CA Papeete, D, 13 novembre 2025, n° 23/00338
PAPEETE
Arrêt
Autre
N° 365
CP
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Copies exécutoires délivrées à Me Canevet, Me Guedikian
le 14.11.25
Copies authentiques délivrées à Me [V], au greffe du Rcs et du Tmc
le 14.11.25
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 13 novembre 2025
N° RG 23/00338 - N° Portalis DBWE-V-B7H-VLV ;
Décision déférée à la cour : jugement n° CG 2023/88, n° RG 2021 001101 rendu le 29 septembre 2023 par le tribunal mixte de commerce de Papeete ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la cour d'appel le 5 décembre 2023 ;
Appelants :
La SARL Perle mon amour, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 1768B, NT C29648 dont le siège social se situe [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal,
Mme [J] [H] [D], née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9], de nationalité Française, demeurant [Adresse 7] ;
M. [O] [K] [M], né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 8], de nationalité Française, demeurant [Adresse 6] ;
tous représentés par Me Mikaël Canevet, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
La S.A. Banque de Tahiti, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 6833 B, dont le siège social est situé [Adresse 3], représentée par son directeur général ;
représentée par Me Gilles Guedikian, avocat au barreau de Papeete ;
et de la cause :
M. [N] [V], ès qualité de liquidateur de la SARL Perle mon amour et de M. [O] [M] ;
non comparant ;
Ordonnance de clôture du 25 septembre 2025 ;
Composition de la cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 9 octobre 2025, devant Mme Prieur, conseillère désignée par l'ordonnance n° 35/ORD/PP.CA/25 de la première présidente de la cour d'appel de Papeete en date du 21 mai 2025 pour faire fonction de présidente dans le présent dossier, Mme Martinez, conseillère et Mme Teheiura, magistrate honoraire qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffière lors des débats : Mme Oputu-Teraimateata ;
Arrêt rendu par défaut ;
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme Prieur, présidente et par Mme Souché, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Par actes sous seing privé du 15 mai 2017 et du 30 avril 2019, la société Banque de Tahiti a accordé à la société « Société Perle mon amour » deux prêts professionnels :
par acte sous seing privé du 15 mai 2017 : prêt n°0092093 d'un montant de 4 750 000 Fcfp au taux de 4 %, remboursable en 84 mensualités de 75 899 Fcfp chacune,
par acte sous seing privé du 30 avril 2019 : prêt n°0102586 d'un montant de 5 000 000 Fcfp au taux de 4,95 %, remboursable en 84 mensualités de 75 098 Fcfp chacune.
M. [M], associé et gérant de la société Perle mon amour et Mme [D] se sont constitués caution personnelle et divise en garantie des deux prêts.
Par requête enregistrée au greffe le 6 septembre 2021, complétée par des écritures ultérieures, la société Banque de Tahiti a demandé au tribunal mixte de commerce de condamner solidairement la société Perle mon amour, M. [M] et Mme [D] à lui payer les sommes suivantes :
3 888 395 Fcfp au titre du prêt consenti le 17 mai 2017, somme provisoirement arrêtée à la date du 22 juillet 2021, avec intérêts au taux contractuel de 7% continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- 9 492 527 Fcfp au titre du prêt consenti le 30 avril 2019, somme provisoirement arrêtée à la date du 22 juillet 2021 avec intérêts au taux contractuel de 7, 95 % continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- 242 582 Fcfp en remboursement du solde débiteur du compte [XXXXXXXXXX01], somme arrêtée au 22 juillet 2021 avec intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- 120 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles.
Par jugements du tribunal mixte de commerce publiés au Journal officiel de la Polynésie française des 26 octobre 2021 et 17 juin 2022 pour la société Perle mon amour, 14 décembre 2021 et 11 mars 2022 pour M. [M], ceux-ci ont été placés en redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire et M. [V] désigné en qualité de liquidateur.
Par jugement contradictoire du 29 septembre 2023, le tribunal mixte de commerce de Papeete a :
Fixé la créance de la Banque de Tahiti au passif de la société Perle mon amour aux sommes suivantes :
- 3.888.395 Fcfp au titre du prêt du 17 mai 2017, sommes provisoirement arrêtée à la date du 22 juillet 2021 et intérêts au taux contractuel de 7% continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
- 5.854.044 Fcfp au titre du prêt du 30 avril 2019, sommes provisoirement arrêtée à la date du 22 juillet 2021 et intérêts au taux contractuel de 7,95 %continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
- 241.582 Fcfp au titre du solde débiteur du compte [XXXXXXXXXX01], somme provisoirement arrêtée au 22 juillet 2021 et intérêts légaux continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
Fixé la créance de la Banque de Tahiti au passif de M. [M] aux sommes suivantes :
2.465.414 Fcfp au titre du prêt du 17 mai 2017, sommes provisoirement arrêtée à la date du 25 octobre 2021 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
- 2.595.173 Fcfp au titre du prêt du 30 avril 2019, sommes provisoirement arrêtée à la date du 25 octobre 2021 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement.
Condamné Mme [D] au paiement des sommes suivantes à la Banque de Tahiti :
- 2.450.274 Fcfp au titre du prêt du 17 mai 2017, sommes provisoirement arrêtée à la date du 27 juin 2022 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
- 2.579.236 Fcfp au titre du prêt du 30 avril 2019, sommes provisoirement arrêtée à la date du 27 juin 2022 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement.
Condamné solidairement M. [M] et Mme [D] à payer à la Banque de Tahiti la somme de 150.000 Fcfp au titre de l'article 407 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. [M] et Mme [D] aux dépens.
La société Perle mon amour, prise en la personne de son représentant légal, M. [M] et Mme [D] ont relevé appel du jugement par requête enregistrée le 5 décembre 2023, complétée par conclusions récapitulatives et responsives du 26 février 2025, et demandent à la cour d'appel de :
Infirmer le jugement du tribunal mixte de commerce en ce qu'il a :
- assorti d'intérêts au taux légal la fixation de la créance de la Banque de Tahiti au passif de la société Perle mon amour au titre du compte courant d'associé ;
- condamné Mme [D] au versement de la somme de 2.450.274 Fcfp au titre du prêt du 17 mai 2017, sommes provisoirement arrêtée à la date du 27 juin 2022 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
- condamné M. [M] au versement de la somme de 150.000 Fcfp au titre des frais irrépétibles.
Statuant à nouveau,
- Juger que la créance de la Banque de Tahiti au passif de la société Perle mon amour au titre du compte courant d'associé ne sera pas productive d'intérêts ;
- Juger que les sommes dues par Mme [D] au titre du prêt souscrit le 15 mai 2017 ne sauraient excéder un montant de 2.375.000 Fcfp ;
Condamner la Banque de Tahiti au versement de la somme de 220.000 Fcfp à M. [M] et Mme [D] au titre des frais irrépétibles,
La condamner aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives du 25 avril 2025, la société Banque de Tahiti demande à la cour d'appel de :
Con'rmer le jugement entrepris en ce qu'il a 'xé la créance au passif de la société Perle mon amour aux sommes suivantes :
- Prêt 4 750 000 Fcfp du 17/05/2017: 3 888 395 Fcfp provisoirement arrêté à la date du 22/07/2021, avec intérêts au taux contractuel de 7 % continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- Prêt 5 000 000 F CFP du 30/04/2019 : 5 854 044 Fcfp, provisoirement arrêté à la date du 22/07/2021, avec intérêts au taux contractuel de 7,95 % continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- Solde débiteur du compte [XXXXXXXXXX01] : 242 582 Fcfp arrêté au 22/07/2021.
L'infirmer en ce qu'il a mentionné des intérêts légaux en sus du solde débiteur du compte n°[XXXXXXXXXX01].
Fixer la créance de la société Banque de Tahiti au passif de M. [M] dans les conditions suivantes :
- Prêt 4 750 000 Fcfp du 17/05/2017................................ 2 465 414 Fcfp provisoirement arrêté à la date du 25/ 10/2021, intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- Prêt 5 000 000 Fcfp du 30/04/2019................................ 2 595 173 Fcfp provisoirement arrêté à la date du 25/10/2021, intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'à parfait paiement.
Condamner Mme [D] es-qualités de caution de la société Perle mon amour au paiement des sommes suivantes :
- Prêt 4 750 000 Fcfp du 17/05/2017.................................2 450 274 Fcfp provisoirement arrêté à la date du 27/06/2022, intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- Prêt 5 000 000 Fcfp du 30/04/2019............................ 2 579 236 Fcfp provisoirement arrêté à la date du 27/06/2022, intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'à parfait paiement.
L'infirmer en ce qu'il a condamné M. [M] au paiement d'une somme de 150 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles.
Confirmer le Jugement en ce qu'il a condamné Mme [D] à payer à la Banque de Tahiti la somme de 150 000 Fcfp au titre de l'article 407 du CPCPF.
Fixer la créance de la Banque de Tahiti en application de l'article 407 du CPCPF à l'encontre de M. [M] à la somme de 150 000 Fcfp.
Condamner Mme [D] au paiement d'une somme de 150 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [V], ès qualité de liquidateur de la Sarl Perle mon amour et de M. [O] [M], n'a pas été assigné, ni n'a comparu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 septembre 2025 et l'audience de plaidoirie fixée le 9 octobre suivant.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. Se conformant aux dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, la cour répondra aux moyens par les motifs ci-après.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'arrêt du cours des intérêts au titre de la créance en compte courant d'associé
Aux termes de l'article L. 621-48, al. 1, du code de commerce de la Polynésie française, « Le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. Les cautions et coobligés ne peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa. »
Au cas présent, la société Banque de Tahiti ne conteste pas l'arrêt du cours des intérêts au titre de la créance en compte courant d'associé.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Sur le quantum de la condamnation de Mme [D] en qualité de caution
Aux termes de l'article 1134, al.1, du code civil de la Polynésie française, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »
La loi du Pays n° 2016-28 du 11 août 2016 relative à la protection des consommateurs prévoit un formalisme visant à assurer l'information complète de la caution quant à la portée de son engagement.
En l'espèce, le contrat de cautionnement prévoit sur le montant de l'engagement de caution personnelle et divise de Mme [D] au titre du contrat de crédit n°0092093 à hauteur de 4 750 000 Fcfp :
dans la clause imprimée : « Le montant du présent engagement est égal au montant de F.CFP 2.375.000 (deux millions trois cent soixante-quinze mille francs pacifique) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, suivant les taux et conditions applicables au présent contrat de prêt » (contrat §9.2, p.6) ;
dans la mention manuscrite : « Bon pour caution solidaire, personnelle et divise à concurrence de la somme en principal de FCPP 2 375 000 (deux millions trois cent soixante quinze mille francs pacifique), plus intérêts au taux fixe de 4% l'an, commissions, frais et accessoires, comme indiqué ci-dessus » (contrat p. 11) ;
La Cour de cassation juge qu'en cas d'ambiguïté, les mentions manuscrites, conformes au formalisme visant à assurer l'information complète de la caution quant à la portée de son engagement, l'emportent nécessairement sur les clauses imprimées de l'acte de caution (Com., 11 juin 2014, pourvoi n° 13-18.118 ; Com., 9 octobre 2024, pourvoi n° 23-13.173).
Il en résulte que la mention portée de la main de la caution dans l'acte litigieux exprime, sans équivoque ni qu'il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l'acte, son engagement de se rendre caution pour un montant en principal de 2 375 000 Fcfp, auquel s'ajoutent les intérêts, commissions, frais et accessoires.
Le décompte réactualisé produit par la société Banque de Tahiti faisant bien apparaître un montant en principal au titre du capital cautionné de 2 375 000 Fcfp (pièce 15), le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Mme [D] à lui payer la somme de 2 450 274 Fcfp au titre du prêt du 17 mai 2017, sommes provisoirement arrêtée à la date du 27 juin 2022 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l'article L. 621-41 du code de commerce de la Polynésie française, « Sous réserve des dispositions de l'article L. 621-126, les instances en cours sont suspendues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.
Elles sont alors reprises de plein droit, le représentant des créanciers et, le cas échéant, l'administrateur dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ».
La Cour de cassation juge que les instances en cours au moment de l'ouverture d'une procédure collective tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, dont celles au titre des frais irrépétibles et des dépens (3e Civ., 8 juillet 2021, pourvoi n° 19-18.437).
Il en résulte que cette règle s'appliquant également aux frais irrépétibles et dépens, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [M], placé en liquidation judiciaire, aux frais irrépétibles dans le cadre de l'instance, alors qu'il ne pouvait que fixer la créance de la société Banque de Tahiti à ce titre.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles d'appel exposés par elles et non compris dans les dépens, en application de l'article 407 du code de procédure civile.
En outre, la société Banque de Tahiti sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant dans les limites de l'appel, par mise à disposition, par défaut, en matière commerciale et en dernier ressort :
Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a :
- assorti d'intérêts au taux légal la fixation de la créance de la Banque de Tahiti au passif de la société Perle mon amour au titre du solde débiteur du compte courant d'associé [XXXXXXXXXX01] ;
- condamné M. [M] au versement de la somme de 150 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles ;
L'infirme de ces chefs et statuant à nouveau,
Dit que la créance de la société Banque de Tahiti au passif de la société Perle mon amour au titre du solde débiteur du compte courant d'associé [XXXXXXXXXX01] ne sera pas productive d'intérêts ;
Fixe la créance de la société Banque de Tahiti à l'encontre de M. [M] à la somme de 150 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles d'instance en application de l'article 407 du CPCPF ;
Rejette les plus amples ou contraires demandes ;
Condamne la Banque de Tahiti aux entiers dépens d'appel.
Prononcé à Papeete, le 13 novembre 2025.
La greffière, La présidente,
Signé : I. Souché Signé : C. Prieur
CP
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Copies exécutoires délivrées à Me Canevet, Me Guedikian
le 14.11.25
Copies authentiques délivrées à Me [V], au greffe du Rcs et du Tmc
le 14.11.25
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 13 novembre 2025
N° RG 23/00338 - N° Portalis DBWE-V-B7H-VLV ;
Décision déférée à la cour : jugement n° CG 2023/88, n° RG 2021 001101 rendu le 29 septembre 2023 par le tribunal mixte de commerce de Papeete ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la cour d'appel le 5 décembre 2023 ;
Appelants :
La SARL Perle mon amour, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 1768B, NT C29648 dont le siège social se situe [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal,
Mme [J] [H] [D], née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9], de nationalité Française, demeurant [Adresse 7] ;
M. [O] [K] [M], né le [Date naissance 4] 1957 à [Localité 8], de nationalité Française, demeurant [Adresse 6] ;
tous représentés par Me Mikaël Canevet, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
La S.A. Banque de Tahiti, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 6833 B, dont le siège social est situé [Adresse 3], représentée par son directeur général ;
représentée par Me Gilles Guedikian, avocat au barreau de Papeete ;
et de la cause :
M. [N] [V], ès qualité de liquidateur de la SARL Perle mon amour et de M. [O] [M] ;
non comparant ;
Ordonnance de clôture du 25 septembre 2025 ;
Composition de la cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 9 octobre 2025, devant Mme Prieur, conseillère désignée par l'ordonnance n° 35/ORD/PP.CA/25 de la première présidente de la cour d'appel de Papeete en date du 21 mai 2025 pour faire fonction de présidente dans le présent dossier, Mme Martinez, conseillère et Mme Teheiura, magistrate honoraire qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffière lors des débats : Mme Oputu-Teraimateata ;
Arrêt rendu par défaut ;
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme Prieur, présidente et par Mme Souché, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Par actes sous seing privé du 15 mai 2017 et du 30 avril 2019, la société Banque de Tahiti a accordé à la société « Société Perle mon amour » deux prêts professionnels :
par acte sous seing privé du 15 mai 2017 : prêt n°0092093 d'un montant de 4 750 000 Fcfp au taux de 4 %, remboursable en 84 mensualités de 75 899 Fcfp chacune,
par acte sous seing privé du 30 avril 2019 : prêt n°0102586 d'un montant de 5 000 000 Fcfp au taux de 4,95 %, remboursable en 84 mensualités de 75 098 Fcfp chacune.
M. [M], associé et gérant de la société Perle mon amour et Mme [D] se sont constitués caution personnelle et divise en garantie des deux prêts.
Par requête enregistrée au greffe le 6 septembre 2021, complétée par des écritures ultérieures, la société Banque de Tahiti a demandé au tribunal mixte de commerce de condamner solidairement la société Perle mon amour, M. [M] et Mme [D] à lui payer les sommes suivantes :
3 888 395 Fcfp au titre du prêt consenti le 17 mai 2017, somme provisoirement arrêtée à la date du 22 juillet 2021, avec intérêts au taux contractuel de 7% continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- 9 492 527 Fcfp au titre du prêt consenti le 30 avril 2019, somme provisoirement arrêtée à la date du 22 juillet 2021 avec intérêts au taux contractuel de 7, 95 % continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- 242 582 Fcfp en remboursement du solde débiteur du compte [XXXXXXXXXX01], somme arrêtée au 22 juillet 2021 avec intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- 120 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles.
Par jugements du tribunal mixte de commerce publiés au Journal officiel de la Polynésie française des 26 octobre 2021 et 17 juin 2022 pour la société Perle mon amour, 14 décembre 2021 et 11 mars 2022 pour M. [M], ceux-ci ont été placés en redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire et M. [V] désigné en qualité de liquidateur.
Par jugement contradictoire du 29 septembre 2023, le tribunal mixte de commerce de Papeete a :
Fixé la créance de la Banque de Tahiti au passif de la société Perle mon amour aux sommes suivantes :
- 3.888.395 Fcfp au titre du prêt du 17 mai 2017, sommes provisoirement arrêtée à la date du 22 juillet 2021 et intérêts au taux contractuel de 7% continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
- 5.854.044 Fcfp au titre du prêt du 30 avril 2019, sommes provisoirement arrêtée à la date du 22 juillet 2021 et intérêts au taux contractuel de 7,95 %continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
- 241.582 Fcfp au titre du solde débiteur du compte [XXXXXXXXXX01], somme provisoirement arrêtée au 22 juillet 2021 et intérêts légaux continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
Fixé la créance de la Banque de Tahiti au passif de M. [M] aux sommes suivantes :
2.465.414 Fcfp au titre du prêt du 17 mai 2017, sommes provisoirement arrêtée à la date du 25 octobre 2021 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
- 2.595.173 Fcfp au titre du prêt du 30 avril 2019, sommes provisoirement arrêtée à la date du 25 octobre 2021 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement.
Condamné Mme [D] au paiement des sommes suivantes à la Banque de Tahiti :
- 2.450.274 Fcfp au titre du prêt du 17 mai 2017, sommes provisoirement arrêtée à la date du 27 juin 2022 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
- 2.579.236 Fcfp au titre du prêt du 30 avril 2019, sommes provisoirement arrêtée à la date du 27 juin 2022 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement.
Condamné solidairement M. [M] et Mme [D] à payer à la Banque de Tahiti la somme de 150.000 Fcfp au titre de l'article 407 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. [M] et Mme [D] aux dépens.
La société Perle mon amour, prise en la personne de son représentant légal, M. [M] et Mme [D] ont relevé appel du jugement par requête enregistrée le 5 décembre 2023, complétée par conclusions récapitulatives et responsives du 26 février 2025, et demandent à la cour d'appel de :
Infirmer le jugement du tribunal mixte de commerce en ce qu'il a :
- assorti d'intérêts au taux légal la fixation de la créance de la Banque de Tahiti au passif de la société Perle mon amour au titre du compte courant d'associé ;
- condamné Mme [D] au versement de la somme de 2.450.274 Fcfp au titre du prêt du 17 mai 2017, sommes provisoirement arrêtée à la date du 27 juin 2022 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement ;
- condamné M. [M] au versement de la somme de 150.000 Fcfp au titre des frais irrépétibles.
Statuant à nouveau,
- Juger que la créance de la Banque de Tahiti au passif de la société Perle mon amour au titre du compte courant d'associé ne sera pas productive d'intérêts ;
- Juger que les sommes dues par Mme [D] au titre du prêt souscrit le 15 mai 2017 ne sauraient excéder un montant de 2.375.000 Fcfp ;
Condamner la Banque de Tahiti au versement de la somme de 220.000 Fcfp à M. [M] et Mme [D] au titre des frais irrépétibles,
La condamner aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives du 25 avril 2025, la société Banque de Tahiti demande à la cour d'appel de :
Con'rmer le jugement entrepris en ce qu'il a 'xé la créance au passif de la société Perle mon amour aux sommes suivantes :
- Prêt 4 750 000 Fcfp du 17/05/2017: 3 888 395 Fcfp provisoirement arrêté à la date du 22/07/2021, avec intérêts au taux contractuel de 7 % continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- Prêt 5 000 000 F CFP du 30/04/2019 : 5 854 044 Fcfp, provisoirement arrêté à la date du 22/07/2021, avec intérêts au taux contractuel de 7,95 % continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- Solde débiteur du compte [XXXXXXXXXX01] : 242 582 Fcfp arrêté au 22/07/2021.
L'infirmer en ce qu'il a mentionné des intérêts légaux en sus du solde débiteur du compte n°[XXXXXXXXXX01].
Fixer la créance de la société Banque de Tahiti au passif de M. [M] dans les conditions suivantes :
- Prêt 4 750 000 Fcfp du 17/05/2017................................ 2 465 414 Fcfp provisoirement arrêté à la date du 25/ 10/2021, intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- Prêt 5 000 000 Fcfp du 30/04/2019................................ 2 595 173 Fcfp provisoirement arrêté à la date du 25/10/2021, intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'à parfait paiement.
Condamner Mme [D] es-qualités de caution de la société Perle mon amour au paiement des sommes suivantes :
- Prêt 4 750 000 Fcfp du 17/05/2017.................................2 450 274 Fcfp provisoirement arrêté à la date du 27/06/2022, intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'à parfait paiement ;
- Prêt 5 000 000 Fcfp du 30/04/2019............................ 2 579 236 Fcfp provisoirement arrêté à la date du 27/06/2022, intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'à parfait paiement.
L'infirmer en ce qu'il a condamné M. [M] au paiement d'une somme de 150 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles.
Confirmer le Jugement en ce qu'il a condamné Mme [D] à payer à la Banque de Tahiti la somme de 150 000 Fcfp au titre de l'article 407 du CPCPF.
Fixer la créance de la Banque de Tahiti en application de l'article 407 du CPCPF à l'encontre de M. [M] à la somme de 150 000 Fcfp.
Condamner Mme [D] au paiement d'une somme de 150 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [V], ès qualité de liquidateur de la Sarl Perle mon amour et de M. [O] [M], n'a pas été assigné, ni n'a comparu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 septembre 2025 et l'audience de plaidoirie fixée le 9 octobre suivant.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. Se conformant aux dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, la cour répondra aux moyens par les motifs ci-après.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'arrêt du cours des intérêts au titre de la créance en compte courant d'associé
Aux termes de l'article L. 621-48, al. 1, du code de commerce de la Polynésie française, « Le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. Les cautions et coobligés ne peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa. »
Au cas présent, la société Banque de Tahiti ne conteste pas l'arrêt du cours des intérêts au titre de la créance en compte courant d'associé.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Sur le quantum de la condamnation de Mme [D] en qualité de caution
Aux termes de l'article 1134, al.1, du code civil de la Polynésie française, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »
La loi du Pays n° 2016-28 du 11 août 2016 relative à la protection des consommateurs prévoit un formalisme visant à assurer l'information complète de la caution quant à la portée de son engagement.
En l'espèce, le contrat de cautionnement prévoit sur le montant de l'engagement de caution personnelle et divise de Mme [D] au titre du contrat de crédit n°0092093 à hauteur de 4 750 000 Fcfp :
dans la clause imprimée : « Le montant du présent engagement est égal au montant de F.CFP 2.375.000 (deux millions trois cent soixante-quinze mille francs pacifique) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, suivant les taux et conditions applicables au présent contrat de prêt » (contrat §9.2, p.6) ;
dans la mention manuscrite : « Bon pour caution solidaire, personnelle et divise à concurrence de la somme en principal de FCPP 2 375 000 (deux millions trois cent soixante quinze mille francs pacifique), plus intérêts au taux fixe de 4% l'an, commissions, frais et accessoires, comme indiqué ci-dessus » (contrat p. 11) ;
La Cour de cassation juge qu'en cas d'ambiguïté, les mentions manuscrites, conformes au formalisme visant à assurer l'information complète de la caution quant à la portée de son engagement, l'emportent nécessairement sur les clauses imprimées de l'acte de caution (Com., 11 juin 2014, pourvoi n° 13-18.118 ; Com., 9 octobre 2024, pourvoi n° 23-13.173).
Il en résulte que la mention portée de la main de la caution dans l'acte litigieux exprime, sans équivoque ni qu'il soit nécessaire de se reporter aux clauses imprimées de l'acte, son engagement de se rendre caution pour un montant en principal de 2 375 000 Fcfp, auquel s'ajoutent les intérêts, commissions, frais et accessoires.
Le décompte réactualisé produit par la société Banque de Tahiti faisant bien apparaître un montant en principal au titre du capital cautionné de 2 375 000 Fcfp (pièce 15), le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Mme [D] à lui payer la somme de 2 450 274 Fcfp au titre du prêt du 17 mai 2017, sommes provisoirement arrêtée à la date du 27 juin 2022 et intérêts au taux légal continuant à courir jusqu'au parfait paiement.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l'article L. 621-41 du code de commerce de la Polynésie française, « Sous réserve des dispositions de l'article L. 621-126, les instances en cours sont suspendues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.
Elles sont alors reprises de plein droit, le représentant des créanciers et, le cas échéant, l'administrateur dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ».
La Cour de cassation juge que les instances en cours au moment de l'ouverture d'une procédure collective tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant, dont celles au titre des frais irrépétibles et des dépens (3e Civ., 8 juillet 2021, pourvoi n° 19-18.437).
Il en résulte que cette règle s'appliquant également aux frais irrépétibles et dépens, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [M], placé en liquidation judiciaire, aux frais irrépétibles dans le cadre de l'instance, alors qu'il ne pouvait que fixer la créance de la société Banque de Tahiti à ce titre.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles d'appel exposés par elles et non compris dans les dépens, en application de l'article 407 du code de procédure civile.
En outre, la société Banque de Tahiti sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant dans les limites de l'appel, par mise à disposition, par défaut, en matière commerciale et en dernier ressort :
Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a :
- assorti d'intérêts au taux légal la fixation de la créance de la Banque de Tahiti au passif de la société Perle mon amour au titre du solde débiteur du compte courant d'associé [XXXXXXXXXX01] ;
- condamné M. [M] au versement de la somme de 150 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles ;
L'infirme de ces chefs et statuant à nouveau,
Dit que la créance de la société Banque de Tahiti au passif de la société Perle mon amour au titre du solde débiteur du compte courant d'associé [XXXXXXXXXX01] ne sera pas productive d'intérêts ;
Fixe la créance de la société Banque de Tahiti à l'encontre de M. [M] à la somme de 150 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles d'instance en application de l'article 407 du CPCPF ;
Rejette les plus amples ou contraires demandes ;
Condamne la Banque de Tahiti aux entiers dépens d'appel.
Prononcé à Papeete, le 13 novembre 2025.
La greffière, La présidente,
Signé : I. Souché Signé : C. Prieur