CA Paris, Pôle 4 - ch. 8, 1 juin 2017, n° 16/09218
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Hirigoyen
Conseiller :
Malfre
Faits, procédure et prétentions des parties
Par jugement du 14 novembre 1996, le tribunal de commerce de Bobigny a condamné M. Y X, en sa qualité de caution de la Sarl RGH dont il était gérant, à payer au Crédit lyonnais la somme de 77 808,57 francs (11 861,84 euros) majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, celle de 500 000 francs (76 224,50 euros) majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et celle de 6 000 francs (914,69 euros ) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 27 novembre 1998, la cour d'appel de ce siège a confirmé partiellement ce jugement et, statuant à nouveau, a condamné M. X à payer au Crédit lyonnais la somme de 500 000 francs (76 224,50 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 1995 et a dit que les intérêts échus pour une année entière au 31 octobre 1997 se capitaliseraient à cette date pour porter eux-même intérêts au taux légal.
En vertu de cet arrêt signifié le 11 janvier 1999, et selon acte d'huissier du 4 septembre 2015, la société MCS et associés (la société MCS), venant aux droits du Crédit lyonnais, a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains du Crédit lyonnais au préjudice de M. X pour paiement de la somme de 279 393,94 euros en principal, intérêts et frais.
Cette saisie a été dénoncée le 7 septembre 2015 à M. X qui l'a contestée selon assignation du 2 octobre 2015.
Par jugement du 22 mars 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bobigny a rejeté la contestation de M. X, a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné M. X à payer à la société MCS la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
M. X a relevé appel de ce jugement selon déclaration du 20 avril 2016.
Par dernières conclusions du 19 juillet 2016, il demande à la cour d'infirmer le jugement, d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à son encontre le 4 septembre 2015 et de condamner la société MCS à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Raison Carnel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 5 août 2016, la société MCS demande à la cour de confirmer le jugement et, y ajoutant, de condamner M. X à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de le débouter de l'ensemble de ses demandes et de le condamner aux dépens dont distraction au profit de Maître Céline Netthavongs conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE
— Sur la qualité de la société MCS à agir
M. X soutient que la société MCS n'a pas qualité pour pratiquer la mesure litigieuse dès lors qu'elle ne détient pas de titre exécutoire à son encontre. Elle fait valoir que la société MCS n'était pas partie à la décision du 27 novembre 1998 dont l'exécution est poursuivie et ne peut en conséquence agir sur le fondement de celle-ci, que l'acte de cession dont elle se prévaut n'indique pas qu'il est caution de la créance référencée au Crédit lyonnais sous le numéro 525/8287, aucun élément ne permettant de déterminer qu'il s'agirait de la référence du prêt contracté par la société RGH d'un montant de 500 000 francs (76 224,50 euros) pour lequel il s'est porté caution en 1998, que la créance n'est pas clairement individualisée dans l'acte de cession, que les éléments d'identification retenus par le premier juge n'étaient pas joints à la notification de la cession de créance. Il ajoute que la signification de la cession de créance n'est pas régulière dès lors, d'une part, qu'elle ne mentionne pas le montant de la créance cédée et, d'autre part, qu'elle a été délivrée six ans et huit mois après la cession de créance du 31 juillet 2008, soit au-delà du délai de prescription de l'article 2224 du code civil ce dont il résulte que la signification de la cession de créance est prescrite.
La société MCS lui oppose que la créance détenue par le Crédit lyonnais à l'encontre de la société RGH lui a été cédée, que cette cession comprend les accessoires de la créance cédée, dont le titre exécutoire obtenu à l'encontre de la caution. Elle soutient que la créance en cause est identifiée dans l'acte de cession et comprend l'intégralité des concours financiers consentis à la société RGH. Elle ajoute que la cession de créance a régulièrement été signifiée à M. X le 1er avril 2015.
La saisie critiquée a été pratiquée à la requête de la société MCS qui se prévaut du titre exécutoire ayant condamné M. X, en sa qualité de caution de la société RGH, au profit du Crédit lyonnais et de l'acte de cession de créances conclu avec ce dernier.
Il est constant que par arrêt du 27 novembre 1998, M. X a été condamné, en qualité de caution de la société RGH, à payer au Crédit lyonnais la somme de 500 000 francs (76 224,50 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 1995 et capitalisation des intérêts à compter du 31 octobre 1997.
Selon acte sous seing privé du 31 juillet 2008, déposé au rang des minutes de Maître Vachon, notaire à Meudon, le Crédit lyonnais a cédé un portefeuille de créances à la société MCS Associés, pour un prix global de 7 000 000 euros. Il est produit aux débats, outre l'acte de cession, un extrait de l'annexe 1, certifié conforme par le notaire le 13 novembre 2008, mentionnant au titre des créances cédées celle détenue à l'encontre de la société RGH portant la référence LCL (Crédit lyonnais) 525/8287.
Ce numéro 525/8287 correspond au numéro de compte courant de la société RGH dont M. X a été condamné à garantir le solde débiteur, dans la limite de son engagement soit à hauteur de 500 000 francs (76 224,50 euros) ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 27 novembre 1998 qui ne fait pas référence à un prêt de 500 000 francs mais aux engagements financiers de la société RGH quels qu'ils soient. La société MCS produit en outre un décompte de sa créance au titre du solde débiteur du compte courant n° 8287 agence 525 de la société RGH, arrêtée au 20 novembre 1995 pour un montant de 606 270,16 francs (92 425,29 euros) outre 277 729,37 francs (42 339,57 euros) d'intérêts, ainsi qu'une attestation du Crédit lyonnais en date du 19 février 2016 qui précise que la cession comprenait l'intégralité des concours financiers accordés à la société RGH à savoir le solde débiteur du compte n° 525/8287 ainsi que le prêt n° 3158043 d'un montant de 150 000 francs (22 867,35 euros) lui étant attaché. Ainsi que l'a justement retenu le premier juge, la créance du Crédit lyonnais sur la société RGH cédée à la société MCS, telle que mentionnée dans l'acte de cession et plus précisément dans son annexe, est ainsi suffisamment identifiable.
En application de l'article 1692 ancien du code civil, applicable au litige, étant observé que l'article 1321 nouveau n'a pas modifié cette règle, la cession d'une créance comprend les accessoires de celle-ci, telles les cautions. Il en résulte que la société MCS, en sa qualité de cessionnaire, peut se prévaloir du titre exécutoire rendu à l'encontre de M. X en sa qualité de caution du débiteur cédé.
Enfin, contrairement à ce que soutient M. X, aucun délai n'est imposé à peine de prescription pour signifier un acte de cession, seule la prescription de la créance cédée ou celle du titre constatant la créance cédée, selon les cas, pouvant être le cas échéant utilement invoquées. Aucune disposition n'impose par ailleurs que l'acte de signification de la cession de créance mentionne le montant de la créance cédée.
L'acte de signification de la cession de créance délivré à M. X le 1er avril 2015, qui comporte l'acte de cession et l'extrait de l'annexe mentionnant la créance cédée, n'encourt en conséquence pas la nullité alléguée, étant observé que M. X qui était le gérant de la société RGH n'a pu se méprendre sur la créance visée dans l'acte de cession.
En vertu de l'acte de cession du 31 juillet 2008, la société MCS détient à l'encontre de M. X un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, lui permettant, en application de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, de faire pratiquer à son encontre une saisie-attribution.
Le jugement mérite approbation à ce titre.
— Sur la prescription du titre
M. X invoque, en application de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, la prescription du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée 17 ans après que la décision de justice a été rendue, tandis que la société MCS excipe de l'ancien délai de prescription de trente ans et des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de prescription à dix ans.
En vertu de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles, issu de la loi du 17 juin 2008, l'exécution des jugements ne peut être poursuivie que pendant dix ans, l'article 2222 du code civil issu de l'article 26 de la loi prévoyant que ce nouveau délai de prescription court à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit à compter du 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l'espèce, la prescription trentenaire antérieurement applicable n'était pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 de sorte que le nouveau délai a commencé à courir le 19 juin 2008 pour une période de dix ans et que la prescription n'était pas acquise à la date de la saisie litigieuse pratiquée le 4 septembre 2015.
C'est donc à juste titre que le premier juge a écarté le moyen pris de la prescription.
— Sur le montant de la créance
M. X conteste le montant de la créance mentionné dans l'acte de saisie, faisant valoir qu'il comporte des intérêts prescrits.
La société MCS oppose à cette contestation que, conformément à l'arrêt de la cour d'appel du 27 novembre 1998, les intérêts ont été capitalisés à compter du 1er octobre 1997 et que les intérêts capitalisés constituent un nouveau capital auquel la prescription quinquennale ne peut s'appliquer.
Si le délai d'exécution d'un titre exécutoire, prévu à l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, n'est pas applicable aux créances périodiques nées en application de ce titre exécutoire, tels les intérêts échus postérieurement au jugement, en l'espèce, la cour d'appel dans son arrêt du 27 novembre 1998, a dit que les intérêts échus à compter du 31 octobre 1997 seraient capitalisés, de sorte que les intérêts ainsi capitalisés ne constituent plus des intérêts, soumis à la prescription quinquennale, mais un nouveau capital s'ajoutant au premier, la prescription étant celle applicable au titre exécutoire, soit la prescription trentenaire jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 puis la prescription décennale à compter du 19 juin 2008.
C'est en conséquence à juste titre que le premier juge a rejeté le moyen pris de la prescription des intérêts.
Le calcul des intérêts capitalisés tel qu'il résulte du détail des intérêts mentionné dans l'acte de saisie n'est pas autrement contesté par M. X qui ne discute pas davantage l'indemnité de procédure et les frais mentionnés au décompte figurant dans l'acte de saisie, ni ne soutient avoir effectué d'autres versements que ceux pris en compte à hauteur de 1 470,95 euros.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la contestation relative au montant de la créance.
— Sur le caractère abusif de la saisie allégué par M. X
M. X soutient que la saisie critiquée est abusive au motif que le créancier a attendu dix sept ans pour en poursuivre le recouvrement et s'est ainsi octroyé unilatéralement une augmentation «scandaleuse» de sa créance, faisant preuve d'une attitude manifestement déloyale et abusive.
La société MCS fait valoir que la sanction d'une faute commise par la banque à l'occasion de l'exécution d'une décision de justice est l'octroi de dommages-intérêts, qu'une telle demande ne ressort pas de la compétence du juge de l'exécution et que détenant un titre exécutoire à l'encontre de M. X qui ne s'est pas exécuté volontairement et n'a pas régularisé le protocole d'accord établi en septembre 2003 par le Crédit lyonnais afin de lui permettre de solder sa dette en 72 versements mensuels de 1 067 euros, elle était parfaitement fondée à engager une mesure d'exécution.
En vertu de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.
L'appelant ne sollicitant pas la condamnation de la société MCS au paiement de dommages-intérêts en raison d'une faute de la banque mais la mainlevée de la saisie qu'il estime abusive, l'argumentation de la société MCS sur la compétence ou le pouvoir du juge de l'exécution est inopérante.
C'est en vain que M. X reproche à son créancier d'avoir attendu dix sept ans avant d'engager une mesure d'exécution ce dont il est résulté un accroissement considérable de la dette, alors que, condamné par une décision de justice définitive qui lui a été régulièrement signifiée le 1er septembre 1999, ce qu'il ne conteste pas, il lui appartenait de s'exécuter spontanément. Il n'établit pas avoir tenté de s'acquitter de sa créance amiablement alors même qu'il n'ignorait pas que celle-ci produisait des intérêts dans les conditions ci-dessus rappelées et qu'il ressort des termes du jugement rendu le 21 avril 2005 par le juge d'instance du Raincy, à l'occasion d'une demande de saisie des rémunérations de M. X que ce dernier n'a pas régularisé le protocole d'accord établi en 2003 par le Crédit lyonnais, ce qui a contraint le créancier à engager en 2004 une procédure de saisie des rémunérations qui n'a pas permis de solder la dette. Aucun abus dans le droit de recourir à une mesure d'exécution forcée n'étant caractérisé, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de mainlevée de la saisie.
Le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.
— Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, M. X sera condamné aux dépens et conservera la charge de ses frais irrépétibles. Pour des motifs d'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société MCS qui sera déboutée de sa demande formée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. X aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.