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CA Lyon, 3e ch. a, 13 novembre 2025, n° 24/03183

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 24/03183

13 novembre 2025

N° RG 24/03183 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PTJE

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Référé

du 01 février 2024

RG : 2023rj0138

ch n°

S.A.S. CM CIC LEASING SOLUTIONS

C/

Société COLLET ET AMBLARD

S.E.L.A.R.L. [C] [X]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 13 Novembre 2025

APPELANTE :

LA SOCIETE CM CIC LEASING SOLUTIONS- CCLS

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Sis [Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, avocat postulant et Me BOLLENGIER-STRAGIER Mathieu, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant.

INTIMEES :

LA SOCIETE COLLET ET AMBLARD

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette

qualité audit siège

Sis [Adresse 7]

[Localité 1]

Non représentée malgré signification déclaration d'appel le 13.05.2024 par dépot étude et signification des conclusions par acte du 02.07.2024 par PV659cpc.

ET

La SELARL [C] [X],

société d'exercice libéral au capital de 1.000 euros, immatriculée au RCS de LYON, sous le numéro 843.481.714, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société COLLET ET AMBLARD, désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 19 juillet 2023.

Sis [Adresse 5]

[Adresse 3]

([Localité 4]

Représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON, toque : 2886

******

Date de clôture de l'instruction : 02 Septembre 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Septembre 2025

Date de mise à disposition : 13 Novembre 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistés pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.

Arrêt par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement du 19 juillet 2023, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Collet et Amblard, et a désigné la SELARL Jérôme [X] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 février 2023, la société CM CIC Leasing Solutions a déclaré une créance entre les mains de la SELARL Jérôme [X] ès qualités, d'un montant de 21.560,41 euros correspondant à une indemnité de résiliation.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 19 décembre 2023, la SELARL Jérôme [X] a contesté la créance au motif qu'il s'agissait d'une clause pénale, susceptible de modération par le juge-commissaire, en fonction du préjudice réellement subi par le créancier.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 décembre 2023, la société CM CIC Leasing Solutions a maintenu sa déclaration de créance.

Les parties ont été convoquées à l'audience du juge-commissaire.

Par ordonnance rendue le 3 avril 2024, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Lyon a :

- rejeté la créance de la société CM CIC Leasing Solutions,

- dit que la présente ordonnance sera notifiée aux parties dans les huit jours et qu'avis sera adressé aux mandataires de justice, conformément à l'article R. 624-4 du code de commerce,

- dit que la décision sera mentionnée sur la liste des créances,

- dit que les dépens de la présente ordonnance seront tirés en frais privilégiés de procédure collective,

- ordonné le dépôt au greffe de la présente ordonnance.

Par déclaration reçue au greffe le 11 avril 2024, la société CM CIC Leasing Solutions a interjeté appel de cette ordonnance portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 28 novembre 2024, la société CM CIC Leasing Solutions demande à la cour, au visa des articles L. 622-13 et suivants et L. 624-2 du code de commerce et 1134 du code civil, de :

- dire la société CM CIC Leasing Solutions, recevable et bien fondée dans ses conclusions,

- constater qu'aucune contestation ne s'oppose à l'admission des créances déclarées par la société CM CIC Leasing Solutions au passif de la procédure collective de la société Collet et Amblard,

- constater que la société CM CIC Leasing Solutions justifie pleinement de la déclaration de sa créance au passif de sa locataire défaillante,

Par conséquent,

- infirmer l'ordonnance déférée rendue par la juge-commissaire du tribunal de commerce de Lyon qui a rejeté la créance de la société CM CIC Leasing Solutions,

- ordonner l'admission de la créance déclarée par la société CM CIC Leasing Solutions au passif de la procédure collective de la société Collet et Amblard pour un montant de 21.560,41 euros TTC au titre de l'indemnité de résiliation,

A titre subsidiaire :

- ordonner l'admission de la créance déclarée par la société CM CIC Leasing Solutions au passif de la procédure collective de la société Collet et Amblard pour un montant de 20.437,21 euros TTC, au titre de l'indemnité de résiliation,

- débouter la société Collet et Amblard et la SELARL Jérôme [X], mandataire judiciaire de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

A titre infiniment subsidiaire :

- ordonner l'admission de la créance déclarée par la société CM CIC Leasing Solutions au passif de la procédure collective de la société Collet et Amblard pour un montant de 9.411,65 euros TTC au titre de l'indemnité de résiliation,

En tout état de cause,

- condamner solidairement la société Collet et Amblard, et la SELARL Jérôme [X], mandataire judiciaire, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la société CM CIC Leasing Solutions la somme de 2.000 euros,

- condamner tout succombant aux entiers dépens,

- dire que ces sommes seront fixées au passif de la procédure collective au titre des frais privilégiés de la procédure.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 17 septembre 2024, la SELARL Jérôme [X], ès qualités, demande à la cour, au visa des articles L. 622-24 et L. 622-27 du code de commerce et 1231-5 du code civil, de :

- juger recevables et fondées les demandes de la SELARL Jérôme [X], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Collet et Amblard,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la créance de la société CM CIC Leasing Solutions,

- subsidiairement, admettre la créance de la société CM CIC Leasing Solutions à titre chirographaire échu à concurrence de 6.903,56 euros,

- en toute hypothèse, débouter la société CM CIC Leasing Solutions de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- employer les dépens en frais privilégiés de la procédure.

Citée par acte de commissaire de justice remis en l'étude le 13 mai 2024, auquel était jointe la déclaration d'appel de l'appelant, la société Collet et Amblard n'a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 septembre 2025, les débats étant fixés au 18 septembre 2025.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la créance de la société CM CIC Leasing Solutions

La société CM CIC Leasing Solutions fait valoir que :

- sa créance a été régulièrement déclarée dans les délais, elle est relative au contrat de location longue durée d'un photocopieur, résilié à la demande du mandataire judiciaire, et pour lequel elle a respecté ses obligations contractuelles ;

- le contrat de location était assorti d'une durée irrévocable de 63 mois ; l'article 10 du contrat prévoit qu'en cas de résiliation anticipée, le locataire devra verser une indemnité égale à la totalité des loyers TTC restant à échoir, soit 19.600,40 euros,

- elle a réglé l'intégralité de la facture d'achat du matériel au fournisseur, à la demande du locataire ; outre le prix d'acquisition, le locataire s'est engagé dans le paiement de la maintenance reversée à l'assureur ; l'arrêt du paiement des loyers cause nécessairement un préjudice dès lors qu'elle ne peut pas récupérer les sommes investies pour le compte du locataire et n'a pu percevoir de rémunération ; ce préjudice est réel,

- la nature de l'indemnité de résiliation est indemnitaire de réparation du préjudice subi par le bailleur,

- la restitution du matériel ne réduit pas le préjudice du fait de la nature même du contrat de location qui emporte obligation de restitution au terme du contrat, et l'absence de transfert de propriété,

- elle a immobilisé des sommes dans l'intérêt de sa locataire, l'empêchant de les mobiliser pour un autre client ; la rémunération est nécessaire à ses prestations financières,

- à titre subsidiaire, seul le prix de revente effectif pourrait être déduit,

- elle n'a pas participé à son propre préjudice ; elle n'a pas intérêt à brader le coût du matériel et ne fixe pas elle-même le prix ; c'est le broker de revente qui évalue la cotation du matériel en fonction de l'offre et de la demande du marché d'occasion,

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait que la maintenance n'était pas due du fait de la restitution, elle ne pourrait réduire la créance qu'au montant correspondant à la location du matériel.

La SELARL Jérôme [X], ès qualités, fait valoir que :

- la créance, déclarée dans les délais, est régulièrement contestée,

- la créance de la société CM CIC Leasing Solutions constitue une clause pénale ; elle est fondée sur l'article 10 des conditions générales et sanctionne forfaitairement la rupture anticipée du contrat de location longue durée,

- la société CM CIC Leasing Solutions n'a pas justifié de son préjudice en première instance, n'apportant aucun élément sur les loyers versés, le prix d'achat, le devenir du matériel ou sa revente éventuelle, de sorte que le juge-commissaire a justement rejeté la créance,

- les éléments produits en appel démontrent l'absence de préjudice ; la société CM CIC Leasing Solutions a acquis un photocopieur pour 9.472,90 euros, perçu 1.633,34 euros de loyers et revendu le matériel pour 936 euros ; la revente à moins de 10 % de la valeur d'achat démontre qu'elle a participé à son propre préjudice en bradant le photocopieur ; le calcul de la décote normale du matériel démontre l'absence de préjudice ; la société CM CIC Leasing Solutions a en outre bénéficié de l'amortissement fiscal du matériel,

- en l'absence de préjudice démontré, la clause pénale est manifestement excessive,

- subsidiairement, si la cour retient les chiffres produits aux débats, la perte financière correspondrait au prix d'achat moins les loyers perçus et le prix de revente ; la créance pourrait être admise à concurrence de ce montant.

Sur ce,

L'article 1231-5 du code civil énonce : 'Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.

Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.

Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.'

En l'espèce, le 9 août 2022, la société Collet et Amblard a conclu avec la société CM CIC Leasing Solution un contrat de location longue durée portant sur un photocopieur neuf. Suite à l'ouverture de la procédure collective, la société CM CIC Leasing Solution a demandé au liquidateur judiciaire de prendre partie sur la poursuite du contrat. Ce dernier lui a indiqué, par lettre recommandée du 23 mars 2023, qu'il résiliait le contrat.

Ce contrat prévoit, en son article 10.5, au titre des sommes à payer en cas de résiliation, que le bailleur se réserve également la faculté d'exiger, outre le paiement des loyers impayés et de toutes sommes dues jusqu'à la date de restitution effective du matériel, le paiement :

a/ en réparation du préjudice subi, d'une indemnité de résiliation H.T. égale au montant total des loyers HT postérieurs à la résiliation ; et

b/ pour assurer la bonne exécution du contrat, d'une pénalité égale à 10 % de l'indemnité de résiliation.'

Ainsi, cette indemnité stipulée en cas de résiliation pour inexécution du contrat constitue une clause pénale, dès lors que tant par l'anticipation de l'exigibilité des loyers dès la résiliation du contrat que par le paiement d'une pénalité supplémentaire de 10 %, elle majore les charges financières pesant sur le débiteur pour à la fois le contraindre à exécuter le contrat et évaluer forfaitairement le préjudice subi par le bailleur en cas de rupture fautive du contrat.

L'indemnité de résiliation réclamée par la société CM CIC Leasing Solution est donc susceptible de modération si elle est manifestement excessive. Le loueur sollicite à ce titre la somme de 21.560,41 euros.

Or, il résulte des pièces produites aux débats que le contrat de location longue durée, conclu le 9 août 2022, prévoyait une durée de location de soixante-trois mois et des échéances trimestrielles de 816,67 euros HT correspondant à la location du matériel pour 495,32 euros HT et à la prestation de maintenance pour 321,35 euros. Le matériel a été livré le 18 novembre 2022 et le contrat a été résilié par décision de l'administrateur judiciaire du 23 mars 2023. Il s'est donc écoulé un très faible délai de location et maintenance effectives. De plus, la société CM CIC Leasing Solution, qui a acquis le matériel au prix de 9.472,90 euros HT soit 11.367,48 euros TTC, a pu en reprendre possession et l'a revendu le 6 décembre 2023.

Au vu de ces éléments, l'indemnité de résiliation de 21.560,41 euros réclamée apparaît manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le loueur qui a acquis le matériel à un coût inférieur de près de moitié, s'est trouvé libéré de l'obligation de la prestation de maintenance, et a repris le matériel alors que celui-ci avait peu servi, de sorte qu'il pouvait procéder à sa relocation ou sa revente. La société CM CIC Leasing Solution justifie ainsi avoir cédé le matériel pour le prix de 936 euros HT soit 1.123,30 euros TTC, le 6 décembre 2023.

En conséquence, il convient de fixer l'indemnité de résiliation à la somme de 6.903,56 euros, comme proposé à titre subsidiaire par le liquidateur judiciaire de la société Collet et Amblard, dès lors que cette somme correspond à la perte financière effective, subie par la société CM CIC Leasing Solution.

L'ordonnance est donc infirmée et la créance de la société CM CIC Leasing Solution est admise au passif de la société Collet et Amblard pour la somme de 6.903,56 euros.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de l'instance seront tirés en frais privilégiés de la procédure collective.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais irrépétibles. La demande formée à ce titre par la société CM CIC Leasing Solution sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par défaut,

Infirme l'ordonnance déférée ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Admet au passif de la société Collet et Amblard, la créance de la société CM CIC Leasing Solution au titre de l'indemnité de résiliation, pour la somme de 6.903,56 euros à titre chirographaire ;

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront tirés en frais privilégiés de la procédure collective ;

Rejette la demande formée par la société CM CIC Leasing Solution au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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