Cass. crim., 18 novembre 2025, n° 25-82.272
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
N° T 25-82.272 F-D
N° 01468
ODVS
18 NOVEMBRE 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 NOVEMBRE 2025
M. [N] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 février 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, blanchiment, non-justification de ressources et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 6 juin 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [N] [C], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés le 17 mars 2023, M. [N] [C] a, le 15 septembre suivant, déposé une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure (moyen tiré de la nullité des deux réquisitions adressées les 1er septembre 2022 et 7 septembre 2022 par l'officier de police judiciaire au Centre de sûreté urbaine aux fins de se faire remettre des enregistrements issus du système de vidéoprotection de la ville de [Localité 1] sans autorisation préalable du procureur de la République), alors « que dans le cadre d'une enquête préliminaire, les officiers de police judiciaire ne peuvent être destinataires des images et enregistrements d'un système de vidéoprotection prévu à l'article L. 251-1 du code de la sécurité intérieure que s'ils sont mentionnés dans l'arrêté préfectoral ayant autorisé l'installation de ce système comme faisant partie des personnes habilitées à les consulter ou s'ils ont, sur autorisation du procureur de la République, délivré une réquisition à cette fin à une personne elle-même habilitée ; que, pour rejeter le moyen tiré de la nullité des deux réquisitions adressées les 1er septembre 2022 et 7 septembre 2022 par l'officier de police judiciaire au Centre de Sureté Urbaine aux fins de se faire remettre des enregistrements issus du système de vidéoprotection de la ville de [Localité 1] sans autorisation préalable du procureur de la République, la chambre de l'instruction énonce que le brigadier-chef [G] [Z], qui a rédigé les deux réquisitions contestées, était dûment habilitée comme le confirme la cote D7 qui mentionne que « tous les enquêteurs du service de la DTPJ [Localité 1] qui, seront amenés à intervenir dans le cadre de cette procédure, sont dûment habilités à la consultation des fichiers administratifs et divers logiciels d'enquête » ; qu'en retenant ainsi qu'une réquisition n'aurait pas été nécessaire dans la mesure où l'officier de police judiciaire aurait été dûment habilité à consulter les images et enregistrements des systèmes de vidéoprotection mis en oeuvre par la ville de [Localité 1] lorsque l'habilitation mentionnée en cote D7 ne porte pas sur la consultation des images et enregistrements des systèmes de vidéoprotection mis en oeuvre sur la voie publique par le maire de [Localité 1] mais sur la consultation des fichiers administratifs et divers logiciels d'enquête, la chambre de l'instruction a violé les articles L. 252-3 du code de la sécurité intérieure, 77-1-1 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
4. Le demandeur, qui n'allègue ni n'établit qu'il a, à l'occasion de ces investigations, été porté atteinte à sa vie privée ou à tout autre de ses intérêts, ne justifie pas avoir qualité pour solliciter la nullité de l'exploitation des enregistrements du système de vidéoprotection dès lors que, ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de le constater, les investigations en cause ont concerné une autre personne.
5. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure (moyen de nullité tiré de l'absence de communication à la défense de deux commissions d'expert sans caractériser, par une motivation précise et circonstanciée, le risque d'entrave à l'accomplissement des investigations), alors « que le juge d'instruction adresse sans délai copie de la décision ordonnant une expertise au procureur de la République et aux parties, qui disposent d'un délai de dix jours pour lui demander de modifier ou compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts désignés tout expert de leur choix ; qu'il ne peut être dérogé à cette obligation que lorsque les opérations d'expertise et le dépôt des conclusions par l'expert doivent intervenir en urgence et ne peuvent être différés pendant le délai de dix jours susvisé ou lorsqu'il existe un risque d'entrave aux investigations ; que l'absence de transmission aux parties de la décision ordonnant une expertise sans qu'il ne soit justifié de l'urgence ou du risque d'entrave aux investigations porte nécessairement atteinte aux intérêts de la partie concernée ; que, pour rejeter le moyen de nullité tiré du défaut de communication des commissions d'expert, la chambre de l'instruction énonce que s'il est acquis que les trois ordonnances contestées ne précisent pas l'urgence et le risque d'entrave à l'accomplissement des investigations et que les éléments du dossier ne permettent pas de caractériser l'une ou l'autre de ces deux circonstances justifiant l'absence de notification, le grief n'est nullement caractérisé ; qu'en statuant ainsi, lorsque cette irrégularité faisait nécessairement grief à monsieur [C], la chambre de l'instruction a violé les articles 161-1, 171 et 802 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour rejeter le moyen de nullité des ordonnances de commission d'expert, l'arrêt attaqué énonce qu'il est acquis que les trois décisions en cause ne précisent pas l'urgence et le risque d'entrave à l'accomplissement des investigations, que, cependant, le requérant, qui se limite à invoquer le fait qu'il n'a pas été mis en mesure de solliciter la modification ou l'ajout de questions ou l'adjonction d'un expert, ne caractérise aucun grief consécutif à la non-transmission de ces ordonnances.
8. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
9. En effet, lorsque l'urgence ou le risque d'entrave aux investigations ne sont pas suffisamment explicités pour justifier l'absence de transmission aux parties d'une ordonnance de commission d'expert conformément aux dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale, l'annulation de cette ordonnance et des opérations subséquentes est subordonnée au fait que la partie requérante justifie que l'impossibilité de solliciter l'adjonction d'un expert ou que l'énoncé de la mission de l'expert désigné ont porté atteinte à ses intérêts.
10. En l'espèce, le requérant s'est borné à invoquer la méconnaissance de ses droits, sans exposer en quoi les opérations d'expertise telles que déterminées par le juge d'instruction pouvaient être entachées d'une insuffisance de nature à lui causer un préjudice.
11. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure (moyen de nullité tiré de l'absence d'information au juge d'instruction des motifs du placement en garde à vue de M. [C]), alors « que l'officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à vue, informer le juge d'instruction des motifs et de la qualification des faits pour lesquels la personne est placée sous ce régime ; que, pour rejeter le moyen de nullité du mis en examen tiré de l'absence d'information au juge d'instruction des motifs de son placement en garde à vue, la chambre de l'instruction énonce que les faits repris dans le procès-verbal d'avis à magistrats, correspondants aux commissions rogatoires ordonnées par le magistrat instructeur, sont précisément ceux retenus pour la garde à vue, ce qui correspond d'ailleurs au procès-verbal de notification des droits et que, partant, considérant que l'exécution d'une commission rogatoire n'est qu'une exécution de la délégation de pouvoirs attribués au magistrat instructeur et étant rappelé sa connaissance et sa décision dans le choix et les motifs des personnes à placer en garde à vue, il convient de considérer que les dispositions des articles 154 et 63-1 du code de procédure pénale ont été respectées ; qu'en se déterminant ainsi, alors que ces éléments étaient insuffisants à établir que le juge d'instruction avait reçu l'information prescrite par la loi et nécessaire à l'exercice de ses prérogatives, la chambre de l'instruction a violé les articles 63, 154 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 63 et 154 du code de procédure pénale :
13. Selon ces textes, l'officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à vue, informer le juge d'instruction des motifs et de la qualification des faits pour lesquels la personne est placée sous ce régime.
14. Pour rejeter le moyen de nullité de la garde à vue tiré du caractère incomplet de l'avis donné au juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce que le procès-verbal d'avis à magistrat reprend précisément la qualification des faits notifiée à la personne placée en garde à vue, et que cette mesure s'est inscrite dans la suite directe d'investigations approfondies relatives à cette personne.
15. Les juges ajoutent que les officiers de police judiciaire ont agi en exécution de deux commissions rogatoires, c'est-à-dire par délégation des pouvoirs du juge d'instruction, et que ce dernier a eu connaissance et a décidé du choix et des motifs du placement en garde à vue des personnes visées.
16. Ils en concluent que le juge d'instruction a reçu l'information prescrite par la loi et nécessaire à l'exercice de ses prérogatives.
17. En statuant ainsi, alors que les éléments communiqués étaient insuffisants à établir que le juge d'instruction avait reçu, dès le début de la mesure, l'information prescrite par la loi et nécessaire à l'exercice de son contrôle sur le placement en garde à vue, en particulier sur les motifs de celui-ci, indispensables pour lui permettre d'apprécier l'opportunité de la mesure, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
18. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
19. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au rejet du moyen d'annulation du placement en garde à vue de M. [N] [C] et au constat de la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 4299.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 février 2025, mais uniquement en ce qu'il a rejeté le moyen d'annulation du placement en garde à vue de M. [N] [C] et constaté la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 4299, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt-cinq.
N° 01468
ODVS
18 NOVEMBRE 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 NOVEMBRE 2025
M. [N] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 février 2025, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les armes, blanchiment, non-justification de ressources et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 6 juin 2025, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [N] [C], et les conclusions de Mme Gulphe-Berbain, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 octobre 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.
2. Mis en examen des chefs susvisés le 17 mars 2023, M. [N] [C] a, le 15 septembre suivant, déposé une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure (moyen tiré de la nullité des deux réquisitions adressées les 1er septembre 2022 et 7 septembre 2022 par l'officier de police judiciaire au Centre de sûreté urbaine aux fins de se faire remettre des enregistrements issus du système de vidéoprotection de la ville de [Localité 1] sans autorisation préalable du procureur de la République), alors « que dans le cadre d'une enquête préliminaire, les officiers de police judiciaire ne peuvent être destinataires des images et enregistrements d'un système de vidéoprotection prévu à l'article L. 251-1 du code de la sécurité intérieure que s'ils sont mentionnés dans l'arrêté préfectoral ayant autorisé l'installation de ce système comme faisant partie des personnes habilitées à les consulter ou s'ils ont, sur autorisation du procureur de la République, délivré une réquisition à cette fin à une personne elle-même habilitée ; que, pour rejeter le moyen tiré de la nullité des deux réquisitions adressées les 1er septembre 2022 et 7 septembre 2022 par l'officier de police judiciaire au Centre de Sureté Urbaine aux fins de se faire remettre des enregistrements issus du système de vidéoprotection de la ville de [Localité 1] sans autorisation préalable du procureur de la République, la chambre de l'instruction énonce que le brigadier-chef [G] [Z], qui a rédigé les deux réquisitions contestées, était dûment habilitée comme le confirme la cote D7 qui mentionne que « tous les enquêteurs du service de la DTPJ [Localité 1] qui, seront amenés à intervenir dans le cadre de cette procédure, sont dûment habilités à la consultation des fichiers administratifs et divers logiciels d'enquête » ; qu'en retenant ainsi qu'une réquisition n'aurait pas été nécessaire dans la mesure où l'officier de police judiciaire aurait été dûment habilité à consulter les images et enregistrements des systèmes de vidéoprotection mis en oeuvre par la ville de [Localité 1] lorsque l'habilitation mentionnée en cote D7 ne porte pas sur la consultation des images et enregistrements des systèmes de vidéoprotection mis en oeuvre sur la voie publique par le maire de [Localité 1] mais sur la consultation des fichiers administratifs et divers logiciels d'enquête, la chambre de l'instruction a violé les articles L. 252-3 du code de la sécurité intérieure, 77-1-1 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
4. Le demandeur, qui n'allègue ni n'établit qu'il a, à l'occasion de ces investigations, été porté atteinte à sa vie privée ou à tout autre de ses intérêts, ne justifie pas avoir qualité pour solliciter la nullité de l'exploitation des enregistrements du système de vidéoprotection dès lors que, ainsi que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de le constater, les investigations en cause ont concerné une autre personne.
5. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure (moyen de nullité tiré de l'absence de communication à la défense de deux commissions d'expert sans caractériser, par une motivation précise et circonstanciée, le risque d'entrave à l'accomplissement des investigations), alors « que le juge d'instruction adresse sans délai copie de la décision ordonnant une expertise au procureur de la République et aux parties, qui disposent d'un délai de dix jours pour lui demander de modifier ou compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts désignés tout expert de leur choix ; qu'il ne peut être dérogé à cette obligation que lorsque les opérations d'expertise et le dépôt des conclusions par l'expert doivent intervenir en urgence et ne peuvent être différés pendant le délai de dix jours susvisé ou lorsqu'il existe un risque d'entrave aux investigations ; que l'absence de transmission aux parties de la décision ordonnant une expertise sans qu'il ne soit justifié de l'urgence ou du risque d'entrave aux investigations porte nécessairement atteinte aux intérêts de la partie concernée ; que, pour rejeter le moyen de nullité tiré du défaut de communication des commissions d'expert, la chambre de l'instruction énonce que s'il est acquis que les trois ordonnances contestées ne précisent pas l'urgence et le risque d'entrave à l'accomplissement des investigations et que les éléments du dossier ne permettent pas de caractériser l'une ou l'autre de ces deux circonstances justifiant l'absence de notification, le grief n'est nullement caractérisé ; qu'en statuant ainsi, lorsque cette irrégularité faisait nécessairement grief à monsieur [C], la chambre de l'instruction a violé les articles 161-1, 171 et 802 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Pour rejeter le moyen de nullité des ordonnances de commission d'expert, l'arrêt attaqué énonce qu'il est acquis que les trois décisions en cause ne précisent pas l'urgence et le risque d'entrave à l'accomplissement des investigations, que, cependant, le requérant, qui se limite à invoquer le fait qu'il n'a pas été mis en mesure de solliciter la modification ou l'ajout de questions ou l'adjonction d'un expert, ne caractérise aucun grief consécutif à la non-transmission de ces ordonnances.
8. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
9. En effet, lorsque l'urgence ou le risque d'entrave aux investigations ne sont pas suffisamment explicités pour justifier l'absence de transmission aux parties d'une ordonnance de commission d'expert conformément aux dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale, l'annulation de cette ordonnance et des opérations subséquentes est subordonnée au fait que la partie requérante justifie que l'impossibilité de solliciter l'adjonction d'un expert ou que l'énoncé de la mission de l'expert désigné ont porté atteinte à ses intérêts.
10. En l'espèce, le requérant s'est borné à invoquer la méconnaissance de ses droits, sans exposer en quoi les opérations d'expertise telles que déterminées par le juge d'instruction pouvaient être entachées d'une insuffisance de nature à lui causer un préjudice.
11. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure (moyen de nullité tiré de l'absence d'information au juge d'instruction des motifs du placement en garde à vue de M. [C]), alors « que l'officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à vue, informer le juge d'instruction des motifs et de la qualification des faits pour lesquels la personne est placée sous ce régime ; que, pour rejeter le moyen de nullité du mis en examen tiré de l'absence d'information au juge d'instruction des motifs de son placement en garde à vue, la chambre de l'instruction énonce que les faits repris dans le procès-verbal d'avis à magistrats, correspondants aux commissions rogatoires ordonnées par le magistrat instructeur, sont précisément ceux retenus pour la garde à vue, ce qui correspond d'ailleurs au procès-verbal de notification des droits et que, partant, considérant que l'exécution d'une commission rogatoire n'est qu'une exécution de la délégation de pouvoirs attribués au magistrat instructeur et étant rappelé sa connaissance et sa décision dans le choix et les motifs des personnes à placer en garde à vue, il convient de considérer que les dispositions des articles 154 et 63-1 du code de procédure pénale ont été respectées ; qu'en se déterminant ainsi, alors que ces éléments étaient insuffisants à établir que le juge d'instruction avait reçu l'information prescrite par la loi et nécessaire à l'exercice de ses prérogatives, la chambre de l'instruction a violé les articles 63, 154 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 63 et 154 du code de procédure pénale :
13. Selon ces textes, l'officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à vue, informer le juge d'instruction des motifs et de la qualification des faits pour lesquels la personne est placée sous ce régime.
14. Pour rejeter le moyen de nullité de la garde à vue tiré du caractère incomplet de l'avis donné au juge d'instruction, l'arrêt attaqué énonce que le procès-verbal d'avis à magistrat reprend précisément la qualification des faits notifiée à la personne placée en garde à vue, et que cette mesure s'est inscrite dans la suite directe d'investigations approfondies relatives à cette personne.
15. Les juges ajoutent que les officiers de police judiciaire ont agi en exécution de deux commissions rogatoires, c'est-à-dire par délégation des pouvoirs du juge d'instruction, et que ce dernier a eu connaissance et a décidé du choix et des motifs du placement en garde à vue des personnes visées.
16. Ils en concluent que le juge d'instruction a reçu l'information prescrite par la loi et nécessaire à l'exercice de ses prérogatives.
17. En statuant ainsi, alors que les éléments communiqués étaient insuffisants à établir que le juge d'instruction avait reçu, dès le début de la mesure, l'information prescrite par la loi et nécessaire à l'exercice de son contrôle sur le placement en garde à vue, en particulier sur les motifs de celui-ci, indispensables pour lui permettre d'apprécier l'opportunité de la mesure, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
18. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
19. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives au rejet du moyen d'annulation du placement en garde à vue de M. [N] [C] et au constat de la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 4299.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 février 2025, mais uniquement en ce qu'il a rejeté le moyen d'annulation du placement en garde à vue de M. [N] [C] et constaté la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 4299, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt-cinq.