Cass. com., 12 novembre 2020, n° 19-13.008
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
RÉMERY
Rapporteur :
Guerlot
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 15 novembre 2018), la société Le Crédit Lyonnais (la banque) a consenti à la société EAMD (la société) trois prêts, respectivement le 24 avril 2007, le 20 juillet 2007et le 9 février 2009. En garantie du remboursement de chacun de ces emprunts, Mme C... s'est rendue caution, à concurrence d'une certaine somme.
2. Après la mise en redressement judiciaire de la société, la banque a, le 21 décembre 2016, assigné en paiement la caution, qui, pour s'y opposer à cette demande, a contesté être l'auteur de certaines mentions portées sur les fiches de renseignements confidentielles et a sollicité une vérification d'écriture.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Mme C... fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à prétendre exercer un droit de retrait litigieux, de rejeter ses demandes subsidiaires en faux et à fin d'expertise, de la condamner à payer à la banque certaines sommes, de constater que la société Intrum venait aux droits de la banque et de dire qu'en application de cette cession de créance, les condamnations prononcées par le tribunal au profit de la banque seraient prononcées au profit de la société Intrum Debt Finance AG, venant à ses lieu et place, alors « que la cession de la créance principale, comprenant aussi, par application de l'article 1321 du code civil, ses accessoires, emporte la cession de la créance sur la caution et que, celle-ci ayant contesté le droit invoqué contre elle, qui est ainsi devenu litigieux, elle peut exercer le droit au retrait ; que, pour déclarer Mme C... irrecevable à prétendre exercer un droit de retrait litigieux, la cour d'appel énonce que les droits cédés par la société Le Crédit lyonnais à la société Intrum Debt Finance AG n'étaient pas litigieux, dès lors que le procès qui était en cours entre la société Le Crédit lyonnais et Mme C... à la date de la cession de créance, le 6 juillet 2017, ne concernait que les obligations de la caution et non la créance elle-même, qui avait fait l'objet d'une admission définitive au passif du débiteur principal, de sorte que les contestations de la caution ne portaient pas sur le principe et l'étendue du droit invoqué par la banque, mais uniquement sur son propre engagement de caution, qui n'est que l'accessoire de la créance cédée et ne rend pas celle-ci litigieuse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1699 et 1700 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1692 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 1700 du même code :
4. Il résulte du premier de ces textes que la vente ou la cession d'une créance comprend les accessoires de celle-ci, tels que caution, privilège et hypothèque et du second que le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que si, antérieurement à la cession, un procès a été engagé sur le bien-fondé du droit cédé et qu'au cours de l'instance celui qui entend exercer le retrait a, en qualité de défendeur, contesté ce droit au fond.
5. Pour déclarer irrecevable la demande de Mme C..., l'arrêt retient que le procès qui était en cours entre la banque et cette dernière, le 6 juillet 2017, date de la cession de créance, ne concernait que les obligations de la caution et non la créance elle-même, qui avait fait l'objet d'une admission définitive au passif de la société, de sorte que la créance de la banque n'était pas litigieuse et que les contestations de la caution, ne portant pas sur le principe et l'étendue du droit invoqué par la banque mais uniquement sur son propre engagement de caution, qui n'est que l'accessoire de la créance cédée, ne rendaient pas litigieux cet engagement.
6. En statuant ainsi, alors que la cession de la créance principale, comprenant aussi, par application de l'article 1692 du code civil, ses accessoires, emportait au profit du cédant la cession de la créance sur la caution et que, celle-ci ayant contesté le droit invoqué contre elle, qui était ainsi devenu litigieux, elle pouvait exercer le droit au retrait, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Le Crédit lyonnais et la société Intrum Debt Finance AG aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le Crédit lyonnais et la société Intrum Debt Finance AG et les condamne à payer à Mme C... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.