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Décisions

Cass. 2e civ., 13 décembre 2018, n° 17-22.624

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

FLISE

Cass. 2e civ. n° 17-22.624

12 décembre 2018

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... et la société Segca, courtiers en assurances, ont souscrit une garantie financière à effet au 1er janvier 2004 auprès de la société Covea risks conformément aux dispositions de l'article L. 530-1 du code des assurances, alors applicable ; que huit sociétés de promotion immobilière appartenant au groupe Immo finances, ont souscrit pour chacun de leurs programmes réalisés, des polices d'assurance « constructeur non réalisateur » et « dommages-ouvrage » auprès de sociétés d'assurance, par l'intermédiaire de M. Z... ou de la société Segca, dont M. Z... détenait la moitié du capital social ; qu'en mars 2009, ces sociétés ont découvert que M. Z... et la société Segca n'avaient pas représenté aux sociétés d'assurance concernées les primes payées par chèques adressés à ces derniers en 2006 et 2007 ; qu'en raison de la défaillance des courtiers et après mises en demeure infructueuses de rembourser les primes non représentées, les sociétés du groupe Immo finances ont obtenu en référé la condamnation in solidum de M. Z..., la société Segca et la société Covea risks, en sa qualité de garant financier, au paiement d'une indemnité provisionnelle dont la société Covea risks s'est acquittée le 10 mai 2010 ; que par arrêt du 29 juin 2015, M. Z... a été notamment déclaré coupable d'abus de confiance et d'usage de quatre chèques falsifiés ; que parallèlement, la société Covea risks, aux droits de laquelle se trouvent les sociétés MMA IARD SA et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), invoquant sa subrogation dans les droits et actions des sociétés du groupe Immo finances et les fautes délictuelles des établissements bancaires teneurs des comptes de ces sociétés à l'occasion de la vérification des chèques encaissés par M. Z..., a assigné le 17 juin 2011 la société Crédit agricole et la société Banque populaire du Sud en responsabilité et indemnisation ; que la société Crédit agricole corporate et investment bank (la société Cacib) est intervenue volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que les sociétés MMA font grief à l'arrêt de confirmer le jugement, en ce qu'il a dit que la société Covea risks était irrecevable à agir contre la société Banque populaire du Sud et la société Cacib car elle ne justifiait d'aucune subrogation légale ou conventionnelle, et l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, alors, selon le moyen, que le juge, qui déclare une action irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant au fond sur cette action ; qu'en confirmant le jugement en ce qu'il avait débouté la société Covea risks de l'intégralité de ses demandes, après avoir dit qu'elle était irrecevable à agir contre la société Banque populaire du Sud et la société Cacib car elle n'aurait justifié d'aucune subrogation légale ou conventionnelle, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 122 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a tranché deux contestations différentes en déclarant irrecevable le recours subrogatoire de la société Covea risks et en la déboutant ensuite de son action personnelle en responsabilité contre les banques n'a pas, en dépit d'une maladresse d'expression, excédé ses pouvoirs ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches et sur le second moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche qui est recevable comme étant de pur droit :

Vu les articles L. 443-1 et L. 530-1 du code des assurances dans leur rédaction applicable ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que les entreprises d'assurance habilitées à pratiquer les opérations de caution ayant fourni un cautionnement, un aval ou une garantie, que ces derniers soient d'origine légale, réglementaire ou conventionnelle, disposent de plein droit et dans tous les cas d'un recours contre le client donneur d'ordre de l'engagement, ses coobligés et les personnes qui se sont portées caution et, pour les paiements effectués au titre de leur engagement, de la subrogation dans les droits du créancier prévue au 3° de l'article 1251 du code civil ;

Attendu que pour dire que la société Covea risks est irrecevable à agir contre la société Banque populaire du Sud et la société Cacib, car elle ne justifie d'aucune subrogation légale ou conventionnelle, l'arrêt retient que la garantie financière professionnelle est une garantie autonome en vertu de laquelle le garant paie sa propre dette ; que la société Covea risks qui, en sa qualité de garant financier, était tenue dans ses rapports avec M. Z... et la société Segca de la charge définitive de la dette qu'elle a acquittée auprès des sociétés du groupe Immo finances à la suite de la défaillance des courtiers, a rempli une obligation qui lui est propre et n'a pas payé la dette d'autrui au sens de l'ancien article 1251-3° du code civil ; qu'il s'ensuit que les demandes faites par la société Covea risks, aux droits de laquelle se trouvent les sociétés MMA, en qualité de subrogée aux droits et actions des sociétés du groupe Immo finances, sont irrecevables, faute de qualité et d'intérêt à agir à ce titre ;

Qu'en statuant ainsi, sans faire application de l'article L. 443-1 du code des assurances, introduit par l'article 26 de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, qui a un caractère interprétatif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que pour dire que la société Covea risks « n'a subi aucun préjudice visé à l'article 1382 du code civil » et la débouter de l'intégralité de ses demandes, l'arrêt retient que le préjudice dont il est demandé réparation n'est que la conséquence de l'exécution de la garantie financière professionnelle accordée moyennant le versement de primes à M. Z... et à la société Segca qui se sont trouvés défaillants dans l'exercice de leurs fonctions de courtiers en ne procédant pas au remboursement des sommes qui leur étaient réclamées par leurs clients ; que le fait que les chèques envoyés par ces derniers aient été libellés au nom des assureurs et encaissés sur les comptes bancaires des courtiers est sans incidence sur la mobilisation de la garantie financière due en raison de la non-représentation des fonds, peu important le procédé mis en oeuvre par les courtiers indélicats, notamment des encaissements frauduleux de chèques ; que la société Covéa risks a réglé les souscripteurs lésés en vertu de la garantie financière consentie aux courtiers pour avoir non pas encaissé des chèques avec l'intervention des banques mais pour avoir détourné à leur profit les primes qu'ils n'ont pas représentées dans le mois de la mise en demeure prévue à l'article R. 521-16 du code des assurances ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a relevé que les indemnités provisionnelles versées par la société Covea risks aux sociétés du groupe Immo finances résultaient du contrat de garantie financière exécuté en raison de la défaillance des courtiers et qu'elle ne subissait en conséquence aucun préjudice en lien avec les manquements contractuels imputés aux banques au titre des obligations de vigilance et de vérification dont elles étaient tenues envers ces sociétés ; que les demandes des sociétés MMA, venant aux droits de la société Covea risks, sont infondées sur le terrain de la responsabilité délictuelle ;

Qu'en statuant ainsi alors d'une part que la perte financière liée à la mobilisation de sa garantie constituait pour la société Covea risks un préjudice indemnisable, d'autre part, qu'à les supposer établies, il existait un lien de causalité direct et certain entre ce préjudice et les fautes imputées aux banques consistant en un manquement à leur obligation de vigilance et de vérification des chèques de règlement des primes détournées, sans la réalisation desquelles le dommage ne se serait pas produit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nimes ;

Condamne les sociétés Banque populaire du Sud et Crédit agricole corporate et investment bank aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Banque populaire du Sud et Crédit agricole corporate et investment bank ; les condamne à payer aux sociétés MMA IARD SA et MMA IARD assurances mutuelles la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille dix-huit.

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