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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 18 novembre 2025, n° 24/06799

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/06799

18 novembre 2025

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°339

N° RG 24/06799 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VPK6

(Réf 1ère instance : 2024000630)

S.A.S. CM-CIC LEASING SOLUTIONS

C/

Société PRAXIS RE [F] [E]

S.A.R.L. TRANSPORTS [N] [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me VERRANDO

Me BOCHIKHINA

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC ST BRIEUC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,

Assesseur : Mme Constance DESMORAT, Conseiller, rapporteur

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Septembre 2025

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. CM-CIC LEASING SOLUTIONS

immatriculée au RCS de [Localité 9] sous le n° 352 862 346, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège.

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Camille SUDRON substituant Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Mathieu BOLLENGIER-STRAGIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Société PRAXIS

prise en la personne de Maître [F] [E], agissant es qualités de mandataire judiciaire de la société TRANSPORTS JAFFE [S] en application du jugement du Tribunal de Commerce de Saint-Brieuc du 28 août 2024.

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Yulia BOCHIKHINA de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

S.A.R.L. TRANSPORTS [N] [S]

immatriculée au RCS de [Localité 10] sous le n° 494 145 873, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Yulia BOCHIKHINA de la SELARL KOVALEX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat du 8 février 2023, la société Transports [N] [S] a loué auprès de la société Solutions Finance un tracteur pour une durée de 60 mois et au loyer mensuel de 1 982 euros HT.

La société CM-CIC Leasing Solutions (ci-après la société CCLS) est bailleur-cessionnaire du contrat de location.

Par jugement du 10 janvier 2024, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Transports [N] [S] qui a été convertie en liquidation judiciaire le 28 août 2024. La société Praxis (anciennement société [E] [T] et associés), prise en la personne de M. [F] [E], a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Le 24 septembre 2024, la société CCLS a déclaré sa créance au passif de la société Transport [N] [S] à hauteur de 112 498,32 euros auprès du mandataire judiciaire.

Par courrier en date du 2 octobre 2024, la société Praxis, ès qualités, a contesté le montant de la créance.

Par ordonnance en date du 6 décembre 2024, le juge-commissaire de la procédure de liquidation de la société Transports [N] [S] a admis la créance de la société CCLS au passif chirographaire de la société Transports [N] [S] à hauteur de 4 756,80 euros et l'a rejetée pour la somme de 107 741,52 euros.

La société CCLS a interjeté appel de cette ordonnance le 20 décembre 2024.

Les dernières conclusions de la société CCLS sont en date du 28 août 2025 et celles de la société Praxis, ès qualités, sont en date du 4 juin 2025.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 septembre 2025.

PRETENTIONS ET MOYENS

Suivant ses dernières conclusions, la société CCLS demande à la cour de :

- Dire la société CCLS, recevable et bien fondée dans ses conclusions d'appelante,

- Débouter la société Transports [N] [S] et la société Praxis de leurs demandes nouvelles comme irrecevables et en toute hypothèse mal fondées,

- Infirmer l'ordonnance du 6 décembre 2024 rendue par M. le juge-commissaire du tribunal de commerce de Saint-Brieuc en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu'elle a :

- « Attendu que l'article 10.4, du contrat de location financière, prévoyant une majoration des charges financières pesant sur le débiteur, résultant de l'anticipation, à la date de résiliation, de l'exigibilité de tous les loyers à échoir, a été stipulé comme moyen de contraindre le débiteur à l'exécution du contrat et comme évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice subi par la société CCLS CM CIC LEASING GROUP ' MUTUALEASE,

- Attendu que l'article 10.4, du même contrat de location financière prévoit, au titre des frais de résiliation, une clause pénale de 10 % des loyers hors taxes restant dus à la date de la résiliation du contrat,

- Attendu que, par conséquent, cet article constitue intégralement une clause pénale, entrant dans le périmètre des dispositions de l'article 1231-5 du code civil et pouvant donc être modérée, même d'office, par le juge s'il l'estime manifestement excessive,

- Attendu que la résiliation du contrat est survenue le 28.08.2024 el que Me [E] a accepté la revendication reçue le 23.09.2024 par la société CCLS CM CIC LEASING GROUP - MUTUALEASE par courrier du 02.10.2024,

- Attendu que, par conséquent, la société CCLS CM CIC LEASING GROUP - MUTUALEASE pouvait organiser la reprise de son matériel et avait la liberté, pour diminuer le préjudice résultant de la résiliation du contrat, de le redonner en location ou de le faire vendre dans les conditions qu'elle estimait les meilleures, sans faire subir à la SARL TRANSPORTS JAFFRE les conséquences de sa gestion suite à la résiliation du contrat,

- Attendu que l'indemnité de résiliation déclarée est donc manifestement excessive, et révisable judiciairement en application des dispositions de l'article 1231-5, alinéa 2, du Code Civil,

- Décide d'inscrire la société CCLS CM CIC LEASING GROUP ' MUTUALEASE au passif chirographaire de la société Transports [N] de la manière suivante :

Déclaration 112 498.32 €

Admission 4 756.80 € (2 loyers)

Rejet 107 741.52 €

- Dit que la présente ordonnance sera notifiée par les soins du Greffe, par voie de lettre recommandée avec AR à :

- Société CCLS CM CIC LEASING SOLUTIONS - MUTUALEASE. [Adresse 11]

- - M.[S] [N] - [Adresse 5]

Et communiquée à :

- Société [E]-[T] et associés, prise en la personne de Me [F] [E] [Adresse 6] »

Et statuant à nouveau :

- Constater qu'aucune contestation ne s'oppose à l'admission de la créance déclarée par la société CCLS au passif de la procédure collective de la société Transports [N] [S],

- Constater que la société CCLS justifie pleinement de la déclaration de sa créance au passif de sa locataire défaillante et ce dans le délai légal,

- Ordonner dès lors l'admission de la créance déclarée par la société CCLS au passif de la procédure collective de la société Transports [N] [S] pour un montant de 70.498,32 euros :

* loyers à échoir 102.271,20 euros TTC

* clause pénale 10.227,12 euros TTC

* revente du matériel - 42.000,00 euros TTC

Soit la somme totale de : 70.498,32 euros TTC

En tout état de cause, et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,

- Condamner in solidum et au besoin solidairement la société Transports [N] [S] et la société Praxis, ès qualités, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à payer à la société CCLS la somme de 2.000,00 euros.

- Les condamner aux entiers dépens, avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

Suivant ses dernières conslusions, la société Praxis, ès qualités, demande à la cour de :

- Déclarer les demandes de la société CCLS irrecevables et mal fondées, les rejeter ;

- Confirmer l'ordonnance du 6 décembre 2024, en ce qu'elle a rejeté le principal des créances déclarées par la société CCLS à hauteur de 107.741.52 euros,

- L'infirmer en ce qu'elle a admis la créance de la société CCLS à hauteur de 4.756,80 euros,

Statuant de nouveau de ce chef :

A titre principal :

- Annuler le contrat du 8 février 2023,

- Débouter la société CCLS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société CCLS à rembourser l'ensemble des loyers qu'elle a perçu de la société Transport [N] [S], en exécution de ce contrat,

A titre subsidiaire :

- Déclarer l'article 10.4 des conditions générales de la société CCLS non écrit et inopposable à la société Transport [N] [S] et à la société Praxis ès qualités,

- Débouter la société CCLS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre très subsidiaire :

- Réduire des prétentions indemnitaires de la société CCLS à des plus justes proportions,

En tout état de cause :

- Condamner la société CCLS à payer à la société Transport [N]

[S] et à la société Praxis ès qualités la somme de 3.000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SAS LOCAM aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

DISCUSSION

1- Sur la recevabilité des demandes de la société Praxis, ès qualités

La société Praxis fait valoir à titre principal que le contrat de location est nul en raison du défaut d'information délivré à la société Transport [N] [S] sur l'exercice du droit de rétractation du code de la consommation.

La société CCLS conclut à l'irrecevabilité de la contestation de la créance par la société Praxis, ès qualités, fondée sur la nullité du contrat de location faute d'avoir été invoquée devant le juge-commissaire.

Devant le juge-commissaire, la société Praxis, ès qualités, a contesté la créance déclarée par la société CCLS et en a proposé le rejet intégral au motif que l'indemnité de résiliation contractuelle constitue une clause pénale manifestement excessive.

La prétention relative à la nullité du contrat de location tend également au rejet de la totalité de la créance déclarée par la société CCLS.

Dès lors que la prétention et les moyens développés à son appui devant la cour d'appel tendent aux mêmes fins que la prétention initialement portée devant le juge-commissaire, celle-ci n'est pas nouvelle.

La demande aux fins de nullité du contrat de location de la société Praxis, ès qualités, est donc recevable.

2- Sur la contestation de la créance

En cas de contestation sérieuse, le juge-commissaire renvoie les parties à mieux se pourvoir.

Article L.624-2 du code de commerce

Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

Article R.624-5 du code de commerce

Lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

Les tiers intéressés ne peuvent former tierce opposition contre la décision rendue par la juridiction compétente que dans le délai d'un mois à compter de sa transcription sur l'état des créances.

La société CCLS conteste la demande de nullité du contrat de location considérant le code de la consommation inapplicable au contrat de location du fait de l'absence de preuve que la société Transports [N] [S] emploie cinq salariés ou moins et que le contrat en cause s'analyse comme un contrat portant sur des services financiers.

Les moyens développés par chacune des parties quant à la qualification du contrat de location qui les lie révèlent l'existence d'une contestation sérieuse laquelle excède les pouvoirs de la cour saisie de l'appel de l'ordonnance du juge-commissaire statuant comme juge de la vérification des créances.

Il y a lieu d'inviter la société CCLS à saisir le juge du fond compétent pour statuer sur la contestation de la créance déclarée le 24 septembre 2024 pour la somme de 112 498,32 euros.

L'affaire sera renvoyée à l'audience du 2 mars 2026 à 9h30 aux fins de vérifier que cette partie a bien saisi le juge du fond.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance,

Statuant à nouveau :

Invite la société CM-CIC Leasing Solutions à saisir le juge du fond compétent pour statuer sur la contestation de la créance déclarée 24 septembre 2024 pour la somme de 112 498,32 euros et ce, dans le délai d'un mois suivant la notification par le greffe de l'arrêt, à peine de forclusion de sa demande d'admission au passif.

Renvoie l'affaire à l'audience du 2 mars 2026 à 9h30,

Réserve les autres demandes des parties.

Le Greffier, Le Président,

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