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Décisions

Cass. com., 17 mars 2004, n° 02-18.092

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

TRICOT

Cass. com. n° 02-18.092

16 mars 2004

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 3 avril 2002), rendu sur renvoi de cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 27 février 2001, pourvoi n° Q 98-16.160), que, sur ordre de la Compagnie des signaux et d'équipements électriques (CSEE), la Banque nationale de Paris (BNP) a donné sa contre-garantie au Crédit populaire d'Algérie (CPA), lequel a souscrit des garanties de bonne exécution et de restitution d'acomptes au profit de la Wilaya de Tizi Ouzou ; que la Wilaya a mis en jeu les garanties du CPA ; que celui-ci a appelé les contre-garanties de la BNP et réitéré ses demandes les 18 mai 1993 et 27 octobre 1994 ; que, par des décisions judiciaires devenues irrévocables, les demandes de la CSEE tendant à ce qu'il soit fait défense à la BNP de payer les contre-garanties appelées par le CPA ont été rejetées ; que la CSEE a adressé au CPA, qui a reçu l'information le 13 juin 1991, notification d'une sentence arbitrale imputant la responsabilité de la résiliation du marché conclu avec la Wilaya à celle-ci ; qu'invoquant la sentence arbitrale d'où il découlerait que le montant de la garantie ne serait pas dû à la Wilaya, ainsi que l'absence de stipulation d'autonomie dans les garanties accordées à cette Wilaya par le CPA, ce pour quoi ce dernier devait, selon la CSEE, opposer à la réclamation reçue par lui l'exception d'indu, cette compagnie a formé contre l'établissement bancaire algérien une demande

judiciaire en dommages et intérêts pour le montant correspondant au paiement de la BNP, majoré de 200 000 francs et des intérêts ;

Attendu que le CPA fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable et bien fondé la demande indemnitaire formée par la CSEE pour appel abusif par le garant de premier rang des contre-garanties consenties par la BNP et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à l'entreprise la somme de 11 777 578,55 francs, outre intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 1994, et 50 000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble causé par l'appel des contre-garanties, alors, selon le moyen :

1 / que l'engagement du contre-garant étant indépendant de la garantie de premier rang comme du contrat de base, son débiteur est en droit, sans avoir à fournir de justification ni à procéder à des investigations, d'appeler la contre-garantie du garant de second rang qui a souscrit envers lui un engagement autonome, quelle que soit la nature ou la validité de celui qu'il a lui-même pris au profit du bénéficiaire, et ce droit ne cède que devant la preuve de la fraude ou de l'abus manifeste, lesquels ne résultent pas de ce que le garant de premier rang, simple caution, n'aurait pas vérifié la réalité de la créance du bénéficiaire sur le donneur d'ordre ; qu'en décidant, pour le condamner à payer à l'entreprise des dommages-intérêts égaux aux sommes versées par le garant de second rang, que l'appel de la contre-garantie était abusif dès lors que, simple caution, le garant de premier rang devait s'assurer que le donneur d'ordre était bien débiteur du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1382 du Code civil ;

2 / que le principe de l'autorité de la chose jugée, général et absolu, s'attache même aux décisions erronées, quels que soient les vices qui les entachent, et, en particulier, la production de nouvelles preuves ne peut la remettre en question ; qu'en retenant que l'ensemble des procédures engagées antérieurement au 28 mai 1991 l'avaient été dans l'ignorance de la sentence arbitrale en sorte que les procédures au fond étaient sans effet sur la recevabilité de la demande actuelle, se dispensant par-là même d'apprécier quelle pouvait être la portée des décisions rendues sur le fond antérieurement entre les mêmes parties et, plus spécialement, celle du jugement du 30 mars 1989 confirmé par arrêt du 27 novembre 1990, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;

3 / qu'il faisait valoir que la référence dans les actes par lesquels il avait accordé sa garantie aux engagements de contre-garantie était déterminante et permettait de conclure que ses engagements à l'égard du maître de l'ouvrage étaient, comme ceux du garant de second rang à son égard, des actes autonomes dès lors qu'il les avait souscrits à la demande même du contre-garant ; qu'en délaissant ces conclusions déterminantes pour la solution du litige, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / que la preuve de la nature de la garantie souscrite par le garant de premier rang comme par le contre-garant peut résulter du comportement du donneur d'ordre ; qu'en l'espèce, il faisait valoir que, pendant plus de dix ans, des procédures tant en référé qu'au fond avaient opposé l'entreprise à lui-même, garant de premier rang, et à la banque contre-garante, ayant pour seul objet de faire juger que l'appel des contre-garanties était frauduleux ou abusif et pour faire défense au contre-garant de payer ou, lorsqu'il avait dû régler en exécution de décisions de justice définitives, pour le contraindre à lui rembourser les sommes versées, qu'au cours de toutes ces procédures le donneur d'ordre avait toujours admis que l'engagement de premier rang pris lui-même à l'égard du bénéficiaire était bien un engagement autonome et que c'était le premier juge qui l'avait d'office requalifié en cautionnement ;

qu'en délaissant de telles conclusions tirées de la reconnaissance par le donneur d'ordre de la nature de l'engagement souscrit par lui au profit du bénéficiaire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance des prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que le CPA ne s'est pas prévalu, devant la cour d'appel, de l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions des 30 mars 1989 et 27 novembre 1990 ; que le moyen tiré de la violation de la chose jugée est donc nouveau, et mélangé de droit et de fait, irrecevable ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt constate que, selon les actes des 23 avril et 23 mai 1983, le CPA a émis des garanties où il précise qu'à sa demande, il "paiera à la Wilaya les sommes dont la CSEE serait reconnue débitrice", qu'il a inscrit la mention manuscrite "bon pour caution personnelle et solidaire", qu'aucun autre terme des engagements ne fait référence à leur autonomie par rapport au contrat de base et que l'engagement n'est déclaré ni irrévocable ni inconditionnel, le CPA ne s'étant pas engagé à payer sans pouvoir opposer les exceptions inhérentes au contrat de base ; qu'il relève encore que la seule référence à la contre-garantie accordée au CPA par la BNP ne suffit pas à permettre une qualification autre que celle expressément donnée par le garant, la garantie et la contre-garantie pouvant revêtir des natures différentes même en matière de commerce international ; qu'en l'état de ses constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a répondu à l'argumentation prétendument délaissée, a justement retenu que les parties, par des actes clairs et précis, avaient qualifié la nature des engagements de premier rang, peu important alors le comportement ultérieur du donneur d'ordre, et qu'en l'absence de toute référence à l'autonomie des engagements souscrits par rapport au contrat de base, la garantie était un engagement accessoire de caution ;

Et attendu enfin, qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le CPA, caution de premier rang, avait renouvelé son appel des contre-garanties de la BNP le 18 mai 1993 et le 27 octobre 1994 en pleine conscience du caractère abusif de l'appel de garantie de la Willaya, puisqu'il avait connaissance le 13 juin 1991 de la sentence arbitrale ayant dit que cette dernière avait procédé à l'appel des garanties en violation manifeste du contrat et l'ayant condamnée à payer à la CSEE les sommes qui auraient été versées au titre des garanties, et qu'il avait effectué le paiement en se dispensant d'obtenir de la Willaya la justification de l'existence d'une créance liquide et exigible à l'encontre de la CSEE, la cour d'appel a légalement justifié sa décision selon laquelle le CPA avait engagé sa responsabilité à l'égard de la CSEE, qui a dû rembourser la BNP ;

D'où il suit qu'irrecevable en sa deuxième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le Crédit populaire d'Algérie aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : condamne le Crédit populaire d'Algérie à payer à la société CS Communication et systèmes la somme de 2 000 euros et à la BNP-Paribas celle de 800 euros ;

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