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CA Lyon, 3e ch. a, 13 novembre 2025, n° 22/02247

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 22/02247

13 novembre 2025

N° RG 22/02247 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OGKW

Décision du

Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE

Au fond

du 27 janvier 2022

RG : 2019j547

ch n°

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG

C/

[I]

[C]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 13 Novembre 2025

APPELANTE :

La société INTRUM DEBT FINANCE AG

(anciennement dénommée INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG), Société anonyme de droit suisse, immatriculée au Registre du Commerce du Canton de ZUG (SUISSE) sous le numéro CHE-100.023.266, dont le siège social est situé [Adresse 10] (SUISSE), prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité de droit audit siège, venant aux droits de la société BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, société Anonyme coopérative de Banque Populaire dont le siège est sis [Adresse 6], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 605 520 071,ayant pour mandataire de gestion la société INTRUM CORPORATE, société par actions simplifiée à associée unique immatriculée au registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 797 546 769 dûment représentée par ses dirigeant légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Sis [Adresse 4]

([Localité 8]

Représentée par Me Marie-josèphe LAURENT de la SELAS IMPLID AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 768

INTIMES :

Madame [W] [K] [I],

née le [Date naissance 5] 1971 à [Localité 11] (38)

de nationalité française,

demeurant [Adresse 7],

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphanie PALLE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

ET

Monsieur [P] [C],

né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 11] (38),

de nationalité française,

demeurant [Adresse 9]

[Localité 1].

Non représenté malgré signification de la déclaration d'appel par acte du 28/04/2022 à personne habilitée et signification des conclusions par acte du 23/06/2022 à personne.

******

Date de clôture de l'instruction : 14 Mars 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Septembre 2025

Date de mise à disposition : 13 Novembre 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Sophie DUMURGIER, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistés pendant les débats de Céline DESPLANCHES, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.

Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Céline DESPLANCHES, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 13 décembre 2012, la Banque Populaire Loire et Lyonnais, aujourd'hui devenue Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes, a consenti à la SAS Au Rythme des Saisons, un prêt professionnel d'un montant de 25 000 euros remboursable sur 60 mois, pour lequel M. [P] [C] et Mme [W] [I] se sont portés caution solidaire chacun dans la limite de 30.000 euros et pour une durée de 84 mois.

Par jugement du 18 novembre 2014 du tribunal de commerce de Vienne, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Au Rythme des Saisons.

Le 12 décembre 2014, la Banque Populaire Loire et Lyonnais a déclaré sa créance auprès du liquidateur judiciaire de la société Au Rythme des Saisons.

Le même jour, la Banque Populaire Loire et Lyonnais a mis en demeure Mme [I], par courrier recommandé avec accusé de réception, de lui régler la somme de 17 153,59 euros outre intérêts en sa qualité de caution solidaire.

M. [C] s'étant acquitté de sa dette, le montant restant dû à la Banque Populaire Loire et Lyonnais par Mme [I] s'élevait à 7 371,18 euros outre les intérêts contractuels de 3,2%.

La procédure de liquidation judiciaire a été clôturée par jugement du tribunal de commerce de Vienne, pour insuffisance d'actifs.

Par acte sous-seing privé en date du 17 octobre 2017, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a cédé sa créance détenue sur la société Au Rythme des Saisons et ses accessoires à la SA Intrum Justitia Debt Finance AG, devenue aujourd'hui Intrum Debt Finance AG (ci-après la société Intrum).

Par acte introductif d'instance du 13 mai 2019, la société Intrum a fait assigner Mme [I] devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne, en paiement.

Par exploit d'huissier du 1er juillet 2020, Mme [I] a appelé en la cause M. [C].

Par ordonnance du 7 septembre 2020, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a ordonné la jonction de ces deux procédures.

Par jugement contradictoire du 27 janvier 2022, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :

débouté Mme [I] de sa demande tendant à faire déclarer la cession de créances entre la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes et la société Intrum Debt Finance AG nulle et de nul d'effet,

déclaré recevable la demande en paiement de la société Intrum Debt Finance AG en sa qualité à agir,

constaté que la créance de la société Intrum Debt Finance AG au titre du prêt consenti à la société Au Rythme des Saisons et garanti par la caution solidaire de Mme [I] s'élève à la somme de 12 203,57 euros et que celle-ci est entièrement soldée,

déclaré non fondée la demande en paiement formulée par la société Intrum Debt Finance AG à l'égard de Mme [I],

débouté la société Intrum Debt Finance AG de l'ensemble de ses demandes,

dit la demande de M. [C] à l'encontre de Mme [I] au titre de l'article 2310 du code civil fondée,

condamné Mme [I] à payer à M. [C] la somme de 6 101,79 euros,

débouté l'ensemble des parties de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 87,96 euros, sont à la charge de la société Intrum Debt Finance AG,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

débouté l'ensemble des parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration reçue au greffe le 22 mars 2022, la société Intrum Debt Finance AG a interjeté appel de ce jugement portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués, sauf en ce qu'il a débouté Mme [I] de sa demande tendant à faire déclarer la cession de créances entre la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes et la société Intrum Debt Finance AG nulle et de nul d'effet, déclaré recevable la demande en paiement de la société Intrum Debt Finance AG en sa qualité à agir et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 mars 2023 et signifiées à M. [C] le 28 février 2023, la société Intrum Debt Finance AG demande à la cour, au visa des articles 1134, 1154 et 2288 et suivants anciens du code civil et 1321 et suivants du code civil de :

confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 27 janvier 2022 en ce qu'il a :

déclaré recevable la demande en paiement de la société Intrum Debt Finance AG en sa qualité à agir,

réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 27 janvier 2022 en ce qu'il a :

constaté que la créance de la société Intrum Debt Finance AG au titre du prêt consenti à la société Au Rythme des Saisons et garanti par la caution solidaire de Mme [I] s'élève à la somme de 12 203,57 euros et que celle-ci est entièrement soldée,

déclaré non fondée la demande en paiement formulée par la société Intrum Debt Finance AG à l'égard de Mme [I],

débouté la société Intrum Debt Finance AG de l'ensemble de ses demandes,

débouté l'ensemble des parties de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 87,96 euros, sont à la charge de la société Intrum Debt Finance AG,

débouté l'ensemble des parties du surplus de leurs demandes,

par conséquent, statuant à nouveau sur ces chefs :

juger que la créance de la société Intrum Debt Finance AG due par Mme [I] s'élève à la somme de 17 153,59 euros outre intérêts au taux de 3,20 % à compter du 10 septembre 2020, date du décompte et jusqu'à parfait paiement,

condamner Mme [I] à payer à la société Intrum Debt Finance AG, en sa qualité de caution de la société Au Rythme des Saisons, la somme de 7 144,87 euros en principal, outre intérêts au taux de 3,20 % à compter du 10 septembre 2020, date du décompte, et jusqu'à parfait paiement,

ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 ancien (1343-2 nouveau) du code civil,

débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, en ce compris toutes demandes présentées à titre reconventionnel,

ordonner qu'en cas d'octroi de délais de paiement, la société Intrum Debt Finance AG sera autorisée à solliciter l'intégralité du solde dû en l'absence de règlement d'une seule mensualité sans mise en demeure préalable,

condamner Mme [I] à payer à la société Intrum Debt Finance AG une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, d'appel et de toutes ses suites, en vertu de l'article 696 de ce même code.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 21 février 2023, Mme [I] demande à la cour, au visa des articles 1327 alinéa 2 du code civil, 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, L. 341-4 du code de la consommation applicable à la date du contrat, 313-22 du code monétaire et financier, 1244-1 alinéa 1er du code civil devenu l'article 1343-5 du code civil et 2310, 2026, 1354, 1355, 1356 et 2224 du code civil, de :

infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 27 janvier 2022 en qu'il a débouté Mme [I] de sa demande tendant à faire déclarer la cession de créances entre la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes et la société Intrum Debt Finance AG nulle et de nul effet,

infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 27 janvier 2022 en qu'il a déclaré recevable la demande en paiement de la société Intrum Debt Finance AG en sa qualité à agir,

infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 27 janvier 2022 en qu'il a dit que la demande de M. [C] à l'encontre de Mme [I] sur le fondement de l'article 2310 du code civil était fondée,

infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 27 janvier 2022 en qu'il a condamné Mme [I] à payer à M. [C] la somme de 6 101,79 euros,

infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 27 janvier 2022 en qu'il a débouté l'ensemble des parties de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 27 janvier 2022 en qu'il a constaté que la créance de la société Intrum Debt Finance AG au titre du prêt consenti à la société Au Rythme des Saisons et garanti par la caution solidaire de Mme [I] s'élève à la somme de 12 203,57 euros et que celle-ci est entièrement soldée,

confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 27 janvier 2022 en qu'il a déclaré non-fondée la demande en paiement formulée par la société Intrum Debt Finance AG à l'égard de Mme [I],

par conséquent, statuant à nouveau sur ces chefs :

déclarer irrecevable la demande en paiement formulée par la société Intrum Debt Finance AG en qu'elle concerne une dette soldée avant même que l'instance ne soit engagée,

déclarer irrecevable la demande reconventionnelle formulée par M. [C] en que la demande principale est irrecevable,

en tout état de cause :

constater que la banque a commis une faute dans l'octroi du prêt en ne respectant pas son obligation de mise en garde d'une caution non avertie,

condamner la société Intrum Debt Finance AG au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de ne pas contracter un engagement de caution,

ordonner la compensation judiciaire entre les dommages et intérêts qui pourraient être accordés à Mme [I] et les sommes qui pourraient être dues à la société Intrum Debt Finance AG,

à titre infiniment subsidiaire :

constater que l'engagement de caution était manifestement disproportionné par rapport à la situation économique de Mme [I],

juger que la société Intrum Debt Finance AG ne pourra pas se prévaloir de l'acte d'engagement signé par Mme [I] comme étant manifestement disproportionné par rapport à la situation économique de Mme [I],

à titre très infiniment subsidiaire :

constater que la Banque n'a pas respecté son obligation d'information annuelle de la caution,

ordonner la déchéance de tous droits aux intérêts contractuels, légaux et légaux majorés de la société Intrum Debt Finance AG,

en tout état de cause :

constater que la Banque n'a pas respecté son devoir de mise en garde envers Mme [I],

condamner la société Intrum Debt Finance AG au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du devoir de mise en garde,

constater que M. [C] s'est vu signifier les conclusions de Madame [I] et qu'il n'a pas jugé utile de constituer avocat, ni de présenter une défense,

en conséquence, rejeter toutes demandes qui pourraient être formulées par M. [C] en ce qu'elles sont désormais irrecevables,

constater que M. [C] avait renoncé à solliciter du créancier qu'il exerce le bénéfice de division prévu à l'article 2226 du code civil,

condamner M. [C] à payer à Mme [I] la somme de 7 371,18 euros en principal outre intérêts au taux de 3,20 % à compter du 30 avril 2019 au titre du cautionnement consenti au profit de la société Au Rythme des Saisons dont M. [C] était le gérant,

à défaut :

condamner la société Intrum Debt Finance AG au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. [C],

octroyer à Mme [I] la possibilité de s'acquitter du montant des condamnations sur une période de 24 mois avec un montant maximum de mensualité de 340 euros,

rejeter toutes demandes plus amples ou contraires formulées par les parties adverses,

ordonner que les condamnations à intervenir ne porteront aucun intérêt tant conventionnel que légal et ne seront pas non plus majorées,

condamner la société Intrum Debt Finance AG à payer à Mme [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société Intrum Debt Finance AG aux entiers dépens de l'instance.

Cité par acte de commissaire de justice remis le 28 avril 2022 à personne, auquel était jointe la déclaration d'appel de l'appelante, M. [C] n'a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 mars 2023, les débats étant fixés au 17 septembre 2025.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité à agir de la société Intrum Debt Finance AG

Mme [I] fait valoir que :

la cession de créances ne lui est pas opposable en l'absence d'écrit la constatant,

il n'y a pas de simple changement d'enseigne entre la société Banque Populaire Loire et Lyonnais et la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes mais création d'une nouvelle société,

la société Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes ne justifie pas être devenue titulaire de la créance existant à son encontre et n'était donc pas en capacité de la céder à la société Intrum,

les justificatifs produits sont insuffisants en ce que le relevé de cession versé aux débats par la société Intrum n'est pas certifié, s'agissant d'un extrait parcellaire et non intégral, et la justification ne concerne que les contrats souscrits par la société Au Rythme des Saisons et le contrat de cautionnement, sans compter qu'elle n'a jamais été informée de la cession de créance.

La société Intrum fait valoir que :

il n'y a pas eu de création d'une nouvelle société ou « nouvelle enseigne » mais fusion absorption entre la Banque Populaire des Alpes, la Banque Populaire Loire et Lyonnais et la Banque Populaire du Massif Central,

cette fusion a entraîné une transmission universelle du patrimoine des sociétés absorbées vers la société absorbante, et n'imposait pas la mise en 'uvre de cessions de créances entre les différentes entités,

la société absorbante, Banque Populaire des Alpes, a ensuite transféré son siège sur le ressort du tribunal de commerce de Lyon et changé de dénomination sociale pour devenir la société Banque Populaire Auvergne Rhône de Alpes,

cette dernière était en capacité de céder ses créances et était effectivement créancière au mois d'octobre 2017 de la société Au Rythme des Saisons et de ses cautions,

la cession de créance a été réalisée par acte sous seing privé du 17 octobre 2017 à son profit, et elle produit les justificatifs de celle-ci avec l'acte de cession et un extrait de la liste des créances cédées portant expressément la dénomination sociale de la société liquidée et la référence du crédit professionnel octroyé le 13 décembre 2012,

elle n'a pas à produire les autres créances de la liste, ce qui constituerait une violation du secret bancaire et du droit au respect de la vie privée,

en application de l'article 1321 du code civil, la cession de créance s'étend aux accessoires de la créance dont les cautions, privilèges et hypothèques, donc à la caution consentie par Mme [I] et par M. [C].

Sur ce,

L'article 1321 du code civil dispose que : « La cession de créance est un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire.

Elle peut porter sur une ou plusieurs créances présentes ou futures, déterminées ou déterminables.

Elle s'étend aux accessoires de la créance.

Le consentement du débiteur n'est pas requis, à moins que la créance ait été stipulée incessible. »

Il est constant que la cession d'une créance entraîne également la cession de ses accessoires et notamment de ses garanties.

Mme [I] fait état de ce que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, suite aux fusions intervenues, ne disposait pas dans son patrimoine de la créance détenue sur la société Au Rythme des Saisons et de ses accessoires, et que la société Intrum ne justifie pas de sa qualité de cessionnaire de la créance.

Les documents versés aux débats, à savoir les justificatifs de fusion-absorption, par la société Intrum démontrent que les différentes fusions au sein de la Banque Populaire sont intervenues avec une transmission universelle de patrimoine, ce qui implique le transfert du patrimoine de la Banque Populaire Loire et Lyonnais, dont la créance querellée, à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes.

S'agissant de la cession de créance au profit de la société Intrum et de sa validité, l'appelante verse aux débats le bordereau de cession de portefeuille de créances du 17 octobre 2017.

Le tableau remis en pièce 6 établit la cession des créances détenues sur la société Au Rythme des Saisons, pour la somme de 4.512,41 euros et la somme de 12.203,57 euros. Cette dernière somme est celle qui a été réclamée in fine à M. [C] dans le cadre de l'instance le concernant.

Ces éléments permettent une identification sans ambiguïté de la créance querellée, étant précisé que le consentement de Mme [I] au transfert de créance n'était pas exigé, la créance n'étant pas stipulée incessible. L'intimée, appelante incidente, n'est pas en droit d'exiger que l'intégralité du portefeuille des créances cédées soit versée aux débats, ce qui constituerait une violation du droit au secret bancaire dont bénéficient les tiers dont les créances ont été cédées à la société Intrum.

Enfin, elle ne saurait prétendre ne pas avoir été informée de la cession, la jurisprudence, constante en la matière, admettant que l'information puisse intervenir par tout moyen, y compris dans le cadre d'une assignation ou de la notification de conclusions.

Au regard de ces éléments, c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que la société Intrum avait qualité pour agir.

Sur l'existence d'une dette

La société Intrum fait valoir que :

les premiers juges ont commis une erreur sur le montant de la créance cédée, car celui qui figurait sur l'acte de cession ne correspond pas au montant qui lui est dû,

une erreur ne peut qu'être relevée puisque la banque a déclaré une créance au passif de la liquidation judiciaire de 17.513,19 euros, qui ne peut être limitée à la somme de 12.203,57 euros lors de la cession,

la banque a initialement consenti un prêt professionnel de 25.000 euros à la société liquidée et bénéficiait de l'engagement de deux cautions, chacune pour la somme de 30.000 euros pendant une durée de 84 Mois, Mme [I] s'engageant à titre personnel et solidaire,

la banque a déclaré sa créance à la liquidation judiciaire le 12 décembre 2014 et a adressé le même jour une mise en demeure à Mme [I] aux fins de paiement des sommes dues en raison de son engagement de caution,

l'arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble le 19 décembre 2018 s'est prononcé sur les seuls rapports entre la banque et M. [C], étant rappelé que chaque engagement est distinct,

Mme [I] ne peut se prévaloir de l'apurement de la dette par M. [C] et opposer le principe de l'autorité de chose jugée,

l'intimée s'est engagée comme caution solidaire et a renoncé au bénéfice de la discussion et de division, ce qui permet au créancier de la rechercher pour l'ensemble des sommes dues, le solde de sa dette par M. [C] ne pouvant être opposé à titre de compensation par l'intimée qui pour sa part n'a jamais effectué aucun paiement,

les versements de M. [C] ont été pris en compte et déduits et il appartient à Mme [I] de procéder au paiement du solde restant dû au titre du prêt soit la somme de 7.144,87 euros en principal, outre intérêts au taux de 3,20% à compter du 10 septembre 2020.

Mme [I] fait valoir que :

la dette étant soldée, la société Intrum ne dispose d'aucun intérêt à agir mais a fait preuve d'une résistance dolosive en n'indiquant pas que M. [C] avait déjà fait l'objet d'une action en paiement et avait réglé les sommes réclamées, ce qui la libère de sa dette,

elle peut se prévaloir de l'extinction de sa dette en raison du paiement de l'intégralité de celle-ci par une autre caution, étant rappelé que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble du 8 février 2018 a condamné M. [C] à payer 15.079,02 euros et a ordonné la compensation avec les dommages-intérêts dus par la banque,

le décompte d'huissier du 2 juillet 2020 démontre que l'intégralité des sommes dues au titre du prêt a été réglé, le dossier ayant par ailleurs fait l'objet d'un archivage le 6 juin 2019,

l'appelante entend remettre en cause l'autorité de la chose jugée, les sommes qu'elle réclame correspondant au montant des dommages-intérêts qu'elle a été condamnée à verser au titre de la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

en choisissant de diviser ses recours, l'appelante a également choisi de renoncer au bénéficie de division.

Sur ce,

Par acte du 13 décembre 2012, Mme [I] s'est portée caution solidaire du prêt de 25.000 euros consenti par la Banque Populaire Loire et Lyonnais à la société Au Rythme des Saisons, pour un montant de 30.000 euros pendant une durée de 84 mois et a renoncé au bénéfice de discussion et de division.

Il ressort également des pièces versées aux débats que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a engagé une procédure en paiement à l'encontre de M. [C] pour la somme totale non réglée par la société ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, étant rappelé que la banque avait déclaré sa créance pour la somme de 17.513,19 euros au passif de la liquidation.

L'arrêt rendu par la chambre commerciale de la cour d'appel de Grenoble le 8 février 2018 dans le litige opposant la banque à M. [C], a :

infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Débouté la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de sa demande d'irrecevabilité,

Dit n'y avoir lieu à nullité du cautionnement,

Dit que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes peut se prévaloir du cautionnement,

Dit que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes est déchue de son droit aux intérêts contractuels,

Condamné M. [P] [C] à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes la somme de 15.079,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2014,

Condamné la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à payer à M. [P] [C] la somme de 3.500 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde,

Ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,

Débouté M. [P] [C] de sa demande de délais de paiement,

Rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné M. [P] [C] à supporter les dépens.

Les documents remis par les parties permettent de constater que M. [C] a réglé l'intégralité des sommes mises à sa charge par l'arrêt soit la somme de 12.606,30 euros, compte-tenu de la compensation opérée avec les dommages-intérêts octroyés mais aussi des paiements intervenus précédemment ainsi que des frais imputés dans le cadre de la procédure et des intérêts.

La société Intrum a versé aux débats un décompte des sommes dues arrêté au 10 septembre 2020 qui retient que sur la créance déclarée au passif de la liquidation judiciaire, et en tenant compte des paiements réalisés par M. [C], la somme de 7.144,87 euros reste due, alors qu'elle a assigné Mme [I] en paiement de la somme de 17.153,59 euros soit le capital restant dû au titre du prêt professionnel consenti à la société liquidée.

Cette demande omet d'ores et déjà les paiements qui ont été réalisés et ont permis de diminuer le montant de sa créance.

Par ailleurs, la société Intrum n'a acquis la dette relative au prêt professionnel que pour la somme de 12.203,75 euros, ce qui ne lui permet pas de réclamer un montant supérieur à celui de la créance acquise auprès de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes. Elle ne peut prétendre à l'existence d'une erreur sur le montant indiqué dans le portefeuille de cession de créances, alors qu'elle n'a entrepris aucune démarche pour faire corriger le montant indiqué dans ce cadre.

L'ensemble de ces éléments ne permet pas à l'appelante de prétendre obtenir une somme supérieure à ses droits, ayant acquis la créance pour un montant qui a été acquitté dans sa totalité par M. [C] suite à sa condamnation.

Elle ne peut s'appuyer sur le solde existant entre les sommes payées par ce dernier et la créance déclarée au passif de la liquidation judiciaire alors qu'elle n'a pas acquis une créance équivalente au montant indiqué dans cette déclaration.

Dès lors, la dette au titre du cautionnement du prêt professionnel ayant été réglée par l'une des cautions solidaires, l'appelante ne dispose plus d'aucune créance à l'encontre de Mme [I].

Il convient en conséquence de confirmer la décision des premiers juges ayant rejeté l'intégralité des demandes en paiement formées par la société Intrum.

Sur la demande indemnitaire formée par Mme [I]

Mme [I] fait valoir que :

elle a été condamnée à tort par les premiers juges à verser la somme de 6.101,79 euros à M. [C], alors qu'il a été rappelé que la dette était soldée, la demande reconventionnelle formée par ce dernier étant irrecevable,

la banque a fait preuve de mauvaise foi en engageant deux procédures différentes contre les cautions, et en ne l'informant pas des décisions prononcées concernant M. [C],

le recours entre cofidéjusseurs est régi par les dispositions de l'article 2310 du code civil et, contrairement aux affirmations de M. [C], peut être exercé en même temps que l'action du créancier, le paiement effectif de la dette n'étant pas une condition de l'action,

celui-ci ne l'a pas appelée en cause, comme il pouvait le faire sur le fondement de l'article 2026 du code civil, et a donc renoncé au bénéfice de division, ne pouvant plus former de demandes à son encontre,

l'action de M. [C] était prescrite puisque sa condamnation date de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble le 17 décembre 2015, tandis sa première demande n'a été formée que le 7 septembre 2021, alors que la prescription est quinquennale,

la banque, en choisissant de scinder ses actions, a permis à M. [C] de former à son encontre une demande reconventionnelle, ce qui est à l'origine d'un préjudice puisqu'elle a été contrainte de l'appeler en cause pour obtenir la communication des décisions de justice dont elle ignorait l'existence.

La société Intrum Debt Finance AG fait valoir que :

elle n'a commis aucune faute au préjudice de Mme [I] puisqu'elle était en droit de faire valoir ses prétentions à défaut de paiement pour obtenir le paiement de sa créance,

l'intéressée n'a subi aucun préjudice en raison du paiement des sommes exigées par M. [C], étant rappelé qu'elle était engagée en qualité de caution et devait s'attendre à être assignée en raison de la défaillance de la débitrice principale,

Mme [I] a fait seule le choix d'appeler en cause M. [C] en première instance, ce dernier étant alors en droit de former des demandes reconventionnelles au titre de la solidarité des cautions,

la somme demandée ne repose sur aucun préjudice personnel et correspond uniquement à la condamnation encourue au titre des sommes dues.

Sur ce,

L'article 2302 du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose que : « Lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d'un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette. »

L'article 2310 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose que : « Lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion ;

Mais ce recours n'a lieu que lorsque la caution a payé dans l'un des cas énoncés en l'article précédent. »

Mme [I] fait grief aux premiers juges d'avoir accordé à M. [C] la moitié des sommes qu'il a versées au titre du cautionnement solidaire alors que l'action de ce dernier était prescrite.

Il ressort des textes susvisés et des éléments de la procédure que tant Mme [I] que M. [C] se sont engagés en qualité de cautions solidaires à garantir la même dette contractée par la société Au Rythme des Saisons, et dans les mêmes proportions, à savoir 30.000 euros, par actes du 13 décembre 2012.

Mme [I] estime que M. [C] devait l'appeler en cause dans le cadre de l'instance ouverte à son encontre, étant rappelé que la décision ayant autorité de chose jugée date du 8 février 2018 et qu'il était prescrit en ses demandes qui devaient intervenir dans un délai de 5 ans.

Il ressort des éléments de procédure que Mme [I] a appelé en cause M. [C] par acte d'huissier du 1er juillet 2020 et que ce dernier a formé sa demande en paiement par conclusions du 14 septembre 2021, soit dans le délai de prescription quinquennale de 5 ans suivant la décision ayant autorité de chose jugée, la décision rendue par la cour d'appel de Grenoble datant du 8 février 2018.

La demande de M. [C] était fondée en droit et en fait puisqu'il justifiait du paiement de l'intégralité des sommes dues par l'une ou l'autre des cautions solidaires, ce qui lui ouvrait un droit de recours à l'encontre de son cofidéjusseur.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont condamné Mme [I] à lui payer la somme de 6.101,79 euros qui correspond à la moitié des sommes effectivement versées au créancier et aucune infirmation ne saurait être prononcée de ce chef.

Mme [I], en raison de sa condamnation à supporter la moitié de l'engagement de caution, sollicite la condamnation de la société Intrum à lui verser des dommages-intérêts à hauteur de 8.000 euros, au motif que la banque a commis une faute en ne lui apportant pas les conseils nécessaires lors de la signature de son engagement de caution.

Toutefois, Mme [I] ne peut arguer d'un préjudice en raison de sa condamnation au profit d M. [C], car, en sa qualité de caution solidaire, elle ne pouvait qu'envisager, à terme, la mise en 'uvre d'une procédure aux fins de paiement à son encontre en raison de la liquidation judiciaire de la débitrice principale.

Le temps écoulé entre la clôture de la procédure collective et son assignation ne lui a causé aucun préjudice, lui permettant au contraire de se préparer à ce type d'action.

Enfin, la somme qu'elle est condamnée à payer à M. [C] est uniquement sa part contributive au titre de son engagement de caution solidaire et ne constitue pas un préjudice ouvrant droit à réparation.

Dès lors, la demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de la société Intrum sera rejetée.

Sur la demande de délais de paiement formée par Mme [I]

L'article 1343-5 du code civil dispose que : « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment. »

En l'espèce, Mme [I] ne justifie pas d'une situation financière obérée qui permettrait d'envisager l'octroi de délais de paiement, étant rappelé qu'elle a bénéficié d'un temps suffisant pour rétablir sa situation professionnelle depuis la liquidation judiciaire de la société Au Rythme des Saisons.

De plus, la fiche patrimoniale remplie lors de la signature de son engagement de caution indiquait qu'elle était propriétaire de deux biens, et elle ne justifie pas à hauteur de cour d'une dégradation de sa situation.

Par conséquent, sa demande de délais de paiement ne peut qu'être rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société Intrum échouant en ses prétentions, elle est condamnée à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel.

L'équité ne commande pas d'accorder à l'une ou l'autre des parties une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de l'appel,

Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée,

Y ajoutant,

Déboute Mme [W] [I] de sa demande de dommages-intérêts formée à l'encontre de la société Intrum Debt Finance assemblée générale (SA de droit suisse),

Déboute Mme [W] [I] de sa demande de délais de paiement,

Condamne la société Intrum Debt Finance assemblée générale (SA de droit suisse) à supporter les entiers dépens de la procédure d'appel,

Déboute la société Intrum Debt Finance assemblée générale (SA de droit suisse) de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [W] [I] de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

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