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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 13 novembre 2025, n° 24/02713

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 24/02713

13 novembre 2025

N° RG 24/02713 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MLAQ

C4

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE [Localité 8]-

CHAMBERY

la SELARL PRAGMA JURIS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 13 NOVEMBRE 2025

Appel d'une décision (N° RG 2023JC356)

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 02 juillet 2024

suivant déclaration d'appel du 15 juillet 2024

APPELANTE :

S.A. BOUYGUES IMMOBILIER inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 562 091 546, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en l'exercice,

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me GOBERT, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉS :

Me [J] [D] es qualités de liquidateur judiciaire de la SARL EGBI [O], inscrite au RCS de [Localité 8] sous le numéro 395 357 288, désigné en cette qualité par jugement du 22 mars 2022

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 4]

représenté par Me Evelyne TAULEIGNE de la SELARL PRAGMA JURIS, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me CHABREDIER, avocat au barreau de GRENOBLE,

S.A.R.L. EGBI [O] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 5]

non représentée,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Céline PAYEN, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 septembre 2025, M. BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

FAITS ET PROCÉDURE :

1. La société Bouygues Immobilier a entrepris, en qualité de maître d'ouvrage, une opération immobilière dénommée « [Adresse 10]», comprenant 132 logements, sur un terrain sis [Adresse 2] à [Localité 12]. Dans le cadre de ce projet, la société MO² s'est vu confier une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution et une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination.

2. La société EGBI [O] s'est vu confier le lot n°05 « Gros-oeuvre », selon marché conclu le 20 décembre 2019, pour un montant de 3.910.000 euros HT, ramené à la somme de 3.870.000 euros HT selon avenant n°1. Elle a sous-traité à la société BTP Bastos Construction « la réalisation dans les bâtiments A / B / C des planchers, dallages et tissages, dallage infrastructure et superstructure », selon contrat de sous-traitance conclu le 19 février 2020 pour un montant forfaitaire de 356.020 euros HT.

3. Par jugement rendu le 30 novembre 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société EGBI [O] et a désigné Me [D] en qualité de mandataire judiciaire et la Selarl AJUP, représentée par Mes [Z] et [X], en qualité d'administrateur judiciaire. Ce jugement a été publié au Bulletin Officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) le 3 décembre 2021.

4. Par jugement rendu le 22 mars 2022, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a désigné Me [D] en qualité de liquidateur judiciaire. Ce jugement a été publié au BODACC le 25 mars 2022.

5. Par courrier recommandé en date du 21 janvier 2022, la société Bouygues Immobilier a déclaré à Me [D] des créances au passif de la société EGBI [O] pour un montant total de 20.654 euros HT, se décomposant comme suit :

- évacuation des déblais par le sous-traitant [Localité 11] Sas pour un montant de 3.800 euros HT,

- travaux supplémentaires au droit de la grue par le sous-traitant [Localité 11] Sas pour un montant de 5.476 euros HT,

- travaux sous-traités à l'entrepris Bastos Construction et demande de paiement non faite pour un montant de 11.378 euros HT.

6. Par courrier recommandé en date du 28 janvier 2022, la société Bouygues Immobilier a indiqué à Me [D] que la société EGBI [O] avait annoncé ce jour au maître d'oeuvre de l'opération que «les effectifs allaient quitter l'opération» et a dès lors déclaré des créances complémentaires au passif de la société EGBI [O] pour un montant total de 95.420 euros HT, se décomposant comme suit :

- achèvement des travaux de gros oeuvre pour un montant de 88.855 euros HT,

- réalisation des amenées d'air et de ventilation pour un montant de 3.565 euros HT,

- modification des portes palières suite à un problème d'implantation pour un montant de 3.000 euros HT.

7. Par courrier recommandé en date du 23 mars 2022, la société Bouygues Immobilier a indiqué à Me [D] que l'administrateur judiciaire de la société EGBI [O] l'avait informé de sa décision de résilier le marché en application des dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce, et

a dès lors déclaré d'autres créances au passif de la société EGBI [O] pour un montant total de 696.136,32 euros HT, se décomposant comme suit :

- travaux supplémentaires au droit de la grue pour un montant de 5.476 euros HT,

- travaux de gros-oeuvre pour un montant de 11.378 euros HT,

- Bât C : réalisation de la finition du pignon côté C pour un montant de 3.000 euros HT,

- vantaux non conformes PMR pour un montant de 2.244 euros HT,

- remplacement de portes suite erreur du GO pour un montant de 2.436,75 euros HT,

- trainasses d'amenées d'air et de ventilation conduits horizontaux coupe-feu pour un montant de 3.565 euros HT,

- mise en benne des gravats et détritus suite absence de rotations de bennes pour un montant de 3.350 euros HT,

- mise à disposition complémentaire au contrat initial de maîtrise d'oeuvre d'exécution pour un montant de 11.000 euros HT,

- prestations CIE dues par l'entreprise EGBI non réglées au 11/02/2022 pour un montant de 214,23 euros HT,

- reprise des obligations de gestionnaire de compte prorata pour un montant de 66.660 euros HT,

- achèvement des travaux de l'entreprise EGBI pour un montant de 186.595 euros HT,

- reprise du remblaiement du terrassement de la grue pour un montant de 500 euros HT,

- constat d'huissier pour abandon de chantier 01/02/2022 pour un montant de 407,67 euros HT,

- constat d'huissier pour état d'avancement suite à la résiliation 17/02/2022 pour un montant de 357,67 euros HT,

- calcul des pénalités par le maître d'oeuvre pour un montant de 387.000 euros HT,

- levée réserve bureau de contrôle: vérification de la résistance des bétons avec carottage et passage d'un scléromètre pour un montant de 11.952 euros HT.

8. Par courrier en date du 27 janvier 2023, le greffe du tribunal de commerce de Grenoble a indiqué à la société Bouygues Immobilier que le montant déclaré de 116.074 euros HT (soit 20.654 euros HT + 95.420 euros HT) était contesté.

9. Par ordonnance du 2 juillet 2024, le juge-commissaire a :

- déclaré recevables les deux déclarations de créances de la société Bouygues Immobilier au passif de la société EGBI [O],

- prononcé l'admission de sa créance au passif de la procédure pour la somme de 9.276 euros à titre chirographaire,

- rejeté sa demande d'admission au passif de la procédure pour un montant de 106.798 euros HT,

- alloué les dépens en frais privilégiés.

10. La société Bouygues Immobilier a interjeté appel de cette décision le 15 juillet 2024 en ce qu'elle a rejeté sa demande d'admission au passif de la procédure pour un montant de 106.798 euros HT.

11. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 18 septembre 2025.

Prétentions et moyens de la société Bouygues Immobilier :

12. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 10 septembre 2025, elle demande à la cour, au visa des articles L. 622-24, R. 622-24 et L. 634-14 du code de commerce, de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- déclaré recevables les deux déclarations de créances au passif de la société EGBI [O],

- prononcé l'admission de la créance au passif de la procédure susmentionnée pour la somme de 9.276 euros à titre chirographaire.

13. Elle demande d'infirmer cette ordonnance en ce qu'elle a rejeté la demande d'admission de la concluante au passif de la société EGBI [O] pour un montant de 106.798 euros HT, et statuant à nouveau, d'admettre la créance déclarée au passif de la société EGBI [O] par la concluante, dans le cadre de l'opération « [Localité 9] du Pöete » à [Localité 12], pour un montant total de 116.074 euros HT.

14. Elle demande, en tout état de cause de rejeter toute demande contraire aux présentes.

15. L'appelante expose :

16. - que la concluante justifie de la recevabilité de l'intégralité des créances qu'elle a déclarée au passif de la société EGBI [O] pour un montant de 116.074 euros HT dès lors que les déclarations de créances ont été régularisées dans le délai légal de deux mois, alors que l'inachèvement des travaux de gros-oeuvre par la société EGBI [O] et son abandon du chantier sont caractérisés, de sorte que le préjudice financier qui en découle pour la concluante pour permettre la poursuite et la finalisation de ces travaux est incontestable; que les créances déclarées sont en l'état toutes justifiées et sont par conséquent, certaines, liquides et exigibles ;

17. - que si le liquidateur judiciaire évoque la troisième déclaration de créances qui a été régularisée par la concluante par courrier recommandé en date du 23 mars 2022, pour un montant total de 696.136,32 euros HT et soutient que quand bien même le débat ne porte pas sur cette déclaration, elle sera en tout état de cause rejetée comme étant tardive, comme le souligne le liquidateur lui-même, cette déclaration de créances est hors débat et la question de son admission ou de son rejet n'a pas lieu d'être portée devant la cour ;

18. - sur le fond, que la concluante et le maître d'oeuvre ont dénoncé les carences de la société EGBI [O] jusqu'à l'abandon définitif du chantier, par courriers recommandés adressés à l'administrateur judiciaire les 3 puis 23 décembre 2021, les 21 et 28 janvier 2022 ;

19. - que l'abandon du chantier a été constaté par commissaire de justice le 1er février 2022, sans que les travaux de gros oeuvre soient achevés, alors que la concluante et le maître d'oeuvre ont notifié ce fait à la société EGBI [O] dès le lendemain; que le 8 février 2022, l'administrateur judiciaire a informé la concluante de son intention de résilier le marché; que le 10 février, la concluante a pris acte de cette décision tout en la regrettant et a convié l'administrateur à participer au constat devant être réalisé le 17 février 2022 pour l'établissement du décompte définitif; que le constat dressé ce jour-là a relevé l'absence de l'administrateur et de l'entreprise, ainsi que l'état d'inachèvement du gros oeuvre ;

20. - qu'il en résulte que, alors que la société EGBI a été réglée à hauteur de 93,1% de son marché, elle a finalement abandonné le chantier sans avoir achevé ses travaux, obligeant le maître d'ouvrage à prendre des mesures pour permettre la poursuite du chantier, la finalisation des travaux, ainsi que la reprise des malfaçons affectant ses travaux, ce qui a occasionné à ce dernier un préjudice financier certain fondant ses déclarations de créances ;

21. - concernant la première déclaration de créances, qu'elle a ainsi concerné l'évacuation des déblais par le sous-traitant [Localité 11] Sas pour un montant de 3.800 euros HT, des travaux supplémentaires au droit de la grue par le sous-traitant [Localité 11] Sas pour un montant de 5.476 euros HT et des travaux sous-traités à l'entreprise Bastos Construction pour un montant de 11.378 euros HT ;

22. - que si le juge-commissaire a justement retenu la somme de 9.276 euros HT au titre des premières créances, la troisième est justifiée;

23. - que la seconde déclaration de créances concerne l'achèvement des travaux de gros oeuvre pour un montant de 88.855 euros HT, la réalisation des amenées d'air et de ventilation pour un montant de 3.565 euros HT, la modification des portes palières suite à un problème d'implantation pour un montant de 3.000 euros HT ;

24. - que ces créances sont justifiées par la liste des travaux restants à faire suite à l'abandon de chantier par la société EGBI [O], par le plan de repérage correspondant pour les deux niveaux de sous-sol, par l'estimation des travaux restants établie par la société MO², maître d'oeuvre, par l'estimation du coût de parachèvement des travaux restants par la société LBA Construction pour un montant total de 88.855 euros HT (Pièce n°32), réalisée d'après l'état des lieux opéré par le maître d'oeuvre, par le devis établi par la société Dauphiné Isolation Projection en date du 17 juin 2021, pour un montant de 3.565 euros HT, pour la réalisation des amenées d'air et de ventilation, prestations qui relevaient du lot «Gros-oeuvre» confié à la Sarl EGBI [O] comme cela ressort du CCTP du lot n°5 « Gros-oeuvre » ;

25. - que ces créances sont également justifiées par la facture Dauphiné Isolation Projection en date du 25 mai 2022 d'un montant de 3.565 euros HT, qui a été réglée par la concluante, les deux factures de la société [I] qu'elle a réglées pour un montant total de 4.680,75 euros HT.

Prétentions et moyens de la Selarl [D] & associés, prise en la personne de Me [N] [D], venant aux droits de Me [J] [D] après transfert de mandat à effet au 1er août 2025, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl EGBI [O] :

26. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 5 septembre 2025, elle demande à la cour, au visa de l'article L.641-3 renvoyant aux dispositions de l'article L.622-24 du code de commerce, et de l'article L.622-27 du code de commerce :

- de déclarer recevable et bien-fondé les prétentions de la concluante en son appel incident,

- d'infirmer et réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré recevable les deux déclarations de créances,

- statuant à nouveau, de dire irrecevables les deux déclarations de créances faites au passif de la société EGBI [O] par la société Bouygues Immobilier dans le cadre de l'opération « [Localité 9] du Poëte » à [Localité 12], pour un montant total de 116.074 euros HT, pour défaut de réponse à la lettre de discussion dans le délai de 30 jours conformément aux dispositions de l'article L.622-27 du code de commerce,

- en conséquence, de rejeter les créances déclarées au passif de la société EGBI [O] par la société Bouygues Immobilier dans le cadre de l'opération « [Localité 9] du Poëte» à [Localité 12], pour un montant total de 116.074 euros HT confirmant la proposition du mandataire judiciaire non contestée par le créancier Bouygues Immobilier.

27. Elle demande, à titre subsidiaire, sur le fond :

- d'infirmer et réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a prononcé l'admission de créances contestées pour le montant de 9.276 euros à titre chirographaire,

- et statuant à nouveau, de rejeter la demande d'admission au passif d'autres créances pour un montant de 106.798 euros HT,

- en conséquence, de rejeter l'intégralité des créances déclarées au passif de la société EGBI [O] par la société Bouygues Immobilier dans le cadre de l'opération « [Adresse 10]» à [Localité 12], pour un montant total de 116.074 euros HT, comme étant non justifiées,

- de débouter la société Bouygues Immobilier de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

28. L'intimée soutient :

29. - concernant la recevabilité des déclarations de créances des 21 et 28 janvier 2022, que suite à la contestation formée par le liquidateur le 30 mars 2022, reçue par l'appelante le 1er avril, aucune réponse n'a été apporté dans le délai requis de 30 jours, alors que l'article L622-27 du code de commerce dispose que le défaut de réponse dans le délai de 30 jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la contestation ne porte sur la régularité de la déclaration de créances; que la contestation a porté sur le principe même de la créance; qu'il en résulte que ces déclarations sont irrecevables ;

30. - concernant la déclaration de créances du 23 mars 2022, qu'il est impossible d'effectuer une déclaration complémentaire pour la somme déclarée initialement et tardivement (Com. 3 mai 1994 n°92-15.688) ; que cette déclaration concerne des créances antérieures à la conversion de la procédure de redressement en liquidation, et est donc hors délai, puisqu'elle inclut les montants déclarés les 21 et 28 janvier 2022 ;

31. subsidiairement, sur le fond, pour la créance déclarée le 21 janvier 2022 pour 20.654 euros HT, que les créances de 3.800 euros HT et de 5.476 euros HT concernant le sous-traitant [Localité 11] ont été admises au passif le 2 juillet 2024, puisque la société EGBI [O] devait payer ce sous-traitant; que rien n'est justifié concernant la créance de 3.800 euros faute de production d'un devis ou d'une facture; que les devis et la facture de 5.746 euros HT ne démontrent pas qu'il s'agisse de travaux supplémentaires au droit d'une grue; que l'appelante ne justifie pas avoir régler cette facture;

32. - s'agissant de la créance de 11.378 euros au titre de travaux de sous-traitance réalisés par l'entreprise Bastos Construction, qu'une délégation avait été stipulée, de sorte que c'est l'appelante qui devait régler cet intervenant, d'autant qu'il résulte du certificat de paiement n°15 du 24 mars 2021 que le maître d'oeuvre a déduit de la somme à payer à la SARL EGBI [O] le montant dû au sous-traitant Bastos Construction de 12.075 euros ;

33. - pour la déclaration de créances du 28 janvier 2022 concernant un total de 95.200 euros HT, que la somme de 88.855 euros HT au titre de l'achèvement du gros oeuvre ne peut être imputée à la société EGBI [O], rien ne prévoyant que le coût des travaux restant à réaliser doit être supporté par le titulaire défaillant du lot, alors que la société EGBI [O] n'a pas été réglée de ses dernières situations n°16 et 17 précédant l'ouverture de son redressement judiciaire, en raison de l'impossibilité de pouvoir facturer plus de 92 % du marché avant la réception, prévue par le cahier des charges; que lors de la situation n°17 faisant état d'un avancement des travaux pour 3.718.313 euros HT, il restait encore un solde de marché à facturer de 151.687 euros HT ; qu'il est ainsi logique que l'appelante assume le paiement du solde du marché ;

34. - pour les travaux complémentaires d'amenée d'air et de ventilation pour 3.565 euros HT, que rien n'indique que l'appelante a dû payer cette prestation, en lieu et place de la société EGBI [O], d'autant que la société Dauphiné Isolation Projection n'a pas déclaré de créance au passif ;

35. - pour la créance résultant d'une modification des portes palières suite à un problème d'implantation pour 3.000 euros HT, qu'il n'est pas démontré que la société EGBI [O] soit responsable des dégradations causées aux ouvrages d'une autre entreprise présente sur le chantier, ni qu'une erreur d'implantation lui soit imputable; qu'aucune facture ou justificatif de paiement ne sont produits.

*****

36. La société EGBI [O], intimée, ne s'est pas constituée devant la cour, bien que la déclaration d'appel avec assignation lui ait été signifiée le 21 août 2024 en l'étude de l'officier public instrumentaire.

37. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

38. La cour constate, à titre liminaire, que les deux premières déclarations de créances ont concerné un total de 116.074 euros HT. L'ordonnance déférée, en admettant au passif la somme de 9.276 euros HT et rejetant celle de 106.798 euros HT, a ainsi statué sur un total de 116.074 euros, et ainsi uniquement sur les deux premières déclarations faites les 21 et 28 janvier 2022. L'appel de la société Bouygues Immobilier concerne bien ce total, et les discussions relatives à la troisième déclaration de créances du 23 mars 2022 d'un montant de 696.136,22 euros HT sont sans objet.

39. Dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire, l'article L622-27 du code de commerce dispose que s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L625-1 (nb: créances salariales), le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances.

40. En l'espèce, les deux déclarations de créances ont été effectuées les 21 puis 28 janvier 2022. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 mars 2022, reçue par l'appelante le 1er avril 2022, le mandataire judiciaire l'a informée de sa contestation pour la totalité de la somme de 116.074 euros. Cette contestation a été motivée par le fait que la société EGBI [O] a fait savoir au mandataire qu'elle ne peut devoir cette somme, car l'appelante reste lui devoir 136.047,75 euros TTC sur ses dernières factures, et en outre, il reste 182.023,64 euros TTC à facturer sur le chantier. Le mandataire a ainsi informé l'appelante qu'il propose au juge-commissaire de rejeter cette créance, et il a invité l'appelante à lui faire part de ses explications dans le délai de 30 jours prévu par l'article L622-27 du code de commerce. La cour constate ainsi que la contestation du mandataire judiciaire porte sur le bien fondé des déclarations de créances, dont la régularité n'a pas été contestée.

41. Or, l'appelante ne justifie pas avoir adressé au mandataire judiciaire sa réponse dans le délai de 30 jours, pourtant rappelé dans le courrier de Me [D] l'informant de sa proposition de rejet des déclarations de créances pour la totalité de la somme de 116.074 euros HT.

42. Il en résulte, ainsi que soutenu par le mandataire judiciaire, que ce défaut de réponse a interdit toute contestation ultérieure de sa proposition de rejet. La cour précise qu'il ne s'agit pas d'un problème d'irrecevabilité des déclarations de créances, mais d'admission.

43. En conséquence, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les moyens et arguments de l'appelante développés au fond au soutien de ses créances, la cour, statuant dans la limite des pouvoirs dévolus au juge-commissaire, confirmera la disposition de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré recevable les deux déclarations de créances des 21 et 28 janvier 2022.

44. Par contre, la cour ne peut qu'infirmer cette ordonnance en ce qu'elle a prononcé l'admission au passif de la somme de 9.276 euros à titre chirographaire, au regard des dispositions de l'article L622-27 du code de commerce. Statuant à nouveau, la cour rejetera ainsi l'admission au passif de la somme de 9.276 euros HT.

45. Il n'y a pas lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'admission de la somme de 106.798 euros HT, puisque les deux sommes réunies représentent le total de 116.074 euros HT au titre des deux déclarations de créances.

46. Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire, par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par défaut et mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'article L622-27 du code de commerce ;

Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a prononcé l'admission de la créance de la société Bouygues Immobilier au passif de la société EGBI [O] pour la somme de 9.276 euros à titre chirographaire ;

Confirme l'ordonnance déférée en ses autres dispositions soumises à la cour;

statuant à nouveau,

Rejette la demande d'admission de la créance de la société Bouygues Immobilier au passif de la société EGBI [O] pour la somme de 9.276 euros à titre chirographaire ;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire ;

Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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