Cass. com., 10 mars 2015, n° 14-11.335
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mouillard
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 octobre 2013), que, sur ordre de la Société de commerce et de représentation (la société SCR), la Banque commerciale du Burkina a, le 6 février 2008, émis au profit de la société Agence Netter une lettre de crédit « stand by » d'un montant de 250 000 euros, soumise aux dispositions des Règles et usances uniformes publiées par la Chambre de commerce internationale, dans leur version révisée de 2006, qu'elle a fait confirmer par la société Banque BIA (la société BIA) et dont l'exécution était subordonnée à la présentation, notamment, des factures impayées ; qu'estimant que les documents produits n'étaient pas conformes aux prescriptions de la lettre de crédit, la société BIA a refusé de payer la société Agence Netter, qui l'a assignée ;
Attendu que la société BIA fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Agence Netter la somme de 250 000 euros en tant que banque confirmante de la lettre de crédit « stand by », avec intérêts au taux légal et capitalisation, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article 1er des Pratiques Bancaires Internationales Standard, applicables en la cause, et des articles 4 et 14 des Règles et Usances Uniformes applicables en la cause (RUU 600), les termes d'un crédit sont indépendants de la transaction sous-jacente, même si un crédit se réfère expressément à cette transaction ; qu'au cas présent, pour juger que la lettre de crédit pourrait être mise en oeuvre sur présentation d'une facture concernant une seule des quatre marchandises énumérées par ladite lettre, la cour d'appel a considéré que la lettre devait être lue « dans le contexte du crédit » et, pour caractériser ce contexte, la cour d'appel s'est fondée sur le « cadre du contrat du 26 janvier 2006 conclu entre la société Agence netter et la société SCR expressément visé » ; qu'en statuant ainsi, en méconnaissance du principe d'indépendance de la garantie par rapport au contrat principal prévue par les articles 4 et 14 des RUU 600 et 1er des PBIS, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que la lettre de crédit prévoyait expressément, dans ses dispositions spéciales, que « le règlement sera effectué contre présentation de documents strictement conformes aux termes » (point 47A) ; que, pour
considérer que la banque aurait dû payer sur présentation des documents, la cour d'appel a énoncé que « selon les articles 62 et 63 des Pratiques Bancaires Internationales Standard (...), la description des marchandises figurant sur la facture commerciale doit correspondre à celle donnée par le crédit et il n'est pas nécessaire que l'une reflète exactement l'autre » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la lettre de crédit prévoyait expressément que le règlement ne serait effectué que contre présentation de documents strictement conformes aux termes, la cour d'appel a dénaturé le point 47A de la lettre de garantie, en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'il ressort de l'article 1er des Règles et Usances Uniformes applicables en la cause (RUU 600), qu'en cas de contrariété entre une disposition des Règles et Usances Uniformes ou des Pratiques Bancaires Internationales Standard et les stipulations expresses de la lettre de crédit, ces dernières l'emportent ; qu'au cas présent, la lettre de crédit prévoyait expressément, dans ses dispositions spéciales, que « le règlement sera effectué contre présentation de documents strictement conformes aux termes » (point 47A) ; que, pour considérer que la banque aurait dû payer sur présentation des documents, la cour d'appel a énoncé que « selon les articles 62 et 63 des Pratiques Bancaires Internationales Standard (...), la description des marchandises figurant sur la facture commerciale doit correspondre à celle donnée par le crédit et il n'est pas nécessaire que l'une reflète exactement l'autre » ; qu'en statuant ainsi, cependant que la lettre de crédit prévoyait expressément que le règlement ne serait effectué que contre présentation de documents strictement conformes aux termes, la cour d'appel a méconnu l'article 1er des RUU 600, en violation de l'article 1134 du code civil ;
4°/ que, lorsqu'une lettre de crédit documentaire prévoit le paiement contre présentation d'une facture de livraison de marchandises ainsi désignées « produits alimentaires Fana (huile végétale, sardines, pâtes alimentaires et double concentré de tomate) », l'utilisation de la conjonction « et », et non « ou », implique que la garantie ne peut être mise en oeuvre que contre présentation d'une facture établissant la livraison de toutes les marchandises énumérées ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que l'énumération aurait été « exhaustive » mais pas « cumulative » et que, par suite, la banque aurait été tenue de payer contre présentation d'une facture établissant la livraison d'une seule des quatre marchandises ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé la lettre de crédit, en violation de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que c'est sans se référer aux conditions dans lesquelles le contrat du 26 janvier 2006 a été exécuté mais seulement au contexte dans lequel la lettre de crédit « stand by » a été émise et, par conséquent, sans méconnaître le principe d'indépendance de la garantie par rapport au contrat principal prévu par les articles 4 et 14 des Règles et usances uniformes 600 et 1er des Pratiques bancaires internationales standard, applicables en la cause, que la cour d'appel, par une interprétation, exclusive de dénaturation, des stipulations de la garantie confirmée par la société BIA, rendue nécessaire par leur ambiguïté, a considéré que l'énumération des quatre produits de la marque Fana figurant dans la lettre de crédit « stand by » n'était pas cumulative et que, dans la limite de son montant, la garantie portait indifféremment sur tout ou partie de ces marchandises ; que, par ces appréciations, rendant inopérants les griefs des deuxième et troisième branches, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque BIA aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Agence Netter la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quinze.