Cass. com., 18 mars 2014, n° 13-11.925
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Espel
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Mutuelle du Mans assurances IARD et Mutuelles du Mans assurances mutuelles que sur le pourvoi incident éventuel relevé par M. et Mme X... :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 15 octobre 1970 reçu par M. Y..., notaire (le notaire), M. et Mme X... (les cautions) se sont rendus caution solidaire du prêt consenti par la Sofal (le prêteur) à la société Maine publicité sérigraphie (le débiteur principal) ; qu'en 1974, des biens grevés d'une hypothèque inscrite par le prêteur en garantie de ce prêt ont été vendus suivant acte reçu par le notaire sans que ce dernier procède à la levée de l'inscription hypothécaire ; que le débiteur principal ayant été mis en liquidation de biens, le prêteur a déclaré sa créance qui a été admise le 30 novembre 1977 ; qu'en exécution d'un protocole conclu le 27 octobre 1978, l'assureur du notaire, la société Mutuelle du Mans mutuelle générale française accidents, aux droits de laquelle vient la société Mutuelle du Mans IARD (l'assureur), a réglé au prêteur la créance résultant du prêt en contrepartie de la mainlevée, par ce dernier, de l'inscription hypothécaire ; qu'à la suite de la clôture pour insuffisance d'actif prononcée le 10 octobre 2007, l'assureur a, le 20 suivant, assigné en paiement les cautions ; que ces dernières ont contesté la subrogation de l'assureur aux droits du prêteur et soulevé la prescription de l'action ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident éventuel, qui est préalable :
Attendu que les cautions font grief à l'arrêt d'avoir dit l'assureur subrogé dans les droits et actions du prêteur, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d'appel, l'assureur se prévalait non pas de la subrogation légale telle que prévue à l'article 1251-3° du code civil, mais de la subrogation conventionnelle telle que prévue à l'article 1250 du code civil ; qu'en modifiant le fondement de l'action exercée par l'assureur, les juges du fond ont méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que dès lors que l'assureur se prévalait de la subrogation conventionnelle, les juges du fond ne pouvaient se placer sur le terrain de la subrogation légale sans en provoquer à tout le moins les observations des parties ; que faute de se faire, ils ont violé le principe du contradictoire et l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'assureur a fait valoir dans ses conclusions qu'il était subrogé de plein droit dans les droits du prêteur par application de l'article 1251-3° du code civil ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen :
Attendu que les cautions font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que s'il est vrai que l'assureur du professionnel dont la responsabilité est engagée, telle que l'assureur d'un notaire, peut invoquer la subrogation légale, telle que prévue à l'article 1251-3° du code civil, dès lors que, dans le cadre de la réparation due au créancier, il acquitte la dette due à ce dernier, toutefois, cette solution suppose que l'on puisse considérer que l'assureur est tenu à paiement au sens de l'article 1251-3° du code civil ; que cette condition implique à son tour que la responsabilité du professionnel, tel que le notaire, soit préalablement constatée et notamment que le préjudice en lien avec la faute du professionnel et notamment du notaire, si elle est établie, soit lui-même caractérisé ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur les conditions de la responsabilité du notaire, non seulement au regard de la faute mais également au regard du préjudice en rapport avec la faute quand ce point commandait le droit à subrogation légale, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1251-3° du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'aux termes du protocole d'accord litigieux, l'assureur s'est engagé à payer la créance du prêteur sous condition que ce dernier lève l'inscription hypothécaire consentie et que le syndic de la liquidation des biens du débiteur principal accepte qu'il déclare sa créance en lieu et place du prêteur ; que par ce seul motif dont il résulte que le notaire était tenu d'une dette de réparation à l'égard du prêteur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le pourvoi principal :
Vu l'article 2244 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 et l'article 40 de la loi du 13 juillet 1967 ;
Attendu que pour déclarer prescrite la demande de l'assureur, l'arrêt retient que si la production au passif a interrompu la prescription décennale de la créance du prêteur en application de l'ancien article 189 bis du code de commerce devenu L. 110-4 du même code, la décision d'admission définitive de cette créance, s'analysant en une décision de justice ayant autorité de chose jugée, il s'est opéré, de plein droit, à cette date, une substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale originaire sur laquelle la procédure collective du débiteur principal n'a pas eu d'effet suspensif ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que la production de la créance au passif de la liquidation des biens du débiteur principal a interrompu la prescription et que cet effet interruptif s'est prolongé jusqu'à la clôture de la procédure collective, nonobstant l'interversion de prescription opérée par l'effet de la décision d'admission de cette créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi incident éventuel ;
Et sur le pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de la société Mutuelle du Mans IARD, l'arrêt rendu le 13 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille quatorze.