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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 14 novembre 2025, n° 25/00346

BOURGES

Arrêt

Autre

CA Bourges n° 25/00346

14 novembre 2025

VS/ATF

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SELARL EDL AVOCAT

NOTIFICATION AUX PARTIES

NOTIFICATION AU MINISTÈRE PUBLIC

EXPEDITION

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURGES

LE : 14 NOVEMBRE 2025

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2025

N° RG 25/00346 - N° Portalis DBVD-V-B7J-DXJH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de BOURGES en date du 24 Mars 2025

PARTIES EN CAUSE :

I - M. [U] [L]

né le [Date naissance 5] 1968 à [Localité 15]

[Adresse 2]

[Localité 7]

- Mme [M] [N]

née le [Date naissance 9] 1972 à [Localité 17]

[Adresse 2]

[Localité 7]

- M. [W] [L]

né le [Date naissance 8] 1996 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentés et plaidants par Me Eric LAGUERENNE de la SELARL EDL AVOCAT, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANTS suivant déclaration du 05/04/2025

II - S.C.P. [J] ès qualité de mandataire judiciaire de la GAEC DES COMBES agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 10]

[Localité 6]

Non représentée

A laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées par commissaire de justice les 25 avril et 05 juin 2025 à personne habilitée

INTIMÉE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. TESSIER-FLOHIC, Président chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Alain TESSIER-FLOHIC Président de chambre

M. Richard PERINETTI Conseiller

Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseillère

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT

***************

Le dossier a été communiqué au Ministère Public le 09 septembre 2025, date à laquelle il a rédigé par mention au dossier des conclusions qui ont été transmises par RPVA

***************

ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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EXPOSÉ DU LITIGE

Le groupement agricole d'exploitation en commun dénommé Gaec des Combes a sollicité l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire comme étant en état de cessation des paiements à la suite d'une décision du tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Amand-Montrond devenue définitive qui amputait la surface exploitable de 147 ha et avait pour conséquence d'une part une réduction nécessaire du cheptel et une perte de la prime PAC ainsi que d'autre part, une diminution corrélative du chiffre d'affaires.

Par jugement du 19 décembre 2024, l'état de cessation des paiements était constaté et fixé provisoirement au 6 décembre 2024 et une procédure de redressement judiciaire était ouverte avec une période d'observation de six mois et poursuite d'activité. Une prorogation de la période était ordonnée le 10 mars 2025 jusqu'au 23 juin 2025 et renouvelée jusqu'au 9 décembre 2025.

Sur requête du 23 janvier 2025, [U] [L], [M] [N] et [G] [T] [L] tous trois cautions des prêts du Gaec, sont titulaires de comptes courants associés débiteurs et au visa des dispositions de l'article L621-2 du code de commerce sollicitaient du tribunal, l'extension de la procédure de redressement judiciaire du Gaec à leur profit.

Un avis favorable était émis par le juge-commissaire et le ministère public.

Par jugement du 24 mars 2025 le tribunal judiciaire de Bourges, rejetait cependant la requête en extension au motif que s'il apparaissait que les intérêts financiers des cogérants étaient étroitement liés à ceux du Gaec, tous trois faisaient face à des difficultés économiques à titre personnel en ce qu'ils avaient engagé leurs patrimoines propres, ces éléments apparaissaient insuffisants pour caractériser la situation de confusion des patrimoines, exigée par la loi. Le tribunal rejetait en l'état la requête en extension sollicitée par les trois membres dudit Gaec.

Le 5 avril 2025, [U] [L], [M] [N] et [W] [L] interjetaient appel de la décision. Au terme de leurs dernières écritures en date du 2 juin 2025 régulièrement signifiées le 6 juin 2025 à la SCP [J] prise ès qualité de mandataire judiciaire du Gaec des Combes, ils sollicitaient la réformation de la décision et, l'accueil de leur demande en extension, sur la base des difficultés qu'ils rencontrent tous trois conséquence de l'état de cessation des paiements de la société d'exploitation agricole.

Les appelants soutiennent en effet qu'aux termes des dispositions de l'article 621-2 alinéa 2 du code de commerce, ils sont habiles à solliciter l'extension de la procédure en raison des voies d'exécution initiées par la MSA à leur encontre et en raison des difficultés financières auxquelles ils font face en leur qualité d'associés et de membres du Gaec. Les cotisations sociales dues au titre de la MSA constituent des dettes personnelles des trois associés calculées sur la base du temps passé au bénéfice de l'exploitation agricole.

Par ailleurs, tous trois travaillent exclusivement au sein du Gaec et sont responsables financièrement à titre personnel des dettes de celui-ci dans la limite de deux fois la fraction du capital social qu'ils possèdent.

Ils se sont engagés dans le cadre de cautionnements des prêts au bénéfice du Gaec des Combes.

Encore, chacun d'eux détient un compte courant d'associé débiteur qui doit être pris en compte pour caractériser la confusion des patrimoines. En effet, l'imbrication matérielle de leurs patrimoines constitue la confusion prévue par le texte.

Sont exposées les difficultés rencontrées par le Gaec à savoir cumulativement la perte d'animaux et la survenue du Covid qui a entraîné la fermeture du marché au cadran et donc l'impossibilité de vendre du cheptel vif et dès lors de disposer de ressources financières, avec en regard l'obligation de poursuivre l'entretien et les soins aux bêtes (multiplication des frais vétérinaires, coût d'achat de foins, farines et autres intrants) ; Des échéanciers ont été recherchés auprès des banques, mais se sont avérés impossibles à tenir compte-tenu de l'évolution négative de la situation. Les baux consentis au nom des associés ont été pour certains dénoncés, de telle sorte que la surface d'exploitation mise à disposition du Gaec s'en est trouvée amputée, et ce alors que les fermages étaient exigés des associés.

Le compte courant de chacun d'eux a alors cru dans des proportions telles que les associés ne peuvent plus faire face aux échéances, alors qu'ils sont salariés exclusifs du Gaec, ont interdiction d'exercer une activité concurrente et se consacrent à 100 % à l'activité au sein de celui-ci.

L'imbrication serait encore démontrée selon les appelants, par l'absence de division claire des locaux, certains étant loués par les associés preneurs à bail, mais mis à disposition du Gaec et d'autres comme le corps de ferme et l'habitation parentale, offerts en nature au Gaec, sans distinction des consommations de flux, et sans convention de répartition des abonnements et des consommations.

Au titre des perspectives, les appelants affirment qu'une recherche de nouvelles parcelles à prendre en fermage, était menée en coordination avec la SAFER qui leur proposerait une préemption à leur profit exclusif de 100 ha, mais à la condition de verser une avance sur fermage de 12.000 €.

La SCP [J] agissant en qualité de mandataire judiciaire du Gaec des Combes n'a pas constitué avocat.

Le parquet général a pris des réquisitions le 9 septembre 2025 et s'en rapporte à la sagesse de la cour d'appel.

L'ordonnance de clôture est en date du 22 septembre 2025.

L'affaire a été appelée et plaidée à l'audience du 1er octobre 2025 pour être mis en délibéré au 14 novembre 2025.

SUR QUOI :

Il résulte des dispositions de l'article L 621-2 alinéa 2 du code de commerce qu'à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.

Il est constant que la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice du Gaec des Combes est toujours en cours et une nouvelle période d'observation de six mois a été ouverte au 23 juin 2025. Ainsi la demande est recevable pour être engagée dans le délai de trois ans.

En droit, l'extension de la procédure collective a lieu en cas de relations financières anormales de confusion de patrimoines, sans qu'il soit besoin de démontrer en sus une imbrication inextricable et permanente des actifs et passifs. (CA [Localité 11], 19 janv. 2023, n° 22/02868 : JurisData n° 2023-001131)

En l'espèce et à hauteur de cour, il ressort que les apports en avances en terres de Mme [M] [N] sont de 5ha96, et des comptes sociaux qu'elle présente un compte courant d'associé débiteur à hauteur de 13798,79 €; de même, [U] [L] dispose lui aussi un compte courant d'associé débiteur de 18.070 € et [W] [L] de 7.777 €. Il ressort que ces comptes courants d'associés, ont fonctionné en position débitrice croissante depuis plusieurs années et représentent une charge considérable au regard des revenus des associés, qui ont l'obligation de travailler exclusivement au bénéfice du Gaec en leur qualité de salariés exclusifs.

Les locaux dans lesquels le Gaec exploite, sont pour une part en pleine propriété à savoir le corps de ferme et l'habitation des parents et loués pour le surplus. Pour la partie mise à disposition, les compteurs de flux électriques et d'eaux sont confondus entre ceux des associés et ceux de l'exploitation à travers le Gaec. Il n'existe pas de convention de mise à disposition, les accords passés étant verbaux.

Encore, il ressort des éléments produits une mise à disposition sans contrepartie de terres, de matériel indispensable à l'exploitation, comme notamment la herse, le semoir, divers matériels d'élevage et encore le cheptel vif appartenant en propre à Mme [M] [N].

Alors que les comptes du Gaec font apparaître 3 UTH sur une surface de 242 ha, amputée cependant de 147 ha après la décision du tribunal paritaire des baux ruraux de 2023, celles-ci correspondants aux trois emplois à plein temps des associés, et il ne ressort pas des comptes, des rémunérations corrélatives pour les années 2023 et 2024, ce qui peut permettre, même de manière très imparfaite, d'expliquer la progression des débits des comptes courants d'associés.

Il est rapporté à hauteur de cour que les baux verbaux qui ont été consentis à chacun des associés, ont été apportés dans le cadre d'une mise à disposition des terres au bénéfice du Gaec. Le non-paiement des fermages a d'ailleurs généré une action devant le tribunal paritaire des baux ruraux contre l'un des associés qui avait mis à disposition 32 hectares.

La mise à disposition sans contrepartie, si elle ne fait pas obstacle à la possibilité d'isoler la propriété des biens litigieux, constitue une relation financière anormale, de nature à constituer un élément de confusion des patrimoines avec le Gaec, justifiant l'extension de la mesure de redressement judiciaire aux trois associés.

Encore, il est démontré par la production des actes de poursuites contre chacun des associés, la mise en 'uvre des cautions consenties par la Banque Populaire à l'encontre de MM. [V] [L] et [U] [L] et Mme [M] [N] pour 7 prêts consentis au bénéfice du Gaec et pour lesquels ils s'étaient tous trois portés caution et pour la somme globale exigible de 261.89,53 €, ainsi que pour des impayés de cotisations MSA salariés pour les périodes 2016-2017 et 2018, alors qu'ils sont les seuls associés et gérant du groupement et sont seuls à y apporter leur concours en industrie ou en nature.

Dès lors il résulte de l'ensemble de ces éléments que les situations financières des trois appelants sont totalement confondues et imbriquées avec celle du Gaec des Combes actuellement en procédure de redressement judiciaire, et en conséquence ladite procédure ouverte au bénéfice du Gaec des Combes doit être étendue aux trois appelants et la décision de première instance réformée.

Les dépens doivent être passés en frais privilégiés de procédure judiciaire de redressement judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Constate l'imbrication des patrimoines de Mme [M] [N] et MM. [U] et [V] [L] d'une part et le Gaec des Combes.

- Constate que les difficultés financières rencontrées par Mme [M] [N] et MM. [U] et [V] [L] sont la conséquence directe et exclusive, de la situation financière du Gaec des Combes actuellement placé en redressement judiciaire.

- Prononce en conséquence l'extension de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 19 décembre 2024 au bénéfice du Gaec des Combes à :

- [M] [N] née le [Date naissance 9] 1972 à [Localité 16], demeurant [Adresse 3] commune de [Localité 18],

- [U] [L] né le [Date naissance 5] 1968 à [Localité 14], et demeurant [Adresse 3] commune de [Localité 18],

- [W] [L] né le [Date naissance 8] 1996 à [Localité 12] demeurant [Adresse 4] commune de [Localité 18].

- Dit que les dépens de la présente instance seront passés en frais privilégiés de redressement judiciaire.

L'arrêt a été signé par A. TESSIER-FLOHIC, Président, et par V. SERGEANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

V. SERGEANT A. TESSIER-FLOHIC

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