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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 16, 19 octobre 2021, n° 20/03074

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

J K

Conseillers :

SCHALLER, ALDEBERT

CA Paris n° 20/03074

18 octobre 2021

I – FAITS ET PROCÉDURE

'' Faits

1-La société ABC INTERNATIONAL C PLC (ci-après la C ABC) est un établissement financier de droit anglais spécialisé dans le financement d'activités liées au commerce international qui dispose d'une succursale en France.

2- La Société Arabe Internationale de Banque (ci-après la banque « SAIB ») est un établissement bancaire égyptien.

3- En octobre 2014 la banque SAIB a demandé à la succursale française de la C ABC d'émettre une garantie de premier rang pour couvrir l'éventuelle défaillance de son client distributeur égyptien de Peugeot, la société Cairo for Développent and Cars Manufacturing (ci-après la société « CDCM »), dans l'exécution du contrat de distribution conclu entre ces deux sociétés.

4-Faisant suite à cette demande la banque SAIB a proposé d'émettre une contre garantie.

5- C'est dans ce contexte que le 13 octobre 2014 la C ABC a émis une garantie à première demande (LG010944) au profit de la société Peugeot pour un montant de 20.000.000 USD, prenant effet le 4 décembre 2014.

6-En contrepartie de l'émission de cette garantie, le 23 octobre 2014, la banque SAIB a émis au profit de la C ABC une contre-garantie référencée LG ARM 5900/14 pour un montant de 20.000.000 USD dans les mêmes termes et conditions.

7-Le 20 février 2018, Peugeot a présenté une demande en paiement à la C ABC représentée par sa succursale en France à hauteur la somme de 17.139.461,36 USD en exécution de sa garantie LG 010944 correspondant selon sa déclaration au montant des factures Peugeot impayées à leur échéance par la société CDCM.

8-Le 26 février 2018 la C ABC a demandé le paiement de la somme a' la banque SAIB en exécution de sa contre-garantie référencée LG ARM 5900/14.

9-Le 28 février 2018 la banque SAIB a contesté devoir s'exécuter au motif qu'après vérification dans

ses comptes,certaines factures avaient déjà été payées.

10-Le 2 mars 2018, la société ABC a procédé au paiement de la somme de 17.139.461,36 de dollars américains a' Peugeot.

11-La banque SAIB a maintenu son refus d'exécuter sa garantie pour la somme demandée reconnaissant devoir seulement la somme de 12.274.963,62 USD au motif que le solde (un montant de 4.864.497,74 USD) avait déjà été payé.

'' Procédure

12- C'est dans ce contexte que par acte du 11 mai 2018, la C ABC a fait assigner la banque SAIB devant le tribunal de commerce de Paris afin de la voir condamner a' lui payer la somme de 17.139.461,36 USD outre des dommages et intérêts pour retard de paiement.

13-Par jugement du 17 octobre 2019, le tribunal de commerce de Paris avec le bénéfice de l'exécution provisoire a:

— dit que la contre-garantie L/G ARM 5900/14 émise par la société ARABE INTERNATIONALE DE BANQUE en faveur de la société de droit anglais ABC INTERNATIONAL C PLC est une garantie a' première demande,

— condamne' la société ARABE INTERNATIONALE DE BANQUE a' payer a' la société ABC INTERNATIONAL C PLC la somme de 17.139.461,36 USD outre des dommages et intérêts correspondant aux intérêts au taux de 2,49669 % a' compter du jour de l'exigibilité du paiement, soit le 26 février 2018, les intérêts étant capitalisés,

— condamne' la société ARABE INTERNATIONALE DE BANQUE a' payer a' la société ABC INTERNATIONAL C PLC la somme de 5.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

— débouté la société ARABE INTERNATIONALE DE BANQUE de ses demandes,

— condamne' la société ARABE INTERNATIONALE DE BANQUE aux dépens.

14-Par déclaration du 10 février 2020, la banque SAIB a interjeté appel du jugement.

II / PRÉTENTIONS DES PARTIES

15-Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 28 juin 2021, la banque SAIB demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de bien vouloir:

— La déclarer recevable et bien fondée en son appel,

En conséquence,

— Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris (3e'me Chambre) rendu le 17 octobre 2019, en ce qu'il a :

'' dit que la contre-garantie L/G ARM 5900/14 e'mise par la socie'te' ARABE INTERNATIONALE DE BANQUE en faveur de la socie'te' de droit anglais ABC INTERNATIONAL C PLC est une garantie a' premie're demande,

'' condamne' la socie'te' ARABE INTERNATIONALE DE BANQUE a' payer a' la socie'te' ABC INTERNATIONAL C PLC la somme de 17.139.461,36 USD outre des dommages et inte'rêts correspondant aux inte'rêts au taux de 2,49669 % a' compter du jour de l'exigibilite' du paiement, soit le 26 fe'vrier 2018, les inte'rêts e'tant capitalise's

'' condamne' la société ARABE INTERNATIONALE DE BANQUE a' payer a' la socie'te' ABC INTERNATIONAL C PLC la somme de 5.000 ' au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile,

''de'boute' la socie'te' ARABE INTERNATIONALE DE BANQUE de ses demandes,

Et, statuant à nouveau :

— Limiter le montant que la C ABC est en droit de re'clamer au titre de la contre-garantie a' la somme de US$ 12.274.963,63, de'ja' paye'e par SAIB,

En conséquence :

— De'bouter la C ABC de sa demande en paiement de la somme de 4.864.497,74 USD indument reçue, avec les inte'rêts paye's par SAIB, et augmente'e des inte'rêts le'gaux jusqu'au jour de paiement.

En tant que de besoin :

— Condamner la C ABC a' lui rembourser la somme de 4.864.497,74 USD indument reçue, avec les inte'rêts paye's par SAIB, et augmente'e des inte'rêts le'gaux jusqu'au jour de paiement.

— Condamner la C ABC a' lui payer la somme de 250.000 euros a' titre de dommages et inte'rêts en re'paration de son pre'judice pour proce'dure abusive et atteinte a' sa re'putation,

— De'bouter la C ABC de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— Condamner la C ABC a' payer a' la Socie'te' Arabe Internationale de Banque la somme de 75.000 euros au titre de l'article 700 du code de proce'dure civile.

— Condamner la C ABC aux entiers de'pens de Premie're Instance et d'Appel.

16-Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 juillet 2021, la C ABC demande à la cour, au visa des articles 1231-6, 1343-3 et 2321 du Code civil et des RUGD 758, de bien vouloir :

A titre principal,

— Juger qu'elle est bien fonde'e a' demander a' la Socie'te' Arabe Internationale de Banque le paiement de 17.139.461,36 USD en exe'cution de la contre-garantie L/G ARM 5900/14;

— Rejeter tout argument tire' du contrat de base conclu entre Automobiles Peugeot et CDCM invoque' par la Socie'te' Arabe Internationale de Banque pour s'opposer au paiement;

Par conséquent,

— Confirmer le jugement du 17 octobre 2019 en toutes ses dispositions;

— Confirmer la condamnation de la Socie'te' Arabe Internationale de Banque de lui payer la somme

de 17.139.461,36 USD, outre des dommages et inte'rêts correspondant aux inte'rêts au taux de 2,49669% a' compter du jour de l'exigibilite' du paiement, soit le 26 fe'vrier 2018, et ce jusqu'a' son paiement, les inte'rêts e'tant capitalise's, sauf a' parfaire;

A titre subsidiaire,

— Condamner la Socie'te' Arabe Internationale de Banque a' payer a' ABC INTERNATIONAL C PLC la somme de 17.139.461,36 USD, outre les inte'rêts au taux le'gal a' compter du jour de l'exigibilite' du paiement, soit le 26 fe'vrier 2018, et jusqu'a' la date du complet paiement des sommes dues, les inte'rês e'tant capitalise's, sauf a' parfaire;

En tout état de cause,

— De'bouter la Socie'te' Arabe Internationale de Banque de toute demande, en ce compris au titre du remboursement de 4.864.497,74 USD et au paiement de dommages et inte'rêts en re'paration de son pre'judice pour proce'dure abusive et atteinte a' sa re'putation;

— Condamner la Socie'te' Arabe Internationale de Banque a' lui payer la somme de 85.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de proce'dure civile et la condamner aux entiers de'pens;

17- Les parties ont accepté le protocole de procédure applicable à la chambre commerciale internationale.

18- La clôture de l'instruction a été prononcée le 31 août 2021.

III/ MOYENS DES PARTIES

19- La société SAIB fait valoir en substance qu'abstraction faite de l'appellation donnée à la garantie, elle a émis une contre garantie qui est une Lettre de crédit Stand By ( SLBC) et qu'il fallait présenter les factures et les connaissements correspondants établis au nom de la banque émettrice 'marqués à notifier l'importateur' pour mettre en 'uvre la garantie, ce qui n'a pas été fait.

20- A l'appui de son refus de payer, elle oppose en premier lieu le droit de vérifier les documents produits suivant les dispositions de la convention des Nations Unies sur les Garanties Indépendantes et les Lettres de Crédit Stand-by endossées par la CCI le 21 juin 1999 en particulier les dispositions des articles 16 et 19 qui visent l'examen de la demande et les exceptions à l'obligation de paiement.

21-A ce titre elle soutient, sans méconnaître que la garantie est autonome et indépendante du contrat de base :

— qu'il fallait présenter les factures et les connaissements (B/L) correspondants, établis au nom de la banque émettrice (SAIB), marqués «à notifier l'importateur», et prouver la créance au moyen de documents conformes ;

— que la modification intervenue le 14 novembre 2014 dispensant Peugeot d'avoir à produire les copies des factures et des connaissements n'a pas remis en cause les termes de la contre garantie qui obligeaient les parties à citer les documents pour vérification ;

— que la déclaration de Peugeot contenait des factures précédemment acquittées pour un montant de 4.864.497,74 de dollars américains, dont la preuve ressort de ses propres livres dont elle peut se prévaloir conformément à l'article 2 des Règles Uniformes de Garantie ;

— que certaines factures étaient déjà payées et en réalité la garantie ne couvrait pas la défaillance du débiteur CDCM ;

— que sous couvert de documents prétendument conformes la C ABC en connaissance de cause a payé sur une fausse déclaration du bénéficiaire en vue d'obtenir le paiement une deuxième fois de certaines factures ;

— que ce comportement revêt un caractère frauduleux l'autorisant en second lieu à refuser d'exécuter sa contre garantie, conformément à ce qui est convenu sur le plan international et notamment l'article 19-1 de la Convention des Nations Unies précitée.

22- A cet égard elle demande de constater que la fraude du bénéficiaire est manifeste et que la C ABC, sans écouter ses avertissements a commis une faute, pour ne pas dire une complicité de fraude en payant le bénéficiaire contre les termes convenus dans la garantie dont elle doit réparation et rembourser en conséquence le trop-perçu.

23- Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive, la banque SAIB fait valoir que l'action entreprise par la C ABC et la procédure qui s'en est suivie est abusive dans la mesure où la banque SAIB a dû comparaitre devant un tribunal situé sur un autre continent, que la C ABC a pratiqué des saisies sur ses comptes bancaires, causant un préjudice irréparable à sa réputation dans le milieu bancaire international.

24- En réponse, la C ABC fait valoir que la contre – garantie émise par la banque SAIB est une garantie à première demande régie par les Règles Uniformes relatives aux Garanties sur Demande éditées par la Chambre de commerce internationale (« RUGD 758 ») et le droit français; que peu importe la qualification de l'acte, il s'agit en tout état de cause d'une garantie autonome par rapport au contrat de base.

25- Elle soutient sur le fondement de l'indépendance de la garantie et de la contre garantie par rapport au contrat de base qu' :

— elle était tenue de payer Peugeot sur la base de la présentation des documents conformes sans pouvoir discuter ou retarder le paiement pour quelque raison que ce soit et qu'en exécution de la contre-garantie, la banque SAIB était tenue de lui payer à première demande écrite les montants versés par celle-ci au bénéficiaire.

— il n'appartenait pas à la banque SAIB de vérifier si les sommes étaient bien dues selon le contrat de base,

— les exceptions tirées du contrat de base devront, le cas échéant, faire l'objet d'une action du donneur d'ordre, CDCM, contre le bénéficiaire, ici Peugeot, mais ne peuvent pas faire obstacle au paiement.

26- Elle conteste en outre l'inexactitude de la déclaration des factures impayées de Peugeot et partant toute faute ou mauvaise foi de sa part en faisant observer que les sommes correspondant aux factures dont le paiement a été réclamé sous la garantie par Peugeot tiennent compte des paiements partiels intervenus écartant le prétendu risque de payer deux fois.

27- Enfin elle s'oppose à la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et sollicite en principal la confirmation de la décision qui lui a accordé des intérêts au taux du Libor de 2, 49669 % pour compenser le retard dans le paiement depuis son exigibilité soit 26 février 2018, subsidiairement que la somme à laquelle la banque SAIB sera condamnée soit assortie du taux d'intérêt légal en ordonnant la capitalisation des intérêts.

IV/ MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la loi applicable

28-Conformément à l'article 3 du Règlement CE n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Rome I, 'le contrat est régi par la loi choisie par les parties'.

29- Selon le considérant 13 dudit règlement qui « n'interdit pas aux parties d'intégrer par référence dans leur contrat un droit non étatique ou une convention internationale » les parties peuvent renvoyer par stipulation expresse à un ordre juridique non étatique telles que des codifications privées.

30-Cependant cette référence ne peut valoir choix d'une loi pour régir les relations contractuelles.

31- Il convient donc de déterminer en premier la loi étatique applicable.

32- En l'occurrence il ressort respectivement des termes de la garantie LG 0109944 émise par la C ABC en faveur de la société Automobiles Peugeot à Paris le 24 octobre 2014 et de la contre-garantie ARM 'LG 5900/14 émise par la banque SAIB en faveur de la C ABC le 23 octobre 2014 que les parties ont fait le choix de la loi française applicable.

33-Il est en effet expressément stipulé par chaque document:

— LG 0109944 «[…] » soit « cette garantie est soumise au droit français- les tribunaux de Paris sont compétents » -ARM LG 5900/14 « This counterguarantee shall be governed by and construed under the applicable laws of France. Any dispute that may arise in connection therewith shall be submitted to the Paris Courts ' soit « cette contre-garantie doit être régie et interprétée selon la loi française- tous les litiges en relation avec celle-ci devront être soumis aux tribunaux de paris » ;

34-Il convient dès lors d'appliquer la loi française au présent litige.

35-Le rattachement de l'engagement à la loi française ne fait pas obstacle à l'application des Régles Uniformes de Garanties sur Demande- publication 758- RUGD- auxquelles les parties ont expressément fait référence dans l'acte de sorte que ces règles sont entrées dans le champ contractuel et opposables aux parties ce qu'elles ne contestent pas.

36- En revanche aucun renvoi n'étant fait pas les parties à la convention des Nations unies sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit Stand by citée par la banque SAIB dont l'application est soumise à la volonté des parties, il ne sera pas fait application de ces dispositions au litige.

Sur la qualification de la contre-garantie

37-Si les parties sont en désaccord sur la qualification de l'engagement à retenir, garantie à première demande ou lettre de crédit Stand By (SLBC), elles reconnaissent que leur engagement est une garantie autonome indépendante du contrat de base ou du contrat sous-jacent.

38- La définition d'une garantie autonome en droit français est donnée par l'article 2321 du code civil qui énonce que :

«La garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues. Le garant n'est pas tenu en cas d'abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre. Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie. Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie. »

39- Cette définition ne diffère pas de celle donnée par l'article 5 des Règles Uniformes RUGD758

«indépendance de la garantie et de la contre garantie » selon lequel :

''La garantie est par sa nature indépendante de la relation sous -jacente et des demandes et le garant n'est en aucune façon concerné ou engagé par ces relations ; ( ')

Une contre garantie est par sa nature, indépendante de la garantie, de la relation sous-jacente, de la demande de toute autre contre garantie à laquelle elle se réfère et le contre garant n'est en aucune façon concerné ou engagé par cette relation. Toute référence à la relation sous-jacente qui est faite dans la contre-garantie en vue de l'identifier n'affecte pas la nature indépendante de la contre-garantie. Le contre-garant tenu de payer en vertu de la contre-garantie ne peut faire opposer des exceptions découlant d'une quelconque relation autre qu'une relation entre le contre-garant et le garant ou un autre contre garant en faveur duquel la contre garantie est émise. ''

39-Il n'est pas discuté que la lettre de crédit Stand by est une variante anglosaxonne de la garantie autonome dans la mesure où elle est indépendante de la transaction principale et que le bénéficiaire n'a pas à prouver l'inexécution.

40-Elle n'est soumise à aucune législation particulière et suit le régime des lois de portée générale applicables aux lettres de crédit lorsqu'une telle législation existe.

41-Il convient de rechercher la qualification de l'engagement.

42-En l'espèce il n'est pas contesté que c'est à la demande de la banque SAIB que la C ABC a émis une garantie (LG010944) au profit de Peugeot (bénéficiaire) dans le cadre d'un contrat conclu entre Automobiles Peugeot et CDCM ( importateur en Egypte et donneur d'ordre) destiné à la fourniture de véhicules et pièces de rechange et de service pour un montant de 20.000.000 USD.

43- Cette garantie est devenue effective le 4 décembre 2014, après la résiliation d'une garantie précédemment émise par Al-A B C.

44-Selon les termes de la Garantie émise (LG010944) par la C ABC dont la traduction libre n'est pas contestée, la banque s'est engagée dans les termes suivants au profit de la société Automobiles Peugeot:

— «la garantie bancaire est fournie à titre de garantie pour les paiements dus pour la fourniture de véhicules, pièces de rechange et de services (tout document de transport doit être émis à l'ordre de la société SAIB marquée notifier l'importateur»

-«sur ordre de la CDCM nous nous engageons irrévocablement et inconditionnellement à payer à Automobiles Peugeot à première demande, indépendamment de la validité et des effets du contrat conclu entre Automobiles Peugeot et CDCM Egypte et renonçant à tous droits de discussion et de défense en relation avec celui-ci, toute somme dans la limite de 20000 000,00 USD. »

- sur présentation par Peugeot d'une demande de paiement signée, indiquant que :

1 -"(A) la marchandise a été livrée conformément au contrat

(B) Le paiement n'a pas été reçu lors de son exigibilité pour le montant réclamé sous la garantie

La déclaration des factures exigibles indiquant le montant et la date des factures ainsi que les dates et numéros des connaissements correspondants."

2- une copie des B/L émis à l'ordre de la SAIB comportant l'indication notifiée à l'importateur avec les factures y afférentes».

45-En contrepartie de l'émission de garantie en faveur de Automobiles Peugeot, la banque SAIB a par message intitulé « contre garantie SAIB L/G ARM 5900/14» indiqué le 13 octobre 2014 qu'elle s'engageait en faveur de la C ABC dans ces termes:

« en contrepartie de l'émission par vos soins de la contre garantie précitée, nous nous engageons par la présente irrévocablement et inconditionnellement de payer à première demande écrite par message swift toute somme dans la limite de 20 000 000 ,00 USD ( vingt millions USD) outre les commissions, intérêts, impôts et frais qu'il vous a été demandé de payer au bénéficiaire Automobiles Peugeot, dans les termes de votre propre contre-garantie ».

46-Il résulte ainsi de ce qui précède que la banque SAIB en s'engageant de manière irrévocable et inconditionnelle dans les mêmes conditions et termes de la garantie de la C ABC et en renonçant à se prévaloir de tout argument en lien avec le contrat sous jacent conclu entre Peugeot et CDCM a consenti une garantie à première au sens des dispositions de l'article 2321 du code civil.

47- Aucun élément contraire à cette appellation, qui figure dans l'acte, ne démontre qu'il s'agirait en réalité d'une lettre de crédit Stand by. Il est par ailleurs observé que l'acte soit qualifié de garantie à première demande ou de lettre de crédit standby, l'engagement demeure soumis au droit français en se rattachant aux Règles Uniformes de Garantie -758- dont la caractéristique majeure est l'inopposabilité des exceptions.

48-Il convient donc d'examiner le refus d'exécuter de la contre garante au regard du droit français et de la codification des Règles Uniformes de Garantie n°758.

Sur le refus opposé par la banque SAIB à exécuter le paiement

Sur le caractère conforme de l'appel en garantie:

49- La banque SAIB sans remettre en cause le caractère indépendant de la garantie par rapport au contrat de base, ici le contrat de fournitures entre Peugeot et CDCM, conteste que l'appel en garantie ait répondu aux conditions posées par les parties.

50- Il n'est pas contesté qu'en vertu du principe de la liberté contractuelle les conditions sont posées par les parties.

51- Il convient donc d'examiner si la garantie a été régulièrement appelée selon les modalités déterminées par celle-ci.

52- En l'occurrence, il n'est pas discuté que selon les stipulations de l'acte, la garantie de premier rang émise par la C ABC était subordonnée à la seule présentation des documents mentionnés dans l'engagement à savoir une déclaration de Peugeot comportant les informations requises étant observé que les parties avaient renoncé à produire les connaissements et les factures.

53- En effet si les termes de la Garantie qui prévoyaient initialement que Peugeot Automobiles devait présenter une copie des connaissements et des factures , ils ont été amendés le 14 novembre 2014 à la demande de la banque SAIB ( qui par ailleurs était en possession des connaissements), pour n'exiger plus qu'une déclaration mentionnant les factures exigibles, avec indication du montant et de la date des factures, ainsi que des dates et numéros des connaissements qui a été fournie.

54- Or la société Peugeot a régulièrement produit à l'appui de sa demande en paiement la déclaration selon laquelle les factures des marchandises livrées conformément au contrat, pour un montant de 17 139 461, 36 USD étaient impayées à leur échéance selon le listing des factures exigibles avec indication du montant et de la date des factures, ainsi que des dates et numéros des connaissements conformément à ce que les parties avaient convenu.

55- Contrairement à ce que soutient l'appelante, la vérification du document tendant à remettre en cause le montant réclamé au motif que certaines factures auraient été payées antérieurement, ne peut pas faire échec à la demande en paiement puisqu'il revient à discuter de ce que devait le débiteur et à réintroduire dans le débat sous couvert de la conformité des documents, l'opposabilité des exceptions qui ne peut affecter la garantie quelle que soit sa qualification.

56- Il y a donc lieu de retenir que la mise en 'uvre de la garantie de premier rang puis de la contre- garantie au vu des éléments produits étaient manifestement conformes aux conditions prévues par les parties dans leur engagement et que le motif tiré de l'inexactitude du montant dû par CDCM vérifié par l'appelante ne pouvait faire échec à la demande en paiement.

Sur l'exception de fraude

58-En application de l'alinéa 2 de l'article 2321 du code civil, le garant ne peut être tenu en cas d'abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion du bénéficiaire avec le donneur d'ordre.

59-Lorsqu'est en cause non pas l'appel du garant de premier rang, mais l'appel par celui-ci du contre-garant, l'abus, la fraude ou la collusion du bénéficiaire final ne peut être pris en compte par le juge que si est établie la connaissance qu'en avait le garant

60-Or en l'espèce à supposer que le caractère frauduleux ou abusif de l'appel en garantie soit établi ce qui est sérieusement contesté par l'intimée qui soutient que les factures au soutien de l'appel en garantie tenaient compte des paiements partiels intervenus, rien ne démontre que le garant au moment de l'appel en garantie avait connaissance d'un abus ou d'une fraude ou d'une collusion avec le bénéficiaire.

61-Cette connaissance n'est en effet pas établie par le seul courrier de la banque SAIB informant la C ABC en retour de l'appel en garantie le 28 février 2018 « avoir trouvé une différence entre le solde impayé et le montant de la demande » qui n'est pas en soi une preuve d'un comportement frauduleux ou abusif. Cette prétendue révélation comme indiqué précédemment était en outre une exception inopposable à la mise en 'uvre de l'engagement dont l'établissement bancaire de premier rang ne pouvait pas tenir compte.

62-Il résulte de ces énonciations et constatations qu'en exécutant le paiement au vu des éléments requis la C ABC n'a pas agi de manière frauduleuse ni commis de faute en conséquence de quoi la banque SAID, tenue dans les mêmes termes et conditions, ne pouvait pas refuser l'exécution de sa contre garantie pour les motifs opposés.

63-Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la banque SAIB au paiement de la somme demandée assortie des intérêts de retard retenus qui ne sont pas discutés et l'a déboutée de sa demande en procédure abusive et dans toutes ses autres dispositions.

64- Il y a lieu de condamner la banque SAIB qui succombe, aux dépens et à payer à la C ABC qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 10 .000 euros.

V/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour,

1-Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce le 17 octobre 2019 dans toutes ses dispositions;

2-Condamne la société Arabe internationale de banque (SAIB) à payer à la société ABC International C la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

3- La condamne aux dépens.

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