CA Douai, ch. 2 sect. 1, 28 avril 2022, n° 20/01222
DOUAI
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Renard
Vice-président :
Gilles
Conseiller :
Mimiague
Vu l'appel interjeté le 2 mars 2020 par M. [G],
Vu les dernières conclusions n° 2 remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 mars 2021 par M. [G] qui demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur [M] [G] à payer certaines sommes à la Banque Populaire du Nord,
Statuant à nouveau :
- dire et juger que l'action de la Banque Populaire du Nord au titre du cautionnement du 26 mai 2011 est forclose,
- débouter la Banque Populaire du Nord de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire,
- prendre acte que Monsieur [M] [G] conteste formellement avoir rédigé la mention manuscrite figurant à l'engagement de caution du 21 mai 2011,
- annuler ledit cautionnement faute de consentement,
A titre très subsidiaire :
- juger qu'il est nécessaire de procéder à une vérification d'écriture,
En conséquence,
- désigner tel expert qu'il plaira à la cour (avec mission décrite dans les écritures),
A titre infiniment subsidiaire :
- dire et juger que la Banque Populaire du Nord n'a pas satisfait à son obligation d'information annuelle de la caution,
- prononcer la déchéance des intérêts à compter du 21 mai 2011,
En tout état de cause,
- condamner la Banque Populaire du Nord à payer à [M] [G] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du CPC (code de procédure civile) ainsi qu'aux entiers dépens,
Vu les dernières conclusions n° 2 remises au greffe et notifiées par voie électronique le 17 novembre 2021 par la Banque Populaire du Nord qui demande à la cour de :
- débouter Monsieur [M] [G] de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 24 octobre 2019 n°RG 2018019481,
- condamner Monsieur [M] [G] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [M] [G] aux entiers frais et dépens engagés dans le cadre de la présente instance,
Vu l'ordonnance de clôture du 5 janvier 2022 ;
SUR CE,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la SARL Energies en Nord réalisait des travaux d'installation d'équipements thermiques et de climatisation et a eu pour gérant M. [G] du 27 novembre 2010 au 2 février 2013.
Par acte sous seing privé en date du 21 mai 2011, la Banque Populaire du Nord (ci-après la BPN ou la banque) a accordé à la société Energies en Nord un prêt professionnel destiné à financer le besoin en fonds de roulement, d'un montant de 60 000 euros remboursable en 60 mensualités de 1 121,93 euros, assurance comprise, au taux contractuel de 3,85 % l'an.
En garantie de ce prêt, la banque indique avoir recueilli le même jour le cautionnement personnel et solidaire de M. [G] dans la limite de la somme de 36.000 euros et pour une durée de 7 ans. L'acte de prêt prévoit également la garantie d'OSEO à hauteur de 50 % pendant toute la durée du crédit.
Par jugement du 12 octobre 2015, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Energies en Nord, maître [B] étant nommé en qualité de mandataire judiciaire.
La BPN a déclaré le 13 novembre 2015 sa créance entre les mains de maître [B] à hauteur de 13.875,01 euros au titre du prêt susvisé.
Par lettre recommandée du 20 novembre 2015, la banque a rappelé à M. [G] son engagement de caution, prononcé la déchéance du terme et l'a mis en demeure, en sa qualité de caution personnelle et solidaire de la société Energies en Nord, de lui régler la somme de 6.937,50 euros outre intérêts, frais et accessoires.
Après une seconde lettre recommandée du 27 juillet 2017 restée sans effet, la BPN a, selon acte d'huissier du 21 novembre 2018, fait assigner en paiement M. [G] devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.
C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement dont appel.
Sur la forclusion
M. [G] invoque à titre principal la forclusion de l'action de la banque en raison de la clause de durée stipulée à l'article 6 de l'acte de cautionnement et de l'exercice tardif des poursuites de la banque à son encontre. Il soutient que l'acte prévoit une obligation de couverture pour une durée de 5 années courant à compter de sa régularisation, soit du 21 mai 2011 au 21 mai 2016, de sorte que sa garantie n'était due que pour les impayés apparus dans cet intervalle de temps, et une obligation de règlement d'une durée de 7 ans à compter du même acte, soit jusqu'au 21 mai 2018, de sorte qu'au jour de la délivrance de l'assignation le 21 novembre 2018, l'action de la banque était forclose.
La banque réplique en substance que son action n'encourt pas la forclusion dès lors que la durée de 7 ans figurant dans l'acte de cautionnement ne concerne que l'obligation de couverture de M. [G] et non pas son obligation de règlement, ni même la prescription au jour où l'assignation a été délivrée, pour conclure que son action est parfaitement recevable.
En application de l'article 2288 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce, celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même.
Selon l'article 2292 du même code civil et dans la même version, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès et on ne peut étendre un cautionnement au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.
Sauf stipulation contraire, la limitation de durée indiquée dans l'acte concerne l'obligation de couverture et non l'obligation de règlement, le créancier pouvant agir à l'encontre de la caution après l'expiration du délai dès lors que la dette est née antérieurement.
Pour autant, la stipulation d'un terme dans un acte de cautionnement peut tendre à limiter soit l'obligation de couverture, soit l'obligation de règlement, les parties ayant ainsi la faculté de déterminer l'étendue de l'engagement, sa durée, et, notamment, limiter dans le temps l'exercice du droit de poursuite du créancier par la fixation d'un terme au-delà duquel aucune poursuite ne pourra plus être engagée. Ainsi, si la seule mention d'un terme dans l'acte de cautionnement, et repris dans la mention manuscrite de la caution, ne suffit pas à établir que les parties ont entendu limiter dans le temps l'obligation de règlement, et non seulement l'obligation de couverture, il ne peut être fait abstraction des autres clauses du contrat pour apprécier la portée du délai ainsi fixé.
En l'espèce, l'acte de cautionnement prévoit que la durée du cautionnement est de sept ans, étant précisé qu'à titre subsidiaire M. [G] conteste être le signataire de cet acte, durée reprise dans la mention manuscrite de la caution, qui correspond à la durée du prêt garanti augmentée de deux années.
L'article 6 de l'acte précise que 'le présent cautionnement est valable pour la durée indiquée ci-dessus à l'issue de laquelle je serai délivré de tous engagements envers la banque'.
Compte tenu du caractère général de cette clause, qui vise 'tous engagements', et n'opère aucune distinction entre les obligations, il ne peut être considéré que seule l'obligation de couverture prendrait fin à l'issue du délai, et non pas l'obligation de règlement, sauf à rendre la présence d'une telle clause inutile.
En conséquence, le délai fixé dans l'acte constitue un délai de forclusion expirant le 21 mai 2018 et l'action de la banque, introduite par assignation du 21 novembre 2018, doit être déclarée forclose.
Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [G] au paiement de la somme de 6 937, 50 euros outre intérêts au taux au taux de 3,85 % à compter de la mise en demeure du 20 novembre 2015, en vertu du cautionnement du 21 mai 2011.
Le surplus des demandes de l'appelant devient sans objet.
Sur les autres demandes
En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de mettre les dépens de première instance et d'appel à la charge de la Banque Populaire du Nord.
Enfin aucune considération ne justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au présent litige.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déclare forclose l'action de la Banque populaire du Nord ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Banque populaire du Nord aux entiers dépens.