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Décisions

Cass. com., 9 mars 2022, n° 19-24.990

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mollard

Rapporteur :

Guerlot

Cass. com. n° 19-24.990

8 mars 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 janvier 2019) et les productions, par un acte du 28 janvier 2008, la société Ria Normandie (la société Ria), dont M. [Y] était le gérant, a ouvert un compte auprès de la société Sonen pour la fourniture de matériaux. Par un acte du 18 octobre 2010, intitulé « garantie à première demande », M. [Y] et Mme [D] se sont engagés, pour le compte de la société Ria, à payer à la société Sonen tout montant dans la limite de 60 000 euros, puis, par un acte du 1er février 2011, également intitulé « garantie à première demande », ils ont pris un engagement similaire dans la limite de 20 000 euros.

2. La société Ria ayant été placée en redressement puis liquidation judiciaires, la société Sonen a assigné en paiement M. [Y] et Mme [D], qui ont contesté la qualification de garantie à première demande de leurs engagements, alléguant qu'il s'agissait de cautionnements.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. M. [Y] fait grief [à l'arrêt] de le condamner solidairement avec Mme [D] à payer à la société Sonen la somme de 69 342,79 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2013, alors :

« 2°/ que la qualification de garantie à première demande ne peut être retenue que lorsqu'il est établi que cette garantie, contrairement au cautionnement, est totalement autonome de l'engagement principal ; qu'en retenant, pour qualifier les engagement souscrits par Mme [D] et M. [Y] de garantie à première demande, que ces derniers s'étaient engagés irrévocablement et inconditionnellement à payer à la société Sonen, indépendamment de la validité et des effets juridiques des liens existant entre la société Sonen et la société Ria, à première demande et sans contestation, tout en constatant que les deux actes litigieux énonçaient qu' "en cas de dénonciation, le garant restera tenu des sommes dues par le débiteur garanti au bénéficiaire, résultant de factures échues ou à échoir, à la date de prise d'effet de la dénonciation", de sorte qu'un lien était établi entre la dette de la société Ria, débiteur garanti, et l'engagement des garants, excluant le caractère autonome de la garantie souscrite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations et violé l'article 2321 du code civil ;

3°/ que la qualification de garantie à première demande ne peut être retenue que lorsqu'il est établi que cette garantie, contrairement au cautionnement, est totalement autonome de l'engagement principal ; qu'en retenant, pour qualifier les engagements souscrits par Mme [D] et M. [Y] de garantie à première demande, que ces derniers s'étaient engagés irrévocablement et inconditionnellement à payer à la société Sonen, indépendamment de la validité et des effets juridiques des liens existant entre la société Sonen et la société Ria, à première demande et sans contestation, tout en constatant que les deux actes litigieux ne prévoyaient pas le montant de la garantie à l'avance, seule une somme maximale étant prévue, de sorte que l'engagement souscrit par l'exposant avait pour objet la propre dette du débiteur ou les sommes dues par celui-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 2231 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2321, alinéa 1er, du code civil :

5. Il résulte de ce texte, qui dispose que la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant les modalités convenues, que le garant s'oblige à payer la dette d'un tiers de manière autonome au regard du contrat de base et que son obligation a un objet distinct de celle du débiteur principal.

6. Pour rejeter la demande de requalification en cautionnement des engagements souscrits par M. [Y] et Mme [D], l'arrêt relève qu'il ressort des termes des actes des 18 octobre 2010 et 1er février 2011 qu'ils se sont engagés irrévocablement et inconditionnellement à payer à la société Sonen, à première demande de celle-ci, indépendamment de la validité et des effets juridiques des liens existant entre elle et la société Ria et sans faire valoir d'exception ou d'objection résultant desdits liens contractuels ou d'une quelconque contestation y afférente, toute somme jusqu'à concurrence de la somme de 60 000 euros, pour le premier acte, et de 20 000 euros, pour le second, la modification ou la disparition des liens ou des rapports de fait ou de droit pouvant exister entre le débiteur garanti et la société Sonen ne pouvant dégager les garants. Il ajoute, par motifs adoptés, qu'en garantissant le paiement de sommes dues au titre de factures à échoir émises à l'égard de la société Ria, ils ont accepté de garantir des sommes dont la société Sonen n'aurait pas pu exiger le paiement par la société Ria, dès lors qu'elles n'étaient pas échues. L'arrêt en déduit que la garantie consentie par M. [Y] et Mme [D] dans chacun de ces actes est indépendante des liens entre la société Ria, débiteur principal, et la société Sonen.

7. En statuant ainsi, après avoir relevé, par motifs adoptés, que les actes litigieux stipulaient qu'en cas de dénonciation, le garant resterait tenu des sommes dues par le débiteur garanti au bénéficiaire, résultant de factures échues ou à échoir, à la date de prise d'effet de la dénonciation, ce dont il résultait que les engagements de M. [Y] et Mme [D] avaient pour objet de garantir à la société Sonen le paiement, non pas d'une somme déterminée, mais de celles que pourrait lui devoir la société Ria au moment de l'appel de la garantie et qu'ils constituaient, dès lors, des cautionnements, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Laisse à Mme [D] la charge des dépens par elle exposés ;

Condamne la société Sonen aux autres dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de Mme [D] et de la société Sonen et condamne cette dernière à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.

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