CA Nancy, 5e ch., 26 octobre 2022, n° 21/01894
NANCY
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
BOURQUIN
Conseillers :
BEAUDIER, FIRON
FAITS ET PROCEDURE
Le 21 décembre 2018, Mme [B] [E] épouse [Z] s'est engagée à donner à bail à la société en formation GB Optique un local commercial situé [Adresse 1] à [Localité 5] sous condition suspensive de l'obtention d'une garantie autonome à première demande obtenue auprès d'un établissement bancaire.
Par acte du 1er février 2019, les parties ont constaté que la condition suspensive était réalisée au vu d'un courrier de la Sa CIC Est du 30 janvier 2019 et le bail a en conséquence été réitéré.
Par jugement en date du 17 juin 2020, la Sas GB Optique a été mise en liquidation judiciaire.
Mme [B] [E] a déclaré sa créance et a, sans résultat, sollicité le 3 juillet 2020 auprès de la Sa CIC Est la mise en oeuvre de la garantie en première demande.
Par acte du 27 octobre 2020, Mme [B] [E] a assigné la SA CIC Est devant le tribunal de commerce de Nancy aux fins de la voir condamnée, à titre principal, au versement de la somme de 24.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2020 en exécution de son engagement à première demande. A titre subsidiaire, elle sollicitait la requalification de l'acte en cautionnement et demandait la condamnation de la Sas Cic Est au paiement de la totalité de la dette de loyers et charges de la Société GB Optique dans la limite de 28.800 euros TTC.
Par jugement contradictoire en date du 12 juillet 2021, le Tribunal de commerce de Nancy a débouté Mme [B] [E] de sa demande et l'a condamnée à payer à la Sa CIC Est une somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens
Par déclaration électronique transmise au greffe le 22 juillet 2021 Mme [B] [E] a interjeté appel de la décision.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 février 2022, elle demande à la cour de :
-à titre principal, condamner la Sa CIC Est à lui payer la somme de 24.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2020, en exécution de son engagement à première demande,
- subsidiairement, si l'engagement de la Sa CIC Est devait être qualifié de cautionnement, dire que ce cautionnement est de nature commerciale et lui permet en conséquence de demander au CIC Est le paiement de la totalité de la dette de loyers et charges de la société GB Optique, dans la limite de 28.800 euros TTC, sans exception de discussion ni de division, en application des dispositions de l'article 1313 du Code Civil,
- condamner en conséquence la Sa CIC Est au versement de la somme de 18.647,40 TTC, avec intérêts au taux légal, selon décompte arrêté au 31 octobre 2020,
- en tout état de cause, condamner la Sa CIC Est au versement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 décembre 2021, la SA CIC EST demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise et, y ajoutant de condamner Mme [B] [E] à lui payer une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 15 juin 2022.
En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 28 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
1- Sur la demande au titre de la garantie à première demande
Aux termes de l'article 2321 du code civil, la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.
L'appelante se prévaut d'un courrier du 30 janvier 2019 de la Sa CIC Est ainsi rédigé :
'Suite à l'examen de votre projet de financer la création d'un fonds de commerce situé à [Localité 6] à [Localité 5], nous avons le plaisir de vous confirmer notre accord sur la mise en oeuvre d'une garantie de paiement des loyers à première demande, à hauteur de 24.000€ pour une durée de trois années, au bénéfice de Mme [B] [E] épouse [Z] en sa qualité de bailleur'.
Toutefois, sous la signature, en caractères d'une police inférieure à celle du texte principal, mais parfaitement lisible figure la mention ' le présent accord est valable pour une durée d'un mois à compter de la date d'envoi de ce courrier sous réserve :
- de la fourniture des garanties demandées,
- de la constitution de l'apport personnel,
- de la non-survenance d'incidents de paiement, de saisies ou autres mesures d'exécution pendant la durée de validité du présent accord,
- de la fourniture de toutes autorisations et tous documents administratifs nécessaires à la bonne réalisation de la garantie de paiement'.
Le premier juge a retenu que la bailleresse qui était assistée pour la signature du bail commercial d'un conseil spécialisé ne pouvait ignorer l'existence de cette clause, que l'accord porte sur la mise en oeuvre d'une garantie mais ne constitue pas l'octroi d'une garantie et qu'ainsi il impliquait la signature d'un acte définissant les obligations des parties et que même si les dispositions de l'article 2321 du Code civil n'exigent aucun formalisme pour une garantie autonome, dans le courrier litigieux, ne figurent ni les contre-garanties proposées par le garanti, ni la rémunération de la banque. Par conséquent, il a estimé que, compte tenu pour un établissement de crédit, du risque engendré par cet engagement, la rémunération demandée en contrepartie est souvent élevée et les garanties sollicitées importantes, de sorte que ce courrier ne faisait naître aucune obligation à la charge de la Sa CIC Est.
L'appelante observe que la banque n'a pas justifié des garanties qui auraient été demandées, ni du contenu des autres conditions posées et qu'ainsi une convention conclue sous une condition suspensive inexistante est une convention définitive.
Les termes mêmes de la convention implique toutefois que la banque ne s'engageait pas à titre définitif mais donnait son accord de principe à l'octroi d'une garantie à première demande, qui devait être précisée ultérieurement, peu important que l'article 2321 du code civil n'exige aucun formalisme pour une garantie autonome, dès lors qu'elle nécessite un véritable consentement de la partie qui s'engage.
L'absence de suite donnée à ce courrier à l'initiative de l'une ou l'autre des parties ne peut donc conférer un caractère définitif à cet engagement dont la validité était expressément limitée à un mois.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que l'acte ne valait pas garantie à première demande.
2- Sur la qualification de cautionnement
A titre subsidiaire, Mme [B] [E] fait valoir que l'acte est un cautionnement de nature commerciale, dispensé du formalisme prévu par l'article 1376 du code civil.
Toutefois, il est nécessaire d'établir l'existence d'une engagement ferme de la part de la caution.
Or, la mention figurant au courrier impliquait que la banque n'était pas engagée de manière ferme et définitive.
L'acte ne peut donc pas plus être analysé comme un cautionnement et le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande formée sur ce fondement.
3- Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
La somme de 1200€ sera alloué à la Sa CIC Est au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
CONFIRME le jugement entrepris ;
CONDAMNE Mme [B] [E] épouse [Z] à payer à la Sa CIC Est la somme de 1200 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE Mme [B] [E] épouse [Z] aux dépens de la procédure d'appel.