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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 13 novembre 2025, n° 25/00648

GRENOBLE

Autre

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

ECP (SAS)

Défendeur :

Puces Technologies Semiconducteurs (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Payen

Avocats :

Me Hays, Me Le Calvez, Me Neri

T. com. Grenoble, du 4 févr. 2025, n° 20…

4 février 2025

Faits et procédure :

La SAS ECP, est une société spécialisée dans la décontamination d'objets à haute valeur ajoutée en matières plastiques, métalliques et en verre. La SAS ECP est détenue à 100% par la société holding ECP Developpement.

La SAS ECP est issue d'une branche d'activité de la société SNEF, groupe français, spécialiste des métiers de conception, d'intégration et de maintenance dans les domaines de l'électricité, des télécommunications, des procédés industriels, de la mécanique et de l'industrie 4.0.

La branche d'activité de décontamination des objets a été filialisée et cédée au groupe Entegris. Elle a successivement pris le nom d'Entegris France puis d'Entegris cleaning process (ECP) et enfin ECP.

Mr [R] [M] a été embauché le 16 juillet 1990 par la société SNEF. Son contrat de travail a suivi le transfert de la branche d'activité en 2004.

Au sein de cette organisation, Mr [R] [M] :

était associé au capital de la SAS ECP Developpement à hauteur de 16,25%, laquelle est actionnaire unique de la SAS ECP ;

a été nommé président de la SAS ECP Developpement ;

était la personne physique représentant ECP Developpement en sa qualité de président d'ECP ;

était Directeur Général de la SAS ECP.

La SAS ECP a subi un sinistre le 9 février 2023, en ce qu'un incendie a totalement ravagé son établissement industriel principal sis à [Localité 9], ce dernier concourant à près de 90% de son chiffre d'affaires.

Au terme d'une assemblée générale de la SAS ECP Développement tenue le 4 mai 2023, Mr [R] [M] a été révoqué de son mandat de président et de son mandat de directeur général.

Par courrier du 21 juin 2023, Monsieur [R] [M] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

La SARL Puces technologies semi-conducteurs (ci-après la SARL PTS) est quant à elle une société de négoce et de commercialisation d'équipements pour l'industrie semiconducteur principalement.

La SARL Puces technologies semi-conducteurs a engagé Mr [R] [M] en qualité de "business development manager " par contrat à durée indéterminée du 26 août 2023.

Par requête du 25 avril 2024, rectifiée par requête du 17 juin 2024, la SAS ECP a sollicité du président du tribunal de commerce de Grenoble, l'autorisation de faire procéder à un constat d'huissier avec l'assistance d'un technicien informatique au siège de la SARL PTS.

Par ordonnance sur requête en date du 12 juin 2024, rectifiée le 19 juin 2024, la présidente du tribunal de commerce de Grenoble a autorisé la SAS ECP à faire procéder par commissaire de justice à des mesures d'instruction dans les locaux de la SARL PTS, à Villard Bonnot, au visa de l'article 145 du code de procédure civile.

Cette ordonnance a été signifiée à la SARL PTS le 24 juin 2024, date à laquelle un commissaire de justice s'est présenté au siège de la SARL PTS aux fins de constat et a effectué les opérations de séquestre.

Le 23 juillet 2024, la SAS ECP a fait délivrer, une assignation en référé devant le tribunal de commerce de Grenoble aux fins de levée du séquestre, conformément à l'ordonnance susvisée, afin que soient examinés contradictoirement par le juge les documents saisis et les oppositions éventuelles à communication.

En parallèle, la SARL PTS a fait délivrer à la société ECP Developpement une assignation en référé-rétractation le 21 août 2024 à l'encontre de l'ordonnance rendue par Madame le président du tribunal de commerce de Grenoble le 19 juin 2024.

La société ECP Developpement a soulevé l'irrecevabilité des demandes dans ses conclusions en défense, n'étant pas à l'origine de la requête et n'étant pas concernée par la rétractation de l'ordonnance demandée par la SARL PTS.

Le 4 octobre 2024, la SARL PTS a dénoncé à la SAS ECP la procédure en référé-rétractation avec assignation en référé rétractation devant le président du tribunal de commerce de Grenoble, afin de régulariser la situation.

Suivant ordonnance en date du 04 février 2025, le tribunal de commerce de Grenoble a :

- joint les instances enrôlées sous les n°2024R401 et 2024R462,

- pris acte de ce que la SARL PTS se désiste de l'instance et de l'action engagée à l'encontre de la société ECP Developpement,

- ordonné l'extinction de cette action et de l'instance enrôlée sous le numéro 2024R401,

- rétracté l'ordonnance du 12 juin 2024, rectifiée le 19 juin 2024, de la présidente du tribunal de commerce de Grenoble,

- prononcé la nullité des opérations du commissaire de justice effectuées en date du 24 juin 2024,

- ordonné la remise de l'intégralité des pièces et documents recueillis sous scellés par la SARL Laporte-Bauthier - Yechichian - Rajon à la société Puces technologies semi-conducteur,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé au demandeur de l'instance la charge des entiers dépens et les a liquidés à la somme indiquée au bas de la deuxième page de la présente décision.

Par déclaration du 19 février 2025, la SAS ECP a interjeté appel de l'ordonnance du 04 février 2025 en ce qu'elle a :

- joint les instances enrôlées sous les n°2024R401 et 2024R462,

- pris acte de ce que la SARL PTS se désiste de l'instance et de l'action engagée à l'encontre de la société ECP Developpement,

- ordonné l'extinction de cette action et de l'instance enrôlée sous le numéro 2024R401,

- rétracté l'ordonnance du 12 juin 2024, rectifiée le 19 juin 2024, de la présidente du tribunal de commerce de Grenoble,

- prononcé la nullité des opérations du commissaire de justice effectuées en date du 24 juin 2024,

- ordonné la remise de l'intégralité des pièces et documents recueillis sous scellés par la SARL Laporte-Bauthier - Yechichian - Rajon à la société Puces technologies semi-conducteur,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé au demandeur de l'instance la charge des entiers dépens et les a liquidés à la somme indiquée au bas de la deuxième page de la présente décision.

Cette ordonnance mentionnant deux numéros de rôle, trois déclarations d'appel ont été enregistrées le même jour :

- Une par la SAS ECP contre l'ordonnance portant sur le numéro RG 2024R462 ;

- Une par la SAS ECP contre l'ordonnance portant sur le numéro RG 2024R401;

- Une par la société ECP Developpement contre l'ordonnance portant sur le numéro RG 2024R401.

Par ordonnance du 13 mars 2025, la présidente de la chambre commerciale a constaté le désistement d'appel de la société ECP Developpement.

En outre, par ordonnance rendue le 21 février 2025, l'exécution provisoire a été suspendue sur le fondement de l'article 958 du code de procédure civile.

Suivant ordonnance en date du 10 avril 2025, la présidente de la chambre commerciale a ordonné la jonction des procédures RG25/657 et 25/648 sous le numéro 25/648.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 04 septembre 2025.

Par requête notifiée par RPVA le 11 septembre 2025, la SARL Puces technologies semi-conducteurs a sollicité le rabat de l'ordonnance de clôture afin de pouvoir répondre aux conclusions n°3 notifiées par la SAS ECP le 03 septembre 2025, veille de la clôture. A défaut, elle sollicite de voir écartées lesdites conclusions au visa des articles 15 et 135 du code de procédure civile. Elle fait valoir qu'en application du principe du contradictoire, elle doit bénéficier du droit de répondre aux conclusions de la SAS ECP, d'autant qu'elle soulève de nouveaux moyens juridiques dans ses dernières écritures. Elle considère qu'il s'agit d'une cause grave justifiant le rabat de l'ordonnance de clôture.

Par message RPVA en date du même jour, la SARL PTS a notifié des conclusions d'intimée n°3.

Par message RPVA notifié le 12 septembre 2025, la SAS ECP a conclu au rejet de la demande de rabat de l'ordonnance de clôture. Elle souligne que la SARL Puces technologies semi-conducteurs aurait pu solliciter un report de la clôture et qu'elle a manqué de diligence. Elle souligne que le seul fait de ne pas avoir conclu à temps ne constitue pas une cause grave justifiant le rabat de l'ordonnance de clôture, la cause grave devant en outre être révélée postérieurement à la clôture pour être recevable.

Elle souligne encore avoir conclu le 03 septembre alors que les conclusions de la SARL Puces technologies semi-conducteurs ont été notifiées le 20 août, soit en pleine période estivale. Elle précise enfin avoir simplement ajouté deux pages, en réponse à des nouvelles prétentions de la SARL Puces technologies semi-conducteurs.

La présidente de la chambre commerciale a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture en l'absence de cause grave survenue depuis que la clôture a été prononcée.

Prétentions et moyens de la société SAS ECP

Dans ses conclusions d'appel notifiées par RPVA le 25 juillet 2025, elle demande à la cour, au visa des articles 145, 400 et 401 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance dont il est fait appel en ce qu'elle :

* rétracte l'ordonnance du 12 juin 2024, rectifiée le 19 juin 2024, de la présidente du tribunal de commerce de Grenoble,

* prononce la nullité des opérations du commissaire de justice effectuées en date du 24 juin 2024,

* ordonne la remise de l'intégralité des pièces et documents recueillis sous scellés par la SARL Laporte-Bauthier - Yechichian - Rajon à la société Puces technologies semi-conducteurs,

* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Et, statuant à nouveau :

- débouter la SARL PTS de sa demande de rétractation totale de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Grenoble le 12 juin 2024 et rectifiée le 19 juin 2024 ainsi que de toutes ses demandes subséquentes,

- confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Grenoble le 12 juin 2024 et rectifiée le 19 juin 2024,

- condamner la SARL PTS à payer la somme de 10.000 euros à la SAS ECP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

En tout état de cause :

- débouter la SARL PTS de son appel incident ainsi que de l'ensemble de ses demandes subséquentes,

- condamner la SARL PTS à payer la somme de 10 000 euros à la SAS ECP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner la SARL PTS aux entiers dépens de l'instance.

1/ Sur l'infirmation de l'ordonnance de rétractation :

La SAS ECP affirme que :

- le président du tribunal de commerce de Grenoble a excédé les limites de son office en statuant comme un juge du fond, en ce qu'il a constaté la situation de concurrence entre les sociétés ECP et PTS, apprécié l'existence d'un éventuel détournement de clientèle et constaté l'absence de préjudice subi par la SAS ECP du fait des agissements prétendument fautifs de la SARL PTS.

2/ Sur la nécessité de déroger au principe de la contradiction :

La SAS ECP souligne que :

- la jurisprudence considère que lorsque ni la requête, ni l'ordonnance rendue sur son fondement ne comportent de motivation caractérisant la nécessité de déroger au principe de la contradiction, le président du tribunal doit rétracter son ordonnance sur requête, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- la requête du 25 avril 2024 détaille précisément la nécessité impérieuse de déroger au principe du contradictoire compte-tenu des éléments propres au cas d'espèce, et notamment du risque évident de dépérissement de preuve et de la nécessité de préserver un effet de surprise,

- dans son ordonnance du 12 juin 2024 rectifiée par ordonnance du 19 juin 2024, le juge a repris à son compte la motivation développée par la SAS ECP dans sa requête,

- le risque de dépérissement de preuves ne procède pas d'une formule stéréotypée, mais a été apprécié in concreto au regard des éléments précis et concordants, que constituent :

* les agissements de Monsieur [R] [M] antérieurement à son départ de l'entreprise ECP, qui a trompé lourdement les mandataires sociaux du groupe ECP, ces agissements ayant conduit à la révocation de son mandat et à son licenciement pour faute grave,

* l'absence de réaction de la SARL PTS au courriel d'avertissement envoyé adressé par la SAS ECP le 9 octobre 2023,

* la poursuite des agissements déloyaux par la SARL PTS et Mr [R] [M], jusqu'à ce jour,

- la dérogation au principe du contradictoire était encore justifiée et s'imposait dans un souci d'efficacité de la mesure, qu'une information préalable de la société concurrente PTS et de Mr [R] [M] risquait de rendre vaine compte-tenu de la volatilité des données informatiques concernées.

3/ Sur l'existence d'un motif légitime

La SAS ECP affirme que :

- au stade de la requête, le " motif légitime " exigé par l'article 145 du code de procédure civile réside dans la seule démonstration d'indices graves et concordants permettant de soupçonner des actes de concurrence déloyale de la part de la SARL PTS,

- la SARL PTS a délibérément menti au juge de la rétractation sur ses activités, et ce mensonge a conduit le juge à rétracter l'ordonnance sur le fondement de l'absence de situation concurrentielle entre les sociétés,

- La SAS ECP est spécialisée dans la décontamination d'objets à haute valeur ajoutée, tandis que la SARL PTS propose des services de nettoyage de précision ; bien que la terminologie puisse différer, les deux entreprises 'uvrent dans le même secteur d'activité : celui du traitement, du nettoyage et de la décontamination de matériaux sensibles et d'équipements de haute précision,

- la SAS PTS a effectivement mis en place une activité concurrente de décontamination/nettoyage ultra propre en salle blanche,

- elle pilote un projet ambitieux, intitulé "Plateforme Expertise Ultrapropreté", et elle en est le principal initiateur,

- la SAS ECP développe également, depuis 2021, un projet stratégique de plateforme opérationnelle, ce projet avait initialement été impulsé par Mr [R] [M] lorsqu'il exerçait ses fonctions au sein d'ECP,

- la SARL PTS crée une confusion auprès des clients et des partenaires institutionnels, notamment en raison de la similitude des projets présentés et des soutiens sollicités,

- la SARL PTS adopte un comportement de parasitisme commercial en tirant profit des efforts, des investissements et de la notoriété déjà développés par ECP dans le cadre de son propre projet,

- la question de la situation concurrentielle des deux parties relevait du juge du fond et non du juge de la rétractation,

- il est justifié d'un faisceau d'indices graves et concordants qui lui donnent toutes les raisons de penser que la SARL PTS se livre à une entreprise de confusion et de parasitisme à l'égard de la SAS ECP, avec l'aide active de Mr [R] [M],

Concernant ce dernier, elle souligne que :

- Mr [R] [M] de par ses fonctions, avait accès à l'intégralité des données financières et stratégiques du groupe,

- la clause de non concurrence à laquelle Mr [R] [M] s'est soumis est valable et il en perçoit la contrepartie financière,

- Mr [R] [M] a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave du fait de man'uvres préjudiciables à l'intérêt de la société.

4/Sur la légalité et la proportionnalité de la mesure sollicitée :

La SAS ECP conteste que les mesures litigieuses s'analysent en des mesures générales d'investigation, qui excèdent les prévisions de l'article 145 du code de procédure civile,

Elle souligne que :

- l'ordonnance rendue comporte des mots clés pertinents, au nombre de 27, dont la combinaison apparaît nécessaire à l'établissement des faits, et les documents saisis sont limités aux données postérieures au 1er janvier 2023 inclus, date à laquelle la divergence de points de vue entre les dirigeants a commencé à s'exprimer,

- elle a entendu circonscrire les mesures sollicitées à ce qui était strictement nécessaire et directement lié au litige,

- le commissaire de justice instrumentaire a été constitué séquestre des éléments, données, fichiers, documents de toute nature, conservés après filtrage, sans pouvoir rien lui communiquer avant une décision de référé autorisant la levée de séquestre.

5/ Sur l'absence d'atteinte au secret des affaires

La SAS ECP affirme que :

- il est de jurisprudence constante que le secret des affaires ne constitue pas, en lui-même un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145,

- une mesure d'instruction in futurum ne porte pas une atteinte disproportionnée au secret des affaires dès lors qu'elle est circonscrite dans le temps et qu'elle ne vise que des documents en lien avec des actes de concurrence déloyale allégués, ce qui est le cas en l'espèce,

- l'ordonnance déférée reste taisante sur toutes les mesures prises pour éviter de porter atteinte au secret des affaires.

Prétentions et moyens de la SARL Puces technologies semi-conducteurs

Dans ses conclusions d'intimée n°2 notifiées par RPVA le 20 août 2025, elle demande à la cour, au visa des articles, 145, 493, 874 et suivants du code de procédure civile, de :

Avant dire droit,

- voir désigner tel expert dans le domaine de l'industrie qu'il plaira à la cour, avec la mission ci-après :

* se rendre sur place et visiter les locaux des société PTS et ECP, respectivement situés :

[Adresse 3] pour la SARL PTS,

[Adresse 6] pour la SAS ECP,

* réunir tous éléments permettant d'apprécier la teneur des activités développées par les sociétés PTS et ECP au sein de leurs salles blanches respectives,

* dresser un rapport descriptif desdites activités ;

* prendre connaissance des projets TEOS développé par la SARL PTS et TSIAS développé par la SAS ECP et rendre compte des objectifs poursuivis par chacune des deux sociétés,

Sur le fond,

- confirmer l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Grenoble le 4 février 2025 en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance rendue par Madame le président du tribunal de commerce de Grenoble le 19 juin 2024,

- écarter les pièces adverses 15 et 16, celles-ci étant constitutives de moyens de preuve illicites,

- réformer l'ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Grenoble le 4 février 2025 en ce qu'elle a débouté la SARL PTS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau :

- condamner la SAS ECP à payer à la SARL PTS, la somme de 6 892 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, somme à parfaire, outre aux entiers dépens ce compris les frais d'expertise intervenue et de l'expertise à venir.

1/ Sur la mesure d'expertise sollicitée

La SARL Puces technologies semi-conducteurs conteste les affirmations selon lesquelles elle serait dotée d'une salle blanche pour se livrer à des activités de nettoyage/décontamination, ainsi que les affirmations selon lesquelles son projet TEOS concurrencerait le projet TSIAS de la SAS ECP,

La SARL Puces technologies semi-conducteurs sollicite pour lever le doute l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire, avec mission de se rendre sur place, de visiter les locaux des deux sociétés, de réunir tous éléments permettant d'apprécier la teneur des activités développées par les sociétés PTS et ECP au sein de leurs salles blanches respectives, rendre compte des objectifs poursuivis par chacune des deux sociétés.

2/Sur le non-respect des conditions pour procéder par voie de requête non contradictoire

La SARL Puces technologies semi-conducteurs souligne que :

- le respect de la contradiction est un principe fondamental de procédure, qui figure parmi les principes directeurs du procès,

- la SAS ECP ne justifie d'aucune circonstance permettant d'y déroger,

- l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Grenoble ne fait état d'aucune circonstance précise qui justifierait que les mesures sollicitées dérogent, au principe du contradictoire,

- la SAS ECP ne démontre pas l'existence d'un risque de déperdition ou de dépérissement d'éléments de preuve.

3/ Sur les mesures sollicitées

La SARL Puces technologies semi-conducteurs expose que :

- la SAS ECP ne justifie d'aucun motif légitime ni de mesures légalement admissibles permettant de justifier les mesures ordonnées,

- les arguments invoqués par la SAS ECP sont inopérants au regard de l'absence de concurrence entre les deux sociétés, qui n'exercent ni les mêmes activités, ni les mêmes métiers,

- son projet de création d'une salle blanche est antérieur au différent entre la SAS ECP et Mr [R] [M],

- sa salle blanche est vide et n'a pas vocation à être équipée d'équipements de nettoyage spécifiques, dans la mesure où elle n'exerce aucune activité de nettoyage ou de décontamination et sous-traite ces activités lorsqu'elle en a besoin, notamment à la SAS ECP,

- sur son site elle évoque le nettoyage, car elle distribue les services de sociétés spécialisées dans le nettoyage, en fonction du procédé requis,

- son projet TEOS a pour but de créer une plateforme d'expertise collaborative en site ultra propre permettant de valider des sous-ensembles, de les tester, de collecter de la DATA (déterminer l'efficacité du sous-ensemble, c'est-à-dire les gains apportés en termes de consommation et de qualité),

- l'objectif de son projet est de relocaliser ce type de production en France plutôt que de recourir aux services de sociétés japonaises (réindustrialisation en France),

- il n'entre pas en concurrence avec le projet TSIAS de la SAS ECP, qui consiste quant à lui, à créer " une plateforme permettant d'explorer les technologies de nettoyage par voie sèche des dispositifs médicaux ",

- elle utilisera la salle blanche pour réaliser des prestations de services (déconditionnement et reconditionnement en petites quantités principalement) sur des pièces de ses clients nécessitant d'être manipulées dans un environnement ultra propre,

- l'ordonnance du 19 juin 2024 a été rétractée car les deux sociétés ne sont pas en concurrence, ce qui relève de l'évidence et non pas d'un excès de pouvoir du juge des référés,

- au vu de ces éléments, il n'existe pas d'indices graves et concordants laissant présumer l'existence d'actes de concurrence déloyale imputables à la SARL PTS,

- la SAS ECP ne démontre pas les man'uvres imputées à Mr [R] [M],

- la validité de la clause de non-concurrence de Mr [R] [M] et son licenciement sont contestés par celui-ci devant les tribunaux compétents,

- le détournement de clientèle prétendu n'est pas avéré,

- elle a elle-même des relations d'affaires avec les sociétés évoquées par la SAS ECP,

- les courriels de la boîte mail professionnelle de Monsieur [M] conservés après son départ l'ont été de manière illicite et doivent être écartés des débats,

- la SAS ECP ne justifie d'aucune rupture de relation commerciale avec l'un de ses clients ni d'aucun préjudice financier.

En outre, la SARL Puces technologies semi-conducteurs fait valoir que :

- les mesures d'investigation ordonnées par le président du tribunal de commerce de Grenoble constituent une mesure d'investigation générale, portant sur des documents internes lui appartenant, et de par leur caractère général, elles sont nécessairement disproportionnées,

- 27 mots clés n'est pas un nombre limité et les mots clés choisis sont trop larges,

- l'attestation du représentant légal de la société qui souligne que ces mots clés seraient rattachés à ses clients et produits est contestable et n'a aucune valeur probante.

4/ Sur l'atteinte portée au secret des affaires de la SARL Puces technologies semi-conducteurs

La SARL Puces technologies semi-conducteurs souligne que :

- la requête de la SAS ECP ne respectant pas les conditions légales (motif légitime, proportion des mesures sollicitées à l'objectif), elle porte atteinte au secret de ses affaires,

- sa salle blanche présente des caractéristiques hautement novatrices notamment en ce qu'elle est respectueuse de l'environnement (optimisation des consommations d'eau et d'énergie), et les documents la concernant pourraient profiter à la SAS ECP,

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été mise en délibéré au 13 novembre 2025.

Suivant note en délibéré en date du 19 septembre 2025, autorisée par la cour, la SAS ECP fait valoir que l'article 135 du code de procédure civile confère une faculté à la juridiction, qui dispose d'un pouvoir d'appréciation en matière de rejet des écritures. Elle rappelle que la notion de temps utile doit s'apprécier in concreto, en tenant compte de la nature des éléments communiqués, de leur volume, de leur complexité et du contenu des écritures. Elle affirme que les conclusions en cause avaient pour but de répondre à une demande nouvelle d'expertise introduite par la partie adverse dans ses conclusions du 20 août 2025, soit quinze jours avant la clôture. Elle soutient qu'elle devait y répondre, afin que le principe du contradictoire puisse être respecté. Elle affirme que le délai de 10 jours qu'elle a pris pour y répondre s'explique par la période estivale et les congés de son client, que ses écritures déposées avant la clôture respectaient le calendrier imposé par la cour. Elle expose également que les ajouts sont limités à deux pages et qu'aucune pièce n'a été adjointe. Elle prétend encore que la demande d'expertise formulée 15 jours avant la clôture est dilatoire. Elle sollicite que si ses conclusions n°3 devaient être écartées, les conclusions adverses notifiées le 20 août le soient aussi.

Suivant note en délibéré en date du 23 septembre 2025, autorisée par la cour, la SARL PTS affirme qu'en notifiant les conclusions en cause la veille de la clôture à 11h47, la SAS ECP l'a sciemment empêchée d'en prendre connaissance en temps utile et elle souligne qu'elle n'a pas été mise en mesure d'y répondre. Elle précise que les conclusions ont été notifiées par RPVA mais ne lui ont pas été communiquées par mail, contrairement aux usages de la profession d'avocat. Elle souligne que ces dernières conclusions impliquaient une réponse avec ajout de pièces, que la SAS ECP ne s'est pas contentée de répondre à ses arguments mais en a ajouté de nouveaux. Elle conteste donc que le principe du contradictoire ait été respecté par la SAS ECP.

Concernant la recevabilité de ses propres écritures notifiées le 20 août 2025, elle fait valoir que les conclusions développées par son adversaire le 25 juillet contenaient des accusations graves, auxquelles elle se devait de répondre, malgré la période estivale, qu'elles ont été notifiées via le RPVA plus de 20 jours avant la clôture et donc en temps utile.

Motifs de la décision :

§1 Sur la recevabilité des conclusions d'appel n°3 de la SAS ECP, notifiées par RPVA le 03 septembre 2025

Aux termes de l'article 914-4 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si la cour ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du conseiller de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision de la cour.

" Si des pièces ou des conclusions ont été déposées tardivement, c'est-à-dire peu de temps avant le moment prévu pour l'ordonnance de clôture, le juge de la mise en état doit veiller au respect des droits de la défense et éventuellement les écarter des débats. " (Cour de cassation 2ème Civ., 2 février 1977, n° 75-13.910).

" Sont irrecevables des conclusions déposées par le défendeur trois jours avant la date de clôture de l'instruction (date connue depuis plusieurs mois). " (Cour de cassation Civ. 2e, 11 mars 1998, no 96-12.660)

" Les conclusions déposées le jour même de la clôture sont recevables si elles sont prises en réplique à des conclusions adverses et ne soulèvent ni moyens nouveaux ni prétentions nouvelles. " (Cour de cassation 3ème Civ., 12 juin 2002, n° 01-01.233)

En l'espèce, l'avis de fixation de l'affaire à bref délai a été délivré le 22 avril 2025 et les parties ont ensuite conclu dans les délais imposés par les textes.

Le litige porte sur les conclusions d'appel n°3, notifiées le 3 septembre 2025 à 11h49 par la SAS ECP.

Il y a lieu de relever qu'il s'est écoulé 24 heures entre la notification de ces conclusions et la clôture de la procédure qui a été prononcée le 4 septembre 2025 à 11h22. Ce délai est tout à fait insuffisant pour permettre à l'intimé d'en prendre connaissance de manière utile et d'y répondre avant la clôture.

Ces éléments justifient que les conclusions d'appel n°3 notifiées par la SAS ECP le 3 septembre 2025 soient déclarées irrecevables et écartées des débats.

De même, les conclusions d'intimée n°3 notifiées par RPVA le 11 septembre 2025 par la SARL PTS seront déclarées irrecevables et écartées des débats, comme ayant été notifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture.

Par contre, les conclusions notifiées par la SARL PTS le 20 août 2025, en temps utile pour que la SAS ECP puisse y répondre, seront déclarées recevables.

§2 Sur la demande de la SARL PTS tendant à ce que les pièces 15 et 16 produites par la SAS ECP soient écartées des débats

La SARL PTS soutient que ces pièces, soit deux courriels provenant de la boite mail professionnelle de Mr [R] [M] ont été obtenues de manière illicite.

Suivant arrêt en date du 20 mars 2025 (pièce 25 de la SARL PTS), la cour d'appel de Montpellier a condamné la SAS ECP à rendre inactifs et supprimer les comptes de messagerie professionnelle attribués à Mr [R] [M] dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt et sous astreinte provisoire, au visa du RGPD et au motif qu'à compter de leur licenciement, le consentement des salariés au traitement de leurs données personnelles par l'employeur était retiré et que l'employeur pouvait en maintenant les comptes, collecter et utiliser à leur insu les données à caractère personnel des anciens employés.

Les pièces dont il est demandé le rejet, sont des emails émanant de l'adresse mail [Courriel 10]. Le mail objet de la pièce 16 a pu être récupéré via la boite mail de Mr [N] [V], ancien salarié de la SAS ECP et partie à la procédure devant la cour d'appel de Montpellier. Il sera écarté des débats, comme ayant été obtenu alors que la SAS ECP aurait dû supprimer sa boîte mail.

La pièce 15 est un mail adressé à [D] [T], sur une adresse [Courriel 11]. La SAS ECP reconnait dans ses conclusions, que ce courriel a été récupéré sur la messagerie professionnelle de Mr [R] [M]. Elle sera en conséquence écarté des débats.

§3 Sur la mesure d'expertise judiciaire sollicitée par la SARL PTS

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L'étendue des pouvoirs du juge saisi se déduit de la nature même du recours en rétractation dont l'objet, "est moins de faire juger l'affaire une seconde fois que de provoquer, en aval, un débat contradictoire qui a été évincé, en amont." (R. Perrot, RTD civ. 1984, p. 367).

Le recours en rétractation formé contre une ordonnance sur requête a ainsi pour seul objet, de soumettre à la vérification d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées et le juge saisi d'un tel recours est tenu de statuer dans la limite de l'objet du litige tel que fixé par la requête initiale, conformément aux articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Le juge peut seulement modifier la première mesure qu'il avait ordonnée, en fonction de faits postérieurs à l'ordonnance entreprise.

Cette analyse est confirmée par la Cour de cassation : " l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d'instruction sur le fondement de l'art. 145 ayant pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet; dès lors, est irrecevable la demande incidente du requérant tendant à la production de nouvelles pièces, qui, n'ayant pas été présentée au juge des requêtes, est soumise pour la première fois au juge de la rétractation. " (Cour de cassation 2ème Civ., 9 septembre 2010, n° 09-69.936 )

Dans le même esprit, il a été jugé que " l'instance en rétractation, prévue par l'art. 497, a pour seul objet de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, de sorte que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet. En conséquence, est irrecevable devant le juge de la rétractation une demande tendant à voir ordonner, en cas de rejet de la demande de rétractation, la mainlevée d'une mesure de séquestre. " (Cour de cassation 2ème Civ., 27 septembre 2018, n° 17-20.127 ).

En l'espèce, la mesure d'expertise sollicitée par la SARL PTS vise à établir l'absence de concurrence entre les deux sociétés, en permettant à un expert de visiter les deux salles blanches.

Cependant, il doit être rappelé qu'aucun procès n'a encore lieu entre les deux parties et que la cour se situe dans un cadre juridique précis : celui de la rétractation d'une ordonnance ayant autorisé la SAS ECP à faire procéder à des mesures d'instruction dans les locaux de la SARL PTS.

La demande d'expertise formée par la SARL PTS consiste en une demande reconventionnelle, elle dépasse l'objet de la saisine de la cour et elle sera dès lors déclarée irrecevable.

§4 Sur l'infirmation de l'ordonnance de rétractation

Le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et tenu d'apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

La régularité de la saisine du juge des requêtes étant une condition préalable à l'examen du bien fondé de la mesure probatoire sollicitée, il convient d'abord de s'assurer que la requête ou l'ordonnance y faisant droit a justifié de manière circonstanciée qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, avant de statuer sur l'existence du motif légitime et le contenu de la mesure sollicitée.

Enfin, en application de l'article 497 du même code, le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.

a) Sur la dérogation au principe du contradictoire

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L'article 493 du code de procédure civile dispose quant à lui que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

Le juge doit donc rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit. (Cour de cassation 2ème Civ. 30 janvier 2003, n°01-01.128), la Cour de cassation exerçant un contrôle sur leur motivation (Cour de cassation 2ème Civ., 1er février 2006, n° 05-12.254).

En effet, ces mesures intervenant en contradiction avec l'article 16 du code susvisé, il ne peut y être dérogé que sous certaines conditions.

La jurisprudence de la Cour de cassation, en stricte application du principe supérieur de la contradiction qui doit constituer la règle, est désormais bien fixée en ce sens que le choix entre la requête et le référé n'est pas libre : les mesures sollicitées ne peuvent être ordonnées par voie de requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement (Cour de cassation 2ème Civ., 15 janvier 2009, n°08-10.771).

Ce sont l'effet de surprise et le risque de dépérissement des preuves, qui constituent les deux motifs communément admis par la jurisprudence pour déroger au principe du contradictoire.

Ainsi, à chaque fois que l'information de la partie adverse risquerait de rendre vaine la mesure sollicitée, celle-ci ne présentant d'intérêt que si un effet de surprise est ménagé, le recours à la procédure sur requête doit être admis.

En l'espèce, l'ordonnance critiquée opère un renvoi à la requête et est ainsi motivée : " Attendu qu'il est démontré l'existence de circonstances exigeant qu'une mesure urgente ne soit pas prise contradictoirement "

Dans la requête déposée le 03 juin 2024, la requérante motive la dérogation au principe du contradictoire par le risque de dépérissement des preuves et la nécessité de préserver un effet de surprise.

Elle expose :

' Le risque de dépérissement de preuve ne procède pas ici d'une formule stéréotypée mais s'apprécie in concreto au regard des éléments précis et concordants suivants :

(i)Les agissements de Monsieur [R] [M] antérieurement à son départ de l'entreprise ECP, qui a trompé lourdement les mandataires sociaux du groupe ECP, ces agissements ayant conduit à la révocation de son mandat et à son licenciement pour faute grave,

(ii)De l'absence de réaction de la société PTS au courriel d'avertissement envoyé adressé par la société ECP le 9 octobre 2023,

(iii)La poursuite des agissements déloyaux par la société PTS et Monsieur [R] [M], jusqu'à ce jour.

Ces circonstances peuvent légitimement faire craindre à la société ECP une déperdition ou un dépérissement des éléments de preuve en cas de procédure contradictoire.

La nécessité de déroger au principe du contradictoire apparait de ce seul fait suffisamment caractérisée (Cour d'appel de Paris, Pôle 1 ch. 2, 28 février 2019, n°18/19150).

Mais la dérogation au principe du contradictoire est encore justifiée et s'impose dans un souci d'efficacité de la mesure, qu'une information préalable de la société concurrente PTS et de Monsieur [R] [M] risquerait de rendre vaine compte-tenu de la volatilité des données informatiques concernées qui peuvent être supprimées, copiées, transférées, archivées très facilement alors même qu'elles sont nécessaires pour confirmer l'existence des agissements frauduleux et de concurrence déloyale suspectés et d'en mesurer les conséquences.

La nécessité d'une telle dérogation au principe du contradictoire est ainsi de plus fort caractérisée (Cour d'appel de Toulouse, Ch. 3, 21 février 2019, n° 18/02898).

Les circonstances susvisées et l'attitude de Monsieur [R] [M], dont tout laisse à penser qu'il a détourné clandestinement des informations confidentielles de la société ECP au profit de la société concurrente PTS, convainc ainsi la requérante qu'il existe un risque majeur, en cas de procédure contradictoire, que Monsieur [R] [M] et que la société PTS fassent obstacle à la manifestation de la vérité et qu'ils mettent à profit le temps judiciaire afin de dissimuler ou détruire les documents recherchés, voire se tiennent absents des lieux où les documents sont aujourd'hui utilisés.

Il ne fait ainsi aucun doute que la mesure d'instruction sollicitée aura davantage de chances de succès si elle est exécutée de façon non contradictoire dès lors qu'elle évitera la destruction de documents ou la concertation de Monsieur [R] [M] et de la société PTS.

C'est également pour cette raison qu'il apparait de nécessité impérieuse que les opérations de constat à intervenir soient déployées de manière concomitante auprès des deux personnes physique et morale impliquées sans conteste dans les agissements de concurrence déloyale susvisés, soit :

- La société PTS, située à [Localité 12] (38)

- Monsieur [R] [M], résidant à [Localité 8] (34).

En conséquence, l'ensemble des agissements exposés ci-dessus ainsi que la difficulté de la requérante d'en mesurer l'étendue, d'en établir la preuve et les risques de dépréciation de celle-ci avant de pouvoir saisir le Juge du fond d'une action, justifient l'action par voie de requête non contradictoire à ce stade.'

Cette motivation renvoie expressément à la nature des faits, notamment la concurrence déloyale, en ce qu'elle pourrait conduire à une dissimulation de la société requise et en cela caractérise un risque concret de dépérissement des preuves. Elle se rattache également in concreto à une attitude passée de la société requise qui rend nécessaire une telle mesure non-contradictoire.

Le courriel émis le 09 octobre 2023 par la SAS ECP (pièce 21 de la SAS ECP) constitue un simple courriel d'avertissement suite à l'embauche par la SARL pts de Mr [M] et non un courriel exposant des griefs et enjoignant à la SARL PTS d'y mettre fin. Il ne fait donc pas échec à la requête.

Il doit être en conséquence jugé que la nécessité de déroger au principe du contradictoire est justifiée.

b) Sur l'existence d'un motif légitime

En application de l'article 145 du code de procédure civile, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins démontrer l'existence d'éléments précis constituant des indices de violation possible d'une règle de droit permettant d'établir la vraisemblance des faits dont la preuve pourrait s'avérer nécessaire dans le cadre d'un éventuel procès au fond.

Ces dispositions requièrent l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée. Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

Il sera également rappelé qu'il appartient au requérant de justifier de ce que sa requête était fondée, et non au demandeur à la rétractation de rapporter la preuve qu'elle ne l'est pas.

Par ailleurs, " Le secret des affaires et le secret professionnel ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l'application des dispositions de l'art. 145, la seule réserve à la communication des documents séquestrés tenant au respect du secret des correspondances entre avocats ou entre un avocat et son client édicté par l'art. 66-5 de la L. no 71-1130 du 31 déc. 1971. " (Cour de cassation 1ère Civ., 3 novembre 2016, no 15-20.495)

" 4. Il résulte du premier de ces textes (article 1240 du code civil) qu'une situation de concurrence directe ou effective n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice. " (Cour de cassation com. 10 novembre 2021, n° 19-25.873).

Dès lors, il n'appartient pas au juge saisi sur requête d'apprécier s'il existe effectivement une situation de concurrence déloyale entre les deux sociétés.

Au cas présent, et étant rappelé qu'à ce stade de la procédure seule est exigée de la part de la requérante la preuve d'indices pouvant laisser suspecter l'existence d'actes de concurrence déloyale, force est de constater qu'il existe des indices suffisants le laissant supposer puisque la société PTS s'est dotée d'une salle blanche, qu'à partir de cet outil, elle est en mesure de développer un savoir faire dans le nettoyage ultra propre, la décontamination et de concurrencer la SAS ECP.

Il sera également retenu que les deux sociétés 'uvrent dans un domaine d'activité commun : celui de l'ultra propreté, qu'elles ont été amenées à solliciter des fonds provenant d'acteurs communs et que les projets qu'elles portent sont susceptibles d'entrer en concurrence.

En outre, Mr [M] est un acteur clé de l'ultra-propreté en ce qu'il a exercé pendant plus de trente années les fonctions de directeur technique au sein de la SAS ECP, qu'il avait également un mandat de président et de directeur général de la société, qu'il disposait à ce titre d'un accès privilégié à de nombreuses informations.

Son départ de la société s'est fait dans des circonstances tout à fait troubles dont il est justifié par la SAS ECP en pièce 13 (attestation des cadres ayant participé à un déjeuner secret) et il travaille depuis son licenciement pour la SARL PTS.

Il découle de tout ce qui précède que la requérante a suffisamment justifié l'existence d'éléments rendant crédibles les griefs de concurrence déloyale allégués et partant l'existence d'un motif légitime, sans qu'il soit besoin d'examiner la validité de la clause de non concurrence liant Mr [M] à la SAS ECP.

c) Sur les mesures sollicitées

Il est de jurisprudence constante que les mesures ne doivent pas être des mesures d'investigation générale (Cour de cassation 2ème Civ., 7 janvier 1999, n° 97-10.831).

La mission de l'expert doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire afin de concilier les droits et intérêts des parties au litige. La mesure doit être notamment circonscrite dans le temps et dans son objet, aux faits dénoncés dans la requête dont pourrait dépendre la solution du litige et ne pas s'étendre au-delà. Elle ne peut porter une atteinte illégitime au droit d'autrui.

En l'espèce, la mesure est circonscrite dans le temps les documents devant être saisis entre le 1er janvier 2023 et la date de la saisie. Elle est en outre circonscrite dans son objet, comme concernant les conditions d'embauche de Mr [M] et certains mots clés limitativement énumérés, qui sont en réalité des noms de sociétés qui sont susceptible d'être en lien avec un futur éventuel litige.

Au regard de ces éléments, l'ordonnance rendu par le tribunal de commerce de Grenoble sera infirmée en toutes ses dispositions et l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Grenoble le 12 juin 2024, rectifiée par ordonnance du 19 juin 2024 sera confirmée en toutes ses dispositions.

§5 Sur les mesures accessoires

La SARL PTS qui succombe en appel sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la SAS ECP la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

La SARL PTS sera également condamnée à payer à la SAS ECP la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

La demande de la SARL PTS sur ce même fondement sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE IRRECEVABLES les conclusions d'appel n°3 notifiées via le RPVA par la SAS ECP le 03 septembre 2025,

DECLARE IRRECEVABLES les conclusions d'intimée n°3 notifiées par RPVA le 11 septembre 2025 par la SARL PTS,

ECARTE DES DEBATS les pièces 15 et 16 produites par la SAS ECP,

REJETTE la demande d'expertise formée par la SARL PTS,

INFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE la SARL PTS de sa demande de rétractation totale de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Grenoble le 12 juin 2024 et rectifiée le 19 juin 2024 ainsi que de toutes ses demandes subséquentes,

CONFIRME dans toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Grenoble le 12 juin 2024 et rectifiée le 19 juin 2024,

CONDAMNE la SARL PTS à payer la somme de 5 000 euros à la SAS ECP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,

CONDAMNE la SARL PTS à payer la somme de 5 000 euros à la SAS ECP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

CONDAMNE la SARL PTS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

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