Cass. com., 18 juin 2013, n° 12-18.949
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Espel
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 mars 2012), que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Gironde, aux droits de laquelle se trouve la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine (la caisse), a consenti à la société Peyrieras-Thevenoux, pour l'acquisition d'un fonds de commerce, un prêt d'un certain montant, garanti notamment par un nantissement sur ce fonds et le cautionnement de M. et Mme Y... (les cautions) ; que la société Peyrieras-Thevenoux, devenue la société Boutique à pain (la société), a été mise en redressement puis liquidation judiciaires ; que, les locaux commerciaux ayant été détruits par un incendie, la caisse, après avoir déclaré sa créance, a assigné en paiement les cautions qui ont recherché sa responsabilité ;
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de condamnation des cautions à lui payer la somme de 180 722,36 euros, outre intérêts à 4,85 % sur 147 032,85 euros et au taux légal sur le surplus, alors, selon le moyen :
1°/ que la caution ne peut être déchargée de ses obligations que lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus s'opérer en sa faveur, en raison d'un fait fautif exclusivement imputable au créancier à l'origine du dommage invoqué par la caution ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à la demande de décharge des cautions, la caisse soutenait qu'elle n'avait jamais été informée de la survenance de l'incendie par l'assureur ; qu'il s'ensuit que, quand bien même elle aurait omis de se faire communiquer le bail et le contrat d'assurance, ces négligences, à les supposer fautives, étaient dépourvues de tout lien causal avec le dommage allégué par les cautions, puisque la caisse, dès lors qu'elle était dans l'ignorance du sinistre, aurait de toute façon été placée dans l'impossibilité de faire opposition au versement de l'indemnité d'assurance ou d'en réclamer l'attribution ; que la cour d'appel, après avoir pourtant expressément constaté que la caisse soutenait n'avoir pas été informée de la survenance de l'incendie, s'est bornée à affirmer que la banque ne contestait pas qu'elle n'avait pas accompli les diligences nécessaires et qu'elle avait laissé perdre par sa négligence le bénéfice du droit préférentiel accordé par l'article L. 121-13 du code des assurances ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur la question de la connaissance par la caisse de la survenance de l'incendie ni caractériser, en conséquence, l'existence d'un lien de causalité entre les prétendues négligences imputées à la caisse et le dommage invoqué par les cautions pour solliciter leur décharge, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil ;
2°/ que, ce faisant, la cour d'appel n'a pas davantage caractérisé l'existence d'une faute exclusive de la banque à l'origine du préjudice invoqué par les cautions, et a privé de ce chef encore sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
3°/ que la caution n'est déchargée qu'à concurrence de la valeur des droits pouvant lui être transmis par subrogation et dont elle a été privée par le fait du créancier ; qu'en l'espèce, la caisse faisait valoir que la compagnie d'assurance n'avait été condamnée à verser qu'une somme indemnitaire forfaitaire de 4 000 euros entre les mains du débiteur principal en sorte que l'indemnité effectivement due par l'assurance au titre de l'incendie avait à peine permis de couvrir les frais de justice, comme l'établissait la lettre du 15 juin 2011, régulièrement produite aux débats devant la cour d'appel, que lui avait adressée le liquidateur judiciaire du débiteur principal ; que la cour d'appel, après avoir pourtant constaté que, selon la banque, l'indemnité d'assurance avait seulement permis de régler les frais de justice, a déchargé les cautions de l'intégralité de leurs obligations, au motif que la caisse ne contestait pas ne pas avoir accompli les diligences nécessaires aux fins de se voir attribuer l'indemnité d'assurance due en cas d'incendie ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur la valeur des droits dont les cautions avaient prétendument été privés et qui représentait la mesure de la décharge de ces derniers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que la caisse, à laquelle les cautions reprochaient de ne pas s'être fait produire annuellement la justification de la couverture d'assurance incendie et de l'acquit des primes, ni communiquer la police d'assurances et le bail pour permettre un désintéressement effectif en cas de sinistre, ainsi que de n'avoir pas formé opposition au paiement de l'indemnité d'assurance, s'est bornée à répondre qu'elle n'avait pas été informée de l'incendie par l'assureur, et n'a pas contesté ne pas avoir accompli les diligences nécessaires ; que de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la caisse, faute d'avoir fait connaître l'existence de son droit préférentiel à l'assureur, n'avait pas mis celui-ci en mesure de l'informer de la survenance du sinistre et s'était dès lors trouvée, par sa négligence, dans l'impossibilité de former opposition au paiement de l'indemnité d'assurance, la cour d'appel a pu déduire que la caisse avait, par son fait exclusif, empêché les cautions d'être subrogées dans ce droit ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, devant laquelle la caisse s'est bornée à indiquer que la somme forfaitaire de 4 000 euros versée par l'assureur avait été entièrement affectée au règlement de frais de justice, n'avait pas à répondre à des énonciations qui ne tiraient pas de conséquences juridiques des faits qu'elles affirmaient ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel d'Aquitaine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille treize.