CA Paris, Pôle 1 - ch. 13, 17 novembre 2025, n° 24/07472
PARIS
Autre
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Chambre 1-13
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION RENDUE AU 15 SEPTEMBRE 2025
PROROGÉE AU 20 OCTOBRE 2025
PROROGÉE AU 17 NOVEMBRE 2025
(n° , 9 pages)
N°de répertoire général : N° RG 24/07472 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJJSC
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Michelle NOMO, Greffière, lors des débats et de Rubis RABENJAMINA, greffière, lors de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 25 Avril 2024 par Monsieur [P] [F] né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 4] (ALGERIE), demeurant [Adresse 2] ;
Comparant
assisté de Maître Joseph COHEN SABBAN de la S.E.L.A.R.L. JCSA, avocat au barreau de PARIS, substitué par Maître Stéphane NICOLAÏ, avocat au barreau de PARIS
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 20 Janvier 2025 ;
Entendu Maître Stéphane NICOLAÏ, assistant Monsieur [P] [F],
Entendu Maître Colin MAURICE de la SELARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,
Entendue Madame Martine TRAPERO, Avocate Générale,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [P] [F], né le [Date naissance 1] 1978, de nationalité algérienne, a été mise en examen le 07 octobre 2018 des chefs de détournement d'aéronef, d'enlèvement et de séquestration d'otages, de destruction de biens d'autrui, de détention d'armes et de munition de guerre, d'acquisition d'explosifs et d'association de malfaiteurs par un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, puis placé en détention provisoire par un juge des libertés et de la détention de la même juridiction le même jour à la maison d'arrêt de Beauvais.
Par arrêt du 14 décembre 2020, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a ordonné la remise en liberté du requérant et son placement sous contrôle judiciaire.
Par ordonnance du 04 mai 2022, confirmée par un arrêt du 05 septembre 2022, M. [F] était mis en accusation devant la cour d'assises de Paris des chefs précités.
Par arrêt du 26 octobre 2023, la cour d'assises de Paris a acquitté M. [F] des chefs de détournement d'aéronef, d'enlèvement et séquestration d'otages, d'acquisition et détention d'armes de guerre, d'acquisition d'explosifs et de destruction de biens d'autrui et l'a condamné pour des faits de recel de vol commis en bande organisée à la peine de deux ans d'emprisonnement. Cette décision est définitive à son égard comme en atteste le certificat de non-appel produit aux débats.
Le 25 avril 2024, M. [F] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire en application de l'article 149 du code de procédure pénale et sollicite dans celle-ci, de :
- Dire la présente requête recevable et bien fondée ;
- Condamner l'Etat pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat au paiement d'une somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral subi par M. [F] ;
- Condamner l'Etat pris en la personne de l'agent judicaire de l'Etat au paiement d'une somme de 3 540,67 euros au titre de la perte de chance subie par M. [F] du fait de sa détention ;
- Condamner l'Etat pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat au paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner l'agent judiciaire de l'Etat aux dépens de la présente procédure ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Dans ses dernières conclusions en demande n°2 déposées le 02 mars 2025 et soutenues oralement, M. [F] a maintenu ses demandes indemnitaires et a sollicité en outre la somme de 7 000 euros au titre de son préjudice physique subi, la somme de 141,12 euros au titre des frais exposés par la conjointe de M. [F] et la somme de 3 000 euros au titre des frais d'avocat en lien avec cette détention provisoire.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA et déposées le 05 mai 2025, développées oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de :
A titre principal
Surseoir à statuer jusqu'à la mise à disposition du dossier pénal ;
A titre subsidiaire
Allouer à M. [F] la somme de 2 800 euros en réparation de son préjudice moral ;
Rejeter le surplus de ses demandes ;
Réduire à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder la somme de 1 000 euros le montant de l'indemnité octroyée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Ministre Public a déposé des conclusions le 25 octobre 2024 qu'il a soutenues oralement à l'audience de plaidoiries et conclut :
A l'irrecevabilité de la requête.
SUR CE,
Sur la recevabilité
Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention
Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel. Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.
Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.
En l'espèce, M. [F] a présenté sa requête en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire le 25 avril 2024, soit dans le délai de six mois suivant le jour où la décision d'acquittement partiel et de condamnation à la peine de deux ans d'emprisonnement du chef de recel de vol commis en bande organisée prononcée par la cour d'assises de Paris le 26 octobre 2023 est devenue définitive. Cette décision a bien été produite aux débats. Cette requête contenant l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi que le certificat de non-appel produit aux débats, est signée par son avocat et la décision d'acquittement n'est pas fondée sur un des cas d'exclusions visé à l'article 149 du code de procédure pénale.
Dans la mesure où le requérant a été acquitté des faits de nature criminelle et n'a été reconnu coupable que de recel de vol commis en bande organisée, il encourait pour l'infraction de recel de vol commis en bande organisée une peine de 10 ans d'emprisonnement sur le fondement de l'article 321-2 du code pénal.
En application des dispositions de l'article 145-1 du code de procédure pénale, la durée maximale de la détention provisoire prévue pour cette peine encourue était de deux ans d'emprisonnements. C'est ainsi que sur les deux ans, deux mois et 7 jours de détention provisoire subis, la durée de 2 mois et 7 jours, soit 67 jours, est indemnisable sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale.
Par conséquent, la requête du requérant est recevable pour une durée de détention de 67 jours.
Sur la demande de sursis à statuer
L'agent judiciaire de l'Etat sollicite le sursis à statuer dans l'attente de la production du dossier pénal du requérant car, en l'absence de ce dernier, il ne lui est pas possible d'apprécier les mérites de la requête en indemnisation.
Le Ministère Public et le requérant s'opposent à cette demande dans la mesure où la fiche de situation pénale et le casier judiciaire du requérant figurent bien dans le dossier et qu'il est, dès lors, possible de statuer sur cette requête en indemnisation.
En l'espèce, il y a lieu de constater qu'au vu des pièces produites aux débats et notamment de la fiche de situation pénale et le bulletin numéro un du casier judiciaire de M. [F], le premier président dispose des éléments pour apprécier les mérites de la requête présentée par le requérant sur le fondement de l'article 700 du code de procédure pénale.
La demande de sursis à statuer sera donc rejetée.
Sur l'indemnisation
Sur le préjudice moral
Le requérant soutient qu'il était âgé de 40 ans au jour de son placement en détention provisoire, marié et père de 3 enfants qu'il n'a pas pu voir pendant deux ans et deux mois. Son épouse a dû assurer seule la vie de la famille d'un point de vue éducatif et financier. Le requérant a été placé à l'isolement pendant toute la durée de sa détention, ce qui a aggravé son préjudice moral. Le requérant a également subi un préjudice d'angoisse lié à l'importance de la peine de réclusion criminelle encourue et à la nature des faits reprochés. M. [F] a été incarcéré durant la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 et les conditions de détention ont été impactées. Il y a lieu de prendre en compte aussi la durée de sa détention pendant 67 jours. Il fait également état de l'atteinte à sa réputation du fait de son incarcération, ainsi que la médiatisation de cette affaire dans laquelle ses trouvait [B] [W] qui s'était évadé de l'établissement pénitentiaire dans lequel il se trouvait.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, M. [F] sollicite une indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 15 000 euros.
L'agent judiciaire de l'Etat indique que l'indemnisation du préjudice moral du requérant doit être appréciée au regard de son âge, 40 ans, la durée de la privation de liberté subie, soit 67 jours, de sa situation personnelle, étant mariée et père de trois enfants. Par contre, son choc carcéral a été atténué par le passé carcéral et les deux incarcérations précédentes dont il a fait l'objet. La situation sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a nécessairement impacté les conditions d'incarcération du requérant. Il a été effectivement placé à l'isolement jusqu'au 08 avril 2019, ce qui a rendu sa détention plus difficile. L'isolement familial ne sera pas retenu dès lors que sa famille lui rendait régulièrement visite en détention. Le sentiment d'injustice de ne pas être cru ne peut pas être pris en compte, dès lors qu'il est lié à la procédure pénale et non pas au placement en détention provisoire. L'importance de la peine criminelle encourue sera prise en compte au titre de l'aggravation du préjudice moral du requérant. L'atteinte à la réputation et la médiatisation de l'affaire ne seront pas retenues.
Dans ces conditions, l'agent judiciaire de l'Etat propose l'allocation d'une somme de 2 800 euros à la requérante au titre de son préjudice moral.
Le Ministère Public n'a conclu que sur l'irrecevabilité de la requête.
Il ressort des pièces produites aux débats qu'au moment de son incarcération M. [F] était âgé de 40 ans, marié et père de trois enfants dont deux étaient mineurs alors âgés de 05 ans et de 10 ans. Par ailleurs, le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire porte trace de 9 condamnations pénales dont 7 à une peine d'emprisonnement ferme et à une incarcération. C'est ainsi que le choc carcéral initial de M. [F] a été largement atténué.
La durée de la détention provisoire, soit 67 jours, sera prise en compte.
Le sentiment d'injustice d'être accusé à tort et de ne pas être cru est lié à la procédure pénale et non au placement en détention provisoire. Cet élément ne peut pas être pris en compte.
Concernant la séparation familiale d'avec son épouse et ses trois enfants, même si ces derniers sont venus lui rendre visite en détention, elle est attestée par les pièces produites aux débats et les différents témoignages de proches. Cette situation sera retenue comme un facteur d'aggravation du préjudice moral du requérant.
L'angoisse liée à l'importance de la peine de réclusion criminelle encourue pour des faits de détournement d'aéronef et de séquestration d'otages pour lesquels le requérant était mis en examen, soit la peine de 30 ans de réclusion criminelle, constitue un facteur d'aggravation du préjudice moral du requérant selon la jurisprudence de la Commission Nationale de la Réparation des Détentions.
Les conditions difficiles de détention évoquées par M. [F] seront retenues en ce que cette détention s'est accomplie pendant la pandémie mondiale de Covid-19 et l'impossibilité de visites et d'activité en détention. Le fait que le requérant a été placé à l'isolement du jour de son incarcération jusqu'au 08 avril 2019. Ces éléments constituent donc un facteur d'aggravation de son préjudice moral.
Par contre, l'atteinte à la réputation du requérant n'est pas démontrée et la médiatisation de l'affaire est liée à la procédure pénale elle-même et non pas au placement en détention provisoire de M. [F]. Ces éléments ne seront donc pas retenus.
Au vu de ces différents éléments, il sera alloué une somme de 3 500 euros à M. [F] en réparation de son préjudice moral.
Sur le préjudice physique
M. [F] indique qu'il a souffert d'une lésion méniscale du genou qui aurait nécessité une prise en charge adaptée et une intervention chirurgicale durant sa détention qui n'a pas eu lieu. Il a dû attendre sa remise en liberté pour pouvoir enfin des faire opérer. C'est pourquoi, il sollicite l'allocation d'une somme de 7 000 euros en réparation de son préjudice physique.
L'agent judicaire de l'Etat conclut au rejet de cette demande dans la mesure ou les problèmes de genou de M. [F] étaient antérieurs à son incarcération et sa pathologie s'est aggravée progressivement avec le temps, pour finir par justifier, 5 mois après sa libération une intervention chirurgicale.
En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats que cette lésion méniscale du genou droit est une pathologie qui a duré dans le temps et existait antérieurement au placement en détention provisoire du requérant. Il n'est pas démontré non plus que cette pathologie se soit aggravée du fait de la détention et ce n'est que postérieurement à la libération de M. [F], soit 5 mois après, que celui-ci a dû être opéré du genou droit. En l'absence de certificat médical plus précis, il n'est pas démontré l'existence d'un lien de causalité entre cette lésion méniscale et le placement en détention du requérant. Dans ces conditions, sa demande indemnitaire sera rejetée.
Sur le préjudice matériel
Sur la perte de chance de percevoir des revenus
M. [F] indique qu'il travaillait avant son placement en détention provisoire et que son incarcération lui a fait perdre une chance sérieuse de pouvoir trouver un emploi à ce moment-là. Lors de sa libération, encore sous le choc de sa détention, il a été dans l'impossibilité de chercher un emploi au regard des faits infamants qui lui étaient reprochés. Les séquelles liées à la lésion méniscale réduisaient fortement ses déplacements. C'est pourquoi, il sollicite la somme de 1 539,42 euros, soit le montant du SMIC mensuel brut pour l'année 2020 x 2,3 mois soit 53 540,67 euros en réparation de la perte de chance de trouver un emploi.
L'agent judiciaire de l'Etat indique qu'il appartient au requérant de justifier de la perte de chance d'exercer une activité rémunérée pendant la période de détention ou de trouver un emploi postérieurement à son élargissement. Or, ce dernier ne justifie ni de son passé professionnel, ni de démarches entreprises à sa sortie de détention afin de trouver un emploi. De plus, la perte de chance ne peut pas correspondre à la totalité de la perte de salaire. Dans ces conditions, la demande de réparation à ce titre sera donc rejetée.
Le Ministère Public n'a conclu qu'à l'irrecevabilité de la requête et des demandes indemnitaires.
En, l'espèce, M. [F] évoque le fait qu'il travaillait régulièrement avant son incarcération et que cette dernière lui a empêché de trouver du travail et de percevoir des revenus, sans en justifier. C'est ainsi que M. [F] n'apporte aucun justificatif sur le fait qu'il travaillait régulièrement avant son placement en détention et ne produit aucun contrat de travail ou de mission d'intérim, aucun bulletin de paie et aucune attestation de la part d'un employeur. Le requérant ne justifie pas d'avantage d'avoir entrepris des démarches, à sa libération, afin de retrouver une activité professionnelle ni du fait qu'il travaillerait actuellement. Le fait que le requérant ait des problèmes de genou ne le dispense pas d'effectuer des recherches y compris par mail, internet ou courrier. Tel n'a pas été le cas. Dans ces conditions, la perte de chance alléguée ne peut pas être considérée comme sérieuse et la demande indemnitaire sera rejetée.
Sur les frais de transport
M. [F] indique que son épouse a dû être véhiculée par sa belle-s'ur, Mme [C] [F] pour se rendre avec ses enfants à la maison d'arrêt de [Localité 3], afin de lui rendre visite et qu'elle participait aux frais d'essence lors de chaque trajet, à raison de deux fois par semaine. Il y avait 56 kilomètres entre le domicile familial et le centre pénitentiaire de [Localité 3]. C'est ainsi que pendant la période considérée 2 016 km ont été accomplis sur la base de 0,070 euros selon le barème de l'administration fiscale des frais de carburant. Ces frais de transport se sont donc élevés à la somme de 141,12 euros dont il demande le remboursement.
L 'agent judiciaire de l'Etat indiquent que d'après les pièces produites aux débats c'était Mme [C] [F] qui avançait les frais de trajet lors des visites à la maison d'arrêt et que Mme [L] [F] apportait systématiquement une contribution financière au carburant consommé, sans en préciser le montant ou le volume. C'est ainsi qu'en l'absence de justification précise des frais réellement supportés par Mme [L] [F] la demande sera rejetée. A titre subsidiaire, à supposer que le montant de 141,12 euros sollicité soit retenu, seule la moitié pourra être indemnisée, soit 70,56 euros.
En l'espèce, il ressort de l'attestation de Mme [C] [F] que cette dernière utilisait son véhicule personnel pour aller chercher Mme [L] [F] à son domicile, avant de l'emmener à la maison d'arrêt de [Localité 3], puis la ramenait à son domicile avant de rentrer chez elle. Elle précise que Mme [L] [F] « apportait systématiquement une contribution financière au carburant consommé », sans préciser le montant de sa contribution. Le requérant n'indique pas d'avantage ce montant, ni son épouse, se livrant à un savant calcul correspondant à l'indemnité kilométrique prévue par le barème de l'administration fiscale en matière de déduction des frais réels d'un contribuable, ce qui n'a absolument rien à voir.
Faute de pouvoir déterminer la contribution financière réellement apportée par l'épouse de M. [F], sa demande indemnitaire sera rejetée.
Sur les frais d'avocats liés à la détention.
M. [F] produit une note d'honoraires en date du 18 octobre 2018 faisant état d'un montant de 3 000 euros TTC pour avoir effectué un certain nombre de diligences en lien avec le contentieux de la détention. Il sollicite l'indemnisation des honoraires qu'il a versé à son conseil au titre des frais de défense en lien avec le contentieux de la détention. Cela correspond à 3 000 euros TTC dont il sollicite le remboursement.
L'agent judiciaire de l'Etat conclut au rejet de cette demande indemnitaire dans la mesure où le requérant produit le duplicata d'une note d'honoraires du 18 octobre 2018 faisant état d'une provision initiale sur honoraires où aucune prestation n'est mentionnée, de sorte que ce document ne peut être considéré comme exclusivement lié au contentieux de la détention provisoire.
Le Ministère Public n'a pas conclu sur ce point.
Selon la jurisprudence de la Commission Nationale de Réparation des Détentions, les frais de défense ne sont pris en compte, au titre du préjudice causé par la détention, que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures engagées pour y mettre fin.
Par ailleurs, il appartient au requérant d'en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur avant tout paiement définitif d'honoraires, en application de l'article 12 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, détaillant les démarches liées à la détention, en particulier les visites à l'établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour le faire cesser dans le cadre des demandes de mise en liberté. Aussi, seules peuvent être prises en considération les factures d'honoraires permettant de détailler et d'individualiser les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté.
En l'espèce, M. [F] a produit un duplicata d'une note d'honoraires en date du 10 octobre 2028 pour un montant total de 3 000 euros TTC qui correspond à la provision initiale sur honoraire. Il n'est pas indiqué sur cette facture la liste des diligences effectuées, de sorte qu'il n'est pas possible de savoir si la somme de 3 000 euros correspond à des diligences en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire. Dans ces conditions, faute de lister les diligences entreprises et leur coût individuel, afin de pouvoir déterminer le coût des seules diligences en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention. La demande en ce sens sera donc rejetée.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [F] ses frais irrépétibles et une somme de 2 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARONS la requête de M. [P] [F] recevable ;
REJETONS la demande de sursis à statuer présentée par l'agent judiciaire de l'Etat ;
ALLOUONS au requérant les sommes suivantes :
- 3 500 euros en réparation de son préjudice moral ;
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTONS M. [P] [F] du surplus de ses demandes ;
LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.
Décision rendue le 15 Septembre 2025 prorogée au 20 octobre 2025 puis au 17 Novembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI'RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Chambre 1-13
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION RENDUE AU 15 SEPTEMBRE 2025
PROROGÉE AU 20 OCTOBRE 2025
PROROGÉE AU 17 NOVEMBRE 2025
(n° , 9 pages)
N°de répertoire général : N° RG 24/07472 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJJSC
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Michelle NOMO, Greffière, lors des débats et de Rubis RABENJAMINA, greffière, lors de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 25 Avril 2024 par Monsieur [P] [F] né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 4] (ALGERIE), demeurant [Adresse 2] ;
Comparant
assisté de Maître Joseph COHEN SABBAN de la S.E.L.A.R.L. JCSA, avocat au barreau de PARIS, substitué par Maître Stéphane NICOLAÏ, avocat au barreau de PARIS
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 20 Janvier 2025 ;
Entendu Maître Stéphane NICOLAÏ, assistant Monsieur [P] [F],
Entendu Maître Colin MAURICE de la SELARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,
Entendue Madame Martine TRAPERO, Avocate Générale,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [P] [F], né le [Date naissance 1] 1978, de nationalité algérienne, a été mise en examen le 07 octobre 2018 des chefs de détournement d'aéronef, d'enlèvement et de séquestration d'otages, de destruction de biens d'autrui, de détention d'armes et de munition de guerre, d'acquisition d'explosifs et d'association de malfaiteurs par un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, puis placé en détention provisoire par un juge des libertés et de la détention de la même juridiction le même jour à la maison d'arrêt de Beauvais.
Par arrêt du 14 décembre 2020, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a ordonné la remise en liberté du requérant et son placement sous contrôle judiciaire.
Par ordonnance du 04 mai 2022, confirmée par un arrêt du 05 septembre 2022, M. [F] était mis en accusation devant la cour d'assises de Paris des chefs précités.
Par arrêt du 26 octobre 2023, la cour d'assises de Paris a acquitté M. [F] des chefs de détournement d'aéronef, d'enlèvement et séquestration d'otages, d'acquisition et détention d'armes de guerre, d'acquisition d'explosifs et de destruction de biens d'autrui et l'a condamné pour des faits de recel de vol commis en bande organisée à la peine de deux ans d'emprisonnement. Cette décision est définitive à son égard comme en atteste le certificat de non-appel produit aux débats.
Le 25 avril 2024, M. [F] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire en application de l'article 149 du code de procédure pénale et sollicite dans celle-ci, de :
- Dire la présente requête recevable et bien fondée ;
- Condamner l'Etat pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat au paiement d'une somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral subi par M. [F] ;
- Condamner l'Etat pris en la personne de l'agent judicaire de l'Etat au paiement d'une somme de 3 540,67 euros au titre de la perte de chance subie par M. [F] du fait de sa détention ;
- Condamner l'Etat pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat au paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner l'agent judiciaire de l'Etat aux dépens de la présente procédure ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Dans ses dernières conclusions en demande n°2 déposées le 02 mars 2025 et soutenues oralement, M. [F] a maintenu ses demandes indemnitaires et a sollicité en outre la somme de 7 000 euros au titre de son préjudice physique subi, la somme de 141,12 euros au titre des frais exposés par la conjointe de M. [F] et la somme de 3 000 euros au titre des frais d'avocat en lien avec cette détention provisoire.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA et déposées le 05 mai 2025, développées oralement, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de :
A titre principal
Surseoir à statuer jusqu'à la mise à disposition du dossier pénal ;
A titre subsidiaire
Allouer à M. [F] la somme de 2 800 euros en réparation de son préjudice moral ;
Rejeter le surplus de ses demandes ;
Réduire à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder la somme de 1 000 euros le montant de l'indemnité octroyée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Ministre Public a déposé des conclusions le 25 octobre 2024 qu'il a soutenues oralement à l'audience de plaidoiries et conclut :
A l'irrecevabilité de la requête.
SUR CE,
Sur la recevabilité
Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention
Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel. Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.
Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.
En l'espèce, M. [F] a présenté sa requête en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire le 25 avril 2024, soit dans le délai de six mois suivant le jour où la décision d'acquittement partiel et de condamnation à la peine de deux ans d'emprisonnement du chef de recel de vol commis en bande organisée prononcée par la cour d'assises de Paris le 26 octobre 2023 est devenue définitive. Cette décision a bien été produite aux débats. Cette requête contenant l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi que le certificat de non-appel produit aux débats, est signée par son avocat et la décision d'acquittement n'est pas fondée sur un des cas d'exclusions visé à l'article 149 du code de procédure pénale.
Dans la mesure où le requérant a été acquitté des faits de nature criminelle et n'a été reconnu coupable que de recel de vol commis en bande organisée, il encourait pour l'infraction de recel de vol commis en bande organisée une peine de 10 ans d'emprisonnement sur le fondement de l'article 321-2 du code pénal.
En application des dispositions de l'article 145-1 du code de procédure pénale, la durée maximale de la détention provisoire prévue pour cette peine encourue était de deux ans d'emprisonnements. C'est ainsi que sur les deux ans, deux mois et 7 jours de détention provisoire subis, la durée de 2 mois et 7 jours, soit 67 jours, est indemnisable sur le fondement de l'article 149 du code de procédure pénale.
Par conséquent, la requête du requérant est recevable pour une durée de détention de 67 jours.
Sur la demande de sursis à statuer
L'agent judiciaire de l'Etat sollicite le sursis à statuer dans l'attente de la production du dossier pénal du requérant car, en l'absence de ce dernier, il ne lui est pas possible d'apprécier les mérites de la requête en indemnisation.
Le Ministère Public et le requérant s'opposent à cette demande dans la mesure où la fiche de situation pénale et le casier judiciaire du requérant figurent bien dans le dossier et qu'il est, dès lors, possible de statuer sur cette requête en indemnisation.
En l'espèce, il y a lieu de constater qu'au vu des pièces produites aux débats et notamment de la fiche de situation pénale et le bulletin numéro un du casier judiciaire de M. [F], le premier président dispose des éléments pour apprécier les mérites de la requête présentée par le requérant sur le fondement de l'article 700 du code de procédure pénale.
La demande de sursis à statuer sera donc rejetée.
Sur l'indemnisation
Sur le préjudice moral
Le requérant soutient qu'il était âgé de 40 ans au jour de son placement en détention provisoire, marié et père de 3 enfants qu'il n'a pas pu voir pendant deux ans et deux mois. Son épouse a dû assurer seule la vie de la famille d'un point de vue éducatif et financier. Le requérant a été placé à l'isolement pendant toute la durée de sa détention, ce qui a aggravé son préjudice moral. Le requérant a également subi un préjudice d'angoisse lié à l'importance de la peine de réclusion criminelle encourue et à la nature des faits reprochés. M. [F] a été incarcéré durant la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 et les conditions de détention ont été impactées. Il y a lieu de prendre en compte aussi la durée de sa détention pendant 67 jours. Il fait également état de l'atteinte à sa réputation du fait de son incarcération, ainsi que la médiatisation de cette affaire dans laquelle ses trouvait [B] [W] qui s'était évadé de l'établissement pénitentiaire dans lequel il se trouvait.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, M. [F] sollicite une indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 15 000 euros.
L'agent judiciaire de l'Etat indique que l'indemnisation du préjudice moral du requérant doit être appréciée au regard de son âge, 40 ans, la durée de la privation de liberté subie, soit 67 jours, de sa situation personnelle, étant mariée et père de trois enfants. Par contre, son choc carcéral a été atténué par le passé carcéral et les deux incarcérations précédentes dont il a fait l'objet. La situation sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a nécessairement impacté les conditions d'incarcération du requérant. Il a été effectivement placé à l'isolement jusqu'au 08 avril 2019, ce qui a rendu sa détention plus difficile. L'isolement familial ne sera pas retenu dès lors que sa famille lui rendait régulièrement visite en détention. Le sentiment d'injustice de ne pas être cru ne peut pas être pris en compte, dès lors qu'il est lié à la procédure pénale et non pas au placement en détention provisoire. L'importance de la peine criminelle encourue sera prise en compte au titre de l'aggravation du préjudice moral du requérant. L'atteinte à la réputation et la médiatisation de l'affaire ne seront pas retenues.
Dans ces conditions, l'agent judiciaire de l'Etat propose l'allocation d'une somme de 2 800 euros à la requérante au titre de son préjudice moral.
Le Ministère Public n'a conclu que sur l'irrecevabilité de la requête.
Il ressort des pièces produites aux débats qu'au moment de son incarcération M. [F] était âgé de 40 ans, marié et père de trois enfants dont deux étaient mineurs alors âgés de 05 ans et de 10 ans. Par ailleurs, le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire porte trace de 9 condamnations pénales dont 7 à une peine d'emprisonnement ferme et à une incarcération. C'est ainsi que le choc carcéral initial de M. [F] a été largement atténué.
La durée de la détention provisoire, soit 67 jours, sera prise en compte.
Le sentiment d'injustice d'être accusé à tort et de ne pas être cru est lié à la procédure pénale et non au placement en détention provisoire. Cet élément ne peut pas être pris en compte.
Concernant la séparation familiale d'avec son épouse et ses trois enfants, même si ces derniers sont venus lui rendre visite en détention, elle est attestée par les pièces produites aux débats et les différents témoignages de proches. Cette situation sera retenue comme un facteur d'aggravation du préjudice moral du requérant.
L'angoisse liée à l'importance de la peine de réclusion criminelle encourue pour des faits de détournement d'aéronef et de séquestration d'otages pour lesquels le requérant était mis en examen, soit la peine de 30 ans de réclusion criminelle, constitue un facteur d'aggravation du préjudice moral du requérant selon la jurisprudence de la Commission Nationale de la Réparation des Détentions.
Les conditions difficiles de détention évoquées par M. [F] seront retenues en ce que cette détention s'est accomplie pendant la pandémie mondiale de Covid-19 et l'impossibilité de visites et d'activité en détention. Le fait que le requérant a été placé à l'isolement du jour de son incarcération jusqu'au 08 avril 2019. Ces éléments constituent donc un facteur d'aggravation de son préjudice moral.
Par contre, l'atteinte à la réputation du requérant n'est pas démontrée et la médiatisation de l'affaire est liée à la procédure pénale elle-même et non pas au placement en détention provisoire de M. [F]. Ces éléments ne seront donc pas retenus.
Au vu de ces différents éléments, il sera alloué une somme de 3 500 euros à M. [F] en réparation de son préjudice moral.
Sur le préjudice physique
M. [F] indique qu'il a souffert d'une lésion méniscale du genou qui aurait nécessité une prise en charge adaptée et une intervention chirurgicale durant sa détention qui n'a pas eu lieu. Il a dû attendre sa remise en liberté pour pouvoir enfin des faire opérer. C'est pourquoi, il sollicite l'allocation d'une somme de 7 000 euros en réparation de son préjudice physique.
L'agent judicaire de l'Etat conclut au rejet de cette demande dans la mesure ou les problèmes de genou de M. [F] étaient antérieurs à son incarcération et sa pathologie s'est aggravée progressivement avec le temps, pour finir par justifier, 5 mois après sa libération une intervention chirurgicale.
En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats que cette lésion méniscale du genou droit est une pathologie qui a duré dans le temps et existait antérieurement au placement en détention provisoire du requérant. Il n'est pas démontré non plus que cette pathologie se soit aggravée du fait de la détention et ce n'est que postérieurement à la libération de M. [F], soit 5 mois après, que celui-ci a dû être opéré du genou droit. En l'absence de certificat médical plus précis, il n'est pas démontré l'existence d'un lien de causalité entre cette lésion méniscale et le placement en détention du requérant. Dans ces conditions, sa demande indemnitaire sera rejetée.
Sur le préjudice matériel
Sur la perte de chance de percevoir des revenus
M. [F] indique qu'il travaillait avant son placement en détention provisoire et que son incarcération lui a fait perdre une chance sérieuse de pouvoir trouver un emploi à ce moment-là. Lors de sa libération, encore sous le choc de sa détention, il a été dans l'impossibilité de chercher un emploi au regard des faits infamants qui lui étaient reprochés. Les séquelles liées à la lésion méniscale réduisaient fortement ses déplacements. C'est pourquoi, il sollicite la somme de 1 539,42 euros, soit le montant du SMIC mensuel brut pour l'année 2020 x 2,3 mois soit 53 540,67 euros en réparation de la perte de chance de trouver un emploi.
L'agent judiciaire de l'Etat indique qu'il appartient au requérant de justifier de la perte de chance d'exercer une activité rémunérée pendant la période de détention ou de trouver un emploi postérieurement à son élargissement. Or, ce dernier ne justifie ni de son passé professionnel, ni de démarches entreprises à sa sortie de détention afin de trouver un emploi. De plus, la perte de chance ne peut pas correspondre à la totalité de la perte de salaire. Dans ces conditions, la demande de réparation à ce titre sera donc rejetée.
Le Ministère Public n'a conclu qu'à l'irrecevabilité de la requête et des demandes indemnitaires.
En, l'espèce, M. [F] évoque le fait qu'il travaillait régulièrement avant son incarcération et que cette dernière lui a empêché de trouver du travail et de percevoir des revenus, sans en justifier. C'est ainsi que M. [F] n'apporte aucun justificatif sur le fait qu'il travaillait régulièrement avant son placement en détention et ne produit aucun contrat de travail ou de mission d'intérim, aucun bulletin de paie et aucune attestation de la part d'un employeur. Le requérant ne justifie pas d'avantage d'avoir entrepris des démarches, à sa libération, afin de retrouver une activité professionnelle ni du fait qu'il travaillerait actuellement. Le fait que le requérant ait des problèmes de genou ne le dispense pas d'effectuer des recherches y compris par mail, internet ou courrier. Tel n'a pas été le cas. Dans ces conditions, la perte de chance alléguée ne peut pas être considérée comme sérieuse et la demande indemnitaire sera rejetée.
Sur les frais de transport
M. [F] indique que son épouse a dû être véhiculée par sa belle-s'ur, Mme [C] [F] pour se rendre avec ses enfants à la maison d'arrêt de [Localité 3], afin de lui rendre visite et qu'elle participait aux frais d'essence lors de chaque trajet, à raison de deux fois par semaine. Il y avait 56 kilomètres entre le domicile familial et le centre pénitentiaire de [Localité 3]. C'est ainsi que pendant la période considérée 2 016 km ont été accomplis sur la base de 0,070 euros selon le barème de l'administration fiscale des frais de carburant. Ces frais de transport se sont donc élevés à la somme de 141,12 euros dont il demande le remboursement.
L 'agent judiciaire de l'Etat indiquent que d'après les pièces produites aux débats c'était Mme [C] [F] qui avançait les frais de trajet lors des visites à la maison d'arrêt et que Mme [L] [F] apportait systématiquement une contribution financière au carburant consommé, sans en préciser le montant ou le volume. C'est ainsi qu'en l'absence de justification précise des frais réellement supportés par Mme [L] [F] la demande sera rejetée. A titre subsidiaire, à supposer que le montant de 141,12 euros sollicité soit retenu, seule la moitié pourra être indemnisée, soit 70,56 euros.
En l'espèce, il ressort de l'attestation de Mme [C] [F] que cette dernière utilisait son véhicule personnel pour aller chercher Mme [L] [F] à son domicile, avant de l'emmener à la maison d'arrêt de [Localité 3], puis la ramenait à son domicile avant de rentrer chez elle. Elle précise que Mme [L] [F] « apportait systématiquement une contribution financière au carburant consommé », sans préciser le montant de sa contribution. Le requérant n'indique pas d'avantage ce montant, ni son épouse, se livrant à un savant calcul correspondant à l'indemnité kilométrique prévue par le barème de l'administration fiscale en matière de déduction des frais réels d'un contribuable, ce qui n'a absolument rien à voir.
Faute de pouvoir déterminer la contribution financière réellement apportée par l'épouse de M. [F], sa demande indemnitaire sera rejetée.
Sur les frais d'avocats liés à la détention.
M. [F] produit une note d'honoraires en date du 18 octobre 2018 faisant état d'un montant de 3 000 euros TTC pour avoir effectué un certain nombre de diligences en lien avec le contentieux de la détention. Il sollicite l'indemnisation des honoraires qu'il a versé à son conseil au titre des frais de défense en lien avec le contentieux de la détention. Cela correspond à 3 000 euros TTC dont il sollicite le remboursement.
L'agent judiciaire de l'Etat conclut au rejet de cette demande indemnitaire dans la mesure où le requérant produit le duplicata d'une note d'honoraires du 18 octobre 2018 faisant état d'une provision initiale sur honoraires où aucune prestation n'est mentionnée, de sorte que ce document ne peut être considéré comme exclusivement lié au contentieux de la détention provisoire.
Le Ministère Public n'a pas conclu sur ce point.
Selon la jurisprudence de la Commission Nationale de Réparation des Détentions, les frais de défense ne sont pris en compte, au titre du préjudice causé par la détention, que s'ils rémunèrent des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures engagées pour y mettre fin.
Par ailleurs, il appartient au requérant d'en justifier par la production de factures ou du compte établi par son défenseur avant tout paiement définitif d'honoraires, en application de l'article 12 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, détaillant les démarches liées à la détention, en particulier les visites à l'établissement pénitentiaire et les diligences effectuées pour le faire cesser dans le cadre des demandes de mise en liberté. Aussi, seules peuvent être prises en considération les factures d'honoraires permettant de détailler et d'individualiser les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté.
En l'espèce, M. [F] a produit un duplicata d'une note d'honoraires en date du 10 octobre 2028 pour un montant total de 3 000 euros TTC qui correspond à la provision initiale sur honoraire. Il n'est pas indiqué sur cette facture la liste des diligences effectuées, de sorte qu'il n'est pas possible de savoir si la somme de 3 000 euros correspond à des diligences en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention provisoire. Dans ces conditions, faute de lister les diligences entreprises et leur coût individuel, afin de pouvoir déterminer le coût des seules diligences en lien direct et exclusif avec le contentieux de la détention. La demande en ce sens sera donc rejetée.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [F] ses frais irrépétibles et une somme de 2 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARONS la requête de M. [P] [F] recevable ;
REJETONS la demande de sursis à statuer présentée par l'agent judiciaire de l'Etat ;
ALLOUONS au requérant les sommes suivantes :
- 3 500 euros en réparation de son préjudice moral ;
- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTONS M. [P] [F] du surplus de ses demandes ;
LAISSONS les dépens à la charge de l'Etat.
Décision rendue le 15 Septembre 2025 prorogée au 20 octobre 2025 puis au 17 Novembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI'RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ