Cass. 1re civ., 13 novembre 1996, n° 94-19.594
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
LEMONTEY
Rapporteur :
Bouscharain
Avocat général :
Roehrich
Attendu que les époux X..., qui avaient souscrit un cautionnement solidaire, avec affectation hypothécaire, d'un prêt consenti par la Société de développement régional de Picardie à la société Carboneurope qui n'a pu procéder à son remboursement, se sont opposés au commandement aux fins de saisie immobilière à eux délivré par le prêteur, ont demandé l'annulation de leur engagement, ont prétendu être déchargés de leur obligation et ont invoqué la responsabilité du prêteur ;
que l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 27 juin 1994) les a déboutés de leurs prétentions;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'ils font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur opposition à commandement et de leur demande tendant à être déchargés de leur obligation, alors d'une part que la caution peut se prévaloir de l'exception de subrogation si, au moment de son engagement, le créancier s'était engagé à prendre des garanties dans lesquelles la caution pouvait être subrogée; qu'il résulte de l'acte de prêt que le prêteur devait prendre une hypothèque sur l'immeuble que devait acquérir l'emprunteur, les cautions s'étant engagées en fonction de cette sûreté; qu'en énonçant que les cautions ne pouvaient se prévaloir de l'exception de subrogation, l'arrêt aurait violé l'article 2037 du code civil; alors d'autre part, que le créancier commet une faute en ne prenant pas la garantie promise sur l'immeuble venant en remplacement de celui sur lequel la garantie devait porter; qu'il résulte des constatations de l'arrêt qu'à la suite de l'échec de la vente de l'immeuble sur lequel l'hypothèque devait être prise, un autre immeuble a été cédé, à titre transactionnel, au débiteur cautionné; qu'en estimant que le prêteur n'avait commis aucune faute envers les cautions au motif que l'échec de la vente du premier immeuble ne lui était pas imputable, l'arrêt n'aurait pas tiré les conséquences légales de ses constatations; alors enfin, que les époux X... avaient fait valoir qu'à la suite de l'échec de la vente du premier immeuble, le prêteur devait obtenir, à titre de compensation, la caution de la société Carbonor sur le prêt initial, cette garantie devant se substituer à l'hypothèque de premier rang, garantie que le prêteur avait négligé de prendre, l'arrêt ayant violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
Mais attendu d'abord que l'arrêt relève que dès avant la signature de l'acte authentique de prêt, la société emprunteuse avait été avisée de ce qu'aucune suite ne serait donnée à l'offre de vente de l'immeuble qu'elle a néanmoins promis d'hypothéquer au profit du prêteur ;
que l'arrêt qui a ainsi retenu que l'impossibilité pour la caution d'être subrogée dans les droits du créancier était exclusivement imputable à la faute de la débitrice, conjuguée au fait d'un tiers, et non au fait du créancier, a fait une exacte application de l'article 2037 du Code civil;
Attendu, ensuite, qu'il résulte de l'arrêt et des productions que la promesse d'affectation hypothécaire s'appliquait à un immeuble déterminé et ne stipulait pas, au profit du bénéficiaire, la faculté de transférer celle-ci sur un autre immeuble; que dès lors, le bénéficiaire ne peut se voir imputer à faute de n'avoir pu imposer au promettant un transfert de la sûreté promise;
Attendu enfin qu'ayant retenu que la perte des droits du créancier n'était pas imputable au fait de celui-ci, la cour d'appel n'avait pas à répondre à une argumentation invoquant, à cette fin, la perte de sûreté dont le bénéfice aurait été obtenu par le prêteur postérieurement à l'engagement des cautions; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
Sur le second moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande indemnitaire dirigée contre la Société de développement régional de Picardie, alors d'une part qu'en se bornant à justifier le comportement de cette société par le fait qu'elle aurait tenté de sauver la situation financière de l'entreprise, sans rechercher si, comme il était soutenu, elle n'avait pas, ainsi, accordé fautivement un crédit supplémentaire à une entreprise dont elle ne pouvait ignorer que la situation était irrémédiablement compromise, alors d'autre part que la connaissance de la situation de l'entreprise par la caution, en raison de ses fonctions, ne pouvait lui être opposée que si elle s'était portée caution du prêt contesté à un moment où cette situation était désespérée, le litige ne portant pas sur les conditions dans lesquelles les cautions avaient garanti le prêt du 8 juin 1989 mais sur les conditions de l'octroi d'un prêt supplémentaire en décembre 1989, alors en outre qu'à supposer que M. X... ait, par ses fonctions, "concouru à l'augmentation de l'encours de la société Carboneurope", les négligences et fautes éventuellement commises par la caution ne pouvaient conduire qu'à un partage de responsabilité et non à l'exonération complète du prêteur des conséquences de ses propres fautes, et alors, enfin, que l'arrêt ne s'est déterminé qu'en considération de la position professionnelle de M. X... et à son seul égard, déboutant
Mme X... de sa demande sans constater qu'elle connaissait la situation exacte de l'entreprise, ni que les circonstances retenues contre le mari valaient également pour l'épouse, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil;
Mais attendu que l'arrêt retient que la Société de développement régional de Picardie avait tenté de sauver la situation financière de la société Carboneurope en lui accordant le nouveau prêt qui devait lui permettre d'acquérir un terrain, d'y construire un bâtiment et de commencer son activité; qu'en renonçant à l'exigibilité immédiate du premier prêt et en exigeant le cautionnement de la société Carbonor, elle avait recherché des solutions permettant à la société Carboneurope de subsister et que, sans cette aide, cette dernière risquait de perdre tout espoir de pouvoir produire; que, par une appréciation souveraine des éléments de fait, l'arrêt retient que la Société de développement régional de Picardie n'avait commis aucune faute dans l'octroi du nouveau prêt, sans avoir à rechercher si cette société avait ou devait avoir connaissance de ce que la situation de l'emprunteuse était irrémédiablement compromise, dès lors que, contrairement à ce que prétend le moyen, les époux X..., n'avaient pas soutenu que cette situation fût définitivement compromise; qu'ayant ainsi retenu que la société prêteuse n'avait commis aucune faute et ainsi légalement justifié leur décision, les juges d'appel n'avaient pas à rechercher un partage des responsabilités; qu'il suit que le moyen, qui est mal fondé en sa première branche, et qui critique, en ses autres branches, des motifs inopérants, ne peut être accueilli;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la SDR de Picardie;
Condamne les époux X... aux dépens ;