Cass. com., 13 mai 2014, n° 12-28.013
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Espel
Rapporteur :
Guérin
Avocat général :
Pénichon
Vu leur connexité, joint les pourvois n X 12-28.013 et U 12-28.654 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués (Basse-Terre, 29 octobre 2012, n° 762 et 764), dont le second rendu après cassation (1re chambre civile, 22 septembre 2011, pourvoi n° 10-16.375) que, par deux actes du 1er septembre 1996, M. X... a reconnu devoir à la société Appleton Finance Corporation (la société Appleton) les sommes de 1 900 000 dollars et de 1 000 000 francs reçues à titre de prêt ; qu'en garantie du remboursement de ces prêts, une hypothèque a été inscrite sur des biens immobiliers appartenant à M. X... ; que ces prêts n'ayant pas été remboursés à leur échéance, la société Appleton a fait délivrer le 22 janvier 2009 à M. X... un commandement aux fins de saisie immobilière ; que soutenant notamment que la société Appleton ne justifiait pas lui avoir remis les sommes indiquées dans les actes du 1er septembre 1996, qui lui avaient, en réalité, été prêtées en octobre et novembre 1995 par M. Y..., M. X... a sollicité la nullité de ces actes et, par voie de conséquence, de l'acte d'affectation hypothécaire et du commandement ; que, par un arrêt du 15 mars 2010, la cour d'appel a rejeté ces prétentions ; que M. X... a formé à l'encontre de cet arrêt un recours en révision pour fraude et un pourvoi en cassation ; que le recours en révision a été rejeté et l'arrêt du 15 mars 2010 cassé et annulé mais seulement en ce qu'il avait fixé la créance de la société Appleton à la somme de 4 047 198,13 euros, outre les intérêts à échoir postérieurement à la date du commandement, que M. X... a, notamment, demandé à la cour de renvoi de constater qu'il avait été définitivement jugé que son exception de nullité n'était pas prescrite ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° U 12-28.654 :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt n° 762 de l'avoir débouté de son recours en révision dirigé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Basse-Terre le 15 mars 2010, alors, selon le moyen, qu'en se bornant à faire état des éléments résultant de l'examen de la situation juridique de la société Appleton sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la découverte, courant 2012, des déclarations de la personne ayant représenté cette société pour l'émission du commandement de payer et devant les juridictions en charge de son exécution aux termes desquelles elle n'avait jamais exercé une telle représentation ne constituait pas la révélation d'une fraude destinée à permettre à une société fictive d'obtenir l'exécution de contrats de prêt sans avoir à justifier la réalité de ses activités et, notamment, de la remise des fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 595 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... avait versé aux débats l'extrait du registre panaméen et les procès-verbaux contenant toutes les indications permettant d'identifier les dirigeants de la société Appleton et les actionnaires habilités à émettre un pouvoir, celui de son représentant pour ester en justice étant établi par les documents produits, qu'il ne justifiait pas que l'enregistrement de cette société au ministère du commerce du Panama fût nécessaire et que tous ces faits ne lui avaient pas été révélés après la décision qu'il entendait voir réviser, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments du débat que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter, a pu retenir que M. X... ne rapportait pas la preuve de la fraude alléguée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° X 12-28.013 :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt n° 764 d'avoir fixé la créance de la société Appleton à la somme de 4 047 198,13 euros, outre les frais et intérêts à échoir postérieurement à la date du commandement et de l'avoir condamné à payer à cette société la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :
1°/ que, d'une part, la règle selon laquelle l'exception de nullité ne peut jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui a été exécuté ne s'applique, s'agissant d'une exception de nullité d'une clause d'intérêts conventionnels figurant au sein d'un contrat de prêt, qu'en cas d'exécution de la clause ainsi contestée et de paiement des dits intérêts ; qu'en déduisant de l'exécution des stipulations du contrat relatives à la constitution par l'emprunteur de garanties hypothécaires au profit du prêteur que l'exception de nullité de la clause d'intérêts conventionnels aurait dû être soulevée dans le délai de prescription, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 1305 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ;
2°/ que, en tout état de cause, la règle selon laquelle l'exception de nullité ne peut jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui a été exécuté ne s'applique pas lorsque cette exécution porte sur une obligation accessoire résultant de cet acte ; qu'en déduisant de l'exécution de l'obligation accessoire au contrat de prêt consistant, pour l'emprunteur, à constituer des garanties hypothécaires au profit du prêteur que l'exception de nullité de la clause d'intérêts conventionnels aurait dû être soulevée dans le délai de prescription, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 1305 du code civil et L. 110-4 du code de commerce ;
3°/ que, en outre, en se bornant à relever que le prêteur avait versé les fonds sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'impossibilité pour l'intéressé de se prévaloir de la qualité de professionnel du crédit n'était pas de nature à faire conserver aux contrats de prêt leur caractère réel et à exclure que ce versement puisse constituer un acte d'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1305 et 1892 du code civil ;
4°/ que, enfin, seules les mentions du dispositif d'une décision sont revêtues de l'autorité de la chose jugée ; qu'en tenant pour acquis, au regard des motifs de sa précédente décision, que les fonds avaient été versés par le prêteur, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'à compter de l'expiration de la prescription de l'action en nullité, l'exception de nullité ne peut faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui a déjà reçu un commencement d'exécution par celui qui l'invoque, peu important que ce commencement d'exécution ait porté sur d'autres obligations que celle arguée de nullité ; qu'après avoir énoncé que la prescription de l'action en nullité du taux d'intérêt stipulé dans des contrats de prêt destinés à financer une activité professionnelle pour défaut de mention du taux effectif global court à compter de la date de la conclusion des contrats et que la prescription de la demande en nullité par voie d'action était, en application de l'article 1304 du code civil, acquise cinq années plus tard, l'arrêt relève que les contrats de prêt devaient être remboursés, en principal et intérêt composé au taux de 9 %, par un versement unique le 31 août 2001, qu'à la première demande du créancier, le débiteur accorderait une garantie hypothécaire de premier rang sur certaines parcelles et les immeubles y édifiés et qu'en cas de vente de ces biens, le produit de la vente serait versé sur le compte bancaire du créancier à concurrence des sommes qui lui seraient dues ; que l'arrêt relève encore qu'après que M. X... avait, le 25 avril 2001, donné l'ordre irrévocable au notaire de procéder au paiement au profit de la société Appleton de tous les fonds qui pourraient provenir de la vente de ses biens, les actes de prêt ont, à sa requête et non à celle de cette société, été déposés au rang des minutes de ce notaire le 22 août 2001 et qu'il a été procédé, à sa demande, à une affectation hypothécaire au profit de son créancier ; qu'ayant ainsi caractérisé un commencement d'exécution des contrats de la part de M. X..., la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne pouvait plus faire valoir l'exception de nullité ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, pour déclarer prescrite l'exception de nullité de M. X..., ne s'est fondée ni sur la qualité de professionnel du crédit de la société Appleton, ni sur le caractère réel ou consensuel des contrats de prêt, ni sur la circonstance qu'il avait été précédemment jugé que les fonds lui avaient été versés par cette société ; que les griefs visés aux troisième et quatrième branches sont inopérants ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deux dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Appleton Finance Corporation la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quatorze.