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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 13 novembre 2025, n° 24/01842

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société d'outillage et de carrosserie (Sté), Celette (SAS)

Défendeur :

Etablissement public foncier de l'ouest rhone-alpes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Figuet

Conseillers :

M. Bruno, Mme Payen

Avocats :

Me Hays, Me Eslami, Me Reboul, Me Belin

TJ [Localité 13], du 11 avr. 2024, n° 21…

11 avril 2024

FAITS ET PROCÉDURE :

1. Par jugement du 13 janvier 2011, le tribunal de commerce de Vienne a arrêté le plan de cession de la société Celette SA. La société Celette France a repris les activités de cette société, dans le cadre du plan de cession, le 15 janvier 2011. Elle n'a cependant pas acquis les biens immobiliers dans lequel ces activités étaient exercées, et est devenue locataire de la société Celette SA en liquidation.

2. En 2014, des pourparlers ont été engagés entre le liquidateur judiciaire de la société Celette SA et l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Rhône Alpes dit Epora, mandaté par la Communauté d'Agglomération du Pays Viennois, dont l'objet est l'étude des opérations foncières et immobilières, les travaux de réhabilitation de friches industrielles, militaires et urbaines et toutes opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l'aménagement foncier, afin que cet organisme rachète les biens immobiliers dans le cadre d'un projet de réhabilitation du site industriel.

3. La société Celette France a en conséquence signé avec l'Epora, le 20 mai 2014, un bail commercial sous la condition de la cession effective des biens immobiliers au profit de l'établissement public. Cette cession est intervenue le 22 décembre 2014, et la société Celette France est ainsi devenue locataire de l'Epora.

4. Au cours de l'année 2017, l'Epora a repris la jouissance d'une partie du site dénommée Halle Reverchon, en vue de sa destruction, conformément à l'article 1.1 du bail. A partir du mois d'avril 2017, la société Celette France s'est plainte auprès de l'Epora de problèmes de sécurité affectant cette halle, l'empêchant de libérer ce local. En 2019, l'Epora a informé la locataire de l'engagement de travaux en fin d'année ou en début d'année suivante. Les travaux de sécurisation de la halle ont été terminés fin 2020, et la société Celette France a libéré ce local.

5. En raison de l'état général des lieux donnés à bail, la compagnie d'assurances de la société Celette France a résilié, avec effet au 31 décembre 2019, le contrat d'assurance contre les risques locatifs. Un nouvel assureur n'a accepté qu'un contrat de six mois, qu'il a refusé de prolonger le 30 juin 2020.

6. Le 27 mai 2020, la société Celette France a mis ainsi en demeure le bailleur de réaliser des travaux au titre de son obligation de délivrance, afin de pouvoir souscrire une assurance garantissant sa responsabilité locative. Par

courrier du 29 juillet 2020, l'Epora a nié devoir réaliser des travaux, au motif que le bail les a mis à la charge de la locataire. A partir du 30 juin 2020, la société Celette France n'a pu retrouver une assurance.

7. Au début de l'année 2020, le loyer annuel de 88.143,99 euros TTC n'a pas été payé. En raison de problèmes financiers, la société Celette France a obtenu la désignation d'un mandataire ad hoc le 12 octobre 2020, afin de trouver un accord avec les banques, les principaux créanciers et les fournisseurs.

8. Le 13 août 2021, l'Epora a fait signifier à la société Celette France un commandement de payer la somme de 88.143,99 euros, et de justifier d'une assurance couvrant les risques locatifs, en se prévalant de la clause résolutoire insérée au bail.

9. Le 9 septembre 2021, le mandataire ad hoc a remis son rapport de fin de mission, constatant l'impossibilité de la mener à son terme, en raison du comportement du bailleur se retranchant derrière les clauses du bail concernant la prise en charge des désordres et ayant finalement fait délivrer le commandement visant la clause résolutoire.

10. Le 10 septembre 2021, la société Celette France a assigné l'Epora devant le tribunal judiciaire de Vienne, notamment afin de faire annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire pour faute du bailleur dans l'exécution de ses obligations, obtenir le paiement de 571.591,11 euros HT au titre des travaux indûment supportés par le preneur, voir le bailleur condamné à réaliser des travaux de mise en conformité, obtenir le paiement de 6,4 millions d'euros à titre de dommages et intérêts.

11. Le 22 décembre 2021, la société Celette France a cédé son fonds de commerce à la société Astrolabe, devenue société Celette. Cette cession a été dénoncée à l'Epora par exploit du 19 avril 2022.

12. Le même jour, la société Astrolabe devenue Celette a consenti à la société Celette France une location-gérance de ce fonds de commerce, pour une durée de trois ans, rétroactivement à compter du 1er octobre 2021, la société Celette France s'engageant à exécuter à la place de la société Astrolabe devenue Celette toutes les clauses et charges du bail commercial.

13. Le 12 juillet 2023, la société Celette anciennement Astrolabe a signifié à l'Epora une demande de renouvellement du bail commercial pour une nouvelle période de neuf ans à compter du 22 décembre 2023. Le 11 octobre 2023, le bailleur a signifié à la société Celette anciennement Astrolabe son refus de renouvellement du bail sans paiement d'une indemnité d'éviction, et a mis en demeure la société Celette de régler la somme de 3.583,59 euros au titre des loyers arrêtés au 22 juin 2023, ainsi qu'à justifier de l'accomplissement de travaux à hauteur de 40.000 euros par an et d'une assurance contre les risques locatifs. Le 22 janvier 2024, la société Celette a ainsi assigné l'Epora devant le tribunal judiciaire de Vienne, instance en cours en raison d'un sursis à statuer dans l'attente de la procédure tendant à la résiliation du bail.

14. La Société d'Outillage et de Carrosserie est intervenue volontairement à l'instance initiée par la société Celette France en annulation du commandement visant la clause résolutoire, en raison de la qualité revendiquée par elle de preneur des bâtiments donnés à bail par l'Epora.

15. Par jugement du 11 avril 2024, le tribunal judiciaire de Vienne a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Celette ;

- rejeté les prétentions de la société Celette France devenue Société d'Outillage et de Carrosserie,

- dit que le commandement en date du 13 août 2021 visant la clause résolutoire produit son plein et entier effet,

- constaté la résiliation du bail conclu le 20 mai 2014, au 14 septembre 2021, pour défaut de justification d'une assurance et défaut de paiement des loyers, en application de la clause résolutoire du bail,

- ordonné en conséquence l'expulsion de la Société d'Outillage et de Carrosserie anciennement Celette France et de la société Celette ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués, sis [Adresse 5], si besoin est, avec le concours de la force publique et d'un serrurier compétent,

- débouté l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Rhône Alpes (Epora) de sa demande de condamnation de la Société d'Outillage et de Carrosserie anciennement Celette France et de la société Celette au règlement de loyers,

- condamné la Société d'Outillage et de Carrosserie anciennement Celette France et la société Celette à régler à l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Rhône Alpes (Epora) une indemnité d'occupation à compter du jugement et jusqu'au départ effectif des lieux, cette indemnité correspondant au montant actuel des loyers et charges,

- condamné la société Celette France devenue Société d'Outillage et de Carrosserie in solidum avec la société Celette à payer à l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Rhône Alpes ( Epora), 3.000 euros en application de l'articIe 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.

16. La Société d'Outillage et de Carrosserie et la société Celette ont interjeté appel de cette décision le 15 mai 2024, en ce qu'elle a :

- rejeté les prétentions de la société Celette France devenue Société d'Outillage et de Carrosserie,

- dit que le commandement en date du 13 août 2021 visant la clause résolutoire produit son plein et entier effet,

- constaté la résiliation du bail conclu le 20 mai 2014, au 14 septembre 2021, pour défaut de justification d'une assurance et défaut de paiement des loyers, en application de la clause résolutoire du bail,

- ordonné en conséquence l'expulsion de la Société d'Outillage et de Carrosserie anciennement Celette France et de la société Celette ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués, sis [Adresse 5], si besoin est, avec le concours de la force publique et d'un serrurier compétent,

- condamné la Société d'Outillage et de Carrosserie anciennement Celette France et la société Celette à régler à l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Rhône Alpes (Epora) une indemnité d'occupation à compter du jugement et jusqu'au départ effectif des lieux, cette indemnité correspondant au montant actuel des loyers et charges,

- condamné la société Celette France devenue Société d'Outillage et de Carrosserie in solidum avec la société Celette à payer à l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Rhône Alpes (Epora) 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.

17. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 4 septembre 2025.

Prétentions et moyens de Société d'Outillage et de Carrosserie, de la société Celette'et de la Selarl Etude Balincourt, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société d'Outillage et de Carrosserie :

18. Selon leurs conclusions remises par voie électronique à la cour le 25 août 2025, elles demandent à la cour, au visa des articles 1240, 1343-5 et 1719 du code civil, des articles L145-41 et R145-35 du code de commerce, de recevoir les concluantes en leur appel, le dire bien fondé et y faisant droit, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions critiquées et plus particulièrement en ce qu'il a :

- rejeté les prétentions de la société Celette France devenue Société d'Outillage et de Carrosserie,

- dit que le commandement en date du 13 août 2021 visant la clause résolutoire produit son plein et entier effet,

- constaté la résiliation du bail conclu le 20 mai 2014, au 14 septembre 2021, pour défaut de justification d'une assurance et défaut de paiement des loyers, en application de la clause résolutoire du bail,

- ordonné en conséquence l'expulsion de la Société d'Outillage et de Carrosserie, et de la société Celette ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués sis [Adresse 3], si besoin est, avec le concours de la force publique et d'un serrurier compétent,

- condamné la Société d'Outillage et de Carrosserie et la société Celette à régler à l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Rhône Alpes (Epora) une indemnité d'occupation à compter du jugement et jusqu'au départ effectif des lieux, cette indemnité correspondant au montant actuel des loyers et charges,

- condamné la société Celette France devenue Société d'Outillage et de Carrosserie, in solidum avec la société Celette, à régler à l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Rhône Alpes (Epora) 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.

19. Elles demandent de confirmer ce jugement en ce qu'il a débouté l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Rhône Alpes (Epora) de sa demande de condamnation de la Société d'Outillage et de Carrosserie et la société Celette au règlement de loyers.

20. Elles demandent à la cour, statuant à nouveau :

- de débouter l'Epora de l'intégralité de ses demandes fins et prétentions ;

- de juger que la cause du commandement visant la clause résolutoire a disparu avec le paiement intégral du loyer en 2020 ;

- d'autoriser la Société d'Outillage et de Carrosserie et la société Celette à s'acquitter du solde éventuel de la dette locative moyennant 24 versements mensuels égaux à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- de juger que la cause du commandement visant la clause résolutoire pour défaut de paiement du loyer 2020 a été anéantie et que la mise en 'uvre de cette clause par le bailleur caractérise une mauvaise foi ;

- de prononcer la nullité partielle du commandement de payer du 13 août 2021, visant la clause résolutoire, fondé sur l'absence d'assurance et, subsidiairement, de juger que le défaut d'assurance n'est pas du fait de la Société d'Outillage et de Carrosserie, et de la société Celette mais des manquements de l'Epora, et qu'il ne constitue pas une condition essentielle justifiant la résolution du bail ;

- de juger les clauses 9.1 et 9.3 non écrites s'agissant de l'obligation de gros travaux imposée au locataire ;

- de condamner l'Epora à rembourser à la Société d'Outillage et de Carrosserie le montant des gros travaux indûment supportés par cette dernière, soit la somme de 624.726,68 euros HT ;

- de condamner l'Epora à payer à la Société d'Outillage et de Carrosserie la somme à parfaire de 6.748.208 euros, en réparation du préjudice subi du fait de l'arrêt d'activité, suite à l'expulsion ordonnée ;

- en tout état de cause, de condamner l'Epora à payer à la Société d'Outillage et de Carrosserie la somme de 6,4 millions d'euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

- de condamner l'Epora à payer à la société Celette la somme de 350.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi ;

- d'autoriser la Société d'Outillage et de Carrosserie et la société Celette à consigner le montant des loyers auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations à compter du prononcé de la décision et jusqu'à ce que les travaux ordonnés sous astreinte soient complètement réalisés ;

- de condamner l'Epora à régler à la Société d'Outillage et de Carrosserie et à la société Celette la somme de 10.000 euros, chacune, au titre de l'article 700 et aux entiers dépens de l'instance devant le tribunal judiciaire ;

- de condamner l'Epora à régler à la société la Société d'Outillage et de Carrosserie et à la société Celette la somme de 15.000 euros chacune au titre de l'article 700 et aux entiers dépens devant la cour d'appel.

21. Les appelantes exposent :

22. - que la société Celette France est devenue la Société d'Outillage et de Carrosserie';

23. - que suite au prononcé du jugement déféré, et de l'exécution provisoire qui lui est attachée, les concluantes ont dû arrêter toute activité, et rechercher de nouveaux locaux'; que l'activité industrielle de la Société d'Outillage et de Carrosserie a dû être arrêtée en septembre 2024 à la fin de la location-gérance, alors qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 27 novembre 2024 par le tribunal de commerce d'Avignon, la Selarl Etude Balincourt étant désignée en qualité de liquidateur de la Société d'Outillage et de Carrosserie'; que la société Celette a trouvé d'autres locaux afin de poursuivre ses activités de bureau, mais a dû cesser toute activité industrielle faute de pouvoir déménager ses machines et son stock pour un coût supportable';

24. - concernant les irrecevabilités soulevées par l'Epora, que l'argument pris d'une mauvaise foi du bailleur dans la mise en 'uvre de la clause résolutoire n'est pas nouveau devant la cour'; qu'il ne s'agit que d'un moyen nouveau pouvant être soulevé pour la première fois en cause d'appel par application de l'article 563 du code de procédure civile'; que l'intimé reconnaît d'ailleurs qu'il ne s'agit que d'un moyen et non d'une prétention'; que s'il s'agit d'une prétention, elle tend aux mêmes fins que le paiement des loyers';

25. ' que la demande concernant les dommages et intérêts en raison du déménagement repose sur des faits nouveaux permettant de l'invoquer pour la première fois devant la cour au titre de l'article 564 du code de procédure civile, puisque ce déménagement résulte de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré';

26. ' concernant l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail, qu'antérieurement à la crise sanitaire, la Société d'Outillage et de Carrosserie a réglé les loyers à leur échéance'; qu'elle a rencontré en 2020 des difficultés financières, en raison d'une baisse importante de son chiffre d'affaires, avec un résultat devenu négatif pour 629.625 euros, ne retrouvant qu'en 2023 une situation bénéficiaire avec un chiffre d'affaires revenant au niveau de l'année 2019 ; qu'elle a ainsi sollicité, fin 2020, la nomination d'un mandataire ad hoc dans le cadre de la procédure de prévention des difficultés des entreprises, dont la mission a porté notamment sur le paiement des loyers'; que l'intimé a initialement accepté de s'engager dans une discussion, avant de signifier le commandement visant la clause résolutoire';

27. - que l'Epora a refusé tout délai de paiement, et a engagé des saisies qui ont permis d'appréhender 105.164,01 euros'augmentant les difficultés de la Société d'Outillage et de Carrosserie', mais permettant de régler intégralement le loyer de 2020 et partiellement celui de 2021, de sorte que la cause du commandement visant le paiement de 88.143,99 euros a été anéantie, alors que le tribunal n'a pu retenir que ce paiement est intervenu sur la base des saisies ;

28. ' que selon la Cour de cassation (Civ 3, 4 mai 2011 n°10-16.939), lorsque le locataire a régularisé sa situation postérieurement au délai d'un mois indiqué dans le commandement de payer, mais avant que le juge ne statue, ce dernier doit impérativement accorder des délais pour éviter que la clause résolutoire ne soit acquise, alors que les concluantes ont demandé des délais au tribunal';

29. ' que le bailleur est de mauvaise foi en mettant en 'uvre la clause résolutoire, puisque le locataire a toujours été à jour de ses loyers, sauf en 2020 en raison de la crise sanitaire, mais en prenant alors l'initiative de solliciter la désignation d'un administrateur ad hoc, auquel le bailleur n'a pas répondu, en diligentant le commandement de payer, alors que la mise en 'uvre de la clause résolutoire doit être faite de bonne foi outre la démonstration d'une faute du preneur (Civ 3, 1er décembre 2016 n°15-25.884) ;

30. ' concernant le défaut d'assurance visé dans le commandement, que peu après l'acquisition du site, l'Epora a cherché à évincer la Société d'Outillage et de Carrosserie à moindre coût, pour réaliser un projet plus rentable sans cet occupant, ce qui a été relié par la presse locale';

31. ' que ce problème d'assurance n'a jamais été caché au bailleur, puisque cela avait été l'un des sujets du mandat ad hoc'; que ce problème résulte de la négligence du bailleur et de la force majeure, entraînant le refus des assureurs de contracter, puisque la zone est inondable, alors que le quartier n'est pas sécurisé compte tenu de la vétusté des locaux environnants et des effractions régulières, alors que les locaux eux-mêmes sont vétustes avec des effondrements de structures';

32. ' que la Société d'Outillage et de Carrosserie a mis vainement en demeure le bailleur de réaliser des travaux résultant de la vétusté, l'Epora lui opposant l'article 9.1 du bail mettant à la charge du preneur les réparations et travaux, les réfections ou mises aux normes, même s'il s'agit de travaux imposés par l'administration ou une nouvelle réglementation, même pour les grosses réparations de l'article 606 du code civil';

33. ' que cette clause doit cependant être réputée non écrite, étant contraire aux dispositions de la loi Pinel et contournant l'obligation de délivrance reposant sur le bailleur, le bailleur ne pouvant s'exonérer de son obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l'immeuble (Civ 3, 2 juillet 2013 n°11-28.496, 9 juillet 2008 n°07-14.631)'; qu'il en est ainsi lorsque les vices résultent de la vétusté'; que l'obligation de délivrance est une obligation de résultat ;

34. ' que l'annexe 5 du bail a listé les désordres structurels affectant la majorité des bâtiments pris à bail, en dehors de la Halle Reverchon dont la démolition était prévue': fissures, infiltrations d'eau pluviale, vitres fissurées, risque de chutes d'enduit, de pierre ou de briques, nécessité de reprendre certains éléments de charpente, de procéder au nettoyage de la toiture d'un bâtiment afin d'éviter une surcharge';

35. ' que le rapport réalisé par l'expert [G] à la demande de l'Epora confirme l'existence de vices structurels relevant de l'obligation de délivrance et dont la reprise ne peut être reportée sur le preneur'; que ce rapport a estimé, en 2012, un budget de travaux compris entre 5,4 et 6,75 millions d'euros, ce qui confirme qu'ils n'incombent pas au preneur';

36. ' que le 16 janvier 2024, la Société d'Outillage et de Carrosserie a fait constater les désordres par commissaire de justice, lequel a noté'un affaissement du parquet en salle d'archives, un plafond affecté par l'humidité, des revêtements tombant en lambeaux, la pousse de lierre à l'intérieur, la nécessité de protéger les armoires électriques contre l'humidité par des bâches en plastique, des vitres fendues ou cassées, alors que le preneur en a fait réparer certaines, un écroulement partiel de la toiture, une fissuration d'un mur en briques';

37. ' concernant les demandes indemnitaires formées par les concluantes, qu'en raison du déménagement intervenu en exécution du jugement déféré, il n'est plus demandé de condamnation à réaliser des travaux de mise en conformité sous astreinte ni de consignation des loyers dans l'attente de la fin de ces travaux';

38. ' s'agissant du paiement de la somme de 624.726,68 euros HT résultant des travaux réalisés par le preneur, que l'Epora doit être condamné à rembourser les gros travaux réalisés par celui-ci, puisque selon le décret du 3 novembre 2014 pris pour application de la loi Pinel du 18 juin 2014, il est désormais interdit au bailleur de transférer la charge des travaux prévus à l'article 606 du code civil, pour les contrats conclus ou renouvelés après le 5 novembre 2014, ainsi que le prévoit l'article L145-35 du code de commerce'; qu'il s'agit de dispositions d'ordre public';

39. ' ainsi, que si le bail a été signé le 20 mai 2014, c'était sous la condition suspensive de la réitération par acte authentique de la cession par la société Celette SA en liquidation judiciaire des biens immobiliers à l'Epora, ce qui est intervenu le 22 décembre 2014'; que le bail commercial n'a ainsi pu commencer qu'à cette date, lors de laquelle l'Epora est devenu propriétaire'; en conséquence, qu'aucune rétroactivité ne peut être attribuée à cette condition suspensive, de sorte que la date de conclusion du bail est celle de sa prise d'effet, l'Epora n'appelant ainsi aucun loyer pour l'année 2014';

40. - que la demande de renouvellement du bail a été effectuée par le preneur sur la base d'une échéance au 22 décembre 2023 et que l'Epora n'a donné aucun congé, mais a refusé le renouvellement du bail, alors que suivre son argumentation sur une date anniversaire au 20 mai 2023 reviendrait à constater que le bail s'est renouvelé tacitement ; que selon la Cour de cassation (Civ 3, 17 juin 2021 n°20-12.844), les nouvelles dispositions du code de commerce sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, alors qu'un contrat est renouvelé à la date d'effet du bail renouvelé'; qu'il en résulte qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de la date de signature du bail, mais de sa date de prise d'effet';

41. ' que l'article R145-35 du code de commerce interdit ainsi de mettre à la charge du preneur les dépenses visées à l'article 606 du code civil, et celles relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre les lieux en conformité avec la réglementation, dès lors qu'elles relèvent de l'article 606 ;

42. ' que la clause imposant au preneur de réaliser des travaux pour un montant annuel de 40.000 euros HT pendant les neuf premières années, au titre des travaux inscrits dans le rapport technique annexé au bail ou se rapportant au gros entretien au sens de l'article 606 du code civil, est non écrite au regard de l'obligation de délivrance du bailleur';

43. ' que la demande de remboursement des concluantes repose tant sur les factures réglées que sur le chiffrage des travaux réalisés par le service de maintenance de la Société d'Outillage et de Carrosserie';

44. ' s'agissant de la demande de paiement de 6,4 millions d'euros à la Société d'Outillage et de Carrosserie, que cette demande est en premier lieu recevable même si cette société a été placée en liquidation judiciaire, alors qu'elle a formé cette demande avant l'ouverture de cette procédure, et qu'elle est de nature à permettre au liquidateur d'apurer le passif';

45. ' sur le fond, que l'Epora a cherché à se débarrasser de sa locataire à moindre frais en invoquant la résiliation du bail ; que dès 2022, une agence de commercialisation s'était implantée sur le site alors qu'un projet immobilier était proposé'concernant la réalisation de logements'; que le maire de la commune de [Localité 13] présentait le nouveau projet dès novembre 2022 en affirmant que la Société d'Outillage et de Carrosserie avait été fermée en 2021'et que la ville désirait créer un nouveau quartier; que même si l'Epora est étranger à cette commercialisation, il devait cependant, en qualité de bailleur, ne pas laisser des tiers se prévaloir d'une éviction du preneur ne correspondant à aucune réalité'; que la responsabilité de l'intimé est ainsi engagée au regard du préjudice économique subi par la société Société d'Outillage et de Carrosserie, outre l'atteinte à son image et à sa réputation';

46. ' que le préjudice économique résulte de la vente du fonds à la société Celette le 22 décembre 2021 au prix de 600.000 euros, alors qu'avant la survenue de la crise sanitaire, sa valeur était comprise entre 6,5 et 7 millions d'euros'; que la Société d'Outillage et de Carrosserie a également subi des pertes d'exploitation découlant de l'état des locaux, entraînant des arrêts de production, la démotivation des salariés et l'impossibilité de trouver de nouveaux salariés, des difficultés lors du remboursement du PGE'et l'impossibilité de trouver des financements au regard de la précarité de la situation, de la perte de confiance des partenaires commerciaux informés des difficultés avec la mairie de [Localité 13] ayant annoncé la fermeture du site, de l'angoisse des dirigeants pour trouver des solutions de remplacement ; que la somme dont le paiement est demandé correspond ainsi à la perte de valeur du fonds de commerce';

47. ' s'agissant du second préjudice chiffré à 6.748.208 euros, qu'il est constitué par le placement en liquidation judiciaire de la Société d'Outillage et de Carrosserie le 27 novembre 2024, entraînant la perte de son capital social (2 millions d'euros), outre le montant du passif déclaré (2.389.010 euros) et la perte du stock (2.488.817 euros)'; qu'il en résulte pour la Société d'Outillage et de Carrosserie un préjudice distinct de la perte de valeur de son fonds de commerce, pour un total de 6.748.208 euros';

48. ' que la société Celette a également subi un préjudice, puisqu'en raison de la résiliation du bail, le contrat de location-gérance n'a pu être reconduit au 30 septembre 2024'; qu'elle a acquis le fonds de commerce au prix de 600.000 euros comprenant les éléments incorporels pour 350.000 euros, et les mobiliers, matériels et agencements pour 250.000 euros'; que suite aux menaces de fermeture du site, la valeur de ce fonds a diminué à hauteur de 350.000 euros';

49. ' concernant la demande de l'Epora tendant au paiement d'un solde de 3.583,58 euros, que le tribunal a justement débouté l'intimé de cette prétention, puisque cette somme a été réglée par virement le 26 juin 2023, alors que l'intimé a été de mauvaise foi en produisant un décompte antérieur de deux mois, afin de continuer à affirmer que la cause du commandement n'avait pas été anéantie.

Prétentions et moyens de l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Rhône Alpes ' Epora:

50. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 1er septembre 2025, il demande à la cour, au visa de la loi du 18 juin 2014 et son décret en date du 3 novembre 2014, des articles 606 et 1722 du code civil, de l'article R 145-35 du code de commerce, des articles 122, 564 et suivants du code de procédure civile, in limine litis, sur les irrecevabilités:

- de juger irrecevable le moyen tiré de la mauvaise foi du bailleur quant à la privation d'effet de la clause résolutoire,

- de juger irrecevable la demande en indemnité en cas de déménagement,

- de juger irrecevables toutes demandes présentées par la Société d'Outillage et de Carrosserie du fait du défaut de qualité à agir depuis le jugement de liquidation du 27 novembre 2024.

51. ll demande sur le fond :

- de rejeter la demande de délais de paiement de la Société d'Outillage et de Carrosserie et de la Société Celette,

- de juger que le commandement en date du 13 août 2021 et visant la clause résolutoire a produit son plein effet en ce qu'il vise tant le défaut de règlement des loyers que le défaut d'assurance et le non accomplissement de l'obligation d'accomplir des travaux,

- de rejeter la demande de la Société d'Outillage et de Carrosserie et de la société Celette tendant à voir réputer non écrites les clauses des articles 9.1 et 9.3 du bail,

- de rejeter la demande de la Société d'Outillage et de Carrosserie de remboursement de la somme de 624.726,68 euros,

- de rejeter la demande de la Société d'Outillage et de Carrosserie et de la société Celette en autorisation de consignation des loyers et charges,

- de rejeter la demande de la Société d'Outillage et de Carrosserie tendant à la condamnation du concluant à lui payer la somme de 6.400.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de rejeter la demande de la Société d'Outillage et de Carrosserie tendant à la condamnation du concluant à lui payer la somme de 6.748.208 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'arrêt de son activité,

- de rejeter la demande de la société Celette tendant à la condamnation du concluant à lui payer la somme de 350.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de rejeter la demande de la Société Celette tendant à la condamnation du concluant à lui payer les frais de déménagement de surcroît non chiffrés ;

- en conséquence, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a rejeté les prétentions de la société Celette France devenue Société d'Outillage et de Carrosserie, a dit que le commandement en date du 13 août 2021 visant la clause résolutoire produit son plein et entier effet, a constaté la résiliation du bail conclu le 20 mai 2014, au 14 septembre 2021, pour défaut de justification d'une assurance et défaut de paiement des loyers, en application de la clause résolutoire du bail, a ordonné en conséquence l'expulsion de la Société d'Outillage et de Carrosserie, et de la société Celette ainsi que celle de tous occupants de son chef des lieux loués sis [Adresse 4], si besoin est, avec le concours de la force publique et d'un serrurier compétent, a condamné la Société d'Outillage et de Carrosserie et la société Celette à régler au concluant une indemnité d'occupation à compter du jugement et jusqu'au départ effectif des lieux, cette indemnité correspondant au montant actuel des loyers et charges, a condamné la société Celette France devenue Société d'Outillage et de Carrosserie, in solidum avec la société Celette à régler au concluant 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.

52. L'Epora demande à la cour, statuant à nouveau :

- de rejeter toutes demandes, fins et conclusions présentées par la Société d'Outillage et de Carrosserie et la société Celette,

- de juger l'absence de mauvaise foi de l'Epora de nature à priver d'effet l'application de la clause résolutoire du bail,

- de rejeter la demande de la Société d'Outillage et de Carrosserie et de la société Celette tendant à la réparation d'un préjudice du fait de leur déménagement,

- de rejeter la demande de la Société d'Outillage et de Carrosserie tendant à la condamnation de l'Epora à lui payer la somme de 6.748.208 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'arrêt de son activité,

- subsidiairement, de prononcer la résiliation du bail sur le fondement de la destruction des locaux si par impossible il était fait droit à la demande de condamnation sous astreinte de réaliser les travaux,

- de condamner in solidum la Société d'Outillage et de Carrosserie et la société Celette à payer à l'Epora la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance.

53. L'Epora soutient :

54. ' concernant l'irrecevabilité des demandes nouvelles reposant sur la mauvaise foi du concluant, qu'en première instance, les appelantes ont fondé leurs prétentions sur le paiement des loyers qui aurait anéanti les effets de la clause résolutoire'; qu'elles invoquent en appel, en plus, la mauvaise foi du bailleur, ce qui constitue une demande nouvelle irrecevable';

55. ' concernant l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts dans l'hypothèse où le jugement déféré serait infirmé quant à la résiliation du bail, du fait de l'activité de la Société d'Outillage et de Carrosserie, que cette demande n'a pas, également, était formée devant le tribunal, et est ainsi nouvelle';

56. ' concernant l'irrecevabilité des demandes présentées par la Société d'Outillage et de Carrosserie, que celle-ci n'a jamais justifié à quel titre elle intervenait, puisque tous les documents produits et dont se prévalent les appelantes émanent de la société Celette France, alors que le bail commercial a été conclu avec la société Celette France';

57. ' en outre, que cette société a été liquidée par jugement du 27 novembre 2024';

58. ' sur le fond, concernant la résiliation du bail commercial, que le commandement a visé le défaut de paiement des loyers et de produire une attestation d'assurance, manquements que le tribunal a justement retenu';

59. ' que les appelantes ne contestent pas que l'arriéré de loyers n'a pas été réglé dans le mois de la signification du commandement visant la clause résolutoire'; que par l'intermédiaire de son comptable public, le concluant a fait pratiquer des saisies administratives'; que l'apurement de l'arriéré n'est ainsi intervenu qu'au bout de plusieurs mois et de façon contrainte, la première saisie datant du 17 février 2022 alors que le commandement a été signifié le 13 août 2021'; qu'il n'y a eu ainsi aucun apurement volontaire'; qu'au 1er août 2023, la société Celette France était encore redevable de 3.583,59 euros';

60. ' que le concluant n'est pas de mauvaise foi et n'a pas recherché à évincer le locataire, puisque sa présence était intégrée dans le cadre de la réhabilitation du site industriel, le concluant ne devant débuter de travaux que sur une partie de ce site, alors qu'aucune reprise des locaux donnés à bail n'était nécessaire';

61. - concernant l'arriéré locatif, qu'aucun échéancier n'a été proposé pour l'apurement de l'arriéré locatif'; que s'il n'a pas été donné suite aux échanges intervenus avec le mandataire ad hoc, c'est en raison de la position des appelantes sur la prise en charge des travaux, alors que le concluant n'avait aucune obligation de trouver un assureur en lieu et place du preneur';

62. ' s'agissant du défaut d'assurance, que les appelantes ne contestent pas ce fait';

63. ' que si elles invoquent l'état des locaux qui les empêcherait de souscrire une assurance, cette situation n'est pas imputable au bailleur, même si l'état des locaux n'est pas contesté';

64. ' que le bail a en effet mis à la charge du preneur l'exécution des gros travaux, et lui a imposé d'effectuer chaque année des travaux à hauteur de 40.000 euros HT, y compris concernant ceux nécessités par la vétusté, ce dont il n'a jamais été justifié; que la société Celette France connaissait parfaitement les lieux pour les occuper depuis 2011, et en avoir été propriétaire, alors qu'un audit des travaux réalisé par la société [G] était annexé au bail'; que dans le bail, le preneur a déclaré avoir pris les lieux dans le mauvais état où ils se trouvaient lors de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger aucune réparation du bailleur';

65. - s'agissant de l'application des nouvelles dispositions du code de commerce, que le bail a été signé le 20 mai 2014, ainsi avant l'entrée en vigueur de ces textes, la date à prendre en compte étant celle de la conclusion du bail et non de sa prise d'effet'; que les dispositions de l'article R145-35 du code de commerce sont ainsi applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, et non aux baux prenant effet à compter de cette date, ce que le tribunal a justement repris, et ce qui est cohérent avec le principe de non rétroactivité de la loi prévue à l'article 2 du code civil ;

66. ' que ce principe est applicable aux baux conclus avant le 5 novembre 2014, même si par l'effet d'une condition suspensive ils prennent effet après cette date, puisque lorsque la condition suspensive est réalisée, elle rétroagit et le contrat est réputé conclu depuis la date de sa signature initiale, aucune réitération n'étant nécessaire';

67. ' que la société Celette France n'a jamais contesté, jusqu'à la présente procédure, avoir la charge des gros travaux, sa seule mise en demeure remontant au 27 mai 2020, alors qu'elle reconnaît implicitement avoir cette charge'; que la dégradation des locaux résulte de son inaction, ce qui a entraîné l'impossibilité de souscrire une assurance';

68. ' que s'il est invoqué un manquement à l'obligation de délivrance, cette obligation est de délivrer des locaux utilisables selon l'usage convenu par les parties, et la mise à disposition de la chose décrite dans le bail, alors que la société Celette France était propriétaire et occupante';

69. ' qu'il n'est pas démontré une impossibilité d'exercer l'activité exercée, d'autant que le rapport [G] concernait le site en son entier, alors que le preneur n'occupe qu'une partie des bâtiments'et qu'il était prévu que certains soient détruits comme la Halle Reverchon'; qu'une demande de renouvellement du bail a même été formulée';

70. ' concernant les demandes indemnitaires, que les appelantes ne produisent aucune expertise ni document probant alors que le total de ces demandes porte sur plus de treize millions d'euros'; qu'elles semblent avoir renoncé à certaines demandes'; que la majorité des factures produites sont antérieures à la signature du bail, alors que leur montant ne représente pas l'engagement de réaliser annuellement des travaux pour 40.000 euros HT'; que la réalité de la réalisation de travaux réalisés par l'équipe de maintenance n'est pas établie';

71. ' qu'il n'est pas justifié d'une dépréciation de la valeur du fonds de commerce à hauteur de 6,4 millions d'euros, d'autant que la société Celette et la Société d'Outillage et de Carrosserie ont le même dirigeant en la personne de M.[O] ; qu'il n'existe aucune causalité avec les reproches formés contre la concluante, puisque les appelantes ont indiqué que les difficultés de la société Celette France résultaient de la crise sanitaire ayant entraîné une diminution de la circulation automobile'; que la demande portant sur 6,748 millions d'euros est infondée, faute d'un lien de causalité entre la liquidation judiciaire de la Société d'Outillage et de Carrosserie avec l'état des locaux, d'autant que les appelantes ont exécuté spontanément le jugement déféré et n'ont pas demandé la suspension de l'exécution provisoire';

72. ' qu'il en est de même concernant la demande indemnitaire de la société Celette.

*****

73. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION :

1) Concernant les demandes de la Société d'Outillage et de Carrosserie, et de la Selarl Etude Balincourt, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Société d'Outillage et de Carrosserie :

74. La cour constate que le bail commercial a été conclu entre l'intimé et la société Celette France. Le commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifiée à cette dernière, de même que les mises en demeure. L'assignation a été délivrée par la société Celette France, et la Société d'Outillage et de Carrosserie est intervenue volontairement à l'instance visant à contester ce commandement. En outre, la société Celette France a conclu un contrat de sous-location d'une partie des locaux qu'elle a reçu à bail de l'Epora, à la société Celette Logistique et Support le 7 septembre 2020.

75. Les appelantes ne produisent devant la cour aucune pièce indiquant que la Société d'Outillage et de Carrosserie ait repris les droits de la société Celette France. Il n'est justifié d'aucun extrait du registre du commerce confirmant ce point. Si les appelantes indique que la Société d'Outillage et de Carrosserie a cédé son fonds de commerce à la société Astrolabe devenue Celette, l'acte produit concerne une cession intervenue entre la société Celette France et la société Astrolabe, et c'est sous ce nom que la société Celette France a fait signifier cette cession au bailleur le 19 avril 2022.

76. Si les appelantes invoquent également un contrat de location-gérance intervenue entre la société Celette (anciennement Astrolabe) et la Société d'Outillage et de Carrosserie, il n'en est pas justifié.

77. Il en résulte, ainsi que soutenu par l'intimé, que la Société d'Outillage et de Carrosserie ne justifie pas à quel titre elle intervient.

78. Tenue dans les limites des conclusions des parties, la cour ne peut ainsi que confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les prétentions de la société Celette France devenue la Société d'Outillage et de Carrosserie, sans qu'il soit nécessaire de plus amplement statuer, ce rejet incluant les demandes de la Société d'Outillage et de Carrosserie et du liquidateur présentées pour la première fois devant la cour.

2) Concernant la société Celette anciennement Astrolabe':

79. Il est rappelé que cette société est devenue locataire de l'Epora, suite à l'acquisition du fond de commerce cédé par la société Celette France le 22 décembre 2021, cession signifiée au bailleur le 19 avril 2022. A l'occasion de l'acquisition du fonds de commerce, la société Celette a repris expressément le droit au bail, pour le temps qui reste à courir. Les termes du bail commercial ont été repris dans cet acte. Il en résulte que la société Celette est tenue des mêmes charges que la société Celette France, et qu'elle bénéficie des mêmes droits.

80. Aux termes du bail commercial conclu entre l'Epora et la société Celette France, il est rappelé qu'il s'inscrit dans le cadre d'une opération d'aménagement. Il a ainsi été précisé que certains locaux étaient destinés à être détruits et que la société Celette France devait les libérer, notamment concernant la Halle Reverchon dans laquelle elle entreposait divers matériels. Elle a reconnu avoir pris les locaux «'dans le mauvais état où ils se trouvaient au jour de l'entrée en jouissance sans pouvoir exiger aucune réparation du bailleur'». Il a été stipulé que le preneur ne pourra exiger, tant lors de l'entrée en jouissance qu'ultérieurement, aucune remise en état ni réparation, et qu'il devra réaliser, à ses frais, tous travaux, réparations, remplacements, réfection ou mises aux normes, y compris résultant de la vétusté. Il s'engage en outre à réaliser, sur les neuf premières années de la durée du bail, des travaux pour un montant annuel minimum de 40.000 euros HT, au titre des travaux inscrits dans le rapport technique annexé au bail ou se rapportant au gros entretien au sens de l'article 606 du code civil.

81. Le preneur s'est engagé à souscrire, sous sa seule responsabilité, une assurance couvrant les risques locatifs et d'en justifier à toute réquisition du bailleur. Aucun élément ne vient indiquer que l'Epora se serait engagé à trouver un assureur au preneur.

82. Le bail a prévu une clause résolutoire de plein droit pour défaut de paiement du loyer annuel, et en cas d'inexécution d'une seule condition, acquise un mois après commandement de payer ou sommation d'exécuter contenant déclaration par le bailleur d'user du bénéfice de cette clause demeurés infructueux.

83. La cour constate que le commandement signifié le 13 août 2021 à la société Celette France repose sur l'arriéré locatif de 88.143,99 euros, selon le solde arrêté au 31 décembre 2020, ainsi que sur le défaut de justification d'une assurance contre les risques locatifs, et le bailleur a rappelé et s'est prévalu de la clause résolutoire de plein droit insérée dans le bail. La cour relève également que cet arriéré et ce défaut d'assurance n'était alors pas contesté, et que les causes de ce commandement n'ont pas été exécutées dans le mois de sa délivrance.

84. Si les dispositions de l'article R145-35 du code de commerce sont invoquées, s'agissant de la répartition des travaux entre bailleur et preneur, la cour constate que cet article n'est entré en vigueur que le 5 novembre 2014. L'article 8 du décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 dispose notamment que les dispositions du nouvel article R. 145-35 sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication de ce décret. Il n'est pas question d'une date d'entrée en jouissance qui serait postérieure à la conclusion du bail. Si les appelantes invoquent le fait qu'en raison d'une condition suspensive, le bail est entré en vigueur lors de la levée de cette condition, ce moyen est sans effet, puisque l'arrivée de la condition suspensive ne fait que confirmer le contrat conclu antérieurement, ainsi que soutenu par l'Epora, aucune réitération n'étant nécessaire.

85. Or, en l'espèce, le bail conclu par la société Celette France est antérieur à cette date, et à la date de la délivrance du commandement, il n'y avait lieu à aucun renouvellement, puisque le bail ayant été conclu le 20 mai 2014, il arrivait à échéance le 20 mai 2023. En conséquence, les stipulations du bail concernant la mise à la charge du preneur des grosses réparations ne peuvent être réputées non écrites.

86. S'il est en outre invoqué un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, la cour indique que celle-ci s'apprécie au regard de la consistance des biens donnés à bail. Or, en la cause, la société Celette France occupait les lieux avant qu'ils ne soient acquis par l'Epora, devenant locataire de la société Celette SA en liquidation en 2011, alors que les locaux n'ont été

acquis par l'intimé qu'en 2014. Le bail conclu avec l'Epora a précisé qu'il s'agissait de locaux en mauvais état, ce que le preneur a accepté, en renonçant à tout recours, et en acceptant l'obligation de réaliser des travaux annuellement, ainsi que rappelé ci-dessus. Le rapport technique [G] était annexé au bail, détaillant précisément l'état des bâtiments constituant le site industriel.

87. La cour retient de ces éléments que le preneur connaissait ainsi parfaitement la consistance et l'état des locaux dans lesquels il exerçait déjà son activité avant de conclure le bail avec l'Epora, de sorte qu'il ne peut se prévaloir d'aucun manquement de l'intimé à son obligation de délivrance, tant lors de la conclusion du bail que lors de son exécution, sachant qu'à la date de la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire, les dispositions de l'article R145-35 du code de commerce n'étaient pas encore applicables.

88. Le grief pris d'une mauvaise foi du bailleur dans l'exécution de ses obligations, nouveau en cause d'appel, s'il est recevable puisqu'il ne s'agit que d'un moyen tendant aux mêmes fins que celui concernant l'apurement de l'arriéré locatif, est ainsi mal fondé, le preneur ne pouvant reprocher ses difficultés économques l'ayant conduit à ne plus régler le loyer annuel et l'ayant empêché de trouver un nouvel assureur sur l'état des locaux et l'absence d'entretien imputable au bailleur. Il n'y a pas lieu ainsi d'annuler partiellement le commandement visant la clause résolutoire pour défaut d'assurance, d'autant que la justification d'une assurance contre les risques locatifs est une condition essentielle afin d'offrir un assureur solvable au bailleur en cas de sinistre imputable au preneur.

89. Il en résulte que le bail a ainsi été résilié de plein droit en raison de l'absence d'assurance contre les risques locatifs.

90. S'agissant du motif de résiliation pris du défaut de paiement des loyers, il appartient au preneur de justifier qu'il a réglé les causes du commandement dans le mois de sa signification, afin d'en priver la cause pour faire échec à l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire.

91. Or, la cour constate que les causes du commandement n'ont pas été réglées dans le mois de sa délivrance le 13 août 2021. Il n'est pas contesté'qu'aucun apurement n'a été proposé par le preneur, alors que cet apurement n'est intervenu que suite à un avis à tiers détenteur pratiqué le 2 mai 2022, ramenant le compte à 0. En outre, l'Epora justifie que pour l'année 2021, le loyer annuel n'a pas été réglé, de sorte que deux avis à tiers détenteur ont été réalisés en mai et août 2022, mais ne parvenant pas à obtenir la totalité du loyer de 88.144 euros.

92. Il en ressort que le preneur est mal fondé à invoquer une régularisation des loyers privant le commandement de ses effets de plein droit, de même qu'il est mal fondé à soutenir que des délais doivent obligatoirement lui être accordés de ce chef.

93. Il en résulte que le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a dit que le commandement a produit son plein effet et que le bail se trouve ainsi résilié, avec ses conséquences en terme d'expulsion du preneur et de fixation de l'indemnité d'occupation.

94. La cour constate à ce titre que s'il a été interjeté appel sur la résiliation du bail et ses conséquences, et s'il est sollicité des délais de paiement, il n'est formé, devant elle, aucune demande tendant à la suspension des effets de la clause résolutoire.

95. S'agissant en outre de la demande de délai pour permettre au preneur de s'acquitter du solde éventuel de la dette locative, il n'est plus formé de demande à ce titre par le bailleur, qui a sollicité expressément la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'il a rejeté sa demande de paiement de loyers. Cette demande de délai est ainsi sans objet.

96. S'agissant de la demande de la société Celette tendant au paiement de la somme de 350.000 euros au titre d'un préjudice qu'elle aurait subi, la cour constate que la résiliation du bail est intervenue de plein droit avant qu'elle n'acquiert ses droits de la société Celette France le 22 décembre 2021. Elle ne justifie d'aucune faute de l'Epora qui sera la cause du préjudice invoqué. Cette demande sera rejetée.

97. Tenue dans la limite des conclusions des parties, la cour confirmera ainsi le jugement déféré en toutes ses dispositions, y compris concernant la Société d'Outillage et de Carrosserie.

98. La demande des appelantes tendant à être autorisées à consigner le montant des loyers jusqu'à la réalisation de travaux ordonnée sous astreinte est sans objet, aucune réalisation de travaux n'ayant été ordonnée par le tribunal, ni formée devant la cour.

99. Succombant en leur recours, la Société d'Outillage et de Carrosserie, représentée par son liquidateur judiciaire, et la société Celette, seront condamnées in solidum à payer à l'Epora la somme complémentaire de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles L145- 1 et suivants du code de commerce';

Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;

y ajoutant,

Déboute la société Celette France et la Société d'Outillage et de Carrosserie de leur demande tendant à s'acquitter du solde éventuel de la dette locative moyennant 24 versements mensuels égaux à compter de la signification du présent arrêt';

Déboute la société Celette France de sa demande de paiement de la somme de 350.000 euros à titre de dommages et intérêts';

Déclare sans objet la demande de la Société d'Outillage et de Carrosserie et de la société Celette France tendant à être autorisées à consigner le montant des loyers auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu'à ce que les travaux ordonnés sous astreinte soient complétement réalisés';

Condamne in solidum la Société d'Outillage et de Carrosserie, représentée par la Selarl Etude Balincourt ès-qualités de liquidateur judiciaire, et la société Celette France, à payer à l'Etablissement Public Foncier de l'Ouest Rhône Alpes Epora la somme complémentaire de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile';

Condamne in solidum la Société d'Outillage et de Carrosserie, représentée par la Selarl Etude Balincourt ès-qualités de liquidateur judiciaire, et la société Celette France, aux dépens d'appel, lesquels, pour la Société d'Outillage et de Carrosserie, seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire ;

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