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Décisions

CA Pau, 2e ch - sect. 1, 18 novembre 2025, n° 24/01065

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 24/01065

18 novembre 2025

LB/SH

Numéro 25/3141

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRÊT DU 18 novembre 2025

Dossier : N° RG 24/01065 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I2BW

Nature affaire :

Demande en révocation des dirigeants

Affaire :

[J] [A]

C/

[T] [U]

S.A.R.L. [25]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 18 novembre 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 19 Mai 2025, devant :

Laurence BAYLAUCQ, magistrate chargée du rapport,

assistée de M. MAGESTE, Greffier présent à l'appel des causes,

Madame BAYLAUCQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame GUIROY et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame GUIROY, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame BAYLAUCQ, Conseillère

Monsieur DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [J] [A]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 22]

de nationalité Française

demeurant chez Mme [V] [B]

[Adresse 7]

[Adresse 24]

[Localité 3]

Représenté par Maître Nicolas TRECOLLE, avocat au barreau de BAYONNE

assisté de Maître Eric VISSERON, de la SELARL VISSERON, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

Madame [T] [U]

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 4]

S.A.R.L. [25] S.A.R.L. immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de MONT DE MARSAN sous le numéro 893 293 167, dont le siège social est situé [Adresse 14], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 13]

[Localité 4]

Représentées par Maître Cécile BERQUE, avocat au barreau de PAU

assistées de Maître TEYNIE, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 08 MARS 2024

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONT DE MARSAN

EXPOSE DU LITIGE :

La société à responsabilité limitée [25], dont le siège social est situé [Adresse 12] à [Localité 15] a été constituée au mois de janvier 2021 par Mme [T] [U] et par M. [J] [A] tous deux gérants de la société et titulaire chacun de la moitié des 1000 parts composant le capital social.

Mme [T] [U] est la fille de Mme [L] [U] qui a été la compagne de M. [A].

Par assignation à bref délai du 27 février 2024 remise à étude, Mme [T] [U] a attrait M. [J] [A] et la SARL [25] devant le tribunal de commerce de Mont de Marsan aux fins de voir prononcer la révocation de M. [A] de ses fonctions de gérant de la société [25], en tant que de besoin enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur afin de trouver une solution amiable, ordonner l'exécution provisoire en raison de la nature de l'affaire nonobstant appel, dire que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens.

Suivant jugement réputé contradictoire du 8 mars 2024, le tribunal de commerce de Mont de Marsan a :

Pris acte de la non comparution de M. [A] [J],

Vu l'article L223-5 du code de commerce,

Prononcé la révocation de M. [A] [J] de ses fonctions de gérant de la SARL [25],

Laissé les dépens et frais irrépétibles de l'Article 700 du Code de procédure civile à la charge respective des parties,

Laissé les frais de la présente instance liquidés à la somme de 69,59 € à la charge de la requérante,

Dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit,

Moyennant ce, débouté les parties du surplus de leurs prétentions devenues inutiles ou mal fondées.

Par déclaration en date du 8 avril 2024, M. [J] [A] a interjeté appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 avril 2025.

Faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties à leurs dernières écritures visées ci-dessous.

***

Par conclusions notifiées le 4 juillet 2024, M. [J] [A] demande à la cour de :

A titre principal,

Vu les articles 14, 54, 114 et 655 du Code de Procédure Civile,

Vu l'assignation délivrée à Monsieur [J] [A] en date du 27 février 2024 devant le Tribunal de Commerce de MONT DE MARSAN,

Vu le jugement du même Tribunal en date du 8 mars 2024 portant la mention « non comparant »,

Juger que l'assignation qui lui a été délivrée au domicile de la demanderesse est entachée

de nullité,

Juger que le jugement subséquent est nul,

Subsidiairement,

Vu l'article L223-25 du Code de Commerce,

Infirmer le jugement en ce qu'il l'a révoqué de ses fonctions de gérant au sein de la société SARL [25],

A titre infiniment subsidiaire,

Prononcer la révocation de Mme [T] [U] de sa fonction de gérante de la société SARL [25],

Désigner un administrateur ad hoc dans le but de convoquer une assemblée générale des

associés aux fins de désignation d'un nouveau gérant et de procéder à l'approbation des comptes annuels de la société,

En tout état de cause,

Condamner Mme [T] [U] à verser à Monsieur [J] [A] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la présente procédure.

Dans ses conclusions notifiées le 4 octobre 2024, Mme [T] [U] demande à la cour de :

Vu l'article L. 223-25 alinéa 2 du code de commerce,

Déclarer Monsieur [A] recevable mais mal fondé en son appel,

Confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions en ce qu'elle a prononcé la

révocation de Monsieur [A] de ses fonctions de gérant de la société [25],

Débouter Monsieur [A] de toutes demandes plus amples ou contraires,

Condamner Monsieur [A] à payer à Mme [U] et à la société [25] une indemnité de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris ceux de première instance.

MOTIFS :

La cour observe que les conclusions d'intimée orthographient son nom patronymique [X] de même que l'assignation introductive d'instance et le jugement de première instance.

Dans la déclaration d'appel le nom de l'intimée est écrit [G].

Toutefois, plusieurs pièces produites aux débats contredisent cette orthographe et mentionnent que l'intimée se nomme [U], à savoir les statuts de la société [25] (pièce numéro 2), le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 20 novembre 2023 (pièce numéro 10), outre les procès-verbaux d'audition par les gendarmes.

Au regard de ces pièces concordantes, il convient de rectifier d'office l'erreur matérielle affectant le jugement de première instance s'agissant du nom patronymique de l'intimée qui est [U] qui sera repris dans les développements qui suivent.

Sur la nullité de l'assignation

Au visa des articles 14, 54, 114 et 655 du code de procédure civile, M. [A] invoque la nullité de l'acte introductif d'instance et du jugement subséquent. Il fait valoir que l'assignation à bref délai a été délivrée par [T] [U] à sa propre adresse à elle, et non à son adresse à lui chez Mme [V] [B] [Adresse 5] à [Localité 20]. Il explique que cette manipulation d'adresse lui cause nécessairement un grief au sens de l'article 114 du code de procédure civile puisqu'il n'a pu faire valoir ses droits, a subi sans débat une révocation exécutoire et a perdu le double degré de juridiction.

Il indique avoir vécu en couple avec Mme [L] [U] , avoir acheté avec elle une maison [Adresse 11] à [Localité 15] via une SCI dans laquelle [T] détient 10% des parts, que lors de la constitution de la SARL [T] [U] vivait chez son compagnon [H] [K] [Adresse 12] à [Localité 15], qu'il est venu habiter [Adresse 8], tandis que Mme [L] [U] restait vivre dans la région parisienne. Il ajoute qu'il entretient une relation amoureuse depuis le mois de septembre 2023 avec Mme [V] [B] et que, lorsqu'elle en a été informée, Mme [L] [U] lui a demandé de quitter leur adresse commune [Adresse 11] où il n'est revenu que très ponctuellement à deux reprises pour y récupérer des affaires personnelles. Il explique être donc parti sur injonction des deux femmes vivre chez Mme [V] [B] [Adresse 5] à [Localité 20], adresse que l'intimée comme sa mère connaissaient. Il précise que Mme [T] [U] s'est séparée de son compagnon au mois de janvier 2023 et est venue habiter [Adresse 11] avec lui, puis y est restée après son départ du domicile.

Mme [T] [U] répond qu'au moment de la délivrance de l'assignation litigieuse, le dernier domicile connu de M. [A] était bien le [Adresse 8] à [Localité 15] car il s'est présenté au domicile de Mme [L] [U] en son absence, a forcé les serrures et s'y est introduit de force alors qu'elle y résidait temporairement avec sa mère de sorte qu'elle s'est retrouvée à la porte et a dû se réinstaller au domicile qu'elle partageait avec son ancien compagnon, qui était le sien au moment où était délivré l'acte. Elle ajoute que l'appelant invoque inutilement l'article 655 du code de procédure civile dans la mesure où le commissaire de justice a constaté que son domicile connu était bien le [Adresse 10], qu'il n'a pas fait modifier son adresse et n'a pas indiqué une adresse complète et exploitable à la gérance pour être régulièrement convoqué.

***

Selon les articles 54 et suivants du code de procédure civile, l'assignation doit comporter le domicile du demandeur et du défendeur à peine de nullité.

Il résulte des articles 654 à 656 du même code que la signification doit être faite à personne. Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit à défaut de domicile connu, à résidence. Le commissaire de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification. Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par le commissaire de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse, la signification est faite à domicile. Dans ce cas le commissaire de justice laisse au domicile et à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude du commissaire de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.

En l'espèce, dans le procès-verbal de remise de l'assignation à bref délai devant le tribunal de commerce délivrée le 27 février 2024 à M. [J] [A], le commissaire de justice mentionne comme adresse [Adresse 12] à [Localité 15] pour la requérante et [Adresse 9] à [Localité 15] pour le défendeur. Le procès-verbal des modalités de remise de l'acte précise que l'acte a été remis :

« Au domicile du destinataire dont la certitude est caractérisée par les éléments suivants :

le nom du destinataire sur la boîte aux lettres

confirmation du voisinage

La signification à la personne du destinataire de l'acte s'avérant impossible pour les raisons :

Personne à 16h15 et à 17h15

N'ayant trouvé au domicile du signifié aucune personne susceptible de recevoir la copie de l'acte ou de me renseigner et n'ayant pu rencontrer le signifié sur son lieu de travail, cet acte a été déposé en notre étude sous enveloppe fermée, ne comportant d'autres indications que d'un côté le nom et l'adresse du destinataire de l'acte, et de l'autre côté le cachet de mon Etude apposé sur la fermeture du pli.

Un avis de passage daté de ce jour, mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant a été laissé au domicile du signifié conformément à l'article 656 du code de procédure civile.

La lettre prévue par l'article 658 du code de procédure civile contenant copie de l'acte de signification a été adressée le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable. (') »

La lecture des procès-verbaux d'audition de Mmes [L] et [T] [U] par les gendarmes en novembre et décembre 2023 établissent que M. [A] a quitté le domicile qu'il occupait et dont il est propriétaire avec elles via une SCI situé [Adresse 11] à [Localité 15] en septembre 2023 pour aller vivre avec Mme [V] [B] à Gradignan (pièce numérotée 12 de l'intimée notamment, audition de [L] [U] du 16 novembre 2023), et qu'elles ont porté plainte à son encontre pour vol et menaces.

M. [A] est toutefois revenu à cette adresse le 26 janvier 2024 pour pénétrer de force dans le domicile en perçant la serrure, obligeant [T] [U] à récupérer ses affaires personnelles et à quitter ce domicile où elle déclare qu'elle séjournait temporairement, ainsi que l'attestent de manière circonstanciée tant M. [H] [K] que Mme [Y] [S] épouse [O] (pièces numérotées 16 de l'intimée).

Si la convocation par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 novembre 2023 à l'assemblée générale extraordinaire du 20 novembre 2023 a été adressée à M. [A] chez Mme [B] [V] [Adresse 5] à [Localité 20], rien n'indique qu'elle soit parvenue à son destinataire. Mme [T] [U] a déclaré que M. [A] avait dit qu'il n'y habitait pas et n'avait pas ouvert cette lettre lors de son audition par les gendarmes le 21 novembre 2023. Et l'acte de signification du jugement de première instance du 8 avril 2024, avec comme adresse chez Mme [V] [B] [Adresse 5] à [Localité 20], a été signifié sur le fondement de l'article 659 du code de procédure civile par le commissaire de justice qui a constaté qu'il s'agissait d'une résidence ayant deux entrées, que ni le nom de l'intéressé, ni celui de la personne qui l'héberge ne figuraient nulle part, qu'il n'avait pas pu accéder aux boites aux lettres, que l'ensemble de ses recherches ne lui avaient pas permis de situer le destinataire.

Dans sa déclaration d'appel et ses conclusions l'appelant donne une adresse plus précise [Adresse 6] à [Localité 20], qu'il ne justifie pas avoir communiqué à Mme [T] [U] auparavant.

Par ailleurs, deux personnes témoignent dans des attestations circonstanciées qui emportent la conviction de la cour du retour de M. [A] à l'adresse [Adresse 21] à [Localité 15] le 26 janvier 2024 et du départ à ce moment de Mme [T] [U] de ces lieux où elle déclare, sans être contredite par des éléments probants, qu'elle résidait temporairement.

Enfin, le commissaire de justice ayant procédé à la délivrance de l'assignation introductive d'instance précise avoir vérifié de manière suffisante que M. [A] habitait bien [Adresse 21] à [Localité 15] au regard du nom du destinataire sur la boîte aux lettres et la confirmation du voisinage.

M. [A] n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles Mme [T] [U] habitait toujours à cette adresse à la date du 27 février 2024, ce qui est démenti en revanche par les témoignages susvisés. Il ne justifie pas davantage que l'adresse déclarée par la demanderesse dans l'assignation n'était pas exacte à la date à laquelle elle a été délivrée.

Il ressort de ces éléments que l'assignation introductive d'instance a été délivrée à la dernière adresse connue de M. [A] au jour de sa délivrance et n'est entachée d'aucune irrégularité.

La demande de l'appelant tendant à voir prononcer la nullité de cette assignation et celle subséquente du jugement déféré sera donc rejetée.

Sur la révocation du gérant pour motif légitime

Mme [T] [U] demande de confirmer la révocation de M. [A] de ses fonctions de gérant de la société [25] pour cause légitime sur le fondement de l'article L223-25 alinéa 2 du code de commerce. Elle fait valoir qu'il s'est versé des rémunérations non prévues par l'assemblée générale, a souscrit un emprunt au nom de la société pour acheter un véhicule personnel et a refusé de remettre les bons de facturation, mettant ainsi en péril la vie de la société.

M. [A] répond qu'il n'a jamais agi à l'encontre des intérêts de la SARL [25]. Il fait valoir s'agissant des virements de sommes sur son compte personnel qui lui sont reprochés que des virements quasi similaires étaient opérés pour chacun des deux associés, qu'ils étaient raisonnables et cohérents avec la trésorerie de la société et que les deux associés étaient d'accord avec ces montants de rémunération.

S'agissant des autres griefs, il met en avant la dégradation des relations avec Mme [T] [U] qui aurait bloqué son accès à la carte bleue, à la boîte mail professionnelle et à l'agenda planning dans le but de ne pas le rémunérer pour son travail. Il expose avoir tenté d'adresser des courriels pour que la facturation soit déléguée à une société spécialisée et avoir sollicité qu'on lui restitue les moyens de travail, sans succès. Il estime les plaintes déposées contre lui injustifiées et conteste les faits qu'on lui reproche. Il fait valoir que l'acquisition du véhicule Porsche respecte l'objet social et que son associée était d'accord, l'ayant même utilisé ponctuellement pour le transport de la clientèle. Il ajoute que les 120 bons de transport qu'il détenait évoqués à l'Assemblée générale du 20 novembre 2023 ne sont pas nominatifs de sorte qu'il craignait, faute de détenir les codes d'accès et de procéder lui-même aux télétransmissions que ces bons soient conservés par son associée, animée par la volonté de le mettre en difficulté financièrement, raison pour laquelle il souhaitait que la facturation soit faite par une société spécialisée.

Il ajoute qu'il avait néanmoins déposé au cabinet comptable les dits bons le 15 décembre 2023. Il conteste donc avoir commis des fautes de gestion voire des abus de biens sociaux au détriment de la société, il souligne qu'il n'a jamais cessé de travailler pour son compte jusqu'au 26 février 2024 date à laquelle il a été placé en arrêt-maladie de sorte que sa révocation de la cogérance ne se justifie pas.

* L'article L223-25 dispose en son alinéa 2 que le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.

La cause légitime au sens de l'article L223-25 doit être appréciée essentiellement en considération de l'intérêt de l'entreprise.

En l'espèce, il résulte des pièces 4, 5 et 6 de l'intimée, que M. [A] a contracté en mars 2023, au nom de la société [25] un crédit d'un montant de 29 566,76 euros pour financer en partie l'acquisition d'un véhicule de marque Porsche d'un montant au comptant de 37 566,76 euros, le financement incluant un versement comptant de 8 000 euros ; il a ensuite mentionné son nom sur le certificat de cession du véhicule comme propriétaire, ainsi que sur le certificat d'immatriculation (où figure également le nom de [T] [U] comme autre propriétaire). Le nom de la société et son siège social n'y figurent pas. Le prêt payable en 60 mensualités était prélevé sur le compte bancaire de la société. M. [A] ne justifie pas avoir sollicité et obtenu l'accord de son associée cogérante conformément aux statuts, ses allégations à cet égard n'étant corroborées par aucune pièce.

En engageant une telle dépense au nom de la société et à ses frais pour acquérir un véhicule supplémentaire, sans obtenir l'accord de son associée et en déclarant dans le certificat d'immatriculation et le certificat de cession le véhicule à son nom personnel, M. [A] a adopté un comportement contraire à l'intérêt de la société la mettant en péril.

Il a agi de même lorsqu'il a refusé de remettre 120 bons de transport en sa possession pour la facturation lors d'une assemblée générale du 20 novembre 2023 qui se tenait pourtant en la présence de l'expert comptable ce qui aurait dû le rassurer sur le traitement de ces documents.

Il ne peut justifier ce refus exprimé lors de l'assemblée générale du 20 novembre 2023 par le fait qu'il n'avait plus accès au logiciel de facturation dans la mesure où la présence de l'expert comptable de la société constituait une garantie.

Et il ne justifie pas ses allégations selon lesquelles il aurait transmis les 120 bons de transport litigieux à l'expert comptable, M. [F] en décembre 2023, le courriel du 11 février 2024 à ce dernier qu'il produit en pièce numéro 5 correspondant à la transmission de factures (pièce jointe intitulée « remboursement frais [25] ») et non à celle des bons de transport.

Ce refus injustifié était fautif et contraire à l'intérêt social tout d'abord en ce qu'il entravait la bonne gestion des rémunérations. En outre, son refus était catégorique et accompagné de propos menaçants envers la société lors de cette assemblée générale au cours de laquelle il a déclaré qu'il ne voulait pas les donner pour la facturation et préférait « les brûler plutôt que de les donner », mais également qu'il voulait « couler la société ».

Ce refus de remettre les bons de transport lors de l'assemblée générale et de dialoguer dans ces circonstances est de nature à entraver le fonctionnement et la prise de toute décision de la société dans laquelle les deux associés ont des parts égales la mettant ainsi en péril.

Par conséquent, ces comportements commis par M. [A] constituent une cause légitime de sa révocation de gérant de la société [25].

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la révocation de M. [A] de ses fonctions de gérant de la SARL [25] et en ce qu'il n'a pas écarté l'exécution provisoire de droit.

Sur la demande de M. [A] de révocation de Mme [T] [U]

A titre infiniment subsidiaire, M. [A] sollicite la révocation de Mme [T] [U] de la gérance et la désignation d'un mandataire ad hoc.

Il fait valoir qu'après avoir supprimé dès le 1er novembre tous moyens de paiement et tous accès aux comptes de la société ainsi qu'aux moyens de communication, elle a prélevé des sommes indues et excessives contraires à l'intérêt de la société. Il lui reproche ainsi d'avoir viré à son profit une somme de 10 000 euros le 8 novembre 2023 alors qu'elle ne lui attribuait qu'une somme de 2 500 euros, d'avoir ensuite transféré le compte de la SARL [25] à la banque [16] à compter du mois de janvier 2024, d'avoir effectué un virement de 16 830 euros au profit de sa fille et un nouveau virement à son profit de 5 049 euros en janvier 2024 dans un contexte d'association égalitaire et de mésentente avérée. Il fait valoir également l'absence d'informations de l'expert-comptable sur le bilan en dépit de sa demande et l'absence de convocation à une assemblée générale à ce sujet en contradiction avec les obligations légales.

Mme [U] répond que compte tenu du contexte, elle a déposé une requête visant à obtenir un délai supplémentaire pour l'assemblée générale annuelle, que les opérations sont réalisées sous le contrôle de l'expert-comptable et qu'elle assure la gérance dans l'intérêt de la société dans un contexte particulièrement difficile.

* Il résulte des relevés du compte de la société ouvert auprès de la société [18] un virement instantané de 10 000 euros au profit de Mme [U] le 8 novembre 2023.

Cette dernière a ensuite transféré le compte courant de la société à la banque [17] sans accord de son associé au mois de janvier 2024.

Elle a effectué un virement de 16 830 euros le 3 janvier 2024 au profit de sa fille Mlle [E] [K]. Elle n'apporte pas la moindre explication à ce titre, ni sur le virement de 10 000 euros effectué le 8 novembre 2023.

Il n'est pas justifié de la convocation de l'assemblée générale annuelle pour approuver les comptes de l'année 2023. Mme [U] indique à ce titre avoir déposé une requête visant à obtenir un délai supplémentaire pour l'assemblée générale annuelle, demande qui aurait été reçue par le président du tribunal de commerce sans en justifier. Elle argue du contrôle de l'expert-comptable et n'apporte aucune explication sur les virements litigieux.

Le transfert du compte courant de la société vers une nouvelle banque en janvier 2024, le virement effectué au profit de sa fille en janvier 2024 et l'absence de convocation de l'assemblée générale annuelle pour approuver les comptes de l'année 2023 dans le délai, dans un contexte opaque et de conflit avéré entre deux associés ayant des droits égalitaires sont contraires à l'intérêt de la société qu'elles mettent en péril. Elles constituent une cause légitime de révocation de Mme [U] de ses fonctions de gérante.

Il convient donc de révoquer Mme [T] [U] de ses fonctions de gérante de la société [25] et de désigner un mandataire ad hoc selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, dans le but de convoquer une assemblée générale des associés aux fins de désignation d'un nouveau gérant et de procéder à l'approbation des comptes annuels de la société.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige, chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a laissé les dépens de première instance à la charge de la requérante et de le confirmer en ce qu'il a laissé à la charge de chaque partie les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de faire masse des dépens de première instance et d'appel et de laisser chaque partie en supporter la moitié, sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.

Il y a lieu de débouter tant l'appelant que l'intimée de leurs demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Se saisissant d'office, rectifie l'erreur matérielle affectant le jugement de première instance s'agissant du nom patronymique de l'intimée qui est [U] ;

Rejette la demande de M. [A] tendant à voir prononcer la nullité de l'assignation introductive d'instance et du jugement subséquent ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la révocation de M. [J] [A] de ses fonctions de gérant de la SARL [25], laissé les frais irrépétibles de première instance à la charge respective des parties et dit ne pas y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit ;

Infirme le jugement déféré en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la révocation de Mme [T] [U] de ses fonctions de gérante de la SARL [25] ;

Désigne aux frais de la société [25] la SELARL [19]', [Adresse 2] à [Localité 23] en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de convoquer une assemblée générale des associés aux fins de désignation d'un nouveau gérant et de procéder à l'approbation des comptes annuels de la société, puis d'effectuer les formalités de publicité des décisions prises ;

Dit que la SELARL [19]' établira un rapport de l'exécution de sa mission et/ou de toute difficulté éventuelle rencontrée qu'elle remettra au greffe de la cour d'appel ;

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit que M. [J] [A] et Mme [T] [U] en supporteront chacun la moitié ;

Rejette les demandes formulées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame BAYLAUCQ, Conseillère, suite à l'empêchement de Madame GUIROY, conseillère faisant fonction de Présidente, et par Monsieur MAGESTE, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

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