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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 14 novembre 2025, n° 23/03005

NÎMES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Berlin Packaging France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rocci

Conseiller :

Mme Vareilles

Avocats :

Me Marc, Me Fontaine, Me Ah-Toy

TJ [Localité 8], du 12 sept. 2023, n° 21…

12 septembre 2023

EXPOSÉ

Vu l'appel interjeté le 25 septembre 2023 par M. [F] [R] à l'encontre du jugement rendu le 12 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Nîmes dans l'instance n° RG 21/01325 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 24 novembre 2023 par M. [F] [R], appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 4 décembre 2023 par la SAS Berlin Packaging France, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l'ordonnance du 11 mars 2025 de clôture de la procédure à effet différé au 2 octobre 2025.

***

Le 1e juin 2014, M. [F] [R] et la société [B] Verre ont conclu un contrat de mandat d'agent commercial à durée indéterminée.

La société [B] Verre a confié à M. [R] la représentation des produits en fer blanc produits par la société Pirlo établie en Autriche.

Le 1er septembre 2019, la société Bruni Glass France a réalisé une opération juridique de fusion-absorption de la société [B].

Par lettre du 29 août 2019, M. [F] [R] a notifié à la société [B] sa volonté de cesser toute activité avec elle à compter du 30 septembre 2019 et a réclamé l'indemnité prévue au terme du mandat d'agent commercial.

Par l'intermédiaire de son conseil, M. [S] [R] a précisé et justifié ses motivations à l'origine de la rupture de son mandat, à savoir son âge et son état de santé non compatible avec la poursuite de son activité d'agent commercial. Ainsi, il a sollicité le versement de son indemnité de rupture en se fondant sur les dispositions de l'article L134-13 du code de commerce.

Les 28 janvier et 14 février 2020, un protocole d'accord a été signé par M. [F] [R] et la société Bruni Glass France, portant sur l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial, la société Bruni Glass France s'engageant à payer à M. [R] la somme totale et définitive de 96 751, 70 euros correspondant à deux ans de commissionnement, pour solde de tout compte.

En contrepartie, M. [R] s'est engagé à ne pas « s'intéresser ou s'associer à toute personne physique ou morale exerçant la même activité que son mandant soit l'activité en rapport avec les « contenants et emballages en fer blanc, inox, verre, carton, destinés aux activités chimiques, alimentaires, vinicoles et oléicoles, vente en gros, demi-gros de tous types de verres » et à ne pas exercer une activité commerciale concurrente à celle de son mandat pour une durée limitée de « deux années (2 ans) », à compter de la rupture de son contrat, soit à compter du 30 septembre 2019, et dans un espace limité, soit « sur l'ensemble du secteur prospecté par le mandataire pour le mandant ».

Par courrier du 1er février 2021, la société Berlin Packaging France a mis M. [R] en demeure d'avoir à cesser toute activité à réception de sa lettre recommandée avec accusé de réception, de lui payer la somme de 96 751, 70 euros pour non-respect de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de mandat d'agent commercial, de lui rembourser la même somme sur le fondement de la clause de non concurrence pour ne pas avoir respecté les dispositions du protocole transactionnel signé le 28 janvier 2020 et de lui verser en outre la somme de 50 000 euros au titre de la clause pénale pour ne pas avoir respecté le protocole transactionnel .

Depuis le 1er octobre 2021, la société Bruni Glass France est dénommée Berlin Packaging France.

***

Par exploit du 9 avril 2021, la société Berlin Packaging France a fait assigner M. [F] [R] en cessation de toute activité concurrente, en paiement d'une somme pour non-respect de la clause de non concurrence stipulée dans le contrat de mandat d'agent commercial, en remboursement d'une somme indûment perçue sur le fondement de ladite clause pour non-respect du protocole transactionnel, ainsi qu'en paiement de diverses sommes au titre d'une clause pénale, du non-respect du protocole des frais irrépétibles, enfin, aux fins de voir ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, devant le tribunal judiciaire de Nîmes.

***

Par ordonnance d'incident du 20 octobre 2022 (n° RG 21/01325), le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nîmes s'est notamment déclaré compétent pour statuer et connaître du litige.

***

Par jugement du 12 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Nîmes :

« Ordonne à M. [F] [R], à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de celle-ci, de cesser toute activité avec toute personne physique ou morale exerçant la même activité que la SAS Berlin Packaging, soit l'activité en rapport avec les contenants et emballages en fer blanc, inox, verre, carton, destinés aux activités chimiques, alimentaires, vinicoles et oléicoles, vente en gros, demi-gros de tous types de verres et d'exercer une activité commerciale concurrente à celle de la SAS Berlin Packaging,

Condamne M. [F] [R] à verser 96.751,70 euros à la SAS Berlin Packaging au titre de la violation de sa clause de non-concurrence ainsi que 5.000 euros au titre de la clause pénale,

Condamne M. [F] [R] à supporter la charge des entiers dépens,

Condamne M. [F] [R] à verser 3.000 euros à la SAS Berlin Packaging au titre des frais irrépétibles,

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes. ».

***

M. [K] [O] a relevé appel le 25 septembre 2023 de ce jugement pour le voir infirmer, annuler, ou réformer en ce qu'il a :

ordonné à M. [F] [R], à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de celle-ci, de cesser toute activité avec toute personne physique ou morale exerçant la même activité que la société Berlin Packaging France, soit l'activité en rapport avec les contenants et emballages en fer blanc, inox, verre, carton, destinés aux activités chimiques, alimentaires, vinicoles et oléicoles, vente en gros, demi-gros de tous types de verres et d'exercer une activité commerciale concurrente à celle de la société Berlin Packaging France,

condamné M. [F] [R] à verser 96.751,70 euros à la société Berlin Packaging France au titre de la violation de sa clause de non-concurrence ainsi que 5.000 euros au titre de la clause pénale,

condamné M. [F] [R] à supporter la charge des entiers dépens,

condamné M. [F] [R] à verser 3.000 euros à la société Berlin Packaging France au titre des frais irrépétibles,

rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

débouté M. [F] [R] du surplus de ses demandes.

***

Dans ses dernières conclusions, M. [F] [R], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1194,1231-5 et 1315 du code civil, de :

« Déclarer M. [F] [R], né le 23 mai 1951 à [Localité 9] (59), de nationalité française, domicilié [Adresse 4] recevable et bien fondé en son appel ;

Y faisant,

Infirmer partiellement le jugement rendu 12 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Nîmes en ce qu'il a :

ordonné, à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de celle-ci, de cesser toute activité avec toute personne physique ou morale exerçant la même activité que la SAS Berlin Packaging, soit l'activité en rapport avec les contenants et emballages en fer blanc, inox, verre, carton, destinés aux activités chimiques, alimentaires, vinicoles et oléicoles, vente en gros, demi-gros de tous types de verres et d'exercer une activité commerciale concurrente à celle de la SAS Berlin Packaging ;

condamné l'appelant à verser 96.751,70 euros à la SAS Berlin Packaging au titre de la violation de sa clause de non-concurrence ainsi que 5.000 euros au titre de la clause pénale ;

condamné l'appelant à supporter la charge des entiers dépens ;

condamné l'appelant à verser 3.000 euros à la SAS Berlin Packaging au titre des frais irrépétibles ;

débouté M. [R] du surplus de ses demandes.

Y faisant,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nîmes du 12 septembre 2023 quant au surplus ;

Y faisant et statuant à nouveau :

A titre principal,

Déclarer que la clause de non-concurrence liant les parties ne contient aucune interdiction pour M. [R] d'exercer l'activité de conseil en oléiculture ;

Déclarer que la SAS Bruni Glass France devenue SAS Berlin Packaging France n'apporte pas la preuve d'un quelconque mandat de contrat d'agent commercial entre M. [R] et la société Massily Conservor ni celle d'une quelconque association ou intérêt entre ces derniers ;

Déclarer que les deux courriels produits par la SAS Bruni Glass France devenue SAS Berlin Packaging France à l'appui de ses demandes, n'apportent en rien la preuve de l'existence d'une quelconque atteinte à la clause de concurrence, tenant lieu de loi entre les parties ;

Déclarer que la SAS Bruni Glass France devenue SAS Berlin Packaging France ne justifie d'aucune atteinte ou violation par M. [R] de la clause de non-concurrence contenue dans le mandat liant les parties ;

Déclarer que la société Bruni Glass France devenue SAS Berlin Packaging France ne justifie d'aucune atteinte concurrentielle en lien direct avec les manquements prétendus ;

Déclarer que la société Bruni Glass France devenue SAS Berlin Packaging France ne justifie d'aucun préjudice vérifiable permettant d'établir une atteinte concurrentielle en lien direct avec les manquements prétendus ;

En conséquence,

Déclarer qu'aucun manquement par M. [R] à ses obligations naissant des termes de la clause de non-concurrence contenue dans le mandat le liant à l'intimée, n'a été commis ;

Déclarer la société Bruni Glass France devenue SAS Berlin Packaging France défaillante à apporter la preuve d'un quelconque manquement par M. [R] aux dispositions contractuelles qui les liaient ;

Débouter la société Bruni Glass France devenue SAS Berlin Packaging France de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la juridiction de céans venait à condamner M. [R] à une quelconque indemnité au titre d'un éventuel manquement à ses obligations contractuelles liées à la clause de non concurrence litigieuse :

Déclarer que la somme indemnitaire pouvant être versée par la partie défaillante en cas d'inexécution de son obligation ne saurait excéder le quantum de la clause pénale fixé par les parties dans le cadre de l'article V protocole d'accord transactionnel signé entre les parties, soit la somme 50 000 euros ;

En tout état de cause,

Débouter la société Bruni Glass France devenue SAS Berlin Packaging France de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

Condamner la société à payer à M. [R] la somme de 5000 euros au titre des disposition de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamner en outre aux entiers dépens de la présente instance en ce compris ceux de première instance. ».

Au soutien de ses prétentions, M. [F] [R], expose que depuis la signature du protocole d'accord, il exerce l'activité sédentaire de conseil en oléiculture pour laquelle il est enregistré au répertoire Sirène sous le code APE ou NAF 7490B qui couvre toutes les activités spécialisées, scientifiques et techniques diverses. Il souligne qu'il s'agit d'une activité totalement distincte de celle d'agent commercial et qu'elle n'est pas concurrente à celle du mandant, sa nouvelle activité se limitant à conseiller sur les qualités et les défauts de tel ou tel produit.

Il soutient en tout état de cause que la clause de non concurrence prévue dans le protocole d'accord signé le 28 janvier 2020 ne vise nullement l'interdiction d'exercer une activité de conseil en oléiculture.

Il soutient que la société Berlin Packaging France est défaillante dans la charge de la preuve d'une quelconque atteinte concurrentielle; l'intimée se référant à deux courriels du 18 décembre 2020 adressés par lui au Moulin [Localité 5] et au Moulin Calanquet, deux coopératives oléicoles, soutient qu'il a communiqué dans le cadre de ces échanges, des grilles tarifaires pratiquées par des concurrents de la société Berlin Packaging France, alors que l'existence d'un mandat permanent de négociation entre lui et la société Massilly Conservor n'est pas établi, ni qu'il ait effectué des démarchages de clients de la société Bruni Glass France ou qu'il ait détourné des fichiers clients par des man'uvres visant à capter la clientèle.

Il fait valoir par ailleurs que :

il n'a jamais été rémunéré ou été associé à un concurrent de la société Berlin Packaging France ;

les deux courriers litigieux constituent une réponse faite à titre gracieux sans aucune atteinte concurrentielle portée à l'intimée ;

si une atteinte concurrentielle avait existé, un préjudice identifiable aurait été démontré.

A titre subsidiaire, si la cour retenait qu'il a manqué à son obligation de non concurrence, M. [R] demande que sa condamnation soit limitée à la somme globale et forfaitaire de 50 000 euros prévue par l'article V du protocole signé entre les parties le 28 janvier et le 14 février 2020 intitulé « caducité-clause pénale ».

***

Dans ses dernières conclusions, la société Berlin Packaging France, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1194, 1231-1du code civil, des articles 1231 et suivant du code civil, de :

« Débouter M. [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions

En conséquence :

Confirmer le jugement en date du 12 septembre 2023 rendu par le tribunal judiciaire de

Nîmes, en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le quantum de la condamnation au titre de la clause pénale,

A cet effet :

Condamner M. [R] à payer à la SAS Berlin Packaging France la somme de cinquante mille Euros (50 000 euros) au titre de la clause pénale et pour n'avoir pas respecter le protocole transactionnel signé par ses soins le 28 janvier 2020.

Condamner M. [R] à payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. ».

Au soutien de ses prétentions, la société Berlin Packaging France, expose que :

La signature du protocole d'accord n'a pas privé d'effet le contrat de mandat d'agent commercial ;

La rupture du contrat de mandat d'agent commercial de M. [R] étant expressément fondée sur son âge et son état de santé, au visa des dispositions de l'article L.134-13 du code de commerce, elle lui a versé une indemnité de rupture pour solde de tout compte ;

Ce paiement est intervenu par application d'une disposition légale à laquelle la convention d'agent commercial ne pouvait déroger ; pour autant les autres clauses du contrat d'agent commercial restent applicables, notamment la clause de non concurrence qui reste valable et doit produire ses effets ;

Force est de constater que l'activité de « conseil en oléiculture dont se prévaut M. [R] n'est que la « couverture » officielle d'une activité officieuse concurrente ;

La simple lecture des emails litigieux suffit à déterminer la nature des rapports existants entre M. [R] et le concurrent de la SAS Berlin Packaging ;

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Le protocole transactionnel expose, après avoir relaté les échanges entre les parties :

« (')

Dés lors, au visa des dispositions de l'article L. 134-13 du code de commerce, Monsieur [R] a sollicité le versement de la juste indemnité de rupture qui lui est due.

Eu égard à ces nouveaux éléments, les parties ont convenu de se rapprocher et de négocier entre elles les modalités d'un protocole d'accord transactionnel de nature à mettre un terme définitif au litige les opposant (')

La présente transaction a pour objet de fixer définitivement le montant de l'indemnité de rupture due par la société Bruni Glass France à Monsieur [R] suite à la rupture de con contrat d'agent commercial du fait de son âge et de son état de santé (') ».

Le protocole transactionnel comporte en outre un article III intitulé « obligations et concessions de Monsieur [R] » libellé comme suit :

« Il est rappelé la clause de non concurrence figurant en page VI, article 10 du contrat de mandat d'agent commercial à durée indéterminée signé le 1er juin 2014, avec Monsieur [R], laquelle lui interdit de s'intéresser ou de s'associer à toute personne physique ou morale exerçant la même activité que son mandant soit l'activité en rapport avec les contenants et emballages en fer blanc, inox, verre, carton, destinés aux activités chimiques, alimentaires, vinicoles et oléicoles, vente en gros, demi-gros de tous types de verres » et plus encore , lui interdit d'exercer une activité commerciale concurrente à celle de son mandat pour une durée limitée dans le temps, à savoir « deux années (2 ans) », à compter de la rupture de son contrat, soit à compter du 30 septembre 2019, et dans un espace limité, soit « sur l'ensemble du secteur prospecté par le mandataire pour le mandant. »

L'article L. 134-13 du code de commerce énonce :

« La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de con activité ne peut plus être raisonnablement exigée (') »

Il en résulte que la société Bruni Glass France aux droits de laquelle vient la société Berlin Packaging France, a payé, conformément au protocole transactionnel sus-visé, la somme de 96 751, 70 euros à titre d'indemnité compensatrice du préjudice consécutif à la rupture du contrat d'agent commercial.

Ainsi, le protocole transactionnel qui rappelle expressément la clause de non-concurrence figurant à l'article 10 du contrat de mandat d'agent commercial, ne porte que sur la fixation de l'indemnité de rupture et laisse subsister la clause de non-concurrence du contrat de mandat d'agent commercial.

Cette clause de non-concurrence est rédigée de la façon suivante :

« A la cessation du présent contrat, quelle qu'en soit la cause et quelle qu'en soit la partie qui en prenne l'initiative, il est expressément convenu que le mandataire s'engage à ne pas exercer une activité commerciale concurrente à celle du mandant.

Cette notion désigne les contenants et emballages en fer blanc, inox, verre, carton, destinés aux activités chimiques, alimentaires, vinicoles et oléicoles.

Le mandataire s'interdit également de s'intéresser ou de s'associer à toute personne physique ou morale remplissant cette même condition.

La présente clause de non concurrence recevra application pendant une durée de deux années, et ce, sur l'ensemble du secteur prospecté par le mandataire pour le mandant.

Faute pour lui de respecter la présente clause de non concurrence, le mandataire serait de plein droit redevable envers le mandant d'une indemnité dont le montant serait égal à deux (2) années de commissions perçues par le mandataire.

Nonobstant la précédente clause pénale, le mandat se réserve la possibilité de mener toute action judiciaire afin de faire cesser la concurrence interdite ou d'obtenir le paiement de dommages-intérêts afin de l'indemniser du préjudice qu'elle aurait subi de ce fait. »

La société Berlin Packaging France verse aux débats des emails qui lui ont été adressés par des clients.

Ainsi, le 18 décembre 2020, M. [F] [R] adressait à Mme [A] [G], commerciale de la société Moulin [Localité 5] un message intitulé « 20201207PV + colisage bidons huile 2021-PV bidons huile 2021.pdf « libellé comme suit :

« Bonjour [A], veuillez trouver ci-joint les tarifs de Massily Conservor de 2021. Je vous souhaite de bonnes fêtes et reste à votre disposition. »

Et le 26 janvier 2021, Mme [G] écrivait à M. [V] [B] représentant la société Bruni Glass :

« (') Pourrais-tu nous faire un geste sur le tarif des bidons métal noir en 1L, 0,50L et 0,25L '

Je suis constamment sollicitée par des concurrents qui me proposent des tarifs bien inférieurs aux tiens.

Nous souhaitons continuer à collaborer ensemble mais je suis obligé de par ma direction de tenir des prix (') »

Ainsi, il est constant que le 18 décembre 2020, M. [R] a effectivement proposé des grilles tarifaires pour des bidons d'huile, à la commerciale de la société Moulin [Localité 5] qui est une cliente de la société Bruni Glass et que cette commerciale a sollicité, un mois plus tard, auprès de la société Bruni Glass une baisse de prix en se référant aux sollicitations de la concurrence.

La société Berlin Packaging France produit également un message similaire adressé à la même date à la société Moulin du Calanquet par M. [R] libellé comme suit :

Bonjour [M] ci-joint tarifs 2021 tu vas recevoir les échantillons directement de Massily.

Suite à ta disposition(') »

Cette fois encore, ce message a donné lieu le 2 mars 2021 à une demande de réduction du prix des bidons par la société Moulin du Calanquet dans les termes suivants :

Salut [V],

Suite à notre discussion, peux-tu revoir tes prix au sujet des bidons car la concurrence nous a sollicité avec des prix beaucoup plus bas.

Je reste disponible (') »

La question posée à la cour est de savoir si le fait pour M. [R] d'avoir transmis des grilles tarifaires établies par une société avec laquelle il n'a aucun lien juridique, aux clients de la société Berlin packaging France constitue ou non une violation de la clause de non-concurrence contractuelle.

Celle-ci lui interdit d'exercer une activité commerciale concurrente à celle du mandant, étant précisé que la société Berlin Packaging France exerce une activité de vente en gros et demi-gros de tous types de verres.

Si M. [R] est enregistré au répertoire Sirène pour une activité de conseil en oléiculture, laquelle constitue bien une activité distincte de celle de son ancien mandant, il résulte des emails litigieux que son activité de conseil s'étend aussi manifestement aux contenants des produits de l'oléiculture, et qu'il conseille des contenants produits par une société concurrente de la société Berlin packaging France.

M. [R] souligne qu'il n'est ni salarié, ni agent commercial, ni associé de la société Massily Conservor, mais force est de constater que la clause de non-concurrence vise également des liens non juridiques puisqu'elle interdit à l'ex agent commercial de « s'intéresser à toute personne physique ou morale » exerçant une activité commerciale concurrente à celle de l'ex mandant.

Et les deux emails versés aux débats révèlent qu'en se comportant comme un intermédiaire de la société Massily Conservor qu'il n'hésite pas à nommer dans l'un de ces deux messages, M. [R] a violé la clause de non-concurrence contractuelle.

Par ailleurs, il résulte d'un courrier de son conseil du 17 février 2021 que M. [R] admet qu'après avoir développé des relations étroites de confiance avec ses anciens clients successifs pendant près de 25 ans, ces derniers continuent de le solliciter et c'est dans ce cadre qu'il a souhaité répondre à une simple demande de conseil.

M. [R] fait donc l'aveu d'avoir, en dépit de la clause de non-concurrence le liant à la société Berlin Packaging France, poursuivi des relations de conseil auprès des clients de son ancien mandant.

La clause de non-concurrence n'a pas été respectée.

L'indemnité prévue par l'article 10 du contrat de mandat d'agent commercial est de deux années de commissions perçues par le mandataire.

M. [R] demande à titre subsidiaire l'application de l'article V du protocole d'accord transactionnel lequel prévoit que la partie défaillante sera tenue d'indemniser l'autre à hauteur d'une indemnité globale et forfaitaire de 50 000 euros à titre de clause pénale.

La cour observe que le protocole d'accord transactionnel dont l'objet est de fixer l'indemnité de rupture du contrat de mandat, comporte un rappel de la clause de non-concurrence figurant en page VI, article 10 du mandat d'agent commercial et la réitération de l'engagement de non-concurrence de M. [R].

L'article V du protocole d'accord prévoit aussi qu'à défaut d'exécution de l'une quelconque obligation des présentes, la présente transaction sera caduque et chaque partie retrouvera son entière liberté quant aux suites, notamment judiciaires, à donner au litige.

En sollicitant la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [R] à lui verser la somme de 96 751, 70 euros au titre de la violation de sa clause de non-concurrence et en sollicitant, par infirmation du jugement déféré, la somme de 50 000 euros à titre de clause pénale pour non-respect du protocole, il apparaît que la société Berlin Packaging France demande l'application de deux clauses pénales d'un montant distinct correspondant cependant à la violation d'une même obligation, à savoir, l'obligation de non-concurrence énoncée dans le mandat d'agent commercial.

Ces deux sommes ne sauraient être cumulées et il est de jurisprudence constante que la clause prévoyant une indemnité en cas de non-respect de la clause de non-concurrence est une clause pénale, en sorte que le juge peut, conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du code civil, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Le caractère manifestement excessif ou non de la clause pénale s'apprécie au moment où le juge statue, par comparaison entre le montant de la peine conventionnellement fixé et le montant du préjudice effectivement subi.

En l'espèce, il résulte des débats que M. [R] a procédé à deux reprises à l'envoi des grilles tarifaires d'un concurrent de la société Berlin Packaging France et que ces envois ont suscité des demandes de baisse de prix. A l'issue des débats, il n'est pas soutenu que la société Berlin Packaging France aurait perdu des clients au profit de la société dont M. [R] a adressé les tarifs, ni que les baisses de prix sollicitées ont entrainé pour elle un manque à gagner.

Dans ces conditions, la clause pénale sanctionnant le non-respect de la clause de non-concurrence par le versement de deux années de commissionnement, apparaît manifestement excessive au regard des conséquences du non-respect de la clause de non-concurrence pour la société Berlin Packaging France. La clause pénale sera par conséquent modérée et fixée à la somme de 50 000 euros. La société Berlin Packaging France sera déboutée de ses demandes pour le surplus

Sur les frais de l'instance :

M. [R], partie qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance.

L'équité et la situation respective des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [F] [R] à verser la somme de 96 751, 70 euros à la SAS Berlin Packaging au titre de la violation de sa clause de non-concurrence, ainsi que 5 000 euros au titre de la clause pénale

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant

Condamne M. [F] [R] à verser à la société Berlin Packaging France la somme de 50 000 euros à titre de clause pénale en raison de la violation de la clause contractuelle de non-concurrence

Rejette toute demande pour le surplus

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel

Condamne M. [F] [R] aux dépens d'appel

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