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Décisions

Cass. com., 9 octobre 2019, n° 18-12.813

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mouillard

Cass. com. n° 18-12.813

8 octobre 2019

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 21 décembre 2006, la société Banque calédonienne d'investissement (la banque) a consenti à la société Entre ciel et mer (la société ECM) un prêt, destiné à financer le rachat par ladite société de parts sociales de la société Air mer loisirs (la société AML) ; que ce prêt était garanti par le cautionnement de M. H... et par le nantissement des parts sociales de la société AML ; qu'après la mise en redressement judiciaire, le 3 décembre 2007, de la société ECM, et la conversion, le 20 mai 2009, de cette procédure en liquidation judiciaire, en même temps qu'était ouverte la procédure de liquidation judiciaire de la société AML, la banque a assigné en paiement la caution, qui lui a opposé sa décharge, en application de l'article 2314 du code civil, pour non-réalisation du nantissement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. H... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande fondée sur l'article 2314 du code civil alors, selon le moyen :

1°/ que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; que la valeur des droits préférentiels perdus par la caution est appréciée à la date de l'exigibilité de
l'obligation de la caution, c'est-à-dire à la date de la défaillance du débiteur
principal ; qu'en appréciant la valeur des parts sociales de la société AML faisant l'objet du nantissement au regard de la liquidation judiciaire de cette société, intervenue bien après la première défaillance de la société débitrice ECM à son obligation de remboursement, la cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil ;

2°/ que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; que si la caution ne peut être déchargée que si la perte du droit préférentiel lui cause un préjudice, la perte d'un droit préférentiel même d'une faible valeur constitue nécessairement un préjudice pour la caution ; qu'en excluant toute décharge, même partielle, de M. H... au motif que la valeur des parts sociales faisant l'objet du nantissement accordé à la société BCI aurait baissé de manière très sensible, la cour d'appel a violé l'article 2314 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs adoptés, que les sociétés ECM et AML ont été mises en liquidation judiciaire le même jour, le 20 mai 2009, si bien que, dès que les difficultés de paiement se sont révélées en 2007, soit très peu de temps avant l'ouverture du redressement judiciaire de la société ECM, il était manifeste que les parts sociales de la société AML étaient sans grande valeur ; qu'il retient encore, par motifs propres, que dès l'apparition des difficultés de trésorerie de la société ECM, emprunteuse, en août 2007, la valeur de la société AML avait tendance à baisser de manière très sensible, l'espoir de trouver un acheteur des parts sociales devenant quasiment illusoire ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que l'impossibilité d'être subrogé aux droits et privilèges du créancier n'avait pas, à la date du redressement judiciaire de la société débitrice principale, caractérisant, en l'espèce, la défaillance de cette société, causé de préjudice à M. H... ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que pour condamner M. H... à paiement, sans faire droit à sa demande au titre du devoir de mise en garde, l'arrêt, après avoir relevé que ce dernier n'était pas une caution avertie, retient que la banque avait donc l'obligation de s'assurer que son engagement n'était pas disproportionné à ses revenus et « charges », mais que, dans ses écritures, il n'invoque aucune disproportion et qu'il n'a versé aux débats aucune pièce justifiant de la réalité de ses revenus et de son patrimoine lors de la souscription de ses engagements ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'était pas tenue de mettre en garde M. H..., caution non avertie, contre le risque, au jour de son engagement, de l'endettement de la société ECM, emprunteuse, né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. H..., en qualité de caution, à payer à la société Banque calédonienne d'investissement la somme de 61 329 361 F CFP avec intérêts au taux contractuel de 5,50 % l'an à compter du 8 décembre 2009 au titre d'un prêt n° 20606764, et en ce qu'il statue à son égard sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée ;

Condamne la société Banque calédonienne d'investissement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. H... formée contre M. F... et M. V... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf.

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