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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 12 novembre 2025, n° 25/01309

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 25/01309

12 novembre 2025

5ème Chambre

ARRÊT N°-246

N° RG 25/01309 - N° Portalis DBVL-V-B7J-VXC3

(Réf 1ère instance : 2023J00165)

S.A.S.U. SERVICES EQUIPEMENTS ENVIRONNEMENT GALLAS (SEE GAL LAS)

C/

S.A.S. LOXAM SAS

Société AIG EUROPE S.A.

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

Assesseur : Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,

Assesseur : Monsieur Sébastien FOURNIER, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Octobre 2025

devant Madame Virginie HAUET et Monsieur FOURNIER, magistrats rapporteurs, tenant seuls l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S.U. SERVICES EQUIPEMENTS ENVIRONNEMENT GALLAS (SEE GAL LAS) agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-david CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Pierre-Emmanuel MEMIN, Plaidant, avocat au barreau du MANS

INTIMÉES :

LOXAM SAS Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés

en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Nathalie ROINE de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Société AIG EUROPE S.A.

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Nathalie ROINE de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Par acte sous seing en date du 26 février 2018, la SASU Services équipements environnement Gallas (ci-après dénommée société SEE Gallas) a loué auprès de la société Loxam un chariot élévateur pour une location du 19 au 30 mars 2018.

Un accident survenu le 19 mars 2018 au cours duquel [R] [W], salarié de la société SEE Gallas a été blessé alors qu'il effectuait une maintenance avec le chariot. [R] [W] est décédé le [Date décès 1] 2018 des suites de ses blessures.

La société SEE Gallas a pris attache avec la société Loxam aux fins d'obtenir la garantie de l'assurance dommage aux tiers souscrite, prévue au contrat de location. Elle n'a pas obtenu de réponse.

Le tribunal correctionnel de Lorient a condamné la société SEE Gallas :

- par jugement en date du 8 novembre 2021, des chefs de mise à disposition de travailleur d'équipement de travail ne permettant pas de préserver sa sécurité et d'homicide involontaire,

- par jugement du 21 février 2022, statuant sur les intérêts civils, à verser aux ayants droit de [R] [W] différentes sommes.

Par courrier recommandé valant mise en demeure, daté du 7 février 2023, la société SEE Gallas s'est rapprochée de la société Verlingue, ès-qualités d'assureur de la société Loxam aux fins de confirmer sa garantie.

Par un second courrier recommandé valant mise en demeure, daté du 2 mars 2023, la société SEE Gallas a relancé la société Verlingue et la société Loxam.

A défaut de réponse, par exploit d'huissier de justice en date du 16 mars 2023, la société SEE Gallas a fait assigner les sociétés Verlingue et Loxam devant le tribunal de commerce de Lorient.

Par jugement en date du 30 septembre 2024, le tribunal de commerce de Lorient a :

- accepté l'intervention volontaire à l'instance de la société AIG Europe,

- mis hors de cause la société Verlingue,

- débouté la société SEE Gallas de sa demande d'indemnisation d'un montant de 79 854,64 euros au titre de la garantie d'assurance,

- condamné la société SEE Gallas à payer la société Loxam et la société AIG Europe la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société SEE Gallas de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société SEE Gallas aux entiers dépens de l'instance, dont frais de greffe liquidés à la somme de 119,11 euros toute taxe comprise, avec distraction au profit de M. [H] [E], avocat,

- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, et a débouté les parties de celles-ci.

Le 4 mars 2025, la société SEE Gallas a interjeté appel de cette décision.

Par actes d'huissier des 18 et 19 mars 2025, après autorisation donnée par le président de la chambre par ordonnance du 12 mars 2025, la société SEE Gallas a assigné à jour fixe devant la cour d'appel de Rennes les sociétés Loxam et la société AIG Europe, à l'audience du 1er octobre 2025.

Par dernières conclusions notifiées le 30 septembre 2025, la société SEE Gallas demande à la cour d'appel de Rennes de :

- infirmer le jugement rendu le 30 septembre 2024 par le tribunal de commerce de Lorient en ce qu'il :

* l'a déboutée de sa demande d'indemnisation d'un montant de 79 854,64 euros au titre de la garantie d'assurance,

* l'a condamnée à payer à la société Loxam et à la compagnie AIG Europe la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés à la somme de 119,11 euros toute taxe comprise avec distraction au profit de M. [H] [E], avocat,

* dit toutes autres de ses demandes, fins et conclusions injustifiée et en tout état de cause mal fondée, l'en a déboutée,

- déclarer les sociétés Loxam et AIG Europe autant irrecevables que mal fondées en leurs contestations,

- la déclarer recevable et fondée en son appel,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement intervenu en ce qu'elle a été déboutée de ses demandes et condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Et statuant de nouveau

- condamner la société AIG Europe au paiement à son profit des sommes suivantes :

* au titre des condamnations versées au consorts [W] : 79 854,64 euros outre intérêts au taux légal courant à compter de la délivrance de l'assignation et jusqu'à parfait paiement, avec anatocisme,

- au titre des sommes dues à la caisse primaire d'assurance maladie : 916 954,74 euros outre intérêts au taux légal courant à compter des présentes écritures et jusqu'à parfait paiement,

A titre infiniment subsidiaire :

- condamner la société Loxam au paiement à son profit des sommes suivantes :

* au titre des condamnations versées aux consorts [W] : 79 854,64 euros outre intérêts au taux légal courant à compter de la délivrance de l'assignation et jusqu'à parfait paiement, avec anatocisme,

* au titre des sommes dues à la caisse primaire d'assurance maladie : 916 954,74 euros outre intérêts au taux légal courant à compter des présentes écritures jusqu'à parfait paiement,

En toute hypothèse,

- condamner la partie succombante au paiement au profit de la société Services équipements environnement Gallas d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 26 septembre 2025, les sociétés Loxam et AIG Europe demandent à la cour de:

À titre liminaire,

- juger irrecevable la demande de la société SEE Gallas tendant à les voir condamner à lui régler la somme de 915 954,74 euros au titre des sommes versées à la CPAM,

- juger irrecevable la demande de la société SEE Gallas tendant à voir engager la responsabilité de la société Loxam du fait d'un prétendu manquement à une obligation précontractuelle d'information,

À titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société SEE Gallas de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

- condamner la société SEE Gallas à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance d'appel, dont distraction au profit de Me Christophe Lhermitte en application de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur la garantie de l'assureur AIG Europe au titre des condamnations versées au consorts [W] (79 854,64 euros)

La société SEE Gallas rappelle qu'un contrat d'assurance de dommages a été souscrit par la société Loxam, car les conditions générales et particulières de location qui lui ont été remises prévoient à l'article 11 une garantie dommages aux tiers.

Elle dit avoir qualité de tiers à ce contrat d'assurance.

Elle indique que la société Loxam ne lui a pas remis la copie de ces conditions générales et particulières de la police d'assurance, que pour sa part, elle n'a pas à apporter la preuve du contenu de ces garanties et des limites de celle-ci mais uniquement à établir son existence, note que la société AIG Europe ne conteste pas sa qualité d'assureur du véhicule donné à bail à l'origine de l'accident, et estime que cet assureur doit sa garantie. Elle ajoute que la jurisprudence retient qu'il appartient à l'assureur dont l'obligation est recherchée par des tiers au contrat de produire la police dont il admet l'existence, et qu'en l'absence de production de la police ne comprenant ni paraphe ni signature de la société Loxam, l'assureur est irrecevable à se prévaloir d'exclusion de garantie, de clause restrictive de garantie ou de limitation de garantie.

S'il était considéré que les éléments versés aux débats suffisent à déterminer et prouver les stipulations contractuelles, elle critique le jugement qui a retenu que les consorts [W] ne pouvaient avoir plus de droit que le défunt, alors que les indemnités allouées aux consorts [W], mises à sa charge ne portent que sur leurs préjudices personnels et n'ont pas été accordées en leur qualité d'ayants droit du défunt.

Elle rappelle que les garanties versées aux débats comprennent une garantie dommages corporels pour autrui.

Si elle reconnaît qu'au sens du contrat, [R] [W] avait la qualité d'assuré en tant que gardien du véhicule, elle soutient que les proches n'ont pas la qualité d'assuré, car le contrat d'assurance définit le tiers comme 'toute personne physique ou morale à l'exclusion de l'assuré'.

Elle demande en cas de doute sur l'interprétation du contrat de faire application des dispositions de l'article 1190 du code civil et donc de lui donner une interprétation dans un sens défavorable à l'assureur.

Les intimées objectent qu'en application de l'article 1353 alinéa 1er du code civil, il appartient à l'assuré et a fortiori toute personne subrogée dans ses droits, de rapporter la preuve que les conditions de la garantie qu'il invoque sont satisfaites.

Elles notent qu'en l'espèce, la garantie souscrite, rappelée à l'article 11 des conditions générales de location, couvre les dommages causés aux tiers par le matériel loué dès lors qu'il est impliqué dans l'accident.

Elles rappellent les dispositions de l'article L 211-1 du code des assurances et R 211-8 de ce même code et la jurisprudence selon laquelle l'assureur d'un véhicule dès lors qu'aucune garantie du conducteur n'a été souscrite n'est pas tenu de réparer le préjudice du conducteur en cas de survie, ni celui des ayants droit en cas de décès de celui-ci.

En l'espèce, elles soutiennent que la garantie souscrite qui couvre les dommages causés aux tiers ne permet pas d'indemniser [R] [W], conducteur du véhicule et donc assuré au sens du contrat, et qu'ainsi la garantie responsabilité civile invoquée n'a pas vocation à couvrir cet accident, M. [W] n'étant pas au terme de cette police couvert pour son propre préjudice mais l'étant uniquement pour celui causé aux tiers.

Elles contestent la qualité de tiers des ayants droit, puisqu'ils n'ont pas été directement victimes de l'accident. Selon elles, ces derniers n'ont donc pas plus de droits que le défunt.

Il en est de même de la société SEE Gallas, qui est subrogée dans les droits des ayants droit.

Elles soulignent l'incohérence de la position de la société SEE Gallas qui estime que les éléments du contrat qu'elles produisent lui sont inopposables et sollicite en même temps leur application.

Elles rappellent qu'en tout état de cause, les conditions générales précisent clairement à l'article 3.2.2 que ne sont pas couverts les dommages subis par le conducteur et demandent de confirmer le rejet de cette demande.

La société SEE Gallas a loué le 26 février 2018 auprès de la société Loxam un véhicule. Elle demande l'application de la 'garantie responsabilité des dommages subis aux tiers de la personne ayant la garde du véhicule', souscrite par le loueur, la société Loxam, auprès de la société AIG Europe.

Il n'est pas contesté qu'une telle garantie d'assurance a été souscrite par la société Loxam, comme d'ailleurs rappelé par l'article 11 des conditions de location, qui stipule :

'11-1 Véhicule terrestre à moteur :

Obligations du loueur :

Lorsque le matériel loué est un VTAM au sens de la directive européenne n° 72/166/CEE du 24 avril 1972 et de l'article L 110-1 du code de la route, le loueur doit obligatoirement souscrire un contrat d'assurance automobile conforme aux articles L 211-1 et suivants du code des assurances. Ce contrat couvre les dommages causés aux tiers par le matériel loué dès lors qu'il est impliqué dans un accident de la circulation.

Le loueur doit remettre à la 1ère demande du locataire, une photocopie de son attestation d'assurance en vigueur.

...'

Cette garantie est souscrite conformément aux dispositions de l'article

L 211-1 du code des assurances s'agissant d'une garantie obligatoire.

Les dispositions des articles R 211-2 et suivants définissent l'étendue de cette obligation d'assurance.

L'article R 211-8 du code des assurances notamment précise que :

Par dérogation aux dispositions qui précèdent, l'obligation d'assurance ne s'applique pas à la réparation :

1° Des dommages subis:

a) Par la personne conduisant le véhicule;

...

Les conditions particulières 'Flotte automobile Loxam n° 0003001259' du 13 juin 2017 et les conditions générales 'Flotte automobile 2016' applicables à la date du contrat du contrat d'assurance souscrit par la société Loxam auprès de la société AIG Europe, sont versées aux débats.

La société SEE Gallas, non souscripteur dudit contrat, n'est pas fondée, à opposer une inopposabilité de ces conditions générales et des conditions particulières, au motif d'une absence de paraphe ou de signature par la société Loxam de celles-ci, cette dernière ne contestant pas en tout état de cause que ces documents sont bien les documents contractuels qu'elle a acceptés.

Le tribunal de commerce fait donc application à raison des conditions générales et des conditions particulières de la garantie dont la société SEE Gallas entend se prévaloir.

Il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.

La société SEE Gallas doit donc démontrer que la police d'assurance litigieuse souscrite auprès de la société AIG Europe couvre les dommages qu'elle réclame.

Les règles de l'interprétation des contrats sont posées aux articles 1188 et suivants du code civil. S'il est exact qu'un contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé conformément à l'article 1190 du code civil, il doit être rappelé que la loi prévoit aussi que l'on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation (article 1192 du code civil) et que toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'ensemble (article 1189 du code civil).

Les conditions particulières portent notamment sur les garanties suivantes s'agissant des garanties pour l'ensemble des véhicules du parc : responsabilité civile, responsabilité civile fonctionnement (sauf pour les véhicules de 3ème catégorie), défense et recours, et dommages corporels du conducteur (sauf pour les locataires).

Les conditions générales stipulent à l'article 3.2 'RESPONSABILITÉ CIVILE- DOMMAGES CAUSÉS À AUTRUI'

'responsabilité civile automobile :

Les limites de cette garantie sont reprises dans les conditions particulières.

L'assureur garantit l'assuré contre les conséquences de la responsabilité que celui-ci peut encourir en raison des dommages corporels et matériels causés à autrui, au cours ou à l'occasion de la circulation ou du stationnement du véhicule assuré et résultant :

1. D'accident, incendie ou explosion, causé par ce véhicule assuré ou par un appareil terrestre qui lui est attelé.., par les accessoires du véhicule...

2. de la chute des accessoires du véhicule.

Elles prévoient en outre à l'article 3.2.2 ' Exclusions ' que sont exclus les dommages subis par le conducteur'

Les parties ne contestent pas que conformément à la définition prévue au contrat, [R] [W], conducteur du chariot élévateur qui a basculé lors de l'accident du 19 mars 2018, dont il a été victime, ses blessures emportant son décès, avait la qualité d'assuré et non de tiers.

La garantie dommages causés à autrui ne lui est donc pas applicable.

Le jugement du tribunal correctionnel du 21 février 2022 a condamné la société SEE Gallas à indemniser les consorts [W] au titre des préjudices d'affection et préjudices d'accompagnement, pertes de revenus, frais divers.

Ces diverses indemnités leur sont allouées en qualité de victimes indirectes, pour réparer leurs dommages consécutivement aux blessures et au décès de [R] [W].

Le contrat d'assurance définit le tiers comme étant 'toute personne physique ou morale à l'exclusion de l'assuré lui-même'. Il n'est pas discuté que cette définition est à rapprocher du terme 'autrui', dans l'expression 'dommages causés à autrui', mentionnée dans le contrat.

Les dommages causés à autrui implique, s'agissant d'une garantie mobilisable en cas d'accident, que les tiers soient victimes directes de dommages causés par un tel accident.

Il ne peut être considéré que les victimes indirectes de l'accident en ce qu'elles ont souffert du préjudice subi par la victime directe, ont la qualité de tiers au sens du contrat, n'étant pas directement victimes de l'accident.

Le tribunal de commerce retient donc à raison que les victimes indirectes n'ont pas plus de droits que M. [W], qui est conducteur du véhicule et assuré au titre de la garantie dommages à autrui.

La société SEE Gallas indique avoir indemnisé les consorts [W], elle agit donc par subrogation dans les droits de ces derniers. La cour approuve le tribunal en ce qu'il juge mal fondée la demande de prise en charge des sommes ainsi versées au titre de la garantie souscrite et donc la demande de condamnation formée contre la société Loxam et son assureur la société AIG Europe.

- sur la garantie de l'assureur AIG Europe au titre des sommes réclamées par la CPAM (916 954,74 euros)

La société SEE Gallas conteste l'irrecevabilité de cette demande, qui lui est opposée par les intimées, rappelant que l'article 565 du code de procédure civile prévoit que ne sont pas nouvelles les demandes qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.

Elle indique que son action ne porte pas sur le recours de la CPAM mais sur le sien, estime que cette demande tend aux mêmes fins que celles débattues en première instance sauf à faire évoluer le quantum des sommes réclamées.

Elle affirme qu'elle justifie bien d'un intérêt à agir en paiement de ces sommes, une victime étant recevable à solliciter l'indemnisation d'un dommage avant même l'engagement effectif de quelconques sommes.

Elle considère démontrer l'existence d'un dommage direct, personnel et actuel.

Elle souligne enfin que l'exclusion qui lui est opposée doit être écartée, l'assureur qui ne reconnaît pas la qualité d'assurée à la société SEE Gallas, se contredisant au détriment d'autrui.

Les intimées demandent à la cour de dire irrecevable la demande en paiement d'une somme de 916 954,74 euros au titre des sommes dues à la CPAM, au motif :

- qu'il s'agit d'une demande nouvelle, non présentée en première instance et ce, en application des articles 564 et 565 du code de procédure civile,

L 376-1 et L 454-1 du code de la sécurité sociale, une demande de remboursement d'une créance de la CPAM ne tendant pas aux mêmes fins que la demande de remboursement des indemnités versées à la victime, le recours de la caisse en remboursement de sa créance étant considéré par la jurisprudence de manière constante comme étant autonome et distinct de l'action de la victime,

- que la société SEE Gallas ne justifie d'aucun intérêt à agir à ce titre, au sens de l'article 122 du code de procédure civile, puisqu'elle ne démontre nullement avoir réglé la créance de la CPAM, mais seulement avoir été destinataire d'une demande de remboursement des sommes versées aux consorts [W] en leur qualité d'ayants droit de M [R] [W].

Elles concluent en tout état de cause au rejet de cette demande, aucune garantie n'étant due par la société AIG Europe.

Elles notent que la créance produite par la société SEE Gallas ressort d'une procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur engagée par la veuve de [R] [W] et que c'est dans ce cadre que la CPAM a réclamé les prestations servies à son assurée sociale.

Elles notent que la SEE Gallas se prévaut d'une garantie responsabilité civile aux tiers, alors que la responsabilité de l'employeur au titre de la faute inexcusable est garantie par un contrat qui n'est pas celui souscrit par la société Loxam auprès de la société AIG Europe, qu'en outre l' article 3.2.2 des conditions de la police invoquée, prévoit que sont exclus les risques tenant à la faute inexcusable de l'assuré ou de celui qui s'est substitué dans la direction de l'entreprise.

Elles affirment ainsi que la société AIG Europe ne garantit pas les conséquences pécuniaires de la faute inexcusable de l'employeur.

L'article 564 du code de procédure civile dispose :

À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code prévoit :

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

L'article 566 du code de procédure civile dispose :

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

L'article 122 du code de procédure civile dispose :

Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 31 du code de procédure civile énonce :

L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Il est acquis que la société SEE Gallas n'a formé en première instance aucune demande de garantie pour la somme de 916 954,74 euros au titre de sommes réclamées par la CPAM.

Par courrier du 26 juillet 2021, la société SEE Gallas sollicitait la société Loxam d'ouvrir un dossier de sinistre suite à la mise en cause de l'employeur pour faute inexcusable dans le cadre de la garantie responsabilité civile (articles 11-1 des conditions générales).

Elle verse aux débats un courrier de la CPAM de la Sarthe du 19 décembre 2024, lui réclamant, au regard d'un jugement du tribunal judiciaire du 11 septembre 2024 consacrant la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance du sinistre, une somme de 916 954,74 euros au titre des prestations servies à Mme veuve [W], au titre d'un capital représentatif de la rente et au titre de préjudice d'affection.

Ces éléments sont postérieurs au jugement et la société appelante entend augmenter la demande de garantie qu'elle présente à l'assureur. Il ne s'agit pas d'une demande nouvelle, en application des dispositions des articles 564 et 566 du code de procédure civile précitées.

La société SEE Gallas au soutien de cette demande, se prévaut toujours de l'application à son profit de la garantie d'assurance mentionnée à l'article 11-1 des conditions générales du contrat de location qu'elle a conclu. Elle justifie d'un intérêt à agir.

La cour rejette les moyens d'irrecevabilité de cette demande.

La CPAM, organisme social a servi à la veuve de la victime directe diverses indemnités dans le cadre d'une procédure en faute inexcusable mise en oeuvre par celle-ci à son encontre. Elle en demande paiement à la société SEE Gallas, en sa qualité d'employeur fautif.

Si les intimées opposent vainement l'exception de garantie liée à la faute inexcusable de l'assuré ou de celui qui s'est substitué dans la direction de l'entreprise, prévue à l'article 3.2.2 des conditions générales de la police d'assurance souscrite par la société Loxam pour ces contrats de location de véhicules, cette exclusion ne pouvant viser la faute inexcusable de la société SEE Gallas, non assurée, pour autant la société appelante ne justifie pas à quel titre la société AIG Europe devrait prendre en charge les sommes servies par la CPAM à Mme veuve [W].

Il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie. La garantie de la société AIG Europe, accordée à la société SEE Gallas dans le cadre du contrat de location du chariot élévateur, est une garantie portant sur les dommages causés à autrui. Les développements précédents démontrent que la société SEE Gallas ne rapporte pas la preuve requise.

La cour rejette cette demande mal fondée.

- sur la demande subsidiaire au titre de la responsabilité de la société Loxam

La société SEE Gallas, répondant au moyen tiré de l'irrecevabilité de sa demande qui lui est opposé par les intimées, rappelle qu'elle avait déjà engagé la responsabilité de la société Loxam en première instance, au visa de l'article 1103 et suivants du code civil de sorte que sa demande présentée en appel n'est pas irrecevable.

Invoquant l'article 1104 du code civil, elle souligne que le cocontractant est tenu à une obligation d'information, consacrée par l'article 1112-1 du code civil, qu'en l'espèce la société Loxam savait dès avant le sinistre que le contrat d'assurance ne pourrait être mis en oeuvre, et que pour autant elle ne l'a pas informée préalablement à la signature du contrat de location de cette difficulté assurantielle.

Compte tenu de la dangerosité du matériel donné en location, elle considère que si elle avait été informée de cette difficulté, elle n'aurait pas pris un tel risque financier pour ses préposés. Elle observe que le coût de la garantie dommages facturé est de 138,90 euros.

Elle estime ainsi que la société Loxam lui a caché des informations particulièrement importantes et engage incontestablement sa responsabilité pour avoir manqué à ses obligations précontractuelles d'information à son égard. Elle sollicite ainsi sa condamnation au paiement des sommes de

79 854,64 euros et de 916,954,74 euros outre intérêts.

La société Loxam et la société AIG Europe estiment l'appelante irrecevable en sa demande au titre d'une prétendue responsabilité de la société Loxam, invoquée sur le fondement de l'article 1112-1 du code civil.

Selon elles, cette demande est une demande nouvelle en appel, puisqu'en première instance était demandée l'application de la garantie souscrite par la Loxam auprès de la société AIG Europe, alors que désormais, il est reproché une faute à la société Loxam en son nom personnel engageant sa responsabilité au titre d'un manquement à une obligation précontractuelle d'information, en ce que la société Loxam ne lui aurait pas transmis les éléments des garanties d'assurances souscrites au moment de la signature du contrat de location du chariot litigieux, ne permettant pas à la société SEE Gallas d'être informée de l'absence de garantie conducteur.

Subsidiairement, elles demandent à la cour de rejeter une telle demande, dans la mesure où il n'est nullement expliqué à supposer établi un prétendu manquement de la société Loxam à une obligation d'information précontractuelle, comment cela pourrait entraîner d'office l'application du contrat d'assurance.

Elles soutiennent que la société Loxam n'était pas tenue à l'égard de la société SEE Gallas d'une obligation de conseil sur le contenu des garanties qu'elle avait souscrites et qu'il appartenait au contraire à la société SEE Gallas de s'assurer qu'elle avait souscrit pour elle-même et ses salariés des garanties suffisantes pour se prémunir des risques inhérents à l'exercice de son activité professionnelle.

Elles ajoutent qu'il n'est pas davantage démontré que l'information relative aux garanties assurantielles aurait été déterminante de son consentement lors de la location du chariot élévateur, rappelant que la société SEE Gallas est en principe assurée au titre de sa responsabilité civile.

La cour n'a connaissance des demandes formées par la société SEE Gallas en première instance que par le jugement, les parties ne communiquant ni l'assignation du 16 mars 2023, ni les éventuelles conclusions postérieures.

Il est ainsi relevé qu'en première instance, les prétentions de la société SEE Gallas portaient sur la mise en oeuvre du contrat de garantie souscrit par la société Loxam auprès de la société AIG Europe.

La société SEE Gallas entendait ainsi demander paiement de la somme de 79 854,64 euros à titre d'indemnité résultant du contrat d'assurance visé dans le contrat de location conclu entre les parties et elle a dirigé ses demandes contre la société Loxam, la société Verlingue la société AIG Europe in solidum ou d'une à défaut de l'autre.

En appel, elle ne dirige cette demande de condamnation que contre la société AIG Europe.

Il ressort clairement des termes du jugement que sa demande formée en première instance ne portait donc que sur la garantie d'assurance qu'elle estimait lui être due. Il ne saurait être considéré que le seul visa des articles 1103 et suivants du code civil, rappelés par le tribunal, de fait applicables, en ce qu'il était demandé l'application d'une garantie d'assurance prévue au contrat de location, emportaient également demande de mise en jeu d'une responsabilité précontractuelle de la société Loxam.

La demande dirigée contre la seule société Loxam, fondée sur une responsabilité précontractuelle considérée comme fautive du loueur, qui ne peut s'analyser que comme une demande indemnitaire ne tend pas au mêmes fins que la demande tendant à obtenir la mise en oeuvre des garanties d'assurance et présente donc un caractère nouveau devant la cour.

En application de l'article 564 susvisé, la cour juge irrecevable la demande subsidiaire formée par la société SEE Gallas tendant à condamner la société Loxam, sur le fondement d'un manquement à son obligation précontractuelle d'information.

- sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La société SEE Gallas qui succombe est condamnée aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Elle est déboutée de ses demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à verser une somme de 2 500 euros aux parties intimées.

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande formulée par la SASU Services équipements environnement Gallas en paiement d'une somme de 916 954,74 euros outre intérêts contre la société AIG Europe ;

L'en déboute ;

Déclare irrecevable la demande présentée par la SASU Services équipements environnement Gallas tendant à condamner la société Loxam au paiement des sommes de 79 854,64 euros et 916 954,74 euros outre intérêts, au titre de sa responsabilité précontractuelle ;

Condamne la SASU Services équipements environnement Gallas à payer aux sociétés Loxam et AIG Europe la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SASU Services équipements environnement Gallas aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

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