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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 13 novembre 2025, n° 22/01236

DIJON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

P B (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blanchard

Conseillers :

Mme Charbonnier, Mme Kuentz

Avocats :

Me Brocherieux, Me Perrin, Me Paraire, Galion

T. com. Dijon, du 1er sept. 2022, n° 202…

1 septembre 2022

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant contrat d'agent commercial du 17 octobre 2005, la SARL P.B. a confié à Mme [K] [G] un mandat de négociateur immobilier pour le département de la Côte d'Or et portant sur des biens à caractère historique.

Par avenant du 15 octobre 2012, la zone géographique d'activité de Mme [G] a été réduite.

Par un courrier recommandé du 22 janvier 2019, la société P.B. a informé Mme [G] de sa volonté de rompre le contrat d'agent commercial à compter du 23 avril 2019.

Mme [G] a réclamé paiement d'une indemnité compensatrice de rupture et les parties ne sont pas parvenues à un accord sur son évaluation.

Sur l'assignation délivrée par Mme [G] le 27 mars 2020 et par jugement du 1er septembre 2022, le tribunal de commerce Dijon a :

- rejeté la demande de Mme [K] [G] sur l'indemnité compensatrice de rupture du contrat d'agent commercial ;

- condamné la société P.B. à verser à Mme [K] [G] la somme de 15.000 euros au titre de la commission sur la vente de l'appartement des époux [L] ;

- débouté Mme [K] [G] de sa demande au titre du préjudice moral ;

- dit que les sommes dues par la société P.B. seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019 ;

- condamné la société P.B. à verser à Mme [K] [G] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société P.B. en tous les dépens de l'instance.

En cours de procédure, la société P.B. avait adressé à Mme [G] un paiement de 1850 euros au titre de l'indemnité compensatrice de rupture.

Par déclaration au greffe du 7 octobre 22, Mme [G] a relevé appel de cette décision.

Prétentions Mme [G] :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 novembre 2024, Mme [G] demande à la cour, au visa de l'article L 134-12 du code de commerce, de :

- dire et juger recevable et bien fondée Mme [K] [G] en son appel ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

rejeté la demande de Mme [K] [G] sur l'indemnité compensatrice de rupture du contrat d'agent commercial ;

débouté Mme [K] [G] de sa demande au titre du préjudice moral ;

statuant à nouveau,

' sur l'indemnité compensatrice de rupture de son contrat d'agent commercial :

à titre principal,

- condamner la société P.B. à payer la somme de 66.642,87 euros à Mme [K] [G] au titre de l'indemnité compensatrice de rupture de son contrat d'agent commercial, outre intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019 ;

à titre subsidiaire,

- condamner la société P.B. à payer la somme de 44.428,58 euros à Mme [K] [G] au titre de l'indemnité compensatrice de rupture de son contrat d'agent commercial, outre intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019.

à titre très subsidiaire,

- condamner la société P.B. à payer la somme de 16.750 euros à Mme [K] [G] au titre de l'indemnité compensatrice de rupture de son contrat d'agent commercial, outre intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019 ;

à titre infiniment subsidiaire,

- condamner la société P.B. à payer la somme de 16.616,56 euros à Mme [K] [G] au titre de l'indemnité compensatrice de rupture de son contrat d'agent commercial, outre intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019 ;

' sur le préjudice moral :

- condamner la société P.B. à payer la somme de 20.000 euros à Mme [K] [G] au titre de son préjudice moral.

- débouter la société P.B. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Mme [K] [G].

- confirmer le jugement pour le surplus,

y ajoutant,

- condamner la Société P.B. à verser à Mme [K] [G] la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles à hauteur d'appel,

- condamner la société P.B. aux entiers dépens.

Prétentions de la société P.B. :

Selon ses écritures notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023, la société P.B. entend voir :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [K] [G] de ses demandes sur l'indemnité compensatrice de rupture du contrat d'agent commercial et au titre du préjudice moral,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société P.B. au paiement des sommes suivantes :

15.000 euros au titre de la commission sur la vente de l'appartement des époux [L],

1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

- débouter Mme [K] [G] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société P.B ;

- juger, à titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait qu'un droit de suite devait être accordé à Mme [K] [G] concernant la vente du bien des époux [L], que la somme allouée à ce titre ne pourra être supérieure à 7.850 euros ;

- condamner Mme [K] [G] aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un exposé complet des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 février 2025.

MOTIFS DE LA DECISION :

1°) sur l'indemnité de rupture :

En vertu des dispositions d'ordre public de l'article L. 134-12 du code de commerce, l'agent commercial a droit, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Il n'est pas discuté que la société P.B. a pris l'initiative de mettre un terme au contrat de commercial de Mme [G] dont les droits à indemnisation ne sont pas contestés.

Si la société P. B. critique le degré d'investissement de Mme [G] dans l'exécution de son mandat, elle ne caractérise pas, ni ne revendique l'existence d'une faute grave de sa part, de nature à la priver de toute indemnité.

Ainsi, le litige ne porte que sur le montant de cette indemnité, particulièrement de son assiette de calcul.

Si la société P.B. entend voir appliquer les préconisations du Syndicat National des Professionnels Immobiliers en fixant l'indemnité due à Mme [G] soit au montant des commissions des deux dernières années, soit au double de la moyenne des commissions des trois dernières années, il peut être dérogé à cet usage professionnel pour permettre d'assurer la réparation intégrale du préjudice subi.

Au cas particulier, il y a lieu de tenir compte d'une durée des relations contractuelles de plus de treize années.

Par ailleurs les pièces versées aux débats permettent de constater que Mme [G], historienne de formation, s'était spécialisée dans la vente de biens à caractère historique (châteaux, hôtels particuliers, maisons de maître) et d'édifices religieux, marché de niche requérant des compétences particulières en histoire et en architecture, nécessitant dela part des potentiels acquéreurs l'élaboration de projets complexes et coûteux en termes de réhabilitation, pouvant conduire à un allongement non négligeable du temps de négociation.

La cour relève que la société P.B. se prévaut d'ailleurs de cette durée pour refuser à son agent commercial un commissionnement sur la vente du bien immobilier des époux [L].

Si la société P.B. fait état du manque d'implication de Mme [G] dans l'exécution du mandat et en veut pour preuve l'activité de l'agent commercial ayant repris le secteur géographique qui lui était confié, sur les années 2021 2022, elle se contente de fournir un listing de six ventes, établi par elle-même.

La durée et les caractéristiques de l'activité de Mme [G] en qualité d'agent commercial de la société P.B. sont de nature à justifier qu'afin d'assurer une indemnisation complète du préjudice résultant pour elle de la cessation de ses fonctions, il soit pris en compte la moyenne du montant brut de ses commissions sur les trois années et six mois précédentes, soit pour la période de novembre 2015 à avril 2019, une moyenne de 16.214,28 euros (45.000 + 10.000 + 1750/3,5), la commission perçue sur la vente « [L] » après la rupture, ne pouvant être intégrée au calcul d'une indemnité destinée à compenser la perte de commissions.

L'indemnité de cessation du contrat sera en conséquence fixée à la somme de 32.428,57 euros.

Par infirmation du jugement et déduction faite de l'indemnité versée en cours de procédure à hauteur de 1.850 euros, la société P.B. sera condamnée à payer à Mme [G] la somme de 30.578,57 euros. En raison de son caractère indemnitaire, les intérêts de cette somme seront dus à compter de cette décision.

2°) sur la demande de commission au titre de la vente «[L] » :

Selon les termes de l'article 5 du contrat d'agent commercial, que l'avenant du 15 octobre 2012 n'a pas modifiés, la rémunération hors-taxes de l'agent concernant les ventes réalisées dans sa zone géographique était fixée à 30 % du montant hors taxes des honoraires perçus par l'agence.

Il n'est pas contesté que Mme [G] a bien été à l'origine de la vente du bien immobilier des époux [L], son intervention ayant conduit à la signature d'une lettre d'intention d'achat par les futurs acquéreurs le 10 avril 2019, puis la régularisation d'une promesse synallagmatique de vente le 5 septembre 2019 et d'un acte authentique de vente le 3 février 2020.

Si pour faire obstacle au droit à commission de son agent commercial, la société P. B. oppose une limitation de son droit de suite à une durée de six mois à compter de la cessation de leurs relations contractuelles, cette condition limitant le droit à rémunération n'a fait l'objet d'aucune stipulation dans le contrat d'agence du 17 octobre 2005 et son invocation unilatérale par la mandante dans un courriel du 9 avril 2019, est insuffisante à la rendre opposable à Mme [G] quand bien même cette dernière n'a pas élevé, immédiatement, de contestation.

De plus, l'examen de la lettre d'intention fait apparaître qu'elle a également été signée par les vendeurs sous la mention « bon pour accord » matérialisant l'échange des consentements liant les parties et constituant le fait générateur de la rémunération de l'agent commercial.

Néanmoins, la société P. B. justifie que cette vente a été réalisée en partenariat avec une autre agence immobilière et qu'à ce titre, elle a rétrocédé à cette dernière 12.500 euros HT d'honoraires, ne percevant que 29 166, 67 euros hors-taxes. Il en résulte que la commission due à Mme [G] au titre de cette vente, correspondant à 30 % du montant hors-taxes des honoraires perçus par la société P.B, doit être fixé à 8.750 euros HT.

La décision de première instance qui a fixé cette rémunération à hauteur de 15.000 euros devra être infirmée et la société P. B. sera condamnée à payer à Mme [G] la somme de 8.750 euros HT.

L'exigibilité de cette somme étant conditionnée par la régularisation de l'acte de vente et la perception par le mandant de ses honoraires, les intérêts de retard au taux légal ne peuvent courir sur cette somme qu'à compter de l'assignation.

3°) sur la demande indemnitaire complémentaire :

Mme [G] prétend être indemnisée de l'utilisation par la société P. B., postérieurement à la rupture de leurs relations, des descriptifs des biens qu'elle a rédigés dans le cadre de l'exécution de son mandat.

Cependant, l'indemnité de fin de contrat étant destinée à réparer l'intégralité du préjudice résultant pour l'agent commercial de la cessation de ses fonctions et la rédaction de ces notes de présentation des biens par Mme [G] ayant été nécessaire à l'exécution de son mandat, sans qu'aucune disposition du contrat d'agent commercial ne prévoit de protection particulière des droits intellectuels afférents, le préjudice tiré de leur utilisation postérieure est déjà réparé par l'indemnité de rupture. Il en résulte que Mme [G] ne saurait obtenir une double indemnisation et que sa demande doit être rejetée sur ce fondement.

Il est par contre établi que malgré sa reconnaissance du droit de Mme [G] à la perception de l'indemnité de fin de contrat, la société P. B. a attendu près de 14 mois pour lui verser le montant qu'elle estimait lui devoir, faisant ainsi preuve de mauvaise foi dans l'exécution de ses obligations.

Par infirmation du jugement, la cour allouera à Mme [G] une somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts que la société P. B. sera condamnée à lui verser.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Dijon en date du 1er septembre 2022, en ce qu'il a :

- rejeté la demande de Mme [K] [G] sur l'indemnité compensatrice de rupture du contrat d'agent commercial ;

- condamné la société P.B. à verser à Mme [K] [G] la somme de 15.000 euros au titre de la commission sur la vente de l'appartement des époux [L] ;

- débouté Mme [K] [G] de sa demande au titre du préjudice moral ;

- dit que les sommes dues par la société P.B. seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019 ;

statuant à nouveau,

Condamne la SARL P.B. à payer à Mme [K] [G] les sommes de :

- 30.578,57 euros au titre du solde de son indemnité de fin de contrat ;

- 8.750 euros HT à titre de commission augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2020;

- 2000 euros à titre de dommages-intérêts ;

y ajoutant,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière ;

Condamne la SARL P.B aux dépens de l'instance d'appel

Condamne la SARL P.B. à verser à Mme [K] [G] la somme complémentaire en cause d'appel de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

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