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Décisions

CA Nancy, 1re ch., 18 novembre 2025, n° 24/02154

NANCY

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Scenes Plus (SARL)

Défendeur :

MVS Events (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cunin-Weber

Conseiller :

M. Firon

Avocats :

Me Pereira, Me Cuvillier, Me Cuisinier, Me Bernard, Me Chatriot

TJ Nancy, du 25 sept. 2024, n° 22/03136

25 septembre 2024

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Scènes Plus, créée le 13 février 1990, a pour activité l'organisation d'événements personnels ou professionnels, incluant notamment la fourniture de chapiteaux, mobilier, éclairage, sonorisation, vidéo.

Entre l'été 2019 et le début de l'année 2020, la société Scènes Plus a ponctuellement fait appel à Monsieur [B] [S], entrepreneur individuel exerçant sous l'enseigne MVS Location, pour réaliser des travaux de menuiserie.

Ultérieurement, en 2021 et 2022, MVS Location est devenue cliente de la société Scènes Plus.

Le 28 octobre 2021, Monsieur [S] a immatriculé la SAS MVS Events, ayant pour activité des prestations de services liées à l'organisation d'événements, en proposant notamment la location de tous types de matériel liés à la scène (sonorisation, éclairage, décoration).

Au cours de l'année 2019, la société Scènes Plus a fait appel à Monsieur [N] pour réaliser des reportages photographiques destinés à illustrer son site internet.

Ayant remarqué que la société MVS Events utilisait sur son site internet 'www.mvs-events.fr', ainsi que sur ses pages facebook et instagram, des photographies issues des reportages de Monsieur [N], la société Scènes Plus a fait dresser un procès-verbal de constat le 1er juillet 2022 par Maître [J], commissaire de justice à [Localité 5] portant sur le contenu des sites internet, réseaux sociaux et professionnels de la société MVS Events.

Suivant ordonnance sur requête du 4 août 2022 rendue par le président du tribunal judiciaire de Nancy, une saisie contrefaçon a été opérée le 29 septembre 2022 dans les locaux de la société MVS Events, aux fins de démontrer la détention et l'utilisation par la société de photographies appartenant à la société Scènes Plus.

Par acte d'huissier de justice signifié le 26 octobre 2022, la société Scènes Plus a fait assigner la société MVS Events devant le tribunal judiciaire de Nancy, aux fins de voir reconnaître les actes de contrefaçon outre les actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre, de solliciter la cessation de ces agissements et d'obtenir réparation de ses préjudices.

Par ordonnance d'incident rendue le 26 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nancy a rejeté les exceptions d'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir et incompétence au profit du tribunal de commerce de Dijon formées par la société MVS Events.

Par jugement contradictoire du 25 septembre 2024, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- débouté la société Scènes Plus de ses demandes au titre de son action en contrefaçon,

- dit que la société MVS Events a commis des actes de concurrence déloyale ainsi que des actes de parasitisme à l'égard de la société Scènes Plus,

- condamné la société MVS Events à verser à la société Scènes Plus la somme de 4000 euros en réparation de son préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme répartis comme suit :

- 3000 euros en réparation du préjudice commercial subi par la société Scènes Plus,

- 1000 euros en réparation du préjudice moral subi par la société Scènes Plus,

- débouté la société Scènes Plus des mesures complémentaires sollicitées,

- condamné la société MVS Events à verser à la société Scènes Plus la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société MVS Events aux dépens,

- constaté que le présent jugement est assorti de droit de l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi le tribunal a considéré, sur la contrefaçon de droit d'auteur, que si les sept photographies en cause démontraient un savoir-faire technique incontestable, elle se bornaient à fixer les décors extérieurs choisis d'une manière précise, fidèle et descriptive, sans laisser place à un parti pris créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur. Le choix d'un cadrage ou d'une certaine luminosité par le photographe était inhérent à l'activité de photographe professionnel et n'était pas en soi suffisant pour bénéficier de la protection du droit d'auteur.

Admettant que Monsieur [N] avait effectué certains choix arbitraires témoignant d'un traitement esthétique des décors extérieurs proposés par la société Scènes Plus, le tribunal a retenu que cette dernière ne démontrait pas que le photographe avait fait montre de partis pris créatifs par rapport à la pratique courante de la profession de photographe et que les choix esthétiques de Monsieur [N] correspondaient à ceux usuellement pratiqués dans la photographie d'espaces extérieurs.

En conséquence, la société Scènes Plus de ses demandes à ce titre.

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme, le tribunal a considéré que la reproduction et l'utilisation de ces photographies sans l'autorisation de la société Scènes Plus démontrait une volonté de la part de la société MVS Events de profiter indûment des compétences professionnelles de Monsieur [N] et des investissements réalisés par la société Scènes Plus aux fins de promouvoir sa propre activité et les prestations liées.

Dès lors, le tribunal a retenu que la société MVS Events avait souhaité tirer profit de photographies de qualité professionnelle sans engager les frais investis par son concurrent et avait commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'égard de la société Scènes Plus.

En conséquence, le juge a condamné la société MVS Events à verser à la société Scènes Plus la somme de 3000 euros en réparation de son préjudice commercial, subi du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, et 1000 euros en réparation de son préjudice moral.

En l'absence de contrefaçon de droit d'auteur, le tribunal a débouté la société Scènes Plus de ses demandes de publication.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 1er novembre 2024, la société Scènes Plus a relevé appel de ce jugement.

Par ailleurs, la société Scènes Plus a déposé une requête en omission de statuer aux fins d'obtenir du tribunal la communication des documents comptables de la société MVS Events et sa condamnation à supporter les frais et honoraires de constat et de saisie-contrefaçon.

Par jugement contradictoire du 23 avril 2025, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- débouté la société Scènes Plus de sa demande visant à ordonner à la société MVS Events, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la communication de tous les documents ou informations se rapportant aux commandes réalisées depuis son immatriculation le 28 octobre 2021,

- dit que la condamnation de la société MVS Events au titre des dépens inclus les frais issus de la saisie-contrefaçon,

- dit que les frais engagés au titre du constat de commissaire de justice du 1er juillet 2022 ne sont pas compris dans les dépens mais relèvent de la condamnation de la société MVS Events à verser à la société Scènes Plus 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 6 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société Scènes Plus demande à la cour, sur le fondement des articles L.111-1, L.112-1 et suivants, L.113-1, L.121-1, L.122-4, L.331-1-2, L.335-3 du code de la propriété intellectuelle, 1240 et suivants du code civil, de :

- débouter la société MVS Events de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- réformer le jugement du 25 septembre 2024 du tribunal judiciaire de Nancy en ce qu'il a :

- débouté la société Scènes Plus de ses demandes au titre de son action en contrefaçon,

- condamné la société MVS Events à verser à la société Scènes Plus la somme de 4000 euros en réparation de son préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme répartis comme suit :

- 3000 euros en réparation du préjudice commercial subi par la société Scènes Plus,

- 1000 euros en réparation du préjudice moral subi par la société Scènes Plus,

- débouté la société Scènes Plus des mesures complémentaires sollicitées,

- réformer le jugement du 23 avril 2025 et en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande de communication de pièces et dit que les frais engagés au titre du constat de commissaire de justice du 1er juillet 2022 ne sont pas compris dans les dépens mais relèvent de la condamnation de la société MVS Events à verser à la société Scènes Plus 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- ordonner à la société MVS Events, sous astreinte de 500 euros par jour de retard suivant un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, la communication des tous les documents ou informations se rapportant aux commandes réalisées depuis son immatriculation le 28 octobre 2021, et notamment :

- l'ensemble des devis, bons de commande et factures émis depuis le 28 octobre 2021 comportant le détail des prestations effectuées, l'identité des clients et le prix,

- le premier bilan détaillé (plaquette et liasse fiscale),

- la marge brute réalisée pour ces prestations, c'est-à-dire la marge sur coûts directs (matières premières et personnel de production),

- les statistiques de connexions sur le site 'mvs-events.fr' depuis l'immatriculation,

- juger que la société MVS Events a commis des actes de contrefaçon du droit d'auteur détenus par la société Scènes Plus sur sept photographies litigieuses, tant par la violation de ses droits patrimoniaux que ses droits moraux,

- condamner de ce chef la société MVS Events à verser à titre de provision à valoir sur

l'indemnisation du préjudice de la société Scènes Plus :

- la somme de 12658,50 euros en réparation de l'atteinte à ses droits patrimoniaux,

- la somme de 20000 euros en réparation de l'atteinte à ses droits moraux,

- condamner la société MVS Events à verser à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice de la société Scènes Plus au titre des actes de concurrence déloyale et du parasitisme commis :

- la somme de 64653,34 euros en réparation du préjudice commercial subi,

- la somme de 25000 euros en réparation du préjudice moral subi,

- interdire à la société MVS Events de poursuivre les actes pour lesquels elle est condamnée et sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans deux journaux ou revues au choix de la société Scènes Plus et aux frais de la société MVS Events,

- ordonner la publication complète de l'arrêt à intervenir sur le site internet de la société MVS Events à l'adresse www.mvs-events.fr et ce, avec un lien hypertexte apparent sur la première page dans une police d'une taille de 20 points au moins mentionnant : 'la société MVS Events a été condamnée par la cour d'appel de Nancy pour contrefaçon des droits d'auteur de la société Scènes Plus, ainsi que pour concurrence déloyale et parasitisme' et ce, pendant une durée minimale de trois mois aux seuls frais de la société MVS Events et sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- juger que la cour sera juge de l'exécution de l'arrêt à intervenir en application de l'article 1131-3 du code des procédures civiles d'exécution pour ce qui concerne la liquidation éventuelle des astreintes,

- condamner la société MVS Events à verser à la société Scènes Plus la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société MVS Events en tous les dépens, lesquels incluront les frais et honoraires du commissaire de justice pour le constat sur internet,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 26 mars 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société MVS Events demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la société MVS Events en son appel incident de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Nancy le 25 septembre 2024,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Scènes Plus de ses demandes au titre de son action en contrefaçon,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Scènes Plus des mesures complémentaires sollicitées,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société MVS Events a commis des actes de concurrence déloyale ainsi que des actes de parasitisme à l'égard de la société Scènes Plus,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société MVS Events à payer à la société Scènes Plus la somme de 4000 euros en réparation de son préjudice du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société MVS Events à payer à la société Scènes Plus la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

Et statuant à nouveau,

- débouter la société Scènes Plus de toutes ses demandes,

- confirmer pour le surplus le jugement entrepris en toutes ses dispositions non contraires aux présentes,

- condamner la société Scènes Plus à payer à la société MVS Events la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 29 juillet 2025.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 9 septembre 2025 et le délibéré au 18 novembre 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par la société Scènes Plus le 6 mai 2025 et par la société MVS Events le 26 mars 2025 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 29 juillet 2025 ;

Sur la contrefaçon de droits d'auteur

La demande est fondée sur les dispositions des articles L 111-1, 112-1 et 2 du code de la Propriété intellectuelle.

Sur l'originalité des photographies litigieuses :

La critères jurisprudentiels permettant de caractériser l'originalité d'une oeuvre de l'esprit reposent sur l'existence de choix arbitraires propres à l'auteur ainsi que sur la combinaison de ceux-ci qui démontrent l'effort créatif et un parti pris esthétique portant l'empreinte de sa personnalité.

En matière de photographies, sont pris en considération le cadrage, l'instant convenable de la prise de vue, la qualité des contrastes de couleurs et des reliefs, les jeux de lumière et de volumes, le choix de la pellicule, de l'objectif, du filtre et de la vitesse d'obturation ainsi que les travaux de retouches postérieurs et de tirage.

La demande repose sur sept photographies numérotées ci-après dans l'ordre retenu dans les dernières conclusions de l'appelant. Pour chacune d'entre elles l'appelant a retenu les choix arbitraires suivants:

Photographie n°1

- choix de la prise de vue nocturne,

- le contraste opéré entre l'obscurité environnante et les lumières de la tente, renforcé par la présence de l'éclairage des fenêtres et plates-bandes de la maison d'habitation dans en arrière- plan droit,

- le caractère complémentaire des couleurs chaudes, orangées de la tente et des couleurs froides, bleues du ciel,

- le découpage des pointes de la tente lesquelles se confondent avec la ligne d'arbres en arrière plan,

- l'horizontalité des lignes de perspective ' sol de la tente, plafond de tente, ligne de ciel nocturne renforcée par le choix du format paysage,

- le travail de retouche post-photographique,

l'ensemble faisant ressortir une impression combinée d'évasion et d'exotisme, liée à l'idée de voyage et de quiétude profonde.

Photographie n° 2

- le contraste opéré entre les zones d'ombre du ciel en partie haute et de l'intérieur de la tente avec la luminosité du soleil sur le tissus et sur la pelouse en partie basse, structurant l'image en plusieurs séquences ombre/lumière attirant l'oeil du spectateur sur la tente,

- le découpage des pointes de la tente lesquelles se confondent avec la ligne d'arbres en arrière plan,

- l'horizontalité des lignes de perspective (sol de la tente, plafond de tente, ligne de ciel) renforcée par le choix du format paysage,

- le travail de retouche post-photographique,

la juxtaposition de ces éléments produisant une impression combinée d'évasion et d'exotisme, liée à l'idée de voyage et de paysage davantage local lié à la présence de marronniers et de sol engazonné.

Photographie n°3

- choix du grand angle,

- contraste opéré entre les premier plan bas gauche assez clair constitué par le sol marron clair et les nappes blanches, et l'arrière-plan haut droit assez obscur avec le ciel de tente couvrant toute la partie haute,

- le choix des lignes de fuite constituées d'une part, de la ligne diagonale partant du coin inférieur droit et suivant le nappage et d'autre part, celle partant de ce même coin et suivant la ligne sol/barrières,

- le travail post-photographique,

la juxtaposition des ces éléments produisant une impression d'évasion et d'exotisme ainsi que celle d'abondance, de richesse et de luxuriance (nombreuses décorations de tables et multiples lumières).

Photographie n°4

- la composition avec un premier plan composé de divers plateaux de bougies, d'un second plan formé par des lampes chinoises dans les arbres et d'un arrière-plan composé de la tente stretch éclairée,

- le jeu de lumière sur tous les plans,

- choix du grand angle,

- choix de la prise de vue nocturne,

- le travail de retouches post-photographique,

l'ensemble produisant les mêmes impressions que celles résultant de la photographie n°1.

Photographie n°5

- la composition avec un premier plan composé du chemin de torches, d'un second plan, formé par la tente stretch éclairée et un arrière plan montrant les arbres environnants,

- la perspective avec un chemin de torches lequel invite le spectateur à observer la tente stretch occupant une position centrale et horizontale sur la partie centrale du cliché,

- le contraste de lumières avec une ligne médiane très chaude avec les lumières de la tente et celles des arbres en partie gauche, et la partie inférieure et supérieure du cliché très sombres,

- le travail de retouches post-photographiques.

L'ensemble produisant les mêmes impressions que celles résultant de la photographie n°1

Photographie n°6

- le choix du format grand angle,

- le choix de ne faire figurer qu'une table au premier plan et de nombreuses autres au second plan,

- la composition très monochrome par la présence du nappage de couleurs claire et du ciel tendu de même couleur,

- le rappel des plis du nappage avec ceux du ciel tendu,

- l'horizontalité des lignes de perspective (ligne de table et ligne sous le ciel tendu) renforcée par le choix du format paysage,

- le travail de retouche post-photographique,

Il ressort de la juxtaposition de ces éléments une impression de pureté, d'apaisement, de luxe, d'abondance et de richesse, évoquée par la délicatesse de la décoration de table et du ciel tendu.

Photographie n°7

- le choix du cadrage,

- la composition comportant à gauche un château et à droite la tente, se reflétant 'en miroir' avec le rappel des fenêtres,

- la structuration en trois parties: le premier plan très pur de couleur verte, le second plan avec les sujets principaux et le troisième avec le ciel nuageux et les feuilles ,

- la complexité des lignes de perspective, horizontale par la ligne de pelouse, diagonale par la ligne de forêt, croisée par les lignes du toit du château et celui de la tente,

- le travail de retouche post-photographique.

La juxtaposition de ces éléments faisant ressortir une impression combinée de pureté, d'apaisement et de luxe, abondance et richesse évoquée par les éléments architecturaux tant du château que de la structure mobile.

L'intimée oppose que les photographies litigieuses ne montrent aucun parti pris esthétique reflétant la personnalité de leur auteur, mais un simple savoir-faire exécuté dans le cadre d'une prestation de service par un professionnel normalement compétent. Elle ajoute qu'une recherche sur internet avec le mot clé ' tentes de mariage' permet de trouver quantité de photographies similaires.

La cour rappelle que les choix opérés par le photographe et spécialement dans le cadre d'une commande destinées à illustrer pour de la publicité les services proposés par une société qui organise des mariages et des fêtes de toutes natures réalisés sous tente comme c'est le cas en l'espèce, suppose que ceux-ci soient arbitraires et dès lors, non dictés par les impératifs inhérents à ladite commande.

Il va de soi que les photographies doivent montrer les tentes en usage par le commanditaire, leur disposition dans le ou les sites retenus par celui-ci, l'agencement intérieur, incluant le mobilier et le dressage des tables ainsi que les types de lumières proposées, tous éléments sur lesquels le photographe ne dispose d'aucune initiative personnelle.

Ceci étant posé, il y a lieu d'examiner si les caractéristiques invoquées pour chacune des photographies revendiquées témoignent de réels choix arbitraires susceptibles de porter l'empreinte de la personnalité du photographe.

La photographie n°1 représente une tente dite stretch montrée en son entier en prise de vue nocturne, l'intérieur de la tente étant évidemment éclairée, tout comme la maison en arrière plan.

Les fêtes organisées par l'intimée ayant lieu au moins pour partie de soir, il était indispensable que le reportage montre le rendu dans cette situation, ce qui est du reste le cas pour trois des photographies revendiquées. Le photographe n'a choisi ni la forme de la tente, ni sa couleur, ni le terrain sur lequel elle a été montée, pas plus que son implantation sur ce terrain.

Il suit de là que le fait que la tente éclairée se détache sur un fond d'arbres avec le ciel en arrière plan procède d'un rendu imposé et non d'un choix. Aucune précision n'est fournie sur le travail de retouches qui aurait été réalisé.

Cette photographie, certes de qualité professionnelle, est dépourvue d'originalité.

La photographie n°2, représente une tente stretch prise sur le même terrain que ci-dessus, mais sous un angle légèrement décalé vers la droite, par une journée ensoleillée. La lumière venant de la gauche et cette partie de la structure étant fermée, l'intérieur de la tente est dans l'ombre, générant le contraste revendiqué lequel ne dépend que du seul choix de l'heure de la prise de vue.

Les trois caractéristiques suivantes étant les mêmes que celles de la photographie précédente, les mêmes conclusions s'appliquent, de sorte qu'elle n'est pas davantage porteuse de l'empreinte de la personnalité de son auteur.

La photographie n°3 représente l'une vue rapprochée de l'intérieur de la tente, représentant l'agencement des tables nappées de clair, le couvert mis et les chaises disposées autour des tables. Le sol et la tente sont de couleur marron clair. Les tables sont éclairées. Le contraste de couleurs existant entre sol et tente d'une part et nappes claires d'autre part, ne procède pas d'un choix du photographe mais de celui de la société Scènes Plus; les lignes de fuite qui seraient marquées au coin inférieur droit par le nappage, le sol et la délimitation de celui-ci par des barrières de cordes, ne procèdent pas d'un choix esthétique mais de la volonté de montrer la profondeur du lieu, indication qui a son importance pour la clientèle potentielle.

La photographie n° 4 est une vue nocturne de la tente stretch éclairée qui se détache sur un fond de grands arbres. Le premier plan est constitué à droite de plusieurs plateaux dorés portant des bougies allumées, surmontés de branches d'arbres auxquelles sont suspendues des lampes chinoises. A gauche, le chemin menant vers la tente est matérialisé par des torches.

Cependant, le photographe ne démontre pas qu'il serait l'auteur de cet aménagement des lumières, dont il n'a choisi que l'angle de la prise de vue destiné à faire ressortir les bougies sur les plateaux et les lampes chinoises, choix dicté, pour un professionnel, par la scène à mettre en valeur, qui a pour objet de montrer le caractère particulièrement soigné des abords et du chemin d'accès à la tente, sans qu'il en résulte une empreinte personnelle.

La photographie n°5 est une vue rapprochée de la précédente, montrant le chemin de torches menant à la tente. Ici encore, ce qui est qualifié de composition photographique est en fait une représentation de l'aménagement soigné du chemin d'accès tel qu'il existe. La tente présentée de nuit et éclairée produit nécessairement un contraste entre l'ombre et la lumière, habilement rendu et sans doute amélioré par un travail ultérieur à la prise de vue, travail sur la nature duquel cependant aucune précision n'est fournie ainsi qu'il a été dit ci-dessus.

Cette photographie ne montre aucun choix arbitraire effectué par son auteur.

La photographie n°6 présente l'intérieur d'une autre tente de couleur blanche dont le toit est garni d'un dais plissé également blanc. Des tables rondes nappées de blanc autour desquelles dont disposées des chaises pareillement blanches meublent la tente. Il en résulte une composition monochrome qui ne procède pas d'un choix photographique mais d'une donnée de ce qui est à représenter, de même que les plis des nappes rappelant les plis du dais. Le fait de présenter une table en premier plan ne résulte pas d'un choix de nature esthétique, mais correspond à la nécessité de montrer au public intéressé la manière raffinée dont les tables sont dressées. La perspective est fournie quant à elle par la partie centrale du dais plissé qui le divise dans toute sa longueur. Il s'agit là également d'une donnée et non d'un choix.

Les caractéristiques relevées par l'intimée ne sont donc pas révélatrices de la personnalité du photographe.

La photographie n° 7 représente à droite une tente de couleur blanche fermée et présentant quatre fenêtres. Elle est montée sur la pelouse d'un château partiellement représenté à gauche, le dernier plan étant constitué de grands arbres, le tout sous un ciel nuageux. Contrairement à ce que relève l'appelante, le cadrage n'est pas révélateur d'un choix esthétique en cela qu'il donne à voir, sans effet de perspective particulier, une tente blanche montée sur la pelouse du parc d'un château. La ressemblance, au demeurant assez lointaine, entre certaines des fenêtres du château et celles de la tente corrrespond à une réalité qui n'est pas l'oeuvre du photographe. Les composantes considérées ne confère pas à cette photographie une originalité propre.

En conséquence, le jugement contesté sera confirmé en ce qu'il a débouté l'appelante de ses demandes sur le fondement du droit d'auteur, tant sur le principe que sur les mesures réparatrices, incluant les mesures de publication sollicitées.

Sur la concurrence déloyale

L'appelante expose que le fait pour la SAS MVS Events de reproduire sur son site Internet et ses comptes Facebook et Instagram les photographies qu'elle utilise pour sa propre publicité, notamment sur Internet constituent des actes de concurrence déloyale en ce que cet usage a pour conséquence de créer un risque de confusion dans l'esprit du public concerné, dès lors que les deux entreprises développent la même activité dans un même secteur géographique, risque de confusion encore accru par le fait que le site Internet de l'intimée adopte une ergonomie identique (sous-onglets, utilisation de pictogrammes pour les références et pour l'ancienneté en particulier). Elle ajoute que la SAS MVS Events a démarché ses propres clients afin de s'approprier les marchés en proposant des prix moins élevés. Ainsi, un certain nombre de clients ont-ils annulé leurs commandes au cours de la période estivale 2022.

L'intimée oppose que les faits fautifs allégués ne sont pas démontrés. La similitude entre les sites Internet d'entreprises développant des activités identiques résulte d'une standardisation du genre. Cependant, les présentations sont différentes à bien des égards de sorte qu'aucun risque de confusion ne peut en résulter de la part de potentiels clients normalement avisés.

La société Scènes Plus ne démontre pas le détournement de clientèle avéré, la seule circonstance qu'un seul client se soit trompé, ne saurait suffire à l'établir, pas plus que des annulations de commandes ou le défaut de réponse à des devis.

Le constat d'huissier réalisé le 1er juillet 2022 sur le site Internet de la SAS MVS Events montre que les sept photographies décrites au titre de la contrefaçon ont été abondamment reproduites, pour certaines à plusieurs reprises en tout ou partie et dans différentes mises en page. Elles constituent la majeure partie des visuels présentés sur ce site, lequel donne accès à un catalogue en format PDF qui reprend une nouvelle fois ces photographies. En outre, du fait de leur meilleure qualité, ce sont elles qui retiennent plus particulièrement l'attention.

Il n'est pas contesté que lesdites photographies sont reprises également sur les pages Facebook et Instagram de cette société.

Il est par ailleurs avéré que cette présentation a effectivement engendré confusion dans l'esprit du public entre les prestations offertes par les deux sociétés ce qui résulte d'une part, du post Instagram de la société Mymixo et d'autre part, de l'annulation de commande de Madame [W] qui a contracté avec la SAS MVS Events pensant avoir donné suite au devis que lui avait proposé la SARL Scènes Plus.

Ce comportement, adopté de surcroît par un concurrent direct dans une même zone de chalandise est constitutif d'une faute portant atteinte à la loyauté qui doit être observée dans la vie des affaires.

Il n'est en revanche pas démontré que le site de l'intimée reprendrait la même ergonomie que celle du site de l'appelante, dès lors que la cour ne dispose pas d'une copie du site de cette dernière, mais seulement de quelques éléments épars.

Sur le parasitisme

L'appelante fait valoir que la SAS MVS Events s'est délibérément placée dans son sillage en utilisant les photographies liées à des événements qu'elle n'a pas organisés ainsi que la tente 'stretch', qui constitue son produit phare, quand bien même elle n'en est pas le fabricant. Ainsi s'est elle approprié ses investissements et son savoir-faire et pour en tirer indûment un avantage, cette pratique lui permettant de proposer des tarifs plus attractifs et ce d'autant que son dirigeant a acquis les connaissances techniques et la clientèle lors de leurs relations antérieures.

L'intimée oppose que la Sarl Scènes Plus ne démontre pas d'un savoir-faire particulier, ni d'investissements promotionnels, ni d'un travail intellectuel dépassant celui qui est normalement nécessaire. En ce qui concerne l'usage des photographies, elle ne justifie pas de la dépense engagée. Elle ne dispose pas d'un droit privatif à utiliser les tentes 'stretch'.

Il n'est pas contesté que Monsieur [S] a été prestataire de services au profit de la Sarl Scènes Plus en 2019, avant de devenir un client de celle-ci, puis de créer la SAS MVS Events en octobre 2021, ce qui lui a permis de se familiariser avec la pratique de l'organisation d'événements selon les modalités en usage au sein de la société Scènes Plus et de rencontrer certains clients, sans qu'il puisse toutefois être affirmé qu'il ait pu avoir accès aux documents comptables, ainsi qu'il est suggéré. La société MVS Events a, à l'évidence, reproduit un modèle similaire, pour organiser le même type d'événements en utilisant les mêmes représentations et le même matériel, peu important que la société Scènes Plus ne dispose pas sur ceux-ci de droits de propriété intellectuelle. Ce faisant, elle s'est placée dans le sillage de cette dernière en s'épargnant dépenses et travail de réflexion, ce qui constitue un comportement fautif dans la vie des affaires.

Sur l'indemnisation du préjudice subi au titres des actes de concurrence déloyale et parasitaire

Le site Internet de la SAS MVS Events a été créé en février 2022, la facture correspondante étant datée du 4 mars 2022. Cette société affirme avoir retiré les photographies litigieuses de ce site le 29 septembre 2022. Le procès-verbal de constat en date du 5 octobre 2022 montre cependant qu'à cette date figuraient encore sur ce site deux desdites photographies portant ci-avant les numéros 6 et 7, la photographie n° 6 étant représentée plusieurs fois. Cependant, force est de constater que la présentation du site internet de l'intimée à cette date s'en trouve substantiellement modifiée de telle sorte qu'il n'encourt plus les griefs ci-dessus retenus.

Il sera dès lors tenu compte de cette période pour l'évaluation du préjudice étant observé que la SARL Scènes Plus calcule son préjudice matériel en se fondant sur une liste d'annulations de commandes correspondant à des prestations qui devaient avoir lieu entre le mois de mars et le mois de juillet 2022.

Le montant total de ces commandes annulées est de 174 385 euros TTC, rapporté à une marge brute moyenne de 37,075% dont il est justifié pour les années 2018 et 2019.

Il y a lieu de relever cependant que la marge brute doit être calculée sur le montant des ventes hors taxes, de sorte que la base de calcul doit être diminuée de 20%. Celui-ci s'établit ainsi à 130 508 euros, correspondant à une perte de marge brute de 51715 euros.

Elle justifie que trois des annulations en cause ont correspondu à des commandes effectivement passées à la SAS MVS Events et de ce que deux autre clients récurrents, le [Localité 4] de [Localité 3] et la société EMA Events ne l'ont plus contactée depuis la fin de l'année 2021.

La SAS MVS Events n'est pas fondée à constester la réalité de ce préjudice dans la mesure où il lui a été fait sommation dans l'acte d'assignation de produire des pièces comptables et notamment l'ensemble des devis, bons de commandes et factures comportant l'identité des clients et le prix, et ce à compter du 26 octobre 2021. Si la période visée était incontestablement trop large, ainsi qu'il a été dit, il n'en demeure pas moins qu'étant ultérieurement en possession de la liste des commandes annulées, elle se devait de produire à tout le moins les éléments correspondant de son compte clients, la Sarl Scènes Plus ne disposant d'aucun autre moyen d'établir le montant de son préjudice. La SAS MVS Events s'étant abstenue de le faire, il n'y a pas lieu d'ordonner la communication de ces documents sous astreinte, la cour faisant usage du pouvoir qui lui est donné par l'article 11 du code de procédure civile.

Le jugement rendu le 23 avril 2025 sur ce point sera dès lors confirmé.

Le préjudice ayant été causé par les fautes ci-dessus relevées, il sera alloué à la SARL Scènes Plus la somme de 51715 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel.

Il sera par ailleurs alloué à la SARL Scènes Plus la somme de 10000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur les frais et dépens

La SAS MVS Events sera condamnée aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 25 septembre 2024 en ce qu'il a débouté la Sarl Scènes Plus de ses demandes fondées sur la contrefaçon de droits d'auteur ;

Confirme le jugement rendu le 25 septembre 2024 par ce même tribunal en ce qu'il a dit que la SAS MVS Events a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la SARL Scènes Plus ;

Confirme le jugement rendu le 23 avril 2025 par ce même tribunal sur requête en omission de statuer en ce qu'il a rejeté la demande de communication de pièces comptables par la SAS MVS Events sous astreinte ;

Infirme ledit jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS MVS Events à payer à la SARL Scènes Plus la somme de 51715 euros (cinquante-et-un mille sept cent quinze euros) en réparation de son préjudice commercial et la somme de 10000 euros (dix mille euros) en réparation de son préjudice moral ;

Condamne la SAS MVS Events aux entiers dépens et à payer à la SARL Scènes Plus la somme de 3500 euros (trois mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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