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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 18 novembre 2025, n° 25/00448

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

People Vox (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

V. Salmeron

Conseillers :

I. Martin de la Moutte, S. Moulayes

Avocats :

Me Lenoir, Me Lapierre

T. com. [Localité 11], du 30 janv. 2025,…

30 janvier 2025

Exposé des faits et procédure

La Sas People Vox est une société exerçant une activité d'études généralistes et de sondages d'opinion.

Madame [I] [X] a été salariée de la Sas People Vox dans laquelle elle a exercé le poste de directrice conseil et développement.

Le 26 juillet 2023, Madame [I] [X] et la Sas People Vox se sont accordées sur une une rupture conventionnelle du contrat de travail de la salariée laquelle a définitivement quitté les effectifs de la société le 29 septembre 2023.

Madame [K] [J] a été salariée de la Sas People Vox et exercé le poste de directrice de la production.

Le 20 octobre 2023, Madame [K] [J] et la Sas People Vox se sont accordées sur une une rupture conventionnelle du contrat de travail de la salariée. Cette dernière a définitivement quitté les effectifs de la société le 15 décembre 2023.

Postérieurement à son départ, Madame [I] [X] a créé la Sas [N] Opinion qui a été immatriculée le 12 décembre 2023. Son activité a débuté le 23 novembre 2023.

Postérieurement, à son départ, Madame [K] [J] a acquis des titres au sein de la Sas [N] Opinion et a été nommée directrice générale de la Sas [N] Opinion par décision du 22 janvier 2024.

Par requête du 7 mai 2024, la Sas People Vox a saisi le président du tribunal de commerce de Toulouse aux fins d'obtenir une mesure d'instruction in futurum dans la perspective d'intenter une action sur le fondement de la concurrence déloyale et/ou parasitisme à l'encontre de ses anciennes salariées et de la société [N] Opinion.

Par ordonnance en date du 15 mai 2024, le président du tribunal de commerce de Toulouse a désigné la Selarl [G], en qualité de commissaires de justice à Toulouse, prise en la personne de Maître [Y] [G], demeurant [Adresse 3] avec pour mission, notamment, de :

- Rechercher y compris informatiquement et/ou se faire remettre immédiatement et prendre copie (de manière dématérialisée et/ou papier) de tout e-mail sur la messagerie électronique de Madame [J] (nom de domaine [N] opinion) et sur la messagerie électronique professionnelle de Madame [X] (nom de domaine [N] opinion), sur la période courant du 19 juillet 2023 jusqu'à la date de la mesure, comprenant un certain nombre de mots clés,

- Rechercher y compris informatiquement et/ou se faire remettre immédiatement et prendre copie (de manière dématérialisée et/ou papier) de tout e-mail sur la messagerie électronique de Madame [J] (nom de domaine [N] opinion) échangé avec la messagerie professionnelle de Madame [X] (nom de domaine [N] opinion), sur la période antérieure à la rupture du contrat de travail de Madame [J], à savoir antérieurement au 15 décembre 2023,

- Rechercher sur les répertoires informatiques locaux des ordinateurs de la société [N] Opinion et de ses associées dirigeantes, ainsi que sur le ou les espaces cloud partagés de la société [N] Opinion et/ou de ses associées dirigeantes, et enfin sur tout autre support de sauvegarde physique tel que disque dur externe, et/ou se faire remettre immédiatement et prendre copie de divers éléments informatiques.

L'ordonnance prévoyait également, notamment, que :

- Le commissaire de justice désigné devra garder sous séquestre l'ensemble des documents, fichiers et correspondances électroniques récoltés, jusqu'à la décision définitive du juge statuant sur la modification ou la rétractation de l'ordonnance, ou jusqu'à l'expiration du délai prévu par l'article R. 153-1 du Code de commerce ;

- La levée du séquestre ne pourra intervenir qu'à l'expiration du délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, prévu par l'article R. 153-1 du code de commerce en l'absence de demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance à intervenir.

Le 14 juin 2024, il a été procédé aux opérations simultanées de constat et de saisies, l'une par Me [D] au domicile personnel de Madame [J] à [Localité 10], et l'autre par Me [G] au domicile personnel de Madame [X] à [Localité 11].

Le 11 juillet 2024, Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion ont assigné la société People Vox en rétractation de l'ordonnance la Sas People Vox.

Par ordonnance du 30 janvier 2025, le tribunal de commerce de Toulouse a :

- débouté la Sas People Vox de sa demande de levée du séquestre,

- débouté Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion de leur demande de rétractation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Toulouse en date du 15 mai 2024,

- invité Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion à mieux se pourvoir au sujet des opérations de tri,

- condamné solidairement Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion à payer à la Sas People Vox la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion aux dépens.

Par déclaration en date du 11 février 2025, Madame [K] [J], Madame [I] [X], la Sas [N] Opinion ont relevé appel du jugement. La portée de l'appel est l'infirmation et/ou l'annulation des chefs du jugement qui ont':

- débouté Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion de leur demande de rétractation de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Toulouse en date du 15 mai 2024,

- invité Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion à mieux se pourvoir au sujet des opérations de tri,

- condamné solidairement Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion à payer à la Sas People Vox la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné solidairement Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion aux dépens.

Le 18 février 2025, l'affaire a été fixée à bref délai par application des articles des articles 904, 905 et 906 du code de procédure civile.

La clôture de l'affaire est intervenue le 28 juillet 2025.

Prétentions et moyens des parties'

Vu les conclusions d'appelantes et d'intimées à titre incident notifiées le 22 juillet 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Madame [K] [J], Madame [I] [X], la Sas [N] Opinion demandant, au visa des articles 145, 465, 493, 494, 495, 496, 502, 566, 696, 700, 845 et 874 et suivants du code de procédure civile, L721-3 du code de commerce, R153-8 du code de commerce, L151-1 et suivants, R153-1 et suivants du Code de commerce, 211-3 du code de l'organisation judiciaire, L1411-1 et suivants du Code du travail, de:

- infirmer l'ordonnance entreprise du 30 janvier 2025 en ce qu'elle a déclaré compétent le Président du Tribunal de commerce pour statuer sur la requête de la société People Vox déposée le 7 mai 2024 ;

A titre subsidiaire, compte tenu de l'appel incident de People Vox,

- confirmer l'ordonnance entreprise du 30 janvier 2025 en ce qu'elle a déclaré compétent le président du tribunal de commerce pour statuer sur le respect des exigences des articles 495 et 502 du code de procédure civile et ainsi rejeté l'exception d'incompétence soulevée par People Vox,

- infirmer l'ordonnance du 30 janvier 2025 en ce qu'elle a':

- débouté Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion de leur demande de rétractation de l'ordonnance du président du Tribunal de commerce de Toulouse en date du 15 mai 2024 ;

- invité Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion à mieux se pourvoir au sujet des opérations de tri ;

- condamné solidairement Madame [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion à payer à la Sas People Vox la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [K] [J], Madame [I] [X] et la Sas [N] Opinion aux dépens,

- confirmer l'ordonnance entreprise du 30 janvier 2025 en ce qu'elle a :

- débouté la Sas People Vox de sa demande de levée du séquestre ;

et, statuant à nouveau, de :

in limine litis':

- accueillir l'exception d'incompétence soulevée par Madame [X], Madame [J] et [N] Opinion ;

en conséquence :

- Renvoyer People Vox à mieux se pourvoir devant Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Toulouse ;

- Rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance du 15/05/2024 rendue par le Président du Tribunal de commerce de Toulouse ;

à titre subsidiaire, compte tenu de l'appel incident de People Vox':

- débouter la société People Vox de sa prétendue exception d'incompétence du juge de la rétractation pour statuer sur le respect des exigences des articles 495 et 502 du code de procédure civile,

à titre liminaire,

- Juger Mme [X], Mme [J] et [N] Opinion recevables en leurs demandes;

à titre principal,

- Juger [N] Opinion bien fondée en sa demande en rétractation compte tenu de l'absence de signification et de remise de la copie de la requête et de l'ordonnance à [N] Opinion ;

- Juger Mme [X], Mme [J] bien fondées en leur demande en rétractation compte tenu de l'irrecevabilité de la requête du fait du défaut d'indication précise des pièces invoquées dans la signification qui leur a été faite, en violation de l'article 494 du Code de procédure civile et de l'absence de présentation de l'original de l'ordonnance préalablement à l'exécution de la mesure en violation des articles 495 et 502 du code de procédure civile ;

En conséquence :

- Rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance du 15 mai 2024 rendue par le président du tribunal de commerce de Toulouse ;

- Prononcer la nullité des procès-verbaux de constat des 14 juin 2024 de Me [D] et de Me [Y] [G], des saisies et de tout acte subséquent ;

- Ordonner à la Selarl [G] et en particulier à Me [D] et Me [G] de restituer à Mme [J], Mme [X] et [N] Opinion l'intégralité des pièces saisies lors des opérations de constat et de saisies diligentées le 14 juin 2024 ;

- Ordonner à la Selarl [G] et en particulier à Me [D] et Me [G] de détruire l'intégralité des pièces saisies et qui auraient pu être séquestrées entre ses mains lors des opérations de constat et de saisies diligentées le 14 juin 2024 ;

- Interdire à People Vox de faire quelque usage que ce soit des procès-verbaux de constat établis de Me [D] et Me [G] du 14/06/2024 et des pièces annexées sous peine d'engager sa responsabilité civile ;

à titre subsidiaire':

- Juger Madame [X], Madame [J] et la société [N] Opinion bien fondées en leur demande en rétractation, compte tenu de l'absence de motif légitime invoqué au soutien de la requête en violation des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile ;

En conséquence :

- Rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance du 15/05/2024 rendue par le Président du tribunal de commerce de Toulouse ;

- Prononcer la nullité des procès-verbaux de constat des 14/06/2024 de Me [D] et de Me [Y] [G], des saisies et de tout acte subséquent ;

- Ordonner à la Selarl [G] et en particulier à Me [D] et Me [G] de restituer à Madame [J], Madame [X] et [N] Opinion l'intégralité des pièces saisies lors des opérations de constat et de saisies diligentées le 14/06/2024 ;

- Ordonner à la Selarl [G] et en particulier à Me [D] et Me [G] de détruire l'intégralité des pièces saisies et qui auraient pu être séquestrées entre ses mains lors des opérations de constat et de saisies diligentées le 14 juin 2024 ;

- Interdire à People Vox de faire quelque usage que ce soit des procès-verbaux de constat établis de Me [D] et Me [G] du 14 juin 2024 et des pièces annexées sous peine d'engager sa responsabilité civile ;

à titre plus subsidiaire':

- Juger Mme [X], Madame [J] et la société [N] Opinion bien fondées en leur demande en rétractation, compte tenu du caractère manifestement disproportionné des mesures d'instruction autorisées ;

en conséquence :

- Rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance du 15 mai 2024 rendue par le Président du tribunal de commerce de Toulouse ;

- Prononcer la nullité des procès-verbaux de constat des 14/06/2024 de Me [D] et de Me [Y] [G], des saisies et de tout acte subséquent ;

- Ordonner à la Selarl [G] et en particulier à Me [D] et Me [G] de restituer à Madame [J], Madame [X] et [N] Opinion l'intégralité des pièces saisies lors des opérations de constat et de saisies diligentées le 14/06/2024 ;

- Ordonner à la Selarl [G] et en particulier à Me [D] et Me [G] de détruire l'intégralité des pièces saisies et qui auraient pu être séquestrées entre ses mains lors des opérations de constat et de saisies diligentées le 14/06/2024 ;

Interdire à People Vox de faire quelque usage que ce soit des procès-verbaux de constat établis de Me [D] et Me [G] du 14/06/2024 et des pièces annexées sous peine d'engager sa responsabilité civile ;

A titre infiniment subsidiaire,

- Ordonner la mise en 'uvre d'une procédure de tri conformément aux dispositions des articles L. 153-1 et suivants R. 153-2 et suivants du code de commerce ;

en conséquence :

- Ordonner à la Selarl [G], titulaire d'un office de commissaires de Justice « [Y] [G], commissaire de justice associé, [O] [D], [V] [C], commissaire de justice », à la résidence de [Localité 11], y demeurant [Adresse 2], prise en la personne de Maître [Y] [G], de ne pas se dessaisir des fichiers et documents faisant l'objet de la mesure de séquestre à la suite de la saisie pratiquée le 14 juin 2024 au domicile de Madame [I] [X], tant qu'une décision définitive ne lui en aura pas donné l'ordre,

- Ordonner à la Selarl [G], titulaire d'un office de commissaires de Justice « [Y] [G], commissaire de justice associé, [O] [D], [V] [C], commissaire de justice », à la résidence de [Localité 11], y demeurant [Adresse 2], prise en la personne de Maître [O] [D], de ne pas se dessaisir des fichiers et documents faisant l'objet de la mesure de séquestre à la suite de la saisie pratiquée le 14 juin 2024 au domicile de Madame [K] [J], tant qu'une décision définitive ne lui en aura pas donné l'ordre ;

- Commettre la Selarl [G], titulaire d'un office de commissaires de justice « [Y] [G], commissaire de justice associé, [O] [D], [V] [C], commissaire de justice », à la résidence de [Localité 11], y demeurant [Adresse 2], prise en la personne de Maître [Y] [G], pour procéder à l'inventaire et à l'indexation des pièces saisies lors de la mesure pratiquée le 14 juin 2024 au domicile de Madame [I] [X], avec faculté pour elle de se faire assister de tout technicien de son choix, notamment expert ;

- Commettre la Selarl [G], titulaire d'un office de commissaires de justice « [Y] [G], commissaire de justice associé, [O] [D], [V] [C], commissaire de justice », à la résidence de [Localité 11], y demeurant [Adresse 2], prise en la personne de Maître [O] [D], pour procéder à l'inventaire et à l'indexation des pièces saisies lors de la mesure pratiquée le 14juin 2024 au domicile de Madame [K] [J], avec faculté pour elle de se faire assister de tout technicien de son choix, notamment expert ;

- Ordonner à la Selarl [G], titulaire d'un office de commissaires de Justice « [Y] [G], commissaire de justice associé, [O] [D], [V] [C], commissaire de justice », à la résidence de [Localité 11], y demeurant [Adresse 2], prise en la personne de Maître [Y] [G] et de Maître [O] [D], de remettre sous huitaine à la société [N] Opinion une copie de l'ensemble des supports et/ou fichiers informatiques séquestrés en exécution de l'ordonnance du 15 mai 2024, avec faculté pour elle de se faire assister de tout technicien de son choix, notamment expert, pour procéder à cette copie ;

- Renvoyer la cause, devant le président du tribunal de commerce de Toulouse à un mois pour que ce dernier définisse avec les parties, après réception par les concluantes de la liste des documents saisis, un calendrier pour qu'elles puissent procéder au tri des documents et à la préparation du mémoire visé à l'article R.153-3 du code de commerce, ou ordonne un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définition sur la rétractation,

- Condamner People Vox à prendre en charge le coût de cette mission d'inventaire et d'indexation et plus généralement la totalité des frais occasionnés par la mesure d'instruction,

- Débouter People Vox de sa demande subsidiaire relative aux conditions de mise en 'uvre de la procédure de tri,

En tout état de cause':

- Débouter People Vox de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner People Vox à rembourser à Madame [X], Madame [J] et la Sas [N] Opinion la somme de 7.500 euros correspondant aux condamnations prononcées à leur encontre à tort en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner People Vox à verser à Madame [I] [X], à Madame [J] et à [N] Opinion la somme de 8.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner People Vox aux entiers dépens de première instance et en appel.

Vu les conclusions d'intimée et d'appel incident notifiées le 23 juillet 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sas People Vox demandant, au visa des articles 145, 494, 495, 502 et suivants du code de procédure civile, L721-3 du code de commerce, L151-1 du code de commerce, R153-1 et suivants du code de commerce, 696 et 700 du code de procédure civile, de:

Au vu de l'appel principal partiel des chefs de jugement critiqués par Madame [X], Madame [J] et la société [N] Opinion, et au vu de l'appel incident des deux chefs de jugement suivants critiqués par la société People Vox':

- in limine litis sur l'appel incident (1er chef de jugement dont appel incident),

Infirmer partiellement le chef de jugement par lequel le président s'est déclaré compétent de manière générale sans avoir statué sur l'exception d'incompétence du juge de la rétraction quant au contentieux de l'exécution de la mesure au visa de l'article 495 du cpc, soulevée par la société People Vox,

ce faisant et in limine litis,

- Accueillir l'exception d'incompétence du juge de la rétractation pour connaître du contentieux de l'exécution de la mesure d'instruction in futurum,

- Juger que le contentieux de l'exécution de la mesure d'instruction in futurum ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation,

- Se déclarer incompétent pour connaître des demandes de nullité pour vice de forme des saisies formées par les appelantes au visa de l'article 495 du code de procédure civile, au double motif d'une part du prétendu défaut de présentation de la minute, d'autre part de la prétendue absence de signification et de la remise de la copie de la requête et de l'ordonnance à la société [N] Opinion par le commissaire de justice,

- sur l'appel principal partiel des appelantes,

- Confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse en date du 30 janvier de tous les chefs de jugements dont appel principal (partiel) des appelants en ce qu'il :

- s'est déclaré compétent pour connaître de la requête pour mesure d'instruction in futurum,

- a débouté Madame [O] [J], Madame [I] [X] et la société [N] Opinion de leur demande de rétractation de l'ordonnance du président du Tribunal de commerce de Toulouse en date du 15 mai 2024,

- a invité Madame [O] [J], Madame [I] [X] et la société [N] Opinion à mieux se pourvoir au sujet des opérations de tri,

- a condamné solidairement Madame [O] [J], Madame [I] [X] et la société [N] Opinion à payer à la société People Vox la soMadame de 7 500 euros au titre de l'article 700 du cpc ainsi qu'aux entiers dépens,

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour estimait devoir infirmer l'ordonnance des chefs de jugement afférents à l'article 700 et aux dépens, réserver les dépens et l'article 700 de première instance et d'appel qui seront liquidés par le juge du fond,

- Sur l'appel incident (2ème chef de jugement dont appel incident),

- Infirmer le chef de jugement par lequel le président a débouté la société People Vox de sa demande de levée de séquestre,

ce faisant et statuant de nouveau,

- Ordonner la levée pure et simple du séquestre opéré par Me [G] et Me [D] sur les pièces saisies lors des opérations réalisées en exécution de l'ordonnance du 15 mai 2024 dès la date de l'ordonnance à intervenir et leur remise à la société People Vox,

A titre subsidiaire :

- Si par extraordinaire tout en accueillant la demande de levée du séquestre et en infirmant partiellement l'ordonnance dont appel de ce chef de jugement, la Cour décidait d'appliquer la procédure de tri des pièces elle devra en fixer les principes directeurs dès son arrêt à intervenir et dans les termes suivants :

- Dire que la levée de séquestre devra se faire conformément aux articles R 153-3 à R153-8 du code de commerce,

- Dire que la Selarl [G] remettra à Madame [J] en qualité d'associé directeur général de la société [N] Opinion les pièces objets de la saisie à son domicile en exécution de l'ordonnance en date du 15 mai 2024 dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir,

- Dire que la Selarl [G] remettra à Madame [X] en qualité d'associé président de la société [N] Opinion les pièces objets de la saisie à son domicile en exécution de l'ordonnance en date du 15 mai 2024 dans le délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir,

- Dire que Madame [J] et Madame [X] procéderont chacune à un tri des pièces séquestrées en 2 catégories:

Catégorie A : les pièces pouvant être communiquées sans examen,

Catégorie B : les pièces qu'elles estiment concernées par le secret des affaires et qu'elles refusent de communiquer,

- Dire que ce tri où chaque pièce sera identifiée par numérotation distincte, sera communiqué au président et à la Selarl [G] en la personne de l'un de ses associés pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré,

- Dire que Madame [J] et Madame [X] pour les pièces qu'elles considèrent concernées par le secret des affaires communiqueront au président du Tribunal de commerce de Toulouse un mémoire précisant pour chaque information ou partie de la pièce en cause les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires,

- Fixer le calendrier suivant

- communication à la Selarl [G] en la personne de l'un de ses associés et au président du tribunal de commerce de Toulouse, des tris de fichiers demandés avec mémoire dans le délai d'un mois à compter de la communication de la copie des pièces saisies par la Selarl [G] à Madame [J] et Madame [X],

- Si le président l'estime requis audition séparée du détenteur de la pièce et de la partie qui demande la communication de la pièce,

- Renvoi de l'affaire après contrôle de cohérence par le commissaire de justice à une audience ultérieure en cabinet pour la réalisation de la levée de séquestre,

- Dire que la procédure sera exécutée aux frais exclusifs de celui qui en demande le bénéfice savoir la société [N] Opinion, Madame [J], et Madame [X],

En tout état de cause,

- Condamner solidairement Madame [O] [J], Madame [I] [X] et la société [N] Opinion à verser à la société People Vox la soMadame de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Motifs

- Sur la compétence du tribunal de commerce de Toulouse pour statuer sur les demandes de la société People Vox

Mesdames [X] et [J] soutiennent que le tribunal de commerce n'est pas compétent pour statuer sur l'action dirigée contre des personnes physiques non commerçantes et qu'une mesure d'instruction in futurum, diligentée dans la perspective d'un procès au fond à l'encontre de personnes physiques prises en leur qualité d'anciennes salariées et/ou de dirigeantes non commerçantes d'une société concurrente, doit être sollicitée devant le président du tribunal judiciaire, y compris lorsque la société concurrente est susceptible d'être visée par l'action au fond.

Au soutien de cette prétention, elles font valoir que seul le CPH est compétent pour apprécier les griefs invoqués à l'égard des 2 anciennes salariées en lien avec des comportements antérieurs à la rupture du contrat de travail, ou même résultant de comportements postérieurs à la rupture mais en lien direct ou procédant du contrat de travail rompu.

Elles ajoutent que seul le tribunal judiciaire est compétent pour statuer sur des actions en concurrence déloyale à l'encontre d'anciens salariés devenus dirigeants d'une société concurrente pour des faits commis postérieurement à la rupture du contrat de travail et qui n'ont aucun lien avec celui-ci.

Elles estiment qu'en l'espèce, la requête n'est pas fondée sur des éléments postérieurs à la rupture.

Elles précisent enfin que dès lors que l'action au fond relève de la compétence du conseil de prud'hommes ou du tribunal judiciaire, le juge compétent est nécessairement le président du tribunal judiciaire.

La société People Vox soutient que dès lors que la mesure est sollicitée afin d'établir des faits de concurrence déloyale imputés à la société [N] Opinion, société commerciale, le président du tribunal de commerce est compétent pour en connaître.

Le juge des requêtes matériellement compétent pour ordonner une mesure sur le fondement de l'article 145 est celui appartenant à l'ordre de juridiction ou à la juridiction susceptible de connaître du litige au fond.

Dès lors que le fond du litige relève, ne serait-ce qu'en partie, de la compétence des juridictions de l'ordre auquel le juge saisi appartient, ou, au sein de l'ordre judiciaire, de la compétence matérielle de la juridiction à laquelle il appartient, le juge des requêtes peut ordonner une mesure d'instruction avant tout procès. (2e Civ., 28 septembre 2017, pourvoi n° 16-19.027).

En l'espèce par conséquent, il importe peu que les personnes devant supporter la mesure sollicitée aient ou non la qualité de commerçantes, ou même que les demandes susceptibles d'être formées au fond à l'encontre des anciennes salariées relèvent de la compétence du conseil de prud'homme ou de celle du tribunal judiciaire puisque la société requérante visait également dans sa requête des faits de parasitisme ou de concurrence déloyale imputés à la société [N] Opinion et que le tribunal de commerce a donc vocation à être saisi au fond d'un litige opposant deux sociétés commerciales.

C'est donc à juste titre que le président du tribunal de commerce a, dans les motifs de l'ordonnance déférée retenu sa compétence. Il n'a toutefois pas statué sur ce point dans le dispositif de la décision. Il convient par conséquent de compléter l'ordonnance déférée et de dire que le tribunal de commerce était compétent pour connaître du litige.

Les appelantes reprochent également à la société People Vox de ne pas avoir fait dénoncer la requête à la société [N] opinion. Elles font valoir que le non respect des dispositions de l'article 495 justifie la rétractation de la mesure et l'annulation des PV relatifs à l'exécution de la mesure.

La société People Vox soutient que le juge de la rétractation n'est pas compétent pour statuer sur les conséquences du non respect des dispositions des articles 495 et 502 du code de procédure civile et notamment la dénonciation de la requête et de l'ordonnance à la personne qui la subit.

Contrairement à ce que soutient la société People Vox, le défaut de respect des exigences de l'alinéa 3 de l'article 495 du code de procédure civile justifie la rétractation de la mesure et il entre donc dans les pouvoirs du juge de la rétractation de s'assurer que la mesure a été exécutée au contradictoire de celui qui l'a subie.

Selon l'article 495, alinéa 3, du code de procédure civile, la copie de la requête et celle de la décision faisant droit à la requête sont laissées à la personne à laquelle elle est opposée.

Cette obligation a pour finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge, et d'apprécier l'opportunité d'un éventuel recours.

Cette obligation vise la personne qui supporte l'exécution de la mesure, c'est à dire celle dans les locaux de laquelle la mesure est exécutée.

En l'espèce, la mesure autorisée a été exécutée par le commissaire de justice au [Adresse 9], domicile de Madame [X] mais également, ainsi qu'il résulte de l'extrait Kbis versé aux débats, siège social de la société [N] Opinion, personne morale directement visée par la requête et par l'ordonnance qui autorisait notamment diverses recherches dans les ordinateurs et les espaces cloud de la société.

Pourtant, alors que la société [N] Opinion a supporté l'exécution de la mesure, l'ordonnance autorisant cette mesure ne lui a pas été dénoncée comme elle aurait dû l'être puisque l'acte du commissaire de justice ne mentionne qu'une dénonciation à Madame [X] et à Madame [J] en leur seul nom personnel.

La violation des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 495 du code de procédure civile

est de nature à justifier la rétractation de l'ordonnance sur requête, sans autre condition, et notamment sans qu'il y ait lieu de démontrer l'existence d'un grief, s'agissant d'une formalité destinée à faire respecter le principe de la contradiction.

Saisi d'une demande de nullité des mesures d'instruction exécutées sur le fondement de l'ordonnance sur requête dont il prononce la rétractation, le juge doit constater la perte de fondement juridique de ces mesures et la nullité qui en découle.

Il convient en conséquence de rétracter l'ordonnance du 15 mai 2024 et d'annuler les procès-verbaux de constat dressés le 14 juin 2024 par Me [D] et Me [G].

Il convient en outre d'ordonner la restitution des pièces saisies par les commissaires de justice et d'interdire à la société People Vox d'en faire usage.

Partie perdante, la société [N] Opinion supportera les dépens de première instance et d'appel.

Elle devra indemniser Mesdames [J] et [X] et la société [N] Opinion des frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'exposer pour les besoins de leur défense.

Par ces motifs

Dit que le tribunal de commerce était compétent pour connaître de l'ordonnance déférée,

Infirme l'ordonnance déférée,

Statuant à nouveau,

Rétracte l'ordonnance du 15 mai 2024 en toutes ses dispositions,

Dit l'ensemble des actes d'exécution de cette ordonnance privés de tout effet,

Prononce la nullité des procès-verbaux établis par la Selarl [G],

Ordonne à la société People Vox de restituer l'ensemble des éléments appréhendés et séquestrés par la Selarl [G] et de détruire toute copie, et dit qu'elle ne pourra faire aucun usage des pièces appréhendées,

Condamne la société People Vox aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société People Vox à payer à Mesdames [J] et [X] et la société [N] Opinion la somme de 2000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

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