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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 12 novembre 2025, n° 25/06982

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/06982

12 novembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2025

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/06982 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLGCB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2025 - Tribunal des activités économiques de PARIS - RG n° 2024062482

APPELANTE

S.A.S. SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE IVRY SEINE représentée par son président

[Adresse 3]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 592 036 933

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée par Me Stéphane KARAGEORGIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C536

INTIMÉES

S.A.R.L. DISCLOSED

[Adresse 1]

[Localité 5]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 443 930 144

S.E.L.A.F.A. MJA MANDATAIRES JUDICIAIRES ASSOCIES

[Adresse 2]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 440 672 509

Représentées par Me Isaline POUX de la SELEURL IP ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : D1668

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Raoul CARBONARO, Président de chambre

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Isabelle ROHART, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Raoul CARBONARO, président, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

Le 19 septembre 2007, par acte sous signature privée, la Société Immobilière Ivry Seine a consenti à la SARL Disclosed un bail commercial pour une durée de deux ans à compter du 1er septembre 2007, pour des locaux sis au [Adresse 1] à [Localité 5], à usage de commerce de vente de prêt-à-porter.

La société Disclosed s'est vu reconnaître, par jugement du tribunal judiciaire de Paris du 1er septembre 2011, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 septembre 2013, la confirmation d'un bail commercial de 9 ans à compter du 1er septembre 2007. Ce bail a été renouvelé pour 9 ans à compter du 1er septembre 2018 par suite de la demande de renouvellement exprimée le 13 mars 2018 par la SARL Disclosed.

A partir d'octobre 2013, la SARL Disclosed a cessé d'être à jour de ses loyers et a fait l'objet de plusieurs commandements de payer notamment des 26 septembre 2016, 21 décembre 2016 et 12 février 2018.

Par acte du 22 octobre 2019, le commissaire de justice a produit un commandement de payer la somme de 8 154,26 euros pour les loyers de juin à octobre 2019, ce commandement rappelant la clause résolutoire prévue au bail.

Par ordonnance de référé du 26 novembre 2021, la SARL Disclosed a été condamnée à payer une provision de 23 177 euros à valoir sur les loyers arrêtés en juin 2021, outre la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par assignation du 6 janvier 2022, la Société Immobilière Ivry Seine a saisi le tribunal de commerce de Paris, lequel a ouvert le 14 mars 2024 une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL Disclosed ce qui a entraîné l'interruption de l'instance.

La Société Immobilière Ivry Seine a déclaré une créance de 30 841,53 euros au passif de la SARL Disclosed.

Par requête du 5 juillet 2024, la Société Immobilière Ivry Seine a saisi le juge-commissaire d'une demande de constat de résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire.

Par ordonnance du 19 septembre 2024, le juge-commissaire a rejeté la requête de la Société Immobilière Ivry Seine au motif que la SARL Disclosed avait justifié par un décompte du règlement des loyers courants afférents à l'occupation des locaux postérieure au jugement d'ouverture, et a dit n'y avoir lieu à constat de résiliation du bail commercial pour défaut de paiement des loyers postérieurs.

La Société Immobilière Ivry Seine a formé le 1er octobre 2024 un recours à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire du 19 septembre 2024, notifiée le 24 septembre 2024 à la Société Immobilière Ivry Seine.

Par jugement du 8 avril 2024, le tribunal de commerce de Paris a :

- Dit recevable mais mal fondé le recours de la Société Immobilière Ivry Seine ;

- Confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 17 juin 2024 par le juge-commissaire de la procédure de redressement judiciaire de la SARL Disclosed ;

- Condamné la Société Immobilière Ivry Seine à payer à la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [X] [O], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Disclosed, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Condamné la Société Immobilière Ivry Seine aux dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 juin 2025, la Société Immobilière Ivry Seine demande à la cour, au visa de l'article L. 622-14, 2° du code de commerce, de :

- La déclarer bien fondée en son appel ;

- Infirmer le jugement rendu le 25 mars 2025 par le tribunal des activités économiques de Paris en ce qu'il a :

- Dit recevable mais mal fondé le recours de la Société Immobilière Ivry Seine,

- Confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 17 juin 2024 par le juge commissaire de la procédure de redressement judiciaire de la société Disclosed,

- Condamné la Société Immobilière Ivry Seine à payer à la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [K] [O], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Disclosed, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la Société Immobilière Ivry Seine de ses demandes autres, plus amples ou contraires,

- Condamné la Société Immobilière Ivry Seine aux dépens de l'instance ;

Statuant à nouveau,

- Constater la résiliation de plein droit du bail portant sur la boutique à droite de l'entrée de l'immeuble [Adresse 1] à [Localité 5], consenti par la Société Immobilière Ivry Seine à la société Disclosed en redressement judiciaire,

- Condamner la société Disclosed et la SELAFA MJA, mandataires judiciaire, prise en la personne de Me [X] [O] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

En tout état de cause,

- Débouter la société Disclosed et la SELAFA MJA, mandataires judiciaire, prise en la personne de Me [X] [O], de leur demande d'article 700.

***

Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 octobre 2025, les conclusions de la société Disclosed et de la SELAFA MJA ont été déclarées irrecevables comme tardives, étant observé qu'à l'audience, les parties ont déclaré renoncer à former un déféré à l'encontre de cette ordonnance.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 octobre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'admission de l'indemnité de résiliation

Moyens des parties :

La Société Immobilière Ivry Seine, poursuivant l'infirmation du jugement et la constatation de la résiliation de plein droit du bail, soutient que la société Disclosed n'a pas réglé le loyer exigible le 1er juillet 2024 à concurrence de 1 732,02 euros, soit plus de trois mois après le prononcé du redressement judiciaire ; que le défaut de paiement des loyers et charges doit se poursuivre jusqu'au jour du dépôt de la requête par le bailleur, et non au jour de l'audience, de sorte qu'elle était fondée à faire constater la résiliation de plein droit du bail par le juge-commissaire ; que la société Disclosed ne démontre qu'elle était à jour de ses loyers le 5 juillet 2024, le contraire résultant de la comptabilité communiquée à l'appui de la requête. Subsidiairement, quand bien même on se placerait au jour de l'audience (5 septembre 2024) et qu'à cette date la société Disclosed semblait à jour de ses loyers, payés le jour même, sans même tenir compte des intérêts de retard à trois fois l'intérêt légal, elle soutient qu'il convient de tenir compte des indemnités forfaitaires de 40 euros pour les loyers des mois précédents non payés à bonne date, qui constitue un accessoire de la créance de loyer s'intégrant à la dette, soit pour les mois d'avril à août 2024, donc 5 mois, une somme de 200 euros, de sorte que la société Disclosed au jour de l'audience restait encore débitrice à concurrence de 200 euros - 43,05 euros = 156,95 euros ; qu'il n'est pas nécessaire de réclamer cette indemnité forfaitaire car elle est due de plein droit, soit sans aucune formalité ; qu'aux termes de l'article L. 441-10 du code de commerce les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire dès lors que le créancier a rempli ses obligations et qu'il n'a pas reçu le montant dû à l'échéance.

La société Disclosed et la SELAFA MJA, ès qualités, sont réputées s'approprier les motifs du jugement, conformément au dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article L. 622-14, 2° du code de commerce, la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient dans les conditions suivantes : ['] Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement.

Il résulte du texte applicable que, s'agissant des loyers et charges postérieurs au jugement d'ouverture, le bailleur recouvre sa faculté d'agir en résiliation, pour impayés, aux termes d'un délai de trois mois après l'ouverture de la procédure, le texte précisant que si le paiement des loyers et charges postérieurs impayés est intervenu au cours de ce délai de trois mois, la résiliation ne peut être prononcée.

Il s'agit d'une procédure autonome et spécifique, pour laquelle le bailleur n'est pas tenu de délivrer le commandement prévu par l'article L. 145-41 du code de commerce. De même, le juge-commissaire - saisi d'une demande sur ce fondement - qui constate que le défaut de paiement des loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture est établi, doit constater la résiliation de plein droit du bail, et ce sans pouvoir accorder des délais de grâce au locataire.

En l'espèce, il est acquis que plus de trois mois se sont écoulés depuis le jugement d'ouverture de la procédure, le 14 mars 2024.

Si la société Disclosed n'a pas réglé le loyer exigible le 1er juillet 2024 à concurrence de 1 732,02 euros du bail dont elle est titulaire et où elle exploite son fonds de commerce, soit plus de trois mois après le prononcé du redressement judiciaire, il n'est toutefois pas contesté par les parties que le règlement des loyers et des charges afférents à la période postérieure à l'ouverture du redressement judiciaire avait été régularisé à la date où le juge-commissaire a statué, soit le 19 septembre 2024, ce dernier refusant dès lors à bon droit - aux termes de son ordonnance - de constater la résiliation de droit du bail commercial pour défaut de paiement de loyers postérieurs à l'ouverture de la procédure.

En outre, il résulte de l'article L. 441-10 du code de commerce que les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire dès lors que le créancier a rempli ses obligations et qu'il n'a pas reçu le montant dû à l'échéance. Tout professionnel en situation de retard de paiement est ainsi de plein droit débiteur à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dont le montant - fixé par l'article D. 441-5 du même code - est de 40 euros. Il est exigé que ce montant figure sur les factures, ce qui est le cas en l'espèce, la mention se trouvant sur les avis d'échéance.

Toutefois, les indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement, qui s'élèveraient à 200 euros, dont le demandeur indique qu'elles n'ont pas été réglées par la SARL Disclosed, ne font pas partie des loyers et charges afférents du bail, de sorte que le non-paiement de celles-ci, pour autant qu'elles aient été formellement réclamées par le demandeur, ne constitue pas un motif légitime pour constater la résiliation de droit du bail commercial au visa de l'article L. 622-14 2° du code de commerce.

Par conséquent, le recours contre l'ordonnance du juge-commissaire du 17 juin 2024 ne saurait prospérer et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les frais du procès

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens.

En outre, la Société Immobilière Ivry Seine - partie succombante - sera condamnée aux dépens d'appel.

Enfin, l'équité commande que chaque partie conserve la charge de ses propres frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions frappées d'appel ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de voir constater la résiliation de plein droit du bail consenti par la Société Immobilière Ivry Seine portant sur le local situé au [Adresse 1] à [Localité 5] ;

Dit que chaque partie conserve la charge de ses propres frais non compris dans les dépens prévus à l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Société Immobilière Ivry Seine aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

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