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Décisions

Cass. com., 21 février 2012, n° 10-24.239

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Favre

Cass. com. n° 10-24.239

20 février 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... (les cautions) se sont rendus cautions à concurrence de 50 % d'un prêt de 122 000 euros consenti par la Banque populaire du Nord (la banque) à la société X..., prêt également garanti par un nantissement sur le fonds de commerce ; qu'à la suite du redressement puis de la liquidation judiciaires de la société les 1er octobre 2004 et 1er avril 2005, sur requête du liquidateur, M. Y..., le juge-commissaire a autorisé la cession du fonds de commerce pour un prix de 43 000 euros sur lequel 18 000 euros devaient être versés au bailleur ; qu'après avoir déclaré ne pas s'opposer à cette vente, la banque a assigné les cautions en paiement de la somme de 45 636, 30 euros ;

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement, alors selon le moyen, que les intérêts légaux courent à compter de la mise en demeure de payer ; que la banque a écrit le 20 octobre 2004 informant M. et Mme X... de ce qu'une procédure collective était ouverte à l'encontre du débiteur principal, qui précisait « en conséquence, en votre qualité de caution solidaire et personnelle, et à l'issue de la période d'observation, il vous reviendra de vous substituer au débiteur principal » ; qu'en décidant que cette lettre, pourtant claire et précise sur la volonté de la banque de réclamer le paiement de la dette aux cautions, ne valait pas mise en demeure, la cour d'appel l'a dénaturée, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice souverain d'appréciation du contenu de la lettre du 20 octobre 2004, que la cour d'appel a retenu, sans dénaturation, que cette lettre ne constituait pas une interpellation suffisante valant mise en demeure des cautions ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 2314 du code civil, L. 621-96 du code de commerce et L. 143-12 du même code ;

Attendu que la caution n'est déchargée de son engagement que si la perte du droit préférentiel est due à la faute exclusive du créancier ;

Attendu que pour constater que, par la faute exclusive de la banque, la subrogation dans le nantissement pris le 28 juin 2002 ne peut plus s'exercer en faveur de M. et Mme X..., cautions solidaires de la société X..., les décharger de leur obligation de caution et débouter la banque de sa demande de paiement, l'arrêt retient que la banque a accepté la cession projetée entre le liquidateur et le cessionnaire tandis qu'elle pouvait contester une vente de gré à gré au tiers de sa valeur vénale et solliciter une vente aux enchères, qu'elle pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 621-96 du code de commerce et revendiquer l'obligation pour le cessionnaire de s'acquitter du montant du crédit lui restant dû et qu'en cas de refus elle pouvait former opposition à l'ordonnance du juge-commissaire ; qu'il retient encore que, ce faisant, la banque a manqué de loyauté à l'égard des cautions en négligeant de préserver sa sûreté et que le refus du paiement d'une somme préférentielle de 18 000 euros en violation de son propre privilège aurait permis de diminuer voire d'éteindre la créance de 45 636, 30 euros dont le paiement était réclamé aux cautions ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la cession du fonds de commerce apuré de toute sûreté résultait d'un plan de cession arrêté par le tribunal après autorisation du juge-commissaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;

Attendu que pour rejeter la demande en paiement de la banque, l'arrêt retient que la créance de 91 272, 61 euros fixée au passif de la société X... doit être amputée des intérêts conventionnels car la banque n'a pas régulièrement informé les cautions de l'état de la dette en mars 2003, en mars 2005 et ne l'a fait qu'une fois en mars 2004 pour l'année 2003 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le défaut d'information de la caution n'emporte déchéance des intérêts échus que depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information et qu'elle avait constaté que la banque avait informé les cautions en mars 2004 pour l'année 2003, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un février deux mille douze.

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