CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 13 novembre 2025, n° 21/06944
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 13 NOVEMBRE 2025
Rôle N° RG 21/06944 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHNRW
S.A.R.L. ARTISAN FOOD
C/
S.A.S. SAS 48 [Adresse 3] SERVICE
Copie exécutoire délivrée
le : 13/11/25
à :
Me Caroline GUEDON
Me Jean-François JOURDAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 08 Avril 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2019F01792.
APPELANTE
S.A.R.L. ARTISAN FOOD, prise en la personne de son gérant,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Caroline GUEDON de la SELARL CABINET CERMOLACCE-GUEDON, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS 48 [Adresse 3] SERVICE, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, magistrat rapporteur
Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre
Mme Magali VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2025,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS & PROCÉDURE
La SAS [Adresse 3] Services, ayant pour représentant légal la SAS Arrelia, exploite un hôtel-restaurant « Les Feuillants » situé [Adresse 1].
La SARL Artisan Food est une entreprise de restauration ayant pour représentant légal M. [C] [P], chef étoilé.
Aux termes d'un « accord de partenariat » signé le 20 octobre 2016, la SAS Arrelia et M. [C] [P] se sont accordés sur la création d'une SAS La Sartine, co-entreprise dédiée à la création d'une brasserie contemporaine au sein de l'établissement exploité par la SAS [Adresse 3] Services.
Des divergences d'appréciation entre les parties ont mis un terme au projet en septembre 2018.
Le 28 octobre 2018, la SARL Artisan Food a facturé sa mission de consulting à la SAS [Adresse 3] Services à hauteur de 19 908 euros TTC.
Par courrier du 25 janvier 2019, la SAS [Adresse 3] Services en a contesté le principe et le montant.
Par assignation du 19 décembre 2019, la SARL Artisan Food a saisi le tribunal de commerce de Marseille d'une action en paiement dirigée contre la SAS [Adresse 3] Services.
Par jugement du 8 avril 2021, le tribunal de commerce de Marseille a :
- déclaré la SARL Artisan Food recevable en ses demandes,
- débouté la SARL Artisan Food de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la SARL Artisan Food à payer à la SAS [Adresse 3] Services la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,
- laissé les dépens à la charge de la SARL Artisan Food,
- rejeté le surplus des demandes.
Par déclaration du 7 mai 2021, la SARL Artisan Food a interjeté appel du jugement en visant chacune des mentions de son dispositif.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante aux fins d'interruption de péremption d'instance notifiées par la voie électronique le 13 août 2025 à 13 heures 22, la SARL Artisan Food demande à la cour de :
- rejeter toutes prétentions contraires,
- juger que les présentes conclusions sont signifiées aux fins d'interrompre le délai de péremption d'instance,
À titre principal,
- réformer purement et simplement, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,
Et, statuant à nouveau,
- juger qu'elle rapporte la preuve de la réalité de ses prestations, à l'article 1315 du code civil,
En conséquence,
- constater la commune intention des parties et l'engagement ferme de la SAS 48 [Adresse 3] Services d'avoir à la rémunérer au titre du contrat de consulting pour les prestations réalisées entre septembre 2015 et septembre 2018 sur la brasserie de l'Ilot [Adresse 3],
- constater que la réalisation des prestations ne souffre aucune contestation,
En conséquence,
À titre principal,
- condamner la SAS 48 [Adresse 3] Services au paiement de la somme de 19 908 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2019, date de l'émission de la facture,
À titre subsidiaire,
- constater l'enrichissement sans cause de la SAS 48 [Adresse 3] Services,
En conséquence,
- condamner la SAS 48 [Adresse 3] Services à lui payer la somme de 19 908 euros TTC,
En toute hypothèse,
- condamner la SAS 48 [Adresse 3] Services au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 1231 du code civil, outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, conformément aux articles 695 et suivants du code de procédure civile.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 octobre 2021, la SAS 48 [Adresse 3] Services demande à la cour de :
À titre principal,
- juger que la déclaration d'appel du 7 mai 2021 ne défère à la cour aucun chef critiqué du jugement,,
- juger que la cour n'est pas saisie du fait de l'absence d'effet dévolutif de l'appel,
- juger n'y avoir lieu à statuer sur l'appel de la SARL Artisan Food,
À titre subsidiaire,
- juger irrecevables les demandes de la SARL Artisan Food pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,
- juger ces demandes infondées,
- juger que les relations entre M. [P] et la SAS 48 [Adresse 3] Services se sont inscrites dans le cadre de pourparlers qui ont été rompus à la seule initiative de M. [P],
- juger que les prestations alléguées sur la facture litigieuse sont relatives au projet commun de partenariat qui a été finalement abandonné par M. [P],
- juger que la facture litigieuse émise unilatéralement par la SARL Artisan Food après la rupture des pourparlers à son initiative, n'a fait l'objet d'aucun accord préalable,
- juger qu'en toute hypothèse la SARL Artisan Food ne rapporte pas la preuve de la réalité des prestations objet de la facture, et de la justification de leur montant qui est contesté,
- confirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- débouter la SARL Artisan Food de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions comme injustes et mal fondées,
En toute hypothèse,
- condamner la SARL Artisan Food au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Artisan Food aux entiers dépens.
* * *
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées pour l'exposé des moyens et prétentions des parties.
La clôture a été prononcée le 26 août 2025. Le dossier a été plaidé le 9 septembre 2025 et mis en délibéré au 13 novembre 2025.
L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'effet dévolutif :
La SAS [Adresse 3] Services observe que la déclaration d'appel du 7 mai 2021 se borne à mentionner que l'appel est total et ne mentionne pas les chefs de jugement expressément critiqués. Elle fait valoir que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Par suite, l'effet dévolutif n'opère pas lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués.
la SAS [Adresse 3] Services estime que la mention « appel total » ne peut être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement, ni être régularisée par des conclusions au fond. En l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la cour n'est saisie d'aucune demande et ne peut statuer au fond (Civ. 2, 30 janvier 2020, 18-22.528).
La SARL Artisan Food ne conclut pas sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
Sur ce,
La déclaration d'appel du 7 mai 2021 comporte une annexe qui, sans être visée expressément, conclut à la réformation du jugement entrepris et énumère chacune des mentions de son dispositif.
La cour de cassation a eu l'occasion de préciser que la déclaration d'appel qui ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement ne peut être annulée pour vice de forme, et que l'énonciation des chefs de jugement critiqués peut figurer dans une annexe même en l'absence d'empêchement technique. La déclaration d'appel n'est pas privée pas de son effet dévolutif (Civ. 2, 7 mars 2024, 22-20.035).
La cour est donc valablement saisie de l'appel interjeté par la SAS [Adresse 3] Services.
Sur l'action en paiement :
La SARL Artisan Food entend mettre en cause la responsabilité contractuelle de la SAS [Adresse 3] Services. Elle observe que, par courrier électronique du 29 septembre 2018, M. [G] [N] agissant en qualité de représentant légal de la SAS Arrelia a expressément admis que M. [C] [P] facture son activité de consulting jusqu'à l'ouverture de la brasserie à hauteur de 30 000 euros ' sauf à préciser que le règlement pourrait prendre la forme d'une cession de parts sociales dans la co-entreprise. Elle souligne que M. [P] ' qui a démontré une implication active dans la gestation du projet entre septembre 2016 et septembre 2018, ainsi qu'il résulte des échanges de courriers électroniques entre les parties prenantes, de l'établissement de plans et de différents comptes rendus de réunion ' fait preuve de modération en ne facturant que 16 590 euros HT au lieu des 30 000 prévus.
La SARL Artisan Food fait valoir à titre subsidiaire que ses prétentions se justifient également au regard d'un enrichissement sans cause de la SAS [Adresse 3] Services, au sens de l'article 1303 du code civil, et de l'obligation de restitution en valeur de l'apport en industrie qu'il a effectué dans le cadre juridique d'une société créée de fait au sens de l'article 1873 du code civil.
La SAS [Adresse 3] Services invoque à titre principal le défaut de qualité et d'intérêt pour agir de la SARL Artisan Food, dont l'extrait K-bis atteste de ce qu'elle n'a vocation qu'à exploiter le restaurant « Le panier de [C] » et nullement l'activité de consulting au titre de laquelle elle prétend facturer la SAS [Adresse 3] Services. Au surplus, le contrat dont elle se prévaut a été signé le 20 octobre 2016 par M. [C] [P] alors qu'elle-même n'a été constituée que l'année suivante, en 2017.
À titre subsidiaire, la SAS [Adresse 3] Services conteste la responsabilité contractuelle invoquée par la SARL Artisan Food. Leurs relations s'analysent en réalité en de simples pourparlers, et les courriers électroniques échangés attestent de l'absence d'accord sur les apports en nature, le capital social, le financement de l'activité à venir. Le projet n'était pas abouti lorsque, par courrier électronique du 29 septembre 2018, M. [P] a rompu les négociations pour se consacrer à d'autres priorités (exploitation d'un restaurant à [Localité 4], création d'un restaurant à [Localité 5] dans le quartier du Panier, activité de consultant pour la société Sodexo).
Elle conteste également l'existence d'une société créée de fait, faute de volonté commune d''uvrer à la réalisation d'un projet, de l'existence d'apports et d'une vocation commune à partager pertes et bénéfices, conditions requises par l'article 1832 du code civil auquel renvoie l'article 1873. Elle observe d'autre part que cette prétendue société n'a reçu aucun commencement d'exécution.
La SAS [Adresse 3] Services soutient enfin qu'aucun enrichissement sans cause n'est caractérisé, faute de déplacement de valeurs entre les patrimoines de la SAS [Adresse 3] Services et de la SARL Artisan Food. Elle ajoute à titre subsidiaire que son enrichissement éventuel ne saurait donner lieu à indemnisation compte tenu des restrictions apportées par les articles 1303-1 et 1303-2 du code civil :
- d'une part, l'appauvrissement invoqué trouve sa cause dans l'accord de partenariat du 20 octobre 2016, et procède ainsi « de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri », et
- d'autre part, il procède d'un acte accompli en vue d'un profit personnel, les diligences invoquées par la SARL Artisan Food ayant été effectuées dans la perspective de la création d'une SAS La Sartine dont elle avait vocation à acquérir 40 % du capital.
Sur ce,
Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir (article 32 du code de procédure civile).
La cour relève que la SARL Artisan Food ne conclut pas sur le défaut de qualité pour agir.
En l'occurrence, les parties au contrat du 20 octobre 2016 sont d'une part, M. [C] [P] qui n'est pas mentionné comme agissant en qualité de représentant légal de la SARL Artisan Food, et d'autre part M. [G] [N] qui intervient « pour la SAS Arrelia » et non pour la SAS [Adresse 3] Services.
La SARL Artisan Food n'est pas partie au contrat du 20 octobre 2016. Elle n'a donc pas qualité pour agir et ses prétentions sont irrecevables.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a admis la recevabilité des demandes de la SARL Artisan Food et a statué sur le fond.
Sur les demandes annexes :
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens doivent être confirmées.
L'équité justifie la condamnation de la SARL Artisan Food à payer à la SAS [Adresse 3] Services une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SARL Artisan Food est condamnée aux dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Dit qu'elle est saisie par l'effet dévolutif de l'appel.
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la SARL Artisan Food et a statué sur le fond.
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes de la SARL Artisan Food.
Confirme le jugement entrepris sur les frais irrépétibles et les dépens.
Y ajoutant,
Condamne la SARL Artisan Food à payer à la SAS [Adresse 3] Services une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour.
Condamne la SARL Artisan Food aux entiers dépens de l'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 13 NOVEMBRE 2025
Rôle N° RG 21/06944 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHNRW
S.A.R.L. ARTISAN FOOD
C/
S.A.S. SAS 48 [Adresse 3] SERVICE
Copie exécutoire délivrée
le : 13/11/25
à :
Me Caroline GUEDON
Me Jean-François JOURDAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 08 Avril 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2019F01792.
APPELANTE
S.A.R.L. ARTISAN FOOD, prise en la personne de son gérant,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Caroline GUEDON de la SELARL CABINET CERMOLACCE-GUEDON, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Me Agnès ERMENEUX, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS 48 [Adresse 3] SERVICE, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JF JOURDAN - PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2025 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, magistrat rapporteur
Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre
Mme Magali VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2025.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2025,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS & PROCÉDURE
La SAS [Adresse 3] Services, ayant pour représentant légal la SAS Arrelia, exploite un hôtel-restaurant « Les Feuillants » situé [Adresse 1].
La SARL Artisan Food est une entreprise de restauration ayant pour représentant légal M. [C] [P], chef étoilé.
Aux termes d'un « accord de partenariat » signé le 20 octobre 2016, la SAS Arrelia et M. [C] [P] se sont accordés sur la création d'une SAS La Sartine, co-entreprise dédiée à la création d'une brasserie contemporaine au sein de l'établissement exploité par la SAS [Adresse 3] Services.
Des divergences d'appréciation entre les parties ont mis un terme au projet en septembre 2018.
Le 28 octobre 2018, la SARL Artisan Food a facturé sa mission de consulting à la SAS [Adresse 3] Services à hauteur de 19 908 euros TTC.
Par courrier du 25 janvier 2019, la SAS [Adresse 3] Services en a contesté le principe et le montant.
Par assignation du 19 décembre 2019, la SARL Artisan Food a saisi le tribunal de commerce de Marseille d'une action en paiement dirigée contre la SAS [Adresse 3] Services.
Par jugement du 8 avril 2021, le tribunal de commerce de Marseille a :
- déclaré la SARL Artisan Food recevable en ses demandes,
- débouté la SARL Artisan Food de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamné la SARL Artisan Food à payer à la SAS [Adresse 3] Services la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,
- laissé les dépens à la charge de la SARL Artisan Food,
- rejeté le surplus des demandes.
Par déclaration du 7 mai 2021, la SARL Artisan Food a interjeté appel du jugement en visant chacune des mentions de son dispositif.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante aux fins d'interruption de péremption d'instance notifiées par la voie électronique le 13 août 2025 à 13 heures 22, la SARL Artisan Food demande à la cour de :
- rejeter toutes prétentions contraires,
- juger que les présentes conclusions sont signifiées aux fins d'interrompre le délai de péremption d'instance,
À titre principal,
- réformer purement et simplement, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,
Et, statuant à nouveau,
- juger qu'elle rapporte la preuve de la réalité de ses prestations, à l'article 1315 du code civil,
En conséquence,
- constater la commune intention des parties et l'engagement ferme de la SAS 48 [Adresse 3] Services d'avoir à la rémunérer au titre du contrat de consulting pour les prestations réalisées entre septembre 2015 et septembre 2018 sur la brasserie de l'Ilot [Adresse 3],
- constater que la réalisation des prestations ne souffre aucune contestation,
En conséquence,
À titre principal,
- condamner la SAS 48 [Adresse 3] Services au paiement de la somme de 19 908 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2019, date de l'émission de la facture,
À titre subsidiaire,
- constater l'enrichissement sans cause de la SAS 48 [Adresse 3] Services,
En conséquence,
- condamner la SAS 48 [Adresse 3] Services à lui payer la somme de 19 908 euros TTC,
En toute hypothèse,
- condamner la SAS 48 [Adresse 3] Services au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 1231 du code civil, outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, conformément aux articles 695 et suivants du code de procédure civile.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 octobre 2021, la SAS 48 [Adresse 3] Services demande à la cour de :
À titre principal,
- juger que la déclaration d'appel du 7 mai 2021 ne défère à la cour aucun chef critiqué du jugement,,
- juger que la cour n'est pas saisie du fait de l'absence d'effet dévolutif de l'appel,
- juger n'y avoir lieu à statuer sur l'appel de la SARL Artisan Food,
À titre subsidiaire,
- juger irrecevables les demandes de la SARL Artisan Food pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,
- juger ces demandes infondées,
- juger que les relations entre M. [P] et la SAS 48 [Adresse 3] Services se sont inscrites dans le cadre de pourparlers qui ont été rompus à la seule initiative de M. [P],
- juger que les prestations alléguées sur la facture litigieuse sont relatives au projet commun de partenariat qui a été finalement abandonné par M. [P],
- juger que la facture litigieuse émise unilatéralement par la SARL Artisan Food après la rupture des pourparlers à son initiative, n'a fait l'objet d'aucun accord préalable,
- juger qu'en toute hypothèse la SARL Artisan Food ne rapporte pas la preuve de la réalité des prestations objet de la facture, et de la justification de leur montant qui est contesté,
- confirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- débouter la SARL Artisan Food de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions comme injustes et mal fondées,
En toute hypothèse,
- condamner la SARL Artisan Food au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL Artisan Food aux entiers dépens.
* * *
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées pour l'exposé des moyens et prétentions des parties.
La clôture a été prononcée le 26 août 2025. Le dossier a été plaidé le 9 septembre 2025 et mis en délibéré au 13 novembre 2025.
L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'effet dévolutif :
La SAS [Adresse 3] Services observe que la déclaration d'appel du 7 mai 2021 se borne à mentionner que l'appel est total et ne mentionne pas les chefs de jugement expressément critiqués. Elle fait valoir que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Par suite, l'effet dévolutif n'opère pas lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués.
la SAS [Adresse 3] Services estime que la mention « appel total » ne peut être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement, ni être régularisée par des conclusions au fond. En l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la cour n'est saisie d'aucune demande et ne peut statuer au fond (Civ. 2, 30 janvier 2020, 18-22.528).
La SARL Artisan Food ne conclut pas sur l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
Sur ce,
La déclaration d'appel du 7 mai 2021 comporte une annexe qui, sans être visée expressément, conclut à la réformation du jugement entrepris et énumère chacune des mentions de son dispositif.
La cour de cassation a eu l'occasion de préciser que la déclaration d'appel qui ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement ne peut être annulée pour vice de forme, et que l'énonciation des chefs de jugement critiqués peut figurer dans une annexe même en l'absence d'empêchement technique. La déclaration d'appel n'est pas privée pas de son effet dévolutif (Civ. 2, 7 mars 2024, 22-20.035).
La cour est donc valablement saisie de l'appel interjeté par la SAS [Adresse 3] Services.
Sur l'action en paiement :
La SARL Artisan Food entend mettre en cause la responsabilité contractuelle de la SAS [Adresse 3] Services. Elle observe que, par courrier électronique du 29 septembre 2018, M. [G] [N] agissant en qualité de représentant légal de la SAS Arrelia a expressément admis que M. [C] [P] facture son activité de consulting jusqu'à l'ouverture de la brasserie à hauteur de 30 000 euros ' sauf à préciser que le règlement pourrait prendre la forme d'une cession de parts sociales dans la co-entreprise. Elle souligne que M. [P] ' qui a démontré une implication active dans la gestation du projet entre septembre 2016 et septembre 2018, ainsi qu'il résulte des échanges de courriers électroniques entre les parties prenantes, de l'établissement de plans et de différents comptes rendus de réunion ' fait preuve de modération en ne facturant que 16 590 euros HT au lieu des 30 000 prévus.
La SARL Artisan Food fait valoir à titre subsidiaire que ses prétentions se justifient également au regard d'un enrichissement sans cause de la SAS [Adresse 3] Services, au sens de l'article 1303 du code civil, et de l'obligation de restitution en valeur de l'apport en industrie qu'il a effectué dans le cadre juridique d'une société créée de fait au sens de l'article 1873 du code civil.
La SAS [Adresse 3] Services invoque à titre principal le défaut de qualité et d'intérêt pour agir de la SARL Artisan Food, dont l'extrait K-bis atteste de ce qu'elle n'a vocation qu'à exploiter le restaurant « Le panier de [C] » et nullement l'activité de consulting au titre de laquelle elle prétend facturer la SAS [Adresse 3] Services. Au surplus, le contrat dont elle se prévaut a été signé le 20 octobre 2016 par M. [C] [P] alors qu'elle-même n'a été constituée que l'année suivante, en 2017.
À titre subsidiaire, la SAS [Adresse 3] Services conteste la responsabilité contractuelle invoquée par la SARL Artisan Food. Leurs relations s'analysent en réalité en de simples pourparlers, et les courriers électroniques échangés attestent de l'absence d'accord sur les apports en nature, le capital social, le financement de l'activité à venir. Le projet n'était pas abouti lorsque, par courrier électronique du 29 septembre 2018, M. [P] a rompu les négociations pour se consacrer à d'autres priorités (exploitation d'un restaurant à [Localité 4], création d'un restaurant à [Localité 5] dans le quartier du Panier, activité de consultant pour la société Sodexo).
Elle conteste également l'existence d'une société créée de fait, faute de volonté commune d''uvrer à la réalisation d'un projet, de l'existence d'apports et d'une vocation commune à partager pertes et bénéfices, conditions requises par l'article 1832 du code civil auquel renvoie l'article 1873. Elle observe d'autre part que cette prétendue société n'a reçu aucun commencement d'exécution.
La SAS [Adresse 3] Services soutient enfin qu'aucun enrichissement sans cause n'est caractérisé, faute de déplacement de valeurs entre les patrimoines de la SAS [Adresse 3] Services et de la SARL Artisan Food. Elle ajoute à titre subsidiaire que son enrichissement éventuel ne saurait donner lieu à indemnisation compte tenu des restrictions apportées par les articles 1303-1 et 1303-2 du code civil :
- d'une part, l'appauvrissement invoqué trouve sa cause dans l'accord de partenariat du 20 octobre 2016, et procède ainsi « de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri », et
- d'autre part, il procède d'un acte accompli en vue d'un profit personnel, les diligences invoquées par la SARL Artisan Food ayant été effectuées dans la perspective de la création d'une SAS La Sartine dont elle avait vocation à acquérir 40 % du capital.
Sur ce,
Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir (article 32 du code de procédure civile).
La cour relève que la SARL Artisan Food ne conclut pas sur le défaut de qualité pour agir.
En l'occurrence, les parties au contrat du 20 octobre 2016 sont d'une part, M. [C] [P] qui n'est pas mentionné comme agissant en qualité de représentant légal de la SARL Artisan Food, et d'autre part M. [G] [N] qui intervient « pour la SAS Arrelia » et non pour la SAS [Adresse 3] Services.
La SARL Artisan Food n'est pas partie au contrat du 20 octobre 2016. Elle n'a donc pas qualité pour agir et ses prétentions sont irrecevables.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a admis la recevabilité des demandes de la SARL Artisan Food et a statué sur le fond.
Sur les demandes annexes :
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens doivent être confirmées.
L'équité justifie la condamnation de la SARL Artisan Food à payer à la SAS [Adresse 3] Services une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SARL Artisan Food est condamnée aux dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Dit qu'elle est saisie par l'effet dévolutif de l'appel.
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de la SARL Artisan Food et a statué sur le fond.
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes de la SARL Artisan Food.
Confirme le jugement entrepris sur les frais irrépétibles et les dépens.
Y ajoutant,
Condamne la SARL Artisan Food à payer à la SAS [Adresse 3] Services une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour.
Condamne la SARL Artisan Food aux entiers dépens de l'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT