décrite sur le plan de coffrage portant le numéro SS 02. 23 a été analysée par l'expert qui retient son aptitude à recevoir la charge de tous les planchers de l'immeuble, incluant une surcharge de 250 kg par mètre carré.
Les fondations ont également été examinées à l'aune des informations données par le plan SS 02-16 étant constituées de puits fondés sur un sol dont la contrainte admissible a été limitée à 9 bars, valeur que l'expert estime cohérente avec celle validée dans des terrains voisins selon les cartes spécialisés disponibles. Compte tenu de la charge apportée par les poteaux du sous-sol, les plus sollicités, de 170 tonnes rapportée au diamètre des puits, 160 cm, soit une surface de 2 m² occasionnant au sol, une contrainte de 8,5 bars, inférieure à 9, l'expert considère que les fondations sont aptes à recevoir les charges apportées par les murs, périphériques, les poteaux du refends et les plancher surchargés à 250 kg par mètre carré.
L'expert conclut : s'agissant des planchers de l'immeuble à usage de bureau jusqu'à ce jour, et en dépit de leur comportement satisfaisant et de l'absence de tous désordres les affectant, il apparaît, en tenant compte de leur constitution mise en évidence par le laboratoire Lerm qu'ils sont en mesure de supporter réglementairement la surcharge mentionnée sur les plans de 175 kg par mètre carré.
Il ajoute que la constitution en poutrelles de ces planchers permet d'envisager une solution de renforcement de nature à les rendre aptes à supporter une surcharge de 250 kg par mètre carré, soit par l'application collée en surface de la partie centrale de chacune des poutrelles, d'une feuille de tissu, de fibre de carbone, dit TFC, soit par le scellement de joncs carbone sur appui central, sans travaux de démolition notable dans les deux cas, le chiffrage de ces solutions ayant fait l'objet d'une consultation d'entreprises spécialisées se situant dans une enveloppe mieux disante de 520 000 € hors-taxes.
Il s'infère de ces éléments que les deux avis techniques s'accordent sur l'insuffisance structurelle des planchers de l'immeuble et leur inaptitude pour supporter la surcharge réglementaire applicable aux immeubles à usage de bureaux qui est de 250 kg/m2.
Or, le dossier de présentation établi par la société Trapil fait référence à des locaux à destination de bureaux et, pour le sous-sol, d'archives et de parkings, sur la base duquel la société Soferim a établi son offre d'achat le 18 décembre 2019 en intégrant les éléments du dossier de présentation fournis par le vendeur relatif à un immeuble à usage de bureaux, libre de toute occupation et à l'affectation de bureaux commerciaux pour la globalité de l'immeuble.
Il apparaît donc que la société Trapil a mis en vente des locaux à usage de bureaux non conformes à la présentation qui en a été faite puisque cet usage dont la société Soferim, ainsi qu'en atteste son offre d'achat, a fait une condition essentielle de la vente, ne pourra être satisfait qu'autant que des travaux de renforcement des planchers permettant d'atteindre la capacité de surcharge de 250 kg/m2 seront réalisés représentant un coût supplémentaire hors taxe pour les devis les moins élevés de 520 000 euros.
Contrairement à ce que soutient l'intimée, il importe peu que l'expert honoraire souligne l'absence de désordre affectant au jour de son analyse les planchers existants dès lors qu'il est avéré par les deux avis techniques et le diagnostic de durabilité des structures établi le 6 novembre 2020 à la demande de l'expert, que les planchers ne sont pas aptes à supporter la surcharge règlementaire applicable aux immeubles à usage de bureaux ( 250 kg/m2 au lieu de 175 kg /m2 indiquée sur les plans) et que la société Soférim n'a pas été informée, préalablement à la signature de l'avant-contrat, de l'obligation de réaliser des travaux de renforcement pour satisfaire à l'usage de bureaux, induisant un coût à sa charge de 520 000 euros hors taxe.
En sa qualité de venderesse, la société Trapil n'a donc pas satisfait à son obligation d'information relative à l'affectation et la destination des locaux qu'elle a présentés et mis en vente en les désignant comme des locaux à usage de bureaux, alors que les éléments qu'elle avait en sa possession, dont les plans décrivant la structure et la portance des planchers, indiquent des valeurs contraires à cet usage, information qui n'a été portée à la connaissance du bénéficiaire de l'option que postérieurement à la signature de la promesse de vente, dans le délai d'exercice de son option.
La société Société Soférim est donc fondée à exciper du fait fautif imputable à la promettante qui a manqué à son obligation d'information relativement à la désignation du bien vendu pour solliciter la condamnation de la société Trapil à lui restituer la somme de 3 361 500 euros correspondant à l'indemnité d'immobilisation prévue à la promesse unilatérale de vente par application de la clause article 11.5 b, (i) page 14 de la promesse unilatérale de vente.
La somme consignée étant productive d'intérêts reversés à la Caisse des Dépôts et Consignations à terme échu, en application du dernier alinéa de l'article 11-5, la société Soférim est également fondée en sa demande de condamantion de la société Trapil à lui restituer les intérêts légaux dus sur le montant de la somme consignée de 3 361 500 euros à compter non pas du 29 juillet 2020 mais du 13 juillet 2020, date de la mise en demeure auxquels elle a été condamnée par le jugement,outre la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière, dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil.
De ces chefs le jugement sera donc infirmé.
2- Les frais irrépétibles et les dépens.
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement de ces chefs.
Statuant à nouveau, la société Trapil sera condamnée aux dépens exposés en première instance et en appel ainsi qu'à régler à la société Soférim la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La COUR
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
CONDAMNE la société des Transports Pétroliers Par Pipeline, diteTrapil, à restituer à la société Soférim la somme de 3 361 500 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2020 ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière, dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil ;
CONDAMNE la société Trapil aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à régler à la société Soférim une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,