Cass. com., 18 mars 2020, n° 18-16.099
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Guérin
Rapporteur :
Cabarrus
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 janvier 2018), la société Pradeyrol développement (la société Pradeyrol) est associée de la société Air Midi Centre (la société AMC), qui a pour objet social le transport aérien privé de personnes et la prise en location d'aéronefs, dont ses associés bénéficient en fonction de leur participation au capital social. Contestant les décisions prises par l'assemblée générale de la société AMC le 10 juin 2010, qui ont modifié le tarif des heures de vol, créé un abonnement obligatoire d'heures de vol prépayées et décidé le versement par tous les associés d'une subvention d'équilibre pour couvrir les pertes constatées en 2008 et 2009, elle a cessé de payer les factures émises par la société AMC, à compter de mars 2012, dont le montant a été enregistré par l'expert-comptable de la société au compte-courant d'associé, ainsi devenu débiteur.
2. La société AMC l'ayant assignée en paiement du solde de son compte-courant d'associé, augmenté des sommes réclamées sur le fondement des délibérations de l'assemblée générale du 10 mai 2012, la société Pradeyrol lui a opposé la nullité des délibérations des assemblées générales des 10 juin 2010 et 10 mai 2012.
Examen du moyen unique du pourvoi principal
Sur ce moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et sixième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
4. La société Pradeyrol fait grief à l'arrêt de juger qu'elle est redevable des sommes issues des décisions prises par l'assemblée générale de la société AMC, de désigner un expert afin notamment d'en déterminer le montant et de dire que les exceptions de nullité soulevées par la société Pradeyrol sont irrecevables, de condamner cette dernière à payer à la société AMC la somme de 183 850,30 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt alors « que si les actions en nullité d'actes et délibérations postérieurs à la constitution d'une société se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, l'exception de nullité est en revanche perpétuelle ; qu'en jugeant dès lors, pour en déduire son irrecevabilité, qu'il appartenait à la société Pradeyrol développement de « soulever l'exception de nullité des délibérations de l'assemblée générale du 10 mai 2012 avant le 11 mai 2015 », la cour d'appel a violé les articles 1844-14 du code civil et L. 235-9 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 235-9, alinéa 1er, du code de commerce :
5. Si l'action en nullité d'une délibération d'une assemblée générale est soumise à la prescription triennale instituée par ce texte, l'exception de nullité est perpétuelle, peu important que l'action en exécution de cette délibération ait été introduite avant l'expiration du délai de prescription de l'action en nullité.
6. Pour déclarer irrecevable l'exception de nullité des délibérations de l'assemblée générale du 10 mai 2012 et condamner la société Pradeyrol à condamner à payer à la société AMC une certaine somme, l'arrêt retient qu'au 3 octobre 2014, date de l'assignation au fond, le délai de prescription de trois ans n'était pas expiré et qu'il appartenait, en conséquence, à la société Pradeyrol de soulever l'exception de nullité des délibérations de l'assemblée générale du 10 mai 2012 avant le 11 mai 2015. Il en déduit que cette exception de nullité qui a été soulevée devant les premiers juges le 30 juin 2015, soit postérieurement à l'expiration du délai de prescription, est irrecevable.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevable l'appel et irrecevable l'exception de nullité portant sur l'assemblée générale du 10 juin 2010, l'arrêt rendu le 23 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Air Midi Centre aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.