Cass. com., 30 octobre 2000, n° 97-11.718
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
DUMAS
Rapporteur :
Graff
Avocat général :
Lafortune
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 5 décembre 1996), que la société Crédit du Nord (la banque) a consenti un prêt à la société Bistroroi (la société), garanti par un nantissement sur le fonds de commerce exploité par celle-ci ainsi que par le cautionnement solidaire de M. X..., M. Z... et Mme Y... ; que la société ne s'étant pas acquittée de certaines échéances de loyers du fonds de commerce nanti, le bailleur l'a fait assigner en paiement des sommes dues et en résiliation du bail ; qu'après que la demande, notifiée aux créanciers inscrits, eut été accueillie, la société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires tandis que la banque, après avoir déclaré sa créance, a demandé aux cautions d'exécuter leurs engagements ;
Attendu que les cautions reprochent à l'arrêt de les avoir condamnées à payer à la banque la somme de 320 000 francs chacune, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 1993, au titre de leurs engagements, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, selon l'article 2037 du Code civil, la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait du créancier, s'opérer en faveur de la caution ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de la cour d'appel que la banque, bénéficiaire d'un nantissement sur le fonds de commerce de restauration de la société, a refusé d'intervenir, quoi qu'ayant reçu notification de l'assignation, à la procédure de résiliation du bail commercial qui a abouti à la résolution du bail consenti à la société et à son expulsion des locaux, et qui s'est en même temps abstenu d'informer les cautions de l'existence de l'action résolutoire formée contre la société débitrice principale ; que, par ces comportements fautifs, la banque a fait obstacle à la subrogation des cautions dans l'action résolutoire ; qu'ainsi, en refusant aux cautions l'application de l'article 2037 du Code civil, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé ; alors, d'autre part, que selon l'article 9 de la loi du 17 mars 1909, un nantissement de fonds de commerce n'est valable que si le fonds de commerce, objet du nantissement, comprend les éléments incorporels qu'il vise de façon limitative et dont fait partie le droit au bail ; qu'ainsi, le nantissement d'un fonds de commerce privé de droit au bail n'a plus de cause et doit être considéré comme nul et non avenu ; qu'il en résulte que la cour d'appel ne pouvait, au cas présent, tout à la fois constater la résolution du bail commercial qui avait enlevé toute efficacité au nantissement et considérer en même temps que le créancier avait conservé son gage par sa déclaration de créance à titre privilégié ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales qui s'imposaient de ses propres constatations et a violé l'article susvisé, ainsi que l'article 2037 du Code civil ; alors, de surcroît, qu'il résulte de l'article 10-3 du contrat de prêt du 10 janvier 1991 qui visait le nantissement du fonds de commerce de la société, inscrit au profit de la banque, que ce nantissement devait obligatoirement inclure "le droit au bail des locaux dans lequel ledit fonds de commerce sera exploité" ; qu'en l'espèce, en l'état de la perte du droit au bail et de l'expulsion des locaux où était exploité le fonds de commerce, le nantissement n'avait plus d'objet et la banque ne bénéficiait plus du gage qui lui avait été initialement accordé ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui a considéré que le créancier avait conservé son gage par une déclaration de créance privilégiée, a derechef refusé de tirer les conséquences légales qui s'imposaient au regard de la loi des parties, violant ainsi l'article précité et l'article 1134 du Code civil ; et, alors, enfin, qu'il résulte de l'article 2037 du Code civil qu'il appartient au créancier de démontrer que la sûreté perdue n'aurait pas été efficace et que le préjudice n'existait pas ; qu'en énonçant qu'il appartenait aux cautions de démontrer que la perte de la valeur du fonds est imputable au défaut de paiement des loyers et qu'elles n'apportaient pas cette preuve, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 et 2037 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'obligation pour le bailleur d'avertir les créanciers inscrits de sa demande en résiliation du bail commercial n'entraîne aucune obligation à la charge du créancier inscrit, ce dont il résulte que ce créancier n'est pas tenu d'informer à son tour la caution de ladite action résolutoire, l'arrêt retient que la banque n'a commis aucune faute en ne comparaissant pas à l'audience et en ne payant pas les loyers arriérés, dès lors que le créancier inscrit apprécie librement s'il est de son intérêt d'effectuer ce paiement pour préserver son gage ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., M. Z... et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer à la société Crédit du Nord la somme globale de 12 000 francs ;