Cass. com., 15 juin 2011, n° 10-13.538
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Favre
Vu la connexité, joint les pourvois n° W 10-13.537 et n° X 10-13.538 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués et les productions, que par contrats des 6 janvier 2000 et 5 mars 2001, la Société guadeloupéenne de financement (la Soguafi) et la société Atag (le crédit-preneur) ont conclu deux contrats de crédit-bail portant sur trois photocopieurs et un lot de matériel de piste, dont M. X... (la caution) s'est porté caution solidaire ; que le 21 décembre 2001, le crédit-preneur a été mis en liquidation judiciaire, M. Y... étant désigné mandataire-liquidateur ; qu'ayant déclaré sa créance, la Soguafi a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juin 2002, revendiqué ces biens, lesquels avaient déjà été vendus ; que la Soguafi a assigné en exécution de son engagement la caution, qui a invoqué la perte du bénéfice de subrogation ;
Sur le moyen unique des pourvois n° W 10-13.537 et n° X 10-13.538, pris en leur première branche, rédigée en termes similaires, réunis :
Attendu que la Soguafi fait grief aux arrêts d'avoir constaté que la caution était déchargée de son cautionnement et de l'avoir, en conséquence, déboutée de ses demandes tendant à sa condamnation à lui payer les sommes de 13 430,67 euros et 115 328,26 euros, outre les intérêts au taux légal, alors, selon le moyen, que si la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution, le droit de revendication du propriétaire du bien ne constitue pas un droit préférentiel susceptible de profiter à la caution par voie de subrogation, de sorte que la perte de ce droit n'est pas de nature à permettre à la caution d'être déchargée de son obligation ; qu'en décidant néanmoins que la caution était déchargée de son engagement de caution, motif pris que la Soguafi n'avait pas revendiqué les biens qu'elle avait donnés à bail au crédit-preneur dans les délais requis, bien que le droit de revendication de ces biens n'ait pas constitué un droit préférentiel susceptible de profiter à la caution par voie de subrogation, ce dont il résultait que la perte de ce droit ne pouvait permettre de décharger la caution de son engagement, la cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil ;
Mais attendu que l'absence de revendication par le crédit-bailleur des matériels donnés en crédit-bail a pour effet de priver la caution de la possibilité d'être subrogée dans un droit pouvant lui profiter, et, par suite, de la décharger de tout ou partie de son obligation; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a fait ressortir que le droit de la Soguafi de revendiquer les biens loués au crédit-preneur constitue un droit préférentiel au sens de l'article 2314 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen de chacun des pourvois, pris en leur quatrième branche, rédigée en termes similaires, réunis :
Vu les articles 2314 du code civil et L. 621-115 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que pour décharger la caution de ses engagements et rejeter les demandes en paiement de la Soguafi, l'arrêt, après avoir relevé que la procédure de liquidation judiciaire du crédit-preneur avait été ouverte par jugement du 21 décembre 2001 et que le contrat, s'il était en cours à la date d'ouverture de la procédure, était résilié au plus tard le 10 avril 2002, retient que le délai de trois mois visé par l'article L. 621-115 du code de commerce venait à expiration le 20 mars 2002, de sorte que la revendication effectuée le 28 juin 2002 ne peut être qu'irrégulière comme hors délai, et en déduit que l'omission par la Soguafi de revendiquer les biens dans les délais légaux constitue une négligence qui lui est exclusivement imputable et a eu pour effet de priver la caution d'un droit qui aurait pu lui profiter ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le contrat était en cours au jour de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, et le cas échéant, s'il avait été résilié plus de trois mois avant la revendication, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts n° RG 08/00114 et n° RG 08/00115 rendus le 22 juillet 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société guadeloupéenne de financement ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille onze.